Quand un parfum parle d'Italie, plus particulièrement de Toscane, qu'il mentionne le cuir dans son propos, et qu'il rassemble en sa structure olfactive toutes les notes que vous aimez, comment ne pas en tomber sous le charme, et même le vénérer, à en avoir les larmes aux yeux, pris d'émotion car il touche en vous une corde sensible, celle de votre âme profonde, de votre être, et de votre culture, et touche ainsi votre vision du beau ? Un nouveau dieu s'immisce dans votre quotidien, et se parfumer avec devient un rituel aveugle et indispensable.
Colonia Leather n'est pourtant pas vraiment nouveau, car il reprend en lui un accord que je qualifierais de majeur de la parfumerie masculine. Majeur et pourtant éloigné des codes traditionnels de la fougère, il l'est selon moi car c'est celui d'un des plus gros succès de ces vingt dernières années, celui de Boss Signature : framboise, thym, cèdre sur lit de cuir, élégance virile, telle est la trame que l'on retrouve. Pas nouveau non plus car cet accord est également exploité et travaillé en accentuant le propos du cuir et de la Toscane par Tom Ford, avec Tuscan Leather, qui, il faut aussi le reconnaitre, ne fait pas vraiment dans la subtilité, mais marque une certaine force.
Tout en reprenant de manière assez flagrante la trame de ce dernier, Colonia Leather dégage pourtant le charme qui manque selon moi aux deux autres : celui de la finesse, de l'élégance et d'une certaine douceur directement importées de la ligne Colonia, comme si le propos était devenu plus clair, parfaitement dosé et des plus équilibré qui soit.

Citrons et oranges vivifient la tête et s'accordent parfaitement avec la framboise qui vient les happer. Le thym, une des matières quasiment indispensable à tout beau cuir fumé, apporte une distinction légèrement camphrée, parfaite pour se lier avec ce qui arrive, l'encens et le cuir. Puissant, fin, élégant, extrêmement sensuel et addictif, ce cuir se dessine autour du bouleau, du bois de gaïac, du ciste labdanum et sans doute d'un peu de fir balsam, qui forment un noyaux en puissance qui fond sur la peau. Le liant est effectué par le cèdre, plus doux, et un accord floral de rose et de chèvrefeuille, pour assouplir ce cuir fumé et le "féminiser" juste ce qu'il faut, apportant ainsi une couleur luxueuse et de la lumière. C'est contrasté, puissant et doux à la fois, c'est très signé et élégant. Parfois même, une subtile inflexion de foin coupé vous frôle les narines, magnifique évocation du paysage toscan.
Pourquoi je le vénère ? Pour ses matières et sa texture. L'huile essentielle de bouleau est sublimement goudronneuse, le bois de gaïac a la propriété de fondre littéralement sur peau, le cèdre est d'une finesse rare, le chèvrefeuille est très sensuel, la rose est riche et envoutante, le thym est puissant et doux à la fois, et toutes sont les notes que je préfère en création. Liées les unes aux autres dans une harmonie où elles résonnent parfaitement est un cadeau du ciel. Le choix de la framboise en coeur est très pertinent sur un cuir et donne du caractère et de l'originalité. Le cuir est en outre la famille que je préfère, et vous découvrirez d'ailleurs très bientôt une des visions que je m'en fait.
Ainsi, Colonia Leather réunit en lui bien trop de bonnes choses qui font du bien, et réagit sur moi comme j'aime qu'un parfum se comporte, ni trop présent, ni trop absent, pour me laisser indifférent. Alors oui j'ai la foi, le parfum existe et vit, et une marque qui peut parfois vous décevoir, car je n'aime pas autant Colonia Oud, est aussi capable de vous toucher, de vous émouvoir, et de conquérir votre âme.
Illustrations : Faith de George Michael, Aqua di Parma.