samedi 7 mars 2015

Colony - Jean Patou réédition 2015 : je suis Colony.

Depuis très longtemps, je rêvais de le découvrir. La forme de son flacon originel, une sorte d'ananas stylisée, sa couleur d'un jaune doré et profond présageaient un beau parfum. Lors des premières rééditions travaillées par Jean Kerléo dans les années 90, je n'étais à vrai dire pas assez impliqué dans le parfum pour aller le découvrir. Ainsi, Colony est un parfum que j'ai longtemps fantasmé, jusqu'à la semaine dernière, alors que Thomas Fontaine présentait son re-travail à partir des formules d'origine de Vacances, de Colony et de l'Heure Attendue. Autant le dire tout de suite, ces trois là sont de petites merveilles, mais celui qui retiendra immédiatement mon attention et fait exploser mes sens, c'est Colony.
  
"Tu te souviens Rousseau, du paysage aztèque,
Des forêts où poussaient la mangue et l’ananas
Des singes répandant tous le sang des pastèques
Et du blond empereur qu’on fusilla là-bas.
Les tableaux que tu peins, tu les vis au Mexique"
Apollinaire - Ode à Rousseau, 1908

Voici donc résumé en quelques mots ce qu'est pour moi Colony

Je suis Charlie :  le temps des colonies est une période dont on est assez peu fiers, mais je ne veux pas y voir que l'aspect négatif, car c'est aussi, pour nous peuple de chercheurs découvreurs curieux, une période d'ouverture sur de nouveaux horizons, de nouvelles matières (bois, épices), de nouveaux fruits (mangues, ananas, bananes), et des cultures différentes que nous accueillons avec bienveillance, tolérance et ouverture d'esprit. 

Je suis la fête : la fête des années d'arrivée du jazz, du charleston, des pubs où l'on s'amuse, ou l'on boit et fume, où la femme s'émancipe. Le temps où Joséphine Baker secoue des bananes autour de sa taille au son d'une musique entrainante. Colony, c'est une sorte de ti-punch bien garni, qui aiderait à se détendre et à s'amuser.

Je suis Art Déco : parfum Art Déco par excellence, l'épaisseur de ses contours et la richesse de sa texture, la qualité de ses matières me fait penser aux moquettes épaisses et aux bois précieux des lourds meubles vernis des année 30. Colony sent le teck, l'orme, le bois ciré et vernis.

Je suis le voyage : il porte en lui le regard du parfumeur Henri Alméras sur l'abondance nouvelle d'un monde qui s'ouvre, commence à dialoguer et à s'enrichir des apports de nouveaux continents. Les épices (cannelle, girofle), les fleurs précieuses (jasmin, rose), les fruits gorgés de soleil (ananas, bergamote), les bois nobles (vétiver, patchouli, santal), l'ambres et le cuir, toutes les facettes d'une belle oeuvre sont réunies. Colony, c'est contempler un tableau du Douanier Rousseau et se projeter au temps où ces paysages étaient nouveaux, à la fois luxuriants et intrigants car encore inconnus.

Je suis Colony : comment pouvait-il en être autrement, avec moi, Méchant Loup, admirateur depuis mon plus jeune âge de Miss Dior, l'original ? Par sa structure ananas, rose-jasmin, vétiver sur un accord chypré, Colony est indéniablement précurseur de ce merveilleux parfum riche et facetté, mais le cuir et les épices le densifient (sur ma peau en tout cas) et le masculinisent. Je l'avais fantasmé, la réalité est tout aussi belle, et largement à la hauteur de mes attentes. 

Depuis une semaine, je suis Colony.  

Avec Vacances, véritable invitation à flâner dans une allée couverte de lilas, l'Heure Attendue, choc frontal entre les notes aldéhydées de N°5 et de l'ambre vanillé de Shalimar, et ce merveilleux Colony, l'année 2015 Jean Patou est un très bon cru. 

Illustrations : Henri Rousseau, Jean Patou.  

1 commentaire:

  1. J'ai hâte de découvrir cette réédition. Colony c'est sans doute pas politiquement correct aujourd'hui, mais par contre, et pas à cause de cette raison, je l'aurais rebaptisé Tropiques, et même pourquoi pas Tristes Tropiques, ce parfum a quelque chose de mélancolique après tout.

    Dans l'état actuel des choses, on ne trouve que Chaldée et Eau de Patou à New York, les flacons sont vendus 245 dollars hors taxes pour des eaux de toilette, et le packaging est hideux. Je suis pas contre de l'unisexe comme Malle et Lutens, mais là je trouve, enfin je me répète parce que j'en ai déjà parlé, ça fait trop flacon après-rasage pour homme à mon goût. Trop austère.


    Emma

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