samedi 30 juillet 2011

Revue de rentrée : petit avant goût.

Encore un mois et le marché de la parfumerie va s'enrichir de son lot de nouveautés attendues. Le hasard des rencontres et de mes promenades olfactives m'ayant permis cette année d'en découvrir quatre avant leur diffusion en boutique, j'en profite pour vous livrer un petit avant goût avant qu'ils n'arrivent à la fin de ce mois d'Août pour les premiers !

Mon Parfum Chéri - Annick Goutal : il manquait à la marque un parfum de facture classique, très chic et sophistiqué mais moderne. Mon Parfum Chéri reprend discrètement la rose chyprée et l'iris comme trait d'union avec la famille des grands classiques de la marque et comme un hommage à Annick Goutal voulue par sa fille tout en jouant l'exercice des vrais-faux chypres modernes. Le départ est un surprenant accord d'iris-cacao presque ganache qui évolue vers un coeur de rose traitée en transparence et de patchouli terreux. Une pêche duveteuse et lactée prend le relais, soutenue par la note un peu grasse d'une vraie racine d'iris naturelle et par un accord qui remplace la mousse de chêne. Ainsi, quelque part entre Jubilation 25 de Amouage et 31 rue Cambon de Chanel, il y aura maintenant Mon Parfum Chéri d'Annick Goutal. J'ai beau essayer, même si j'aime de départ cacaoté et élégant de ce dernier né, cette école "moderne " des chyprés clairs ne réussit pas à m'émouvoir comme ont pu le faire les chypres anciens, bien plus riches, sombres et mystérieux que sont Mitsouko ou Femme.

Batucada - l'Artisan Parfumeur : caipirina, musique, danse et joie de vivre, tels sont les leitmotivs qui ont guidé la création de ce parfum. Un départ assez vif et très fidèle au cocktail ouvre le bal. Je n'ai pas envie d'entrer dans le détail des matières utilisées, mais j'ai vraiment le sentiment qu'elles ont été choisies avec le même soin que ce qui est fait chez l'Artisan habituellement. La volonté de créer un parfum gai et chantant est par contre parfaitement traduite, de même que la sensation d'une peau couverte d'huile bronzante à l'odeur de papaye, d'ananas, de noix de coco et de peau sortie de l'eau couverte de sable. Le sillage et le fond en font un parfum très agréable à porter, qui booste le moral et se fond avec la peau de manière étonnante pour un parfum qui reste frais. C'est vraiment du beau travail de la part de Karine Vinchon et Elisabeth Maier, comme une sorte d'Aqua di Gio "à la l'Artisan", pour se rendre compte qu'il n'y a rien de tel que beaucoup de belles matières naturelles.

Kokorico - Jean Paul Gaultier : tout le monde l'attend, le veut, l'envie et le désire déjà. Vous serez forcement amenés à porter un jugement. Deux options se présenteront alors : vous aimerez ou vous n'aimerez pas du tout, mais il ne laissera pas indifférent. Sur ce terrain, c'est déjà gagner, et la communication décalée chic et très Gaultier saura vous le faire désirer. On parlait de chocolat, de figue, je m'attendais à tout, et particulièrement à quelque chose proche de A Men mais il n'en est rien. Comme cela était évoqué par Octavian et Denyse de 1000 fragrance et Graindemusc, Firmenich travaille selon le principe de l'olfactive Design, et il semble bien que cela se dévoile dans un parfum comme Kokorico. Le parfum s'ouvre sur une surprenante note de lait de figue, très douce ainsi que sur une note que je perçois comme étant un accord "madeleine beurrée" issu sans doute de l'olfactive design et déjà exploitée par So Oud dans un de leur parfum récent. Ce duo est très original et oscille à mesure que l'on porte le parfum, la figue prenant régulièrement le relais de la madeleine. Le fond, boisé, parait très brutal et viril sur touche, car il contient une bonne dose de "bois ambrés" qui sont aussi des spécialités Firmenich, mais il sait se tenir juste comme il faut sur peau en jouant avec le moka, la madeleine et le lait de figue, comme savait le faire un autre Olivier Cresp comme Black XS, avec ma peau en tout cas mais pas sur d'autres il est vrai. Une belle surprise, juste "borderline" comme il faut entre du mainstream efficace et de la "niche", et très agréable au porté.

Juniper Sling - Penhaligon's : j'adore la baie de genièvre, mais c'est une note difficile à travailler et qui plus est contient des facettes que je préfère ne pas développer car ce serait indécent. Une chose est sûre, c'est une note qui "fonctionne" à merveille avec certaines peaux, mais qui donne un parfum soit merveilleux et subtil, soit franchement importable. Ainsi, Juniper Sling ne pardonne pas. Soit votre peau lisse les notes un peu "cracra" de la baie de genièvre en dévoilant les facettes cocktail et alcool de ce parfum, soit elle fait ressortir cette baie de manière violente et là, il serait un peu "délicat" de sortir parfumé de la sorte. Passer le cap, et si ce parfum s'accommode à vous, vous serez habillés d'un sillage limpide, scintillant et légèrement métallique qui fait penser aux alcools de poire ou de prune, où ambrette, ambretolide, poire et note alcooliques se conjuguent à la manière d'un N° 18 de Chanel. Une cologne moderne, originale et mixte qui inaugure la collaboration entre Penhaligon's et Olivier Cresp, et qui a aussi le mérite d'ouvrir d'autres territoires moins classiques à la marque.

Voila pour ce bref tour, mais il y en a d'autres que j'ai hâte de connaitre : Candy de Prada, N°19 Poudré de Chanel (il paraitrait qu'il est à la hauteur), Le Fou 21 et la Tempérance 14 de D&G, l'Eau d'Ikar de Sisley (pour homme), Balenciaga l'Essence.

Illustrations : Annick Goutal, L'Artisan Parfumeur, Jean Paul Gaultier, Penhaligon's.

samedi 23 juillet 2011

Randonnée champêtre.

Tout commence en 1936 avec les congés payés. Nous ne nous en rendons pas forcement compte aujourd'hui, mais se dire que nous pouvons partir quelques semaines nous aérer la tête est une chance que tout le monde n'a pas. Pour célébrer cet évènement et suivant ainsi le courant de l'époque, Jean Patou imagine Vacances, la même année. Sans le savoir, il créer un parfum intemporel. Vacances, de part ses notes, sa signature et son style habillé de fleurs des champs, de tilleul, de "miel de violette" et de mimosa, fait penser à une balade champêtre dans une campagne que les français découvrent à l'époque. S'il est senti à l'aveugle, on le prendrait presque pour un "Giacobetti", comme un vraie claque qui vous fait remonter le temps. Que diriez vous de quelques fleurs de campagne pour une balade parfumée par ce temps pas très chaud ?

Le lilas : Olivia Giacobetti semble aimer les promenades à la campagne et surtout, elle semble avoir été marquée par Vacances. J'ai comme l'impression que En Passant et l'Eté en Douce en sont les descendants directs, l'un étant plus tilleul/lilas, l'autre plus "blé/musc". Comme pour en passant, la balade dans les champs continue...

Même si ce n'est pas un chef d'oeuvre de belle matières riches et complexes, Pur Désir de Lilas de Yves Rocher est le soliflore Lilas le plus réussit du moment. Il nous projette dans un jardin, sous le lilas ou la glycine par un beau soir d'été... "vous prendrez bien un petit verre ?"

Les fleurs des champs : par la suite, c'est Jean Paul Guerlain qui à la fin des années 90 nous livre son interprétation très impressionniste de la balade dans les champs. Quand vient l'été sent le blé, les coquelicots, les herbes sèches et les fleurs des champs, il y met tout ce qu'il aime et l'on y retrouve le tilleul, le mimosa, le lilas, le muguet, une pointe de giroflée, et la note herbacée de la fève tonka et du foin. Pour moi, c'est un de ses plus beaux parfums (si je peux dire), qui me projette dans le tableau de Monet ci-dessus.

Le mimosa : Annick Goutal n'est pas en reste. Cette année, Isabelle Doyen et Camille Goutal nous proposent un coeur de mimosa sur un chemin de Côte d'Azur. La facette très poudrée du mimosa et de l'un de ses principaux constituant qu'est l'héliotropine a été comme aérée par une bonne dose de salicylate de benzyle et par une note de poire juteuse. Comme pour Champs Elysées de Guerlain, les pompons jaunes de Le Mimosa semblent plus lumineux et le sillage très sensuel tout en restant "sur la note" irisée et douce du mimosa.


L'héliotrope : comment ne pas évoquer le joli parfum de Patricia de Nicolai qu'est Kiss Me Tender alors que l'on se promène à la campagne ? Sur un chemin, des héliotropes, que ce parfum très mignon reproduit très fidèlement. Héliotropine à la note de mimosa poudré, vanille, une toute petite touche de "pain beurré" et surtout un oeillet bien ficelé nous emporte dans les champs, loin d'un Paris agité. Très tendre par rapport à d'autres parfums à sillage, il vaut vraiment de prendre le temps de s'attarder sur ce beau paysage.

La violette : petite fleur emblématique de la campagne toulousaine, la violette a toujours été très présente dans les parfums, et ce qui frappe, c'est qu'ils ne sont pas tous féminins. Deux chefs de file que sont Fahrenheit et Grey Flanel la portent en vedette. Pour femme, se sont Insolence et Après l'Ondée qui en parlent le mieux, sans oublier le McQuenn, une violette sucrée. Pourtant, et c'est peut être parce qu'elle est un peu connotée "ancienne", la violette n'a jamais vraiment été travaillée en soliflore, si ce n'est l'inusable Violette Berdoue. Pour dépoussiérer un peu le genre, l'interprétation de l'Artisan Parfumeur apporte à cette violette une certaine noblesse : le parfum de la violette est affiné d'une note de feuille de violette, plus verte que la fleur et d'un effet un peu "glacée", par une facette douce un peu "grenadine" et par un lit de mimosa et d'iris qui lui confèrent une facette cuirée très douce. Hormis les toutes première notes très violette, ce parfum n'est ni féminin ni masculin (le "vert" et le cuir aidant) et redonne ainsi à la violette son statut de fleur universelle.

Voilà, en attendant que le soleil remontre le bout de son nez et remonte un peu notre moral de citadins, je vous souhaite une agréable balade à travers champs...

Illustrations : Les Coquelicots de Monet - Jean Patou, Frédéric Malle, Yves Rocher, Guerlain, Annick Goutal, Nicolai, L'Artisan Parfumeur.

lundi 11 juillet 2011

L'Oiseau de Nuit - Parfumerie Générale par Pierre Guillaume - 2009 : alors que Paris s'éveille !

5h du mat ! Paris, endormi d'une lourde nuit de week end s'éveille lentement. Je dors. C'est alors que la clé tourne dans la serrure et me fait sursauter. Je l'attendais après une bonne nuit réparatrice. J'entends ses pas, dans le salon, dans la salle de bain, dans les toilettes. Oui, visiblement, elle a un peu trop bu mais que voulez-vous, une coupe et la tête lui tourne, elle qui est pourtant habituée à la fête ! Je ne dis rien, je reste calme à l'attendre...

Cet oiseau de nuit qu'est ma bien aimée rentre d'une soirée entre copines, et elles se sont amusées. Lorsqu'elle est partie, je n'ai pas fait attention au parfum qu'elle portait, mais je me souviens d'un somptueux nuage poudré que sa peau, d'une blancheur éclatante exhalait à merveille. Quel souvenir me laisserait-elle de cette soirée ? Elle ne prend que peu de temps pour se démaquiller mais je n'entends pas la douche. Fatiguée, lentement, je sens ses pas approcher du lit ou elle se glisse timidement. Je me retourne alors pour l'embrasser. Sur sa nuque, je devine les traces olfactives de cette nuit agitée : une sensation de peau chaude, un peu aigre laissée par le champagne, un peu de cigarette, un peu de fard à paupière, de la laque, le cuir de son veston et la sensation charnelle de ses sous vêtements de soie. Le nuage de poudre s'est dilué mais il est encore présent, duveteux, léger, aérien. Il se mêle aux baumes cireux et riches du labdanum, se glisse dans les notes camphrées du patchouli, se réchauffe de cannelle et de noix de muscade, et se fond dans les vapeurs de prune à l'eau de vie du davana. Le souvenir est pénétrant. Elle, n'est que plus désirable.

L'Oiseau de Nuit, comme l'idée d'une nuit de fête devenue parfum ! Au petit matin, aldéhydes, baumes, épices, cuir, patchouli et effluves alcoolisées, comme des éléments d'un décors de fin de nuit, construisent le sillage de ce parfum hors du commun, affirmant ainsi un style créatif marqué par un contraste entre les notes métalliques et épurées des aldéhydes et des accords très texturés, très ronds et souvent très chauds sur peau. Ce style ne cesse, au fur et à mesure que je le découvre, de me surprendre par sa modernité.

Illustration : Kate Moss par Mario Testino. Parfumerie Générale collection privée.

samedi 2 juillet 2011

Elie Saab Le parfum - 2011 : douceur et volupté.

Le Liban n'est pas un pays qui a connu de grandes périodes de paix au cours de ces dernières années et même si les tensions se sont apaisées, le climat reste tendu. Il en émane alors une certaine joie de vivre et le goût de vivre sans savoir de quoi demain sera fait. Elie Saab est de ce pays. Sa couture, connue dans le monde entier, est reconnue pour la qualité de ses broderies et la souplesse des tissus plissés. Plutôt que de céder à la mode et aux anorexiques junky, Elie Saab véhicule sereinement l'image d'une féminité sophistiquée mais toute en douceur.

Un peu de douceur dans cette mode de brut, c'est l'état d'esprit qui me vient pour évoquer Elie Saab et sa femme. Regard félin pour les deux, charme et séduction, mais aussi douceur et gentillesse. Ces deux là se sont trouvé une charmante complicité. Alors, quand il s'agit d'imaginer un parfum pour la marque qu'il a créé, comment ne pas vouloir se sentir épauler par celle qu'il aime ? Ainsi, madame Saab s'est livrée au jeu des nombreux essais nécessaires, à la création d'un parfum et lorsque l'on est fidèle à Empreinte de Courrège depuis très longtemps, relever le défi de passer à autre chose de plus personnel avec l'exigence que l'on imagine n'est pas chose aisée !

Mais le dialogue s'installe : pour son parfum Elie Saab voulait la même émotion que celle qu'il éprouve avec Empreinte sur sa femme, à savoir un parfum signé et de caractère. Mais avoir du caractère ne veut pas dire être agressif ou percutant, et il semble bien que Francis Kurkdjian, auteur du parfum l'aie décelé. Il a sans doute deviné également l'étincelle de lumière dans le regard d'Elie Saab, qui se devine également dans son travail qui malgré une signature orientale est empreint de transparence et de légèreté.

Elie Saab Le Parfum nous emporte en Orient, mais ne passe pas par le chemin habituel de l'ambre ou du oud. Francis Kurkdjian et Elie Saab se sont attachés aux gourmandises et pâtisseries orientales dont ils sont friands pour développer dans le parfum une fleur d'oranger ourlée de rose miellée qui évoque le liquide sucré, sorte de sirop d'érable d'Orient versé par tradition sur les desserts au Liban. La fleur d'oranger et la rose ayant été choisies bien sûr parce que se sont deux fleurs orientales par excellence. Cette "gourmandise" n'est en aucun cas trop sucrée, car cela aurait trahit le style Elie Saab. Ce style caractérisé par une certaine transparence lumineuse est parfaitement amené dans le parfum par un cocktail de notes boisées comme le patchouli et le cèdre et de muscs blancs, tous choisis dans leur variétés les plus "claires" pour apporter une douceur propre, cotonneuse et ample qui fait parfaitement écho aux volutes vaporeuses des collections d'Elie. Ce choix me semble judicieux et très cohérent dans un sillage signé, voluptueux et très féminin.

Féminité, douceur et volupté, lumière et ouverture d'esprit, gentillesse et générosité, c'est un peu ce que serait pour moi l'univers Elie Saab. Son premier parfum était attendu, j'avais même ma propre idée de ce qu'il pourrait être au premier abord autour de la transparence (Martine et Anne Marie, vous savez sans doute de quoi je parle), et parce que je retrouve une cohérence trop rare de nos jours et tous les éléments d'un style fort dans ce parfum très contemporain, je lui accorde volontiers le statut de coup de coeur de l'année 2011.

Illustrations : douceur et volupté dans la voix et les instruments de Fairouz entourée de fleurs blanches, Elie Saab le Parfum.

samedi 25 juin 2011

Mon Numéro 10 - l'Artisan Parfumeur 2011 : cotton club !

La découverte de nouveaux parfums s'accompagne parfois d'un rituel un peu snob ! "Mouai, bof, pas terrible, celui-ci, pas mal, mais aurait pu être mieux, pour celui-la, vous avez voulu plaire au plus grand nombre, hein c'est bien ça, pour cet autre, on y est bien, oui oui j'aime beaucoup". Et la vendeuse vous regarde d'un air "mais qu'est ce qu'il me fait celui là, pour qui il se prend? " Puis il y a celui qui soudain vous arrête et provoque en vous une émotion que vous avez du mal à dissimuler. Ainsi, après avoir profité de quelques soldes intéressants chez l'Artisan Parfumeur, vous repartez avec Mon Numéro 10 sur le poignet et avec un échantillon que vous testez le lendemain.

Le propos, c'est New York et plus particulièrement le grand magasin de luxe Barneys. Entrer chez Barneys, c'est entrer dans un luxe feutré, où les objets, les matières, les couleurs, les tissus et les effluves parfumées s'offrent à vous dans une douceur nonchalante et un luxe chatoyant. Tout d'un coup, le temps s'arrête, vous flânez, regardez, sentez et les minutes défilent.

Je n'ai pas envie de m'attarder sur les matières de ce parfum, car il me semble plus approprié de parler de ce qu'il évoque et de là où il m'emmène. Bertrand Duchaufour a parfaitement réussi à traduire cet univers. Bien sûr, on y devine qu'il a joué avec les notes qu'il affectionne comme le davana, le cuir, la myrrhe, les notes de pruneaux des alcools nobles dans lesquels on retrouve aussi des épices chaudes et des notes de vanille, mais il a fait de ce parfum un vrai mode de transmission d'ondes sinesthésiques : Mon Numéro 10 sent le bois ciré, le cuir patiné, la moquette épaisse, les tissus nobles, traduisant ainsi ce qui caractérise un aspect de New York, à savoir un style très confortable, assez "mat", feutré et très qualitatif que l'on retrouve dans la couleur de la pierre de certains immeubles, le bois de certains halls d'entrée, dans les moquettes épaisses de certaines boutiques, dans les couleurs choisies par des artistes peintres de New York, dans le son d'une contrebasse qui entame un swing ou celui d'une trompette de jazzman.

Comme si le temps était habité d'un charme rétro, Mon Numéro 10 vous emporte un soir à New York, dans un magnifique Penthouse avec vue sur la ville, il vous prend l'envie de jouer quelques notes de jazz au saxo en prenant un bon bourbon. You're in a good mood !

Jamais "too much", jamais lourd ou envahissant, Mon Numéro 10 reste fidèle à l'esprit de la marque. C'est un parfum qui vous habite, qui vous porte, et sans vous en rendre compte, vous vous laisser bercer, charmer, séduire par cette alchimie confortable. Et puis, un jour, vous vous apercevez qu'il pourrait bien vous rendre fidèle, un peu comme si vous entriez la première fois au Cotton Club, avec une seule envie en en sortant... celle d'y revenir !

Illustration : Denis Frémond, L'Artisan Parfumeur.

samedi 18 juin 2011

C'est la fête aux patchoulis !

40 ans ! Le bel age, celui de la raison et de la maturité. Pour un parfum, c'est un peu la frontière entre le tâtonnement des premières heures et l'atteinte d'un statut de parfum culte, qui restera au patrimoine de la parfumerie internationale. Le patchouli est à l'honneur. Indispensable à la palette du parfumeur, le patchouli est une matière qui est utilisée dans toutes les familles de parfums, dans lesquelles il apportera à la fois du montant, du coeur et de l'appui aux notes de fond. Le patchouli me fait l'effet d'une "matière de feu", il fait scintiller un floral, peut rendre une fougère chaude et sensuelle ou électriser une cologne. En outre, il se dit en milieux avertis que le patchouli aurait un pouvoir d'attraction et d'addiction, ce qui est intéressant lorsque l'on veut fidéliser. Ainsi, il n'a pas encore dit ses derniers mots, comme le prouvent les travaux que j'ai pu sentir jeudi dernier. Cette année, ce sont deux interprétations très différentes de cette matière première qui fêtent leur 40 ans ! Une belle occasion de faire un zoom sur ces deux chefs d'oeuvre.

Le tout premier à fêter l'évènement est le Patchouli de Réminiscence. Il ne plait pas à tout le monde c'est le moins que l'on puisse dire, mais son parti pris très engagé de "soliflore patchouli" lui a permis de trouver une clientèle. Ensuite, j'imagine que la qualité des matières employées dans ce parfum à contribué à fidéliser sa clientèle. En effet, les notes "baumées" telles que la vanille, le benjoin, le baume tolu sélectionnées avec soin par Robertet aujourd'hui jouent admirablement le contrepoint de la brutalité du patchouli qui représente plus de 50% de la formule. Quelques agrumes très légers, du bois santal aux accents lactés et quelques muscs blancs bien ronds lissent le trait. L'équilibre des forces ne joue pas la légèreté, mais plutôt sur des matières qui vont jouer avec la peau. Ainsi, s'il l'on goûte et que l'on aime Patchouli, il y a de fortes chances d'y revenir régulièrement, que l'on soit un homme ou une femme. Parfaitement androgyne, Patchouli est pour moi, comme tous les Réminiscence, un parfum de moment, qui fait appel au tactile, à l'émotion, à la sensualité, et ce serait peut être celui d'être blottis, à deux, sous la laine au coin du feu. Pour célébrer cet anniversaire, Réminiscence a choisi une édition limitée autour d'une récolte de patchouli de l'année 2010 avec l'Incroyable Patchouli. La formule est inchangée, mais la récolte est unique, et lorsque l'on sait que cette sélection de patchouli entre à plus de 50% dans la formule, c'est une belle occasion de varier ses habitudes sans trop prendre de risque avec un beau collector.

L'autre grand parfum culte travaillé autour du patchouli et qui fête cette année sa quarantième année est Aromatic Elixir de Clinique. Très différent du premier car il se détache du coté soliflore, il va chasser du coté des parfums chyprés, tout en restant très emblématique de la matière patchouli. Sa singularité, il la trouve dans un accord de roses assez "fluo" et criard qui jongle avec le patchouli dans un sillage détonnant mais très reconnaissable, la bergamote, le vétiver et la mousse de chêne n'étant que quelques éléments du décor. Précurseur des parfums emblématiques des années "gold" de l'Amérique et paradoxalement de la tendance "bio-aromathérapie", Aromatic Elixir demeure aujourd'hui le partenaire incontournable de la garde-rode parfums de toute amatrice qui se respecte, et reste le pionnier des roses chyprées réinterprétées aujourd'hui dans la famille des "nouveaux chypres" comme Coco Mademoiselle, Miss Dior ou For Her. Comme Patchouli, s'il est porté par un homme et que l'on ne sait pas que c'est lui, il étonne. Il se pourrait bien que Clinique célèbre l'anniversaire avec des animations et peut être aussi un collector.

Les deux parfums ont pour point commun d'être nés à une époque où l'envie de vivre et de s'émanciper voulait transgresser une liberté bridée. Il y a 40ans, les femmes travaillaient peu, les jeunes ne s'exprimaient pas si ouvertement qu'aujourd'hui, les minorités étaient regardées de travers, l'étranger se conjuguait encore avec une part d'inconnu. L'Europe émergeait, les pays de l'Est étaient dans un autre monde, la Chine ne faisait pas peur et le Japon était encore tout petit. Je suis peut être aussi d'autant plus touché par l'évènement que je suis né la même année que ces deux icônes. Aurais-je été inconsciemment bercé de patchouli, qui reste une des matières que je préfère ?

Je profiterais de cet anniversaire pour rappeler à vos nez aguerris deux autres beaux patchoulis : le premier Voleur de Rose de l'Artisan, dans un registre très transparent, vif, incisif avec un fond de pruneaux, et le second C'est la fête au Patchouli de Christian Lacroix, injustement oublié et très difficile à trouver de nos jours, qui serait une sorte de Patchouli de Réminiscence poussé sur la vanille et les muscs. Voilà, pour leurs 40ans, souhaitons donc un joyeux anniversaire à Patchouli et Aromatic Elixir. Force est de constater qu'en 2011, c'est la fête aux patchoulis !

Illustrations : feu d'artifice, Réminiscence, Clinique.

jeudi 16 juin 2011

Une journée pas comme les autres !

A nouveau membre de la Société Française des Parfumeurs depuis peu, j'ai assisté aujourd'hui à la grande messe qui regroupe tous les principaux fournisseurs de matières premières à parfum. Matières premières naturelles et de synthèse se partagent le devant de la scène pour enrichir la palette du parfumeur.

Je ne détaillerais pas tout ce que j'ai pu sentir, mais un constat s'impose : avec toutes les techniques d'extraction, de distillation et de traitement infligées aux matières premières, il est actuellement possible d'obtenir d'une matière un effet qui n'existait pas plusieurs années auparavant. De nouvelles nuances, marines, iodées, florales, font leur apparition sur le vétiver, le patchouli d'habitude très poussiéreux et humide devient presque transparent et limpide, le narcisse montre des facettes plus aériennes autour du cuir et de l'iris, le thé livre des secrets gourmands bien cachés.

La synthèse n'est pas en reste, avec un accent très fort porté sur les notes vertes et fusantes qui boostent les agrumes pour apporter une fraîcheur encore plus naturelle que le naturel seul. C'est étonnant ! Les travaux autour des notes fruitées continuent d'enrichir le propos : la fraise se subtilise, la framboise et le cassis voient s'ouvrir de nouveaux horizons. Les "bois blancs", les muscs blancs et les salicylates dévoilent aussi de nouvelles facettes.

De nombreux travaux portent également sur la recherche de notes plus "conformes IFRA" ou plus "transparentes" dans les parfums, permettant ainsi de gagner un peu de temps.

Bref, je retiens de cette journée de très belles matières senties, de beaux moyens mis sur la recherche de beaux effets qui enrichissent la subtilité des matières et leur richesse, mais je ne peux malgré tout m'empêcher de penser qu'il est dommage, constatant tout cela, de voir que le marché actuel sent le shampofruit, le patchoufruit et la fougère banale ! Heureusement, certaines marques et certains parfumeurs, plus que d'autres, sont attentifs et font des efforts pour exploiter ce magnifique capital. On se prend à rêver alors d'un avenir plus inspiré !

Illustrations : parfumeur au travail, racines de vétiver, graines de cardamome, feuilles de patchouli, fleur de narcisse.