Dans les années 80, le slogan de Calandre était : "le parfum de l'époque", et je vais donc aborder cet article sous cet angle, car c'est exactement ce que j'avais envie d'évoquer. Calandre assurait une transition parfaite entre les parfums du passé, et une vision du futur, par sa structure florale métallique dont l'éclat se mariait bien avec les robes scintillantes du couturier. Paco Rabanne pour Homme, fougère visionnaire en son temps, vieillit très bien et sert toujours de référence aujourd'hui.
Après un petit passage à vide dans les années 1990-2000, la marque revient pour tenter d'imposer de nouveaux codes. Pour le coup, dans ces années là, ils sont peut-être trop ou pas assez avant-gardistes. XS, métallique et un peu froid suit les codes de son temp sans vraiment se distinguer, Ultraviolet Man est un parfum "mohair" parfaitement unigenre mais on en parle pas encore vraiment, et le féminin se joue déjà des notes fruitées acidulées de violette et de cerise que La Petite Robe Noire exploitera mieux par la suite. Paco peine à se distinguer d'un CK One.
Pourtant, dans les années 2000, un virage s'opère. Les équipes de la marque semblent scruter plus qu'ailleurs de manières très fine, intelligente, habille et pragmatique comment se comporte l'époque, et cela lui réussit. Black XS trouve le parfait équilibre entre les notes fraîches du champagne, celles gourmandes et crémeuses d'un fraisier et des notes boisées sèches et viriles qu'il impose, et ces notes s'imposent comme une évidence aujourd'hui. Le féminin, lui, joue sur un accord de tarte aux myrtilles qui fait presque saliver, ce que beaucoup tentent de faire de nos jours, avec plus ou moins de plaisir. Black XS Potion pour elle tentait même de séduire les Cléopâtre des temps modernes avec son bel accord rose-oud qui n'a rien à envier à certains parfums bien plus chers à la mode actuellement.
Là où la marque bondit vraiment, c'est avec les lancements de Invictus et de One Million : deux jack pots incontestables. Si l'on quitte le raisonnement purement parfums, ce succès est pour le coup franchement bien vu. La marque a su aller chercher une clientèle jusqu'alors éloignée des parfums de luxe en jouant habilement sur des codes bling-bling déjà installés. Sur le plan créatif, rappelons quand même que One Million impose un accord de tubéreuse boisée, cuirée, opulente et narcotique chez la gente masculine, que Or Black de Morabito, construit sur les mêmes notes ne fera jamais. Invictus, lui, sait puiser dans les succès méditerranéens tels que Sculpture et Cool Water sa trame "nouvelle fraîcheur" marine, salée et boisée. Bonne pioche et remarquable analyse de l'époque et des inspirations dans les deux cas.
Aujourd'hui, la marque voit juste quoiqu'un peu décalé avec la Pacollection, que je trouve personnellement très intéressante car elle respecte à merveille les fondamentaux de la marque : notes gourmandes et concept dans la tendance, à prix doux. On y trouve des notes de gâteaux, de café latté, de carrot cake au potiron, d'Isaphan pâtissier et même, avec Genius Me et Crazy Me, de fleurs métalliques. Fame, sans doute trop récent pour savoir s'il fonctionne, joue, lui, sur un accord d'entremet coco-fruits de la passion plutôt pas mal, un tout petit peu entaché par une note marine qui peut parfois ressortir trop. One Million va chercher sur un terrain masculin viril avec de l'ambre, du tabac, des raisins secs et du rhum ambré dans sa version Elixir. Phantom, lui, avec sa rhubarbe acidulée et confite à mi chemin entre le chic et le facile semble être un peu moins compris, mais je n'ai pas le recul. Je souligne également le surprenant Lady Million Fabulous, sorte de rose-poire "à la Petite Chérie" matinée de tarte tatin-glace vanille et crème fouettée que je trouve vraiment original.
RIP l'artiste, et souhaitons que la marque sache toujours être en phase avec son époque, car, depuis "le parfum de l'époque", le slogan s'est rarement démenti, de facto.
Illustrations : Parfums Paco Rabanne.
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