lundi 30 mars 2009

Tiaré Mimosa - Guerlain 2009 : fleur de paradis.

Entre la fleur de frangipanier et moi, c'est une histoire d'amour qui commence il y a maintenant 11 ans, lors d'un voyage à la réunion et à l'île Maurice, où je l'ai découverte pour la première fois. En effet, si vous trouvez cette fleur chez nous, c'est que vous avez sûrement de bonnes accointances avec un importateur ou un fleuriste pointu. Cette fleur est d'une complexité olfactive rare et fragile car elle s'éteint très vite après l'avoir cueillie. Elle m'évoque en revanche une ambiance et la sensation d'un parfum de soleil, de monoi et de vacances. Cette année là, le parfum de cette jolie fleur jaune et blanche reste à jamais dans ma mémoire en souvenir de ce voyage mais je ne la sentirait plus car il n'y a pas de parfums qui y ressemble à l'époque. Ainsi, pendant ma formation chez Cinquième Sens, je m'escrime à reproduire cette fleur, avec de la tubéreuse et de l'héliotropine entre autre, mais le résultat, bien que solaire, reste désespérément plat. Je laisse tomber et n'ai pas essayé de nouveau.
Cependant, quelques années plus tard, en 2004, Estée Lauder nous livre Beyond Paradise. Oh merveille ! Je retrouve le sillage solaire envoûtant, quasi magique de cette fleur. Je suis conquis, il n'y en a pas de plus beau, et je regrette quand même que Guerlain n'ai pas pensé à cette note plus tôt. C'est aujourd'hui chose réparée et je dois dire que je ne suis pas déçu. Tiaré Mimosa part sur des notes acidulées de poivre rose et de pamplemousse, très vite relayées par une note d'abricot sucré, velouté et très doux qui rappelle un peu la pêche de Mitsouko et le jasmin. La tubéreuse est présente mais reste discrète, ainsi que la vanille, qui laisse de toutes petites touches comme les salicylates, qui commencent à faire parler d'eux, et que l'on trouve dans l'ylang ylang entre autre. Mais ce que j'aime vraiment et qui justifie le nom de ce parfum, c'est que l'absolu tiaré utilisé ici est tout simplement extraordinaire, d'une finesse remarquable. C'est l'exemple type de ce que j'aime dans la parfumerie actuelle et chez Guerlain en particulier : le progrès technique a permis d'extraire un absolu tiaré magnifique et de traiter la tubéreuse et le mimosa en finesse, ce qui n'était pas possible avant. Guerlain s'offre ses matières relativement chères sans vraiment compter, en privilégiant la qualité. Tiaré Mimosa se marie de ce fait incroyablement à la peau et son sillage reste solaire et magnétique, ce qui serait impossible ou décevant sans ces matières.
Le résultat est poétique, plus fidèle à l'absolue tiaré qu'à la fleur de frangipanier à mon nez, plutôt féminin et tout simplement... beau.
Un seul petit regret : dans le même esprit de fleur solaire, il y a déjà Eau de Sous le Vent, dans la ligne Terracotta, joli aussi mais plus tubéreuse. Puis, comme le dit Octavian, Tiaré Mimosa reste proche dans l'esprit de son cousin Givenchy Amarige Récolte 2008, qui contient également de belles notes de mimosa et d'ylang mais se fait néanmoins plus poudré. On peut également lui trouver un petit air de J'adore l'absolue. Vous pouvez légitimement hésiter, mais Tiaré Mimosa reste moins cher, c'est terre à terre, mais cela peut compter.
Tout cela a comme un goût de paradis en somme ! Où pensez-vous partir en vacances ???

vendredi 27 mars 2009

Mitsouko - Guerlain 1919 : mystérieuse attraction.

Pour évoquer Mitsouko, je souhaiterai faire une petite parenthèse en évoquant un passage du film le Parfum ; Jean Baptiste Grenouille suit une jeune femme, il s'en approche de très près et l'on devine qu'il éprouve alors un plaisir olfactif intense. On y devine la note de cumin de la peau blanche légèrement moite de l'héroïne, une certaine humidité dans l'environnement, comme de la terre mouillée, puis un sillage fruité laissé par les mirabelles juteuses qu'elle transporte. Ce passage est pour moi l'un des plus marquant du film, mais manque d'une odeur concrète. Peut être que Guerlain m'en voudra de dire cela, mais s' il y a bien un parfum auquel ce passage me fait penser, c'est Mitsouko.
Mystère d'une odeur, beau nom pour un parfum, est ce un hasard ?
Mitsouko est effectivement un parfum dont on dit qu'il serait une traduction de l'odeur de la peau d'une femme. Il est constitué d'un accord chypré type composé de bergamote, de mousse de chêne à l'odeur sombre et profonde, de patchouli à la texture moite et humide et de la douceur de la rose. Un lien est créé par la fameuse note de pêche duveteuse. Elle féminise et adoucit cet ensemble dans une belle harmonie. Des épices comme le cumin, dont il est reconnu qu'il sent la transpiration douce d'une peau de femme viennent ensuite contribuer à la sensualité énigmatique de ce parfum. Bien sûr, l'art de Jacques Guerlain, sensible à la séduction, est d'avoir su habiller cette structure à priori très brute par des notes plus douces qui rappellent les sensations luxueuses d'épais velours et de parures dorées. Ainsi, la Guerlinade faite d'iris, de rose et de jasmin orne le parfum comme un habit ou un bijou, dans un style baroque. L'ambre, les résines riches à l'odeur de bois ciré ainsi que la vanille complètent la palette de leur rondeur complexe et se fondent à la peau.
Mitsouko se porte discrètement comme une parure baroque d'or et de topaze finement travaillée, aux endroits les plus sensuels comme la nuque, le creux de l'oreille, des seins, là où vous avez envie d'être embrassée. Ce n'est pas un parfum dont on s'asperge généreusement aujourd'hui, au risque d'envahir son entourage. Bien porté, que vous soyez brune piquante, blonde sensuelle ou rousse charnelle, Mitsouko est encore sans conteste un des plus beaux parfums qui existent aujourd'hui, malgré les reformulations dont il a fait l'objet.
Il évoque la peau d'une femme par dessus tout. Odeur de mystère, que pour moi seuls cinq parfums traduisent merveilleusement : Femme de Rochas, Féminité du bois et Bois et Musc de Serge Lutens, Cythère de Christian Louis et ... Mitsouko.
Voir aussi : Mitsouko Fleur de Lotus en février, ou que serait Mitsouko s'il arrivait aujourd'hui.

mardi 24 mars 2009

Nahéma - Guerlain 1979 : Rose, parle moi d'Orient !

Une petite escapade londonienne pour Méchant Loup ce week-end et l'occasion de s'apercevoir qu'une fleur est toujours très appréciée là bas : la rose. Elle est un peu aux anglaises ce que la vanille est aux françaises, une valeur sûre, une signature. Elle se dévoile au détour d'une rue ou d'un couloir de métro, sous des variantes très différentes souvent portées avec élégance.

La rose par Guerlain, c'est Nahéma. Elle serait inspirée par Catherine Deneuve et par le Boléro de Ravel. Je veux bien y voir effectivement une certaine cohérence car le teint clair et la chevelure blonde de l'actrice, son innocence traduisent une certaine douceur. La référence au Boléro de Ravel est sans doute évoquée pour illustrer l'harmonie générale du parfum. Nahéma est effectivement d'un équilibre parfait. La rose y révèle plusieurs de ses facettes et l'on ne sait jamais quelle est celle qui surprendra. J'aime le coté charnel des fruits confits dû à une note de pêche duveteuse et charnue. La fameuse Guerlinade est ici parfaitement maîtrisée, autour d'un iris qui apporte sa finesse poudrée remarquable, d'une belle rose douce et d'un jasmin discret. La rose se dévoile ensuite dans toute sa richesse et structure le parfum, comme dans un beau bouquet : douce, elle est aussi confite, ronde, légèrement acidulée et presque framboisée. On imagine un bouquet de roses soyeuses d'un rouge velours bien profond. Une touche d'encens, un peu de vétiver et de santal sans doute lissent le tout pour provoquer l'addiction, car c'est bien ce qui se passe. Elle se fond dans les baumes, les résines, la vanille, pour apporter à l'ensemble une rondeur délicieusement miellée et une certaine opulence. On aime cette rose, elle est belle, elle ne pique jamais, et son auteur aurait apporté le plus grand soin à cela en y passant beaucoup de temps par de multiples essais. Serait-ce la plus belle ? Peut être. La plus charnelle ? Sans doute. Je veux donc bien croire que Catherine Deneuve l'ait inspirée, ainsi que le Boléro, mais à moi, cette rose parle de sable, de peau de femme, de soie, de douceur, de fleurs précieuses et de baumes délicats. Nahéma ... me parle d'Orient, comme une rose d'Arabie, une rose des sables.

J'aimerai savoir si Nahéma se vend bien, et s'il se vend mieux depuis peu, car la rose semble à la mode cette année. La rose plait, les femmes la veulent et l'osent, en France aussi. Il serait intéressant de savoir également dans quel pays Nahéma se vend le plus. Ce parfum vieillit très bien, mais ne dit on pas que le plus bel age de la femme est 30 ans ? A mon sens, un parfum à porter en extrait, à petite dose, là où il faut et par tous temps.
Il semble faire l'unanimité chez nous, les bloggers. Alors, s'il connait un second souffle, y serons nous pour quelque chose ?

En 1999, une autre rose signée Jean Paul Guerlain est apparue, Rosa Magnifca. La structure onctueuse est la même, mais l'effet est plus moussu, plus doux, comme un loukoum. Une rose romantique, que l'on aimerait revoir, dans la lignée de succès comme Chloé ou du tout dernier Essence.

Aujourd'hui, Méchant Loup rêve en secret. Il rêve que sa rose, celle de Jessy adoptée depuis par Sophie (j'y reviendrai), soit la trame d'une écriture nouvelle de Nahéma. "Monsieur Guerlain, si ma rose vous plait, j'aimerai la travailler avec vous, pour lui donner un effet givré, glacé, un peu comme dans Guerlain Homme".
Doux rêve d'une nouvelle écriture ... but it's my secret dream !

jeudi 19 mars 2009

Habit Rouge l'Extrait - Habit Rouge Sport - 2009 : fils à papa.

Papa a 44 ans cette année, il ne fait pas son age et fait toujours preuve de distinction. Papa est Habit Rouge. Il aime le cheval, c'est inscrit dans les gènes de la famille. Il le pratique depuis longtemps avec une maîtrise parfaite et une élégance altière. Papa à deux fils, tous deux du même age. Ils ont avec leur père quelques traits en commun, la même passion du cheval, mais leur caractère est différent :

Habit Rouge l'Extrait :
Le premier fils aime les belles choses. Le cachemire, la flanelle, le cuir, sont des matières qu'il affectionne. Chez lui, c'est un luxe chaleureux, un feu de bois, des boiseries sombres, du cuir, encore. Il aime les alcools riches, les épices et la bonne cuisine. Sa passion pour le cheval s'est orientée vers le saut d'obstacle. Son cheval est un pur sang noir, fougueux, puissant, mais qui sait faire preuve de douceur. Son maître, lui, dompte parfaitement cette ambivalence. Habit Rouge l'Extrait, c'est un peu tout cela. On y retrouve la trame d'Habit rouge, mais elle est ici plus sourde, plus sombre, plus riche. L'envolée citronnée de son père est ici contenue et laisse rapidement place à une oscillation de notes florales, épicées, cuirées, fumées, résineuses et vanillées, sans que jamais une facette ne prenne le dessus sur l'autre. Avec cet extrait, chaque jour est différent: il peut être vanille douce, épices pointues, fraicheur de la rose, cuir profond par ses notes fumées. Un très beau patchouli signe définitivement la fragrance. Cet extrait est riche, très riche. Et contrairement à ce que l'on pourrait croire, il n'est jamais trop puissant. La force maîtrisée, l'art et la manière de conjurer la fougue. Une merveille de fréquentation, un ami fidèle, mais les instants partagés sont précieux.

Habit Rouge Sport :

Le second fils est plus discret, plus décontracté. Il préfère le polo au pull en laine et son cocon est plus sobre, plus épuré. Meubles en hêtre blond, vêtements légers, tenues décontractées, alcantara, son univers est plus clair, plus aérien. Il aurait tendance à préférer les soirées entre copains autour d'une bonne vodka, de gin ou d'une bonne bière et quelques tapas. Il ne sort son beau cheval au poil blond que pour quelques ballades sur des chemins de sable ou en bord de mer, pour admirer le paysage et humer l'air enivré d'herbes fraîches et de foin coupé. Habit Rouge Sport, c'est aussi tout cela. Une odeur me vient en tête pour résumer très simplement l'idée : le daim blond. Habit Rouge Sport est un cuir retourné, léger, frais, doux. Quelques notes vertes rappelant l'herbe fraîche coupée dans les champs, un effet de paille et de sable crayeux, une trame d'Habit Rouge très discrète, presqu' imperceptible, puis quelque chose de délicieusement charnel, difficile à décrire, qui oscille entre le miel, le bois ciré, l'huile d'Argan, le daim, la vanille et un patchouli très fin, comme une sorte d`accord "tabac blond," hummmm ! Une sensualité discrète mais enivrante et sans doute plus accessible que son frère.

Vous l'aurez compris, j'ai un petit faible pour ces deux êtres. Ce sont de vrais amis, ils peuvent m'accompagner au quotidien et partager mes aventures, une sorte d'osmose se devine entre eux et moi, une alchimie, quelque chose de bien quoi !

Petite note tout de même : il faut absolument les découvrir sur peau, tous les deux. Le premier parce que c'est sur vous que se révèlera l'une ou l'autre de ses facettes, le second, parce que sur touche, il est difficile de percevoir l'effet charnel que je mentionne. Avant de le tester sur moi tout un après midi pour pouvoir en parler, j'ai failli le prendre pour une vulgaire nouveauté sans intérêt.
Pour l'extrait, il faut aussi le mériter, mais je serai vous, je troquerai le gros 4x4 ou la grosse BM contre une monture plus petite, et je me mettrai au cachemire, aux belles montres, et à l'extrait de parfum, le tout premier en plus !
Un homme d'aujourd'hui en somme ! A défaut, il va falloir encore faire quelques sacrifices ... mais pourquoi donc suis je addict ?

mardi 17 mars 2009

Insolence Eau de Parfum 2008 - Insolence Eau Glacée 2009 : insolente tradition.

Saviez vous que les flankers peuvent avoir un avantage ? En effet, si votre nez, pour une raison ou une autre n'aimait pas le parfum original, peut être que le ou les flankers peuvent rectifier le tir. Et en l'occurrence, c'est exactement ce qui s'est passé entre Insolence et moi. Il me manquait un petit quelque chose pour apprécier pleinement l'eau de toilette. Porté dès le début par plusieurs personnes de mon entourage, Insolence possède un petit quelque chose en trop qui me donne mal à la tête. Une réaction brutale qui ne m'était jamais arrivée avec un Guerlain. Il m'a fallu attendre l'an dernier pour que le tir soit rectifié à mon nez, grace à la version eau de parfum, qui m'a réconcilié avec l'insolence trop marquée du lancement.
L'eau de parfum me semble curieusement plus fine, plus aboutie, moins "rentre-dedans" que la version eau de toilette. On y retrouve la petite pointe anisée familière d'Après l'Ondée qui s'accorde toujours aussi bien avec la violette et vient s'ajouter pour apporter de la légèreté à l'ensemble. Le coeur de grenadine, de violette, d'iris et de rose suave est identique à l'original mais le fond, lui, se fait plus chaud et se pare d'un bel accord de vanille et de fêve tonka identique à celui que l'on trouve dans Shalimar, l'Heure Bleue ou Cuir Béluga. Sur peau et en sillage, nous sommes sous l'alcôve d'un boudoir, cette eau de parfum séduit enfin par son aspect velouté et doux.
L'Eau Glacée, nouvel opus de cette année, est un travail tout en transparence. Les notes vanillées et coumarinées s'éffacent pour laisser place à des bois blonds, fins, presque transparents, qui apportent leur structure solide et donnent du corps à l'ensemble sans l'alourdir. La pomme naturelle se lie à la violette et accompagne l'iris, qui devient du coup plus identifiable et clair pour un sillage frais, actuel et signé. Le fond n'est plus la vanille douce et suave habituelle, mais il inscrit la note "daim" comme étant une nouvelle signature que l'on retrouve dans quelques uns des derniers opus de la maison. L'Eau Glacée n'est donc pas une version légère d'Insolence mais bien une autre écriture, plus limpide, plus fine et c'est tant mieux.
Glace à la violette, bonbon acidulé, fleur au petit matin ou dans sa douceur veloutée, ces deux versions remettent remarquablement la violette au goût du jour, sous différentes facettes et sans jamais tomber dans la violette traditionnelle de Toulouse, somme toute très connotée et un peu vieillotte, ou dans le shampoing.
Impertinence de la nouveauté, insolence dans le respect de la tradition de notes auxquelles Guerlain doit beaucoup de son identité. Insolence est un pied de nez au respect des règles, une transgression habile des codes trop classiques et un trait d'union remarquable entre le passé et l'amorce d'un renouveau. Guerlain doit beaucoup à cette audace. Pour ma part, je préfère ces deux versions à l'original. Et vous, quelle Insolense êtes vous ?

vendredi 13 mars 2009

Interview : Sylvaine Delacourte - Directrice du Développement Parfums chez Guerlain

Cela fait maintenant plus de 20 ans que vous êtes entrée chez Guerlain, quel a été votre parcours ?

Je travaille chez Guerlain depuis 25 ans. J’ai commencé en tant que formatrice soin et maquillage et très vite, c’est l’univers des parfums qui m’a attiré. Il y a environ 17 années, j'ai suivi des cours "sur mesure", donnés par des professeurs de l’ISIPCA et quelques formations spécialisées chez les plus grandes sociétés de matières premières, j'ai remarqué un besoin en formation au sein des équipes marketing et de vente. J'ai donc passé quelques années à monter un cursus interne de formations autour du parfum, dont l’objectif était et est toujours de professionnaliser nos équipes et de leur faire comprendre Guerlain et l’art du parfum. Ces responsabilités m'ont permis d’entrer en contact avec les laboratoires Guerlain, avec qui j'ai commencé à travailler en direct sur la création, même si ce n’était pas encore mon métier. Au début des années 90, j'ai travaillé en tant qu'évaluatrice avec Jean Paul, lorsqu'il crée les parfums Héritage et Petit Guerlain, puis nous intégrons le groupe LVMH en 1994.

Pour se démarquer de ses habitudes et être actif sur un créneau olfactif où la marque n’est pas encore bien représentée, Guerlain souhaitait lancer un parfum floral. Nous avons donc travaillé sur le parfum de Champs Elysées, autour d’une note peu explorée en parfumerie à l’époque : le mimosa. C’est donc sur Champs Elysées que j'ai fait mes premiers pas en tant qu’intermédiaire entre la création et le marketing, en participant activement à sa construction.
Deux lancements suivirent : Mahora et Coriolan, tous deux créés par Monsieur Jean Paul Guerlain, repris aujourd'hui à la Maison Guerlain sous le nom de Mayotte et de l'Ame d'un Héros.

En 2002 un nouveau Pdg est nommé et s'attelle au lancement d'un nouveau parfum, qui doit permettre à Guerlain de prendre envol. Jean Paul Guerlain choisit de devenir consultant et continue à créer certains parfums. La direction de Guerlain, me confie la direction artistique de ce futur parfum. Je dois donc mobiliser toutes les équipes sur ce nouveau challenge car je sais que je n’ai pas droit à l’erreur. Je dirige l’ensemble de la création de l’Instant, une expérience menée conjointement, avec Maurice Roucel et toutes nos équipes en interne. Une prise de risque sur des notes ambrées et solaires, un sillage très Guerlain, une signature... C’est pour tout cet ensemble que je suis particulièrement fière de l’Instant et de son succès, qui se maintient.

Je travaille ensuite sur Insolence, toujours en collaboration avec Maurice Roucel, puis sur le développement de la gamme l’Art et la Matière avec Francis Kurkdjian, Olivier Polge, Daniéla Andrier et d’autres parfumeurs de talents. Je m'occupe également du parfumage cosmétique et développe le service du parfum sur mesure. Tout cela apporte un nouveau souffle à Guerlain. La Maison Guerlain, c'est notre fierté, ce nouveau projet plait et connaît un très grand succès. Il est indéniable que Guerlain attire.
Aujourd’hui, du fait de son histoire, le choix d’un parfumeur maison s’impose. Thierry Wasser apporte son savoir faire, son style, qui s’affirmera dans les futures créations. Bien sûr, je continue à travailler avec lui, son nouveau regard et sa vision sont passionnants ! C'est un nouveau défi, comme je les aime.

En quoi consiste votre métier, quelles ont été les expériences les plus grisantes et quelles ont été les plus difficiles ?

La création d’un parfum nécessite un travail d’équipe, on ne décide pas seul des choix effectués car un parfum est un "tout "et il est indispensable que tout soit cohérent, c’est un gage de réussite. Mon métier en tant que directrice du développement parfums est de faire en sorte de maintenir et de veiller à cette cohérence et que le tout corresponde à l’idée que l’on se fait d’un Guerlain. Echanger avec les parfumeurs, jeunes talents ou seniors, trouver des nouvelles notes qui « fassent Guerlain », explorer les territoires de la fraîcheur et de la gourmandise en imposant tout de même une exigence « maison », préserver le patrimoine tout en innovant c’est ce qui me booste, voilà mon métier. Je l’aime vraiment et je l’exerce avec passion, et avec ma personnalité.

L’expérience la plus grisante fut le travail sur l’Instant. Il y avait un réel challenge et une ébullition. Quand ce parfum a été lancé, j’ai été envahie d’une sensation étrange, entre l’humilité, la fierté, le trac, l’impatience et l’émerveillement. J’aime beaucoup ce parfum c’est un très beau souvenir et une belle aventure professionnelle, peut être aussi la concrétisation de ma passion pour cette maison.
J’ai également aimé travailler l’accord " cuir blanc ". J’étais convaincue de sa cohérence chez Guerlain. Avec Olivier Polge, nous voulions un produit noble. Le résultat, c’est Cuir Béluga, un cuir souple et chic , avec une pointe d’immortelle. Je l’avoue, c’est un de mes projets coups de coeur.
Aujourd’hui, le grand bruit suscité par mon blog (www.espritdeparfum.com) fut un moment un peu stressant à vivre. Au départ, j'ai du répondre à une attaque frontale et directe à laquelle je ne m'attendais pas. Par ailleurs , je reçois des encouragements et heureusement, un dialogue s’est instauré, c’est un nouveau défi pour moi, qui nécessite apprentissage et maîtrise, mais cela me plait.

Vous travaillez avec de grands parfumeurs mais dénichez aussi quelques jeunes talents peu connus ? Comment les dénichez-vous ? Qu'apportent-ils ? Cela va-t-il continuer ?

Oui, mon passage à la direction artistique de Guerlain s’est traduit par une collaboration avec de jeunes parfumeurs très prometteurs : Aurelien Guichard sur Anisia Bella, Marie Salamagne, sur Mandarine Basilic, et Delphine Jelk, sur La petite Robe noire. Beaucoup d’échanges également avec Randa Hammami, avec qui nous avons créé l’Instant Magic, Cruel Gardenia et Insolence eau glacée.
J'ai aimé travailler avec eux pour leur fraîcheur, leur spontanéité et leur humilité. Ils osent, explorent de nouveaux territoires, nous étonnent, nous surprennent, et j’ai souhaité leur donner une chance. Signer un Guerlain, c’est une consécration et à chaque fois, ce fut de belles rencontres, avec à la clef beaucoup de complicité. Je suis fière d’eux car ils ont percé depuis.

Aujourd’hui, cette période s’arrête puisque Thierry Wasser est le parfumeur maison, un autre échange, une autre façon de travailler, mais c'est un choix logique pour une transition qui s’opère. Son style s’est déjà révélé avec Guerlain homme, et vous en saurez plus dès cet automne, avec un nouveau féminin...

On entend parler d'un pas vers la couture, de reformulations, qu'aimeriez vous dire aux passionnés qui pensent que Guerlain est sur un terrain dangereux ?

Dieu merci Guerlain va bien, et je déments formellement cette vision qui consiste à imaginer Guerlain comme couturier. Guerlain est et restera une maison qui fait du parfum, et à ceux qui trouvent que La petite Robe noire incite à des sous-entendus, je répondrais qu’il n’y a jamais eu d'habits rouges vendus dans les boutiques Guerlain ni de chapeaux, ni de mouchoirs après Mouchoir de Monsieur et Voilette de Madame.

La question des reformulations est plus délicate. Les normes européennes et internationales et la pression de certains lobbies changent très rapidement la donne. Il faut s’y soumettre, ne pas nier et essayer de trouver des solutions. C’est un travail très difficile. Le progrès technique sur les matières premières est un travail constant. La recherche nous aide à préserver au mieux notre patrimoine tout en nous conformant à ces nouvelles exigences.

"Diorisation" de Guerlain, flankers, dérivés, multiplication des noms et des gammes, on a le sentiment d'une certaine confusion dans les choix et les orientations prises. Ne pensez vous pas qu'un recentrage et une clarification des gammes seraient opportuns ? Si non, pourquoi ?

Le foisonnement, une certaine ébullition, un "désordre" organisé font partie intégrante de l’histoire de Guerlain. L’uniformité n’est pas notre credo. J’assume le fait qu’il y ait beaucoup de flacons, de packagings, de couleurs, de noms, et qu’effectivement on peut s’y perdre. Mais au final, c’est pour mieux s’y retrouver. J’aime à dire que Guerlain est un peu comme la forêt de Brocéliande, où à chaque coin se trouve peut être un enchantement, une surprise, les corners et boutiques sont pensés dans cet esprit. Peut être même que nôtres distribution s’inscrit dans cette logique.
Certains recentrages ont été effectués, sur les Aqua Allégoria par exemple dont le propos s’inscrit maintenant clairement sur la fraîcheur et ce n’était pas le cas avant.
Nous avons eu 760 formules de parfums depuis 1828. Certains ont disparus, oui c’est vrai, mais depuis plus de 180 ans, nous avons toujours multiplié et mélangé les flaconnages, remis ou retiré certains parfums dont certains étaient beaux, d’autres vraiment plus difficiles à porter , au gré des modes et des envies, ce n’est pas propre à notre époque. Nous avons toujours exploité des territoires olfactifs nouveaux. C’est notre histoire, et cela fait partie de nôtres ADN, quand un parfum disparaît, c'est qu’un autre vous attend.

Sur les choix olfactifs : qui peut juger s’ils sont beaux ou moins beaux? Qui a le monopole du bon ou du mauvais goût ? Ce qui est sûr, c’est que cet esprit de cohérence, cette exigence de singularité même au sein de familles olfactives plus « accessibles », cette passion sont toujours présents, comme une condition de l’aboutissement de ces parfums.
Chacun peut s'y retrouver, y trouver son bonheur, au gré de ses humeurs, de ses coups de coeur, de son budget aussi ! C’est tout cela Guerlain, depuis toujours et je me réjouis que cela continue encore aujourd’hui. Qui peut se targuer d'avoir 170 références à son catalogue ? Parler de Diorisation de Guerlain ? N’est ce pas plutôt l’inverse ? Dior rêverait sans doute d’un choix de parfums comme le nôtre, non ?

Votre Blog, espritdeparfum, souhaitez vous nous en dire un mot ?

J’avais d’abord pensé écrire un livre pour parler de mes expériences, de mon vécu chez Guerlain. Je fus très vite rattrapée par l’actualité. Et en en parlant autour de moi, l’idée d’un blog a fait son chemin et s'est imposée. Une expérience inattendue et difficile au tout début, beaucoup de passions au départ, mais les discussions se sont calmées, un dialogue s’est instauré. Je le fais pour moi, pour parler de mon travail, de la marque bien sûr, mais aussi d’autres choses, de coup de cœurs, de lieux que j'aime etc … Je me réjouis de voir qu’il y a des gens qui aiment notre travail et nous rendent hommage à travers leurs commentaires. C’est rassurant finalement de savoir pourquoi ils aiment nos parfums, pourquoi aussi parfois ils les aiment moins. Je prends également en compte les remarques, souvent pertinentes et qui me font réfléchir. Je suis très contente de pouvoir expliquer pourquoi j’aime Guerlain et ce que je vis au quotidien dans cette grande maison.

Sylvaine Delacourte
Directrice développement Parfums
Guerlain

Merci Sylvaine, d'avoir répondu à cette interview...

Une marque, une passion, des questions, des débats, et quelques réponses !

Nous nous connaissons parce que je suis passionné de Guerlain et de ses parfums depuis longtemps. Un jour de 1999, elle a bien voulu me recevoir à son bureau, pour parler parfums. Nous nous sommes vu à deux reprises en dix ans, et celle avec Méchant Loup fut la troisième.
Moi-même très attaché aux valeurs de cette marque, je trouvais qu’il y avait pas mal de confusions, de malentendus et d’incompréhension sur cette grande maison, ainsi que sur sa personne. Je souhaitais en savoir plus sur la marque, ses choix et ses orientations et je fus rejoint par l’actualité car figurez vous que la semaine juste avant que le "buzz" la concernant n’éclate, je lui ai envoyé une proposition d’interview sans présumer de rien. Il me semblait opportun qu’elle apporte son regard et parle aux bloggers. Dès demain matin, Sylvaine Delacourte répond aux questions de Méchant Loup et je la remercie grandement pour cet exercice pas facile. J’espère que ce regard enrichira les débats …

jeudi 12 mars 2009

Voilà pourquoi j'aime cette maison ... dès demain sur Olfactorum.

C'est sans doute parce que ses parfums m'accompagnent depuis mon enfance et ont marqué ma mémoire que je suis passionné de parfums. Et parce que je suis passionné, j'essaie de la comprendre même dans son contexte actuel. Trop de questions, d'interrogations, de critiques négatives la dénigrant reviennent souvent et personnellement, cela m'affecte car j'aime cette grande maison avec passion, rien de plus. Voilà pourquoi j'ai eu envie, et ce dès demain, de vous faire partager un peu plus d'un mois à la visiter ! Montons l'escalier je vous en prie...

mercredi 11 mars 2009

Fleur de Cerisier - L'Occitane 2007 et Love By Nina - Nina Ricci 2009 : pétillement de bonheur.

Dernier opus de notre petite balade en forêt de cerises aujourd'hui : avez-vous choisi celle qui vous irait le mieux ? Le temps des cerises se termine par celle qui pétille le plus, la cerise bigarreau. En bouche, celle ci est acidulée et aigrelette. Lorsque j'ai découvert Fleur de Cerisier de L'Occitane, c'est tout de suite à cette variété que j'ai pensé. Un accord d'un abord facile et bien sympathique sans doute travaillé autour de ce qui ressemble à de la grenadine, d'agrumes pour le coté pétillant d'une note verte, fruitée presque "shampoingesque" et d'un fond doux d'amandes blanches. Il y a une belle spontanéité dans cet accord, avec lequel on se sent bien et surtout, en 2007, il était nouveau. Vous pouvez parfaitement préférer craquer pour un parfum griffé et ne pas choisir l'eau de toilette, mais ne passez pas à coté de la gamme de gel douche, de lait pour le corps, et même de bougie pour la maison qui reprend cette note bien sympathique. Cette gamme complètera agréablement "vôtres" griotte. Depuis, cet accord de cerise bigarreau a fait son chemin, et il a sans doute inspiré Olivier Cresp (un de mes maîtres d'aujourd'hui) qui le reprend comme trame de fond dans son récent Love by Nina. Oh magie de la technologie ! Ce dernier semble être une superposition des notes de têtes acidulées et pétillantes de pomme d'amour et de citron de Nina, et de cette Fleur de Cerisier de l'Occitane. Le caramel, les bois et la fraise qui constituent les notes de fond de Nina cèdent la place à la cerise bigarreau et à l'amande blanche et croquante. Finalement, ça fonctionne assez bien, car c'est plus léger, plus vif et encore plus pétillant. Voilà, nôtres promenade parmi les griottes et cerises se termine, j'espère qu'elle vous a fait du bien, et qui sait, il y aura peut être de nouvelles grappes en 2009 ? C'est bientôt le printemps, les beaux jours, et il se passera sans doute encore beaucoup de choses parfumées et inattendues sur Olfactorum... à bientôt alors !

lundi 9 mars 2009

Et de 1000, merci à tous ! Mais qui êtes vous ?

J'interromps un moment ce temps des cerises pour un petit flash info. Au départ en novembre 2008, je pensais qu'il n'y avait que 3 à 5 connexions par jour sur olfactorum. Or, en tout juste un mois depuis le 10 février, vous êtes tout juste 1000 a être venus du monde entier. Je n'en connais que quelques uns d'entre vous avec qui l'échange est constructif et enrichissant, sur des parfums que j'avais oublié ou sur des coups de coeur que je n'aurai pas découvert seul. En bon loup que je suis, je suis curieux et j'aimerai bien savoir un peu plus qui vous êtes : passionné, professionnel, amateur éclairé, amoureux du parfum, femme, homme, lecteur régulier ou de passage ? Qu'aimez vous voir sur ce blog, quel article vous a plu, quel est celui que vous n'avez pas aimé, quel parfum aimeriez vous y voir, sachant quand même que je ne peux pas parler de tous les parfums non plus ? Quelles questions vous posez vous, sur les parfums, sur des articles ? Il me semble que nous les bloggers, nous aimerions savoir un peu plus qui nous lit et si ça plait. Un grand merci à toutes les lectrices et à tous les lecteurs, à tous les autres bloggers aussi pour leur "tagg" et je vous dis à demain pour de nouvelles aventures olfactives à la cerise... ce sera le dernier c'est promis.

Lolita Lempicka Amarena - L. Lempicka 2009 : petite pomme d'amour à la cerise.

Ca va, vous tenez le coup, pas trop d'indigestion de cerises ? Il reste encore deux articles... courage ! Aujourd'hui, nous nous éloignerons tout de même un peu du territoire gourmand pour frôler celui des parfums ambrés. Le Premier parfum de Lolita Lempicka est non seulement une petite merveille de la parfumerie moderne depuis plus de 10 ans, mais il a en plus ce petit quelque chose qui relève de l'exploit : c'est le seul parfum où l'anis est si présente qui soit un vrai succès. Ce qui me plait dans ce parfum, c'est qu'il est d'une douceur exquise et son sillage, proche de celui du tabac blond amsterdamer, est unique. Je saluerai pour cela le travail d'Annick Ménardo pour cette petite merveille. Qui ne le connait pas dans son entourage, porté souvent par de jeunes femmes dont le point commun est d'être gentilles ? Point de violence en effet dans ce Lolita Lempicka, une douceur acidulée et ronde de réglisse, de vanille, de violette, d'anis, de tabac blond et d'une bonne dose de muscs blancs. Il y a quelques temps, une édition limitée d'un coffret de trois variations sur le thème central était lancée. La seule qui semble avoir reçu les faveurs des afficionadas de la fragrance est celle qui exploitait la facette "amaretto" du parfum. Dans cette variante Amarena, les notes amandées et griotte sont accentuées, pour un effet charnu et goûteux, un peu comme la tarte aux amandes, aux cerises et à la pistache de cette boulangerie que je connais : une "tuerie". On perçoit également la petite touche acidulée d'un bonbon à la cerise de la Pie qui Chante (vous voyez) ce qui rend cette variante bien sympathique. Précision pour celles qui se demandent encore : la version Eau de minuit est une version plus profonde de l'original Lolita Lempicka, plus "soir", où la facette "cotonneuse" a été accentuée par des muscs blancs chaleureux. Elle est peut être plus sucrée aussi. Cette version Amarena, elle, pourrait en être le pendant de jour, plus légère peut être ? Une belle petite pomme ronde à la cerise en tout cas, de 30ml et pas trop chère en plus, ça croque, ça croque, je le sens bien moi !

vendredi 6 mars 2009

La petite Robe noire - Guerlain 2009 : une bien belle histoire.

Lors de sa balade en foret, Méchant Loup croise une louve au pelage noir. Elle convoitait les dernières cerises d'un arbre nommé Guerlain. "Elles sont belles ces griottes me dit elle, et la saison fut bonne. A propos Méchant Loup, connais-tu cette histoire ? Celle d'une jeune parfumeur nommée Delphine, sollicitée pour créer un parfum joyeux pour une grande maison de parfum, c'est une histoire de griottes justement. Un jour, elle eut une belle idée. En dégustant un macaron chez un célèbre pâtissier, tout un univers a surgi ! Ses papilles ont vibré, ses sens étaient en émoi. Elle pense : " la rondeur charnue en bouche de ce macaron à la framboise et aux griottes, c'est bien dans l'esprit de cette maison me semble t il ! Comment pourrais-je en faire un parfum ? Un goût de framboise prononcé, de la griotte acidulée, mais également un léger goût de menthe. Le maître pâtissier lui confie un secret : ce petit goût très subtil est donné par une infusion de menthe et de thé très légère qu'il utilise pour "relever" les arômes, il avoue y ajouter un zeste de citron pour la touche acidulée et de la réglisse pour donner de la rondeur en bouche. Pour traduire cela en parfum, Delphine pense à un accord de citron, de rose, de violette, de framboise, de griotte et d'une toute petite touche de fraise et de réglisse. Dans sa palette de parfumeur, il y a également de la menthe et du thé : juste une goutte, que l'on sentira à peine, qu'elle juge indispensable pour donner une saveur juste au parfum. Pour le macaron, elle pense évidemment au célèbre accord de la maison. Il se compose de vanille, de fève tonka, d'amande, auquel elle ajoute une touche de patchouli pour arrondir l'ensemble. Voilà, Delphine est émue, son parfum est prêt. Pour le tester, une de ses amies, Sophie, le portera pendant quelques temps. Un jour, elle la croise devant une boutique au Palais Royal : Didier Ludot. Delphine connaît peu, mais Sophie porte une robe de ce créateur avec aisance et légèreté. Une robe noire en crêpe marocain et organza. Elle porte également le parfum de Delphine. Un sillage acidulé, ou l'on sent un peu la réglisse, la griotte, la violette, la framboise la rose et le patchouli. C'est doux, pétillant et chaud à la fois et d'une belle élégance. "La petite Robe noire te va bien et le parfum aussi, dit elle à son amie !" "Mais oui Sophie, je viens de trouver le nom de mon parfum : La petite Robe noire." C'est sympa ça, et c'est un clin d'oeil à une icône !" La maison, dont l'image est plutôt classique accepte cette idée mais minimise les risques en le lançant dans quelques points de vente sélectionnés....la maison revient dans l'air du temps avec prudence et une élégante pudeur !
"Voilà Méchant Loup, que penses-tu de cette histoire ? Regarde, la saison fut un peu chère, mais elle fut bien bonne car il ne reste qu'une grappe sur l'arbre Guerlain." Je l'attrape. "Voilà ma Louve, elle est pour toi". Ce petit goût de griotte me fait du bien, et j'ai dit oui !

Une petite histoire pour tenter d'expliquer comment vient la création d'un parfum et souligner que la synesthésie relève d'une finesse de jugement esthétique et de l'appréciation de l'art dans une sorte de connexion des sens. Traduire en parfum les connexions entre le gustatif et l'odorat, avec des matières premières choisies, pour obtenir un résultat maîtrisé, juste, qui n'est pas "classique" sur un territoire olfactif nouveau, n'est ce pas un peu de l'art, de la manière et du talent ça ? La petite Robe noire par Delphine Jelk et Sylvaine Delacourte n'est elle pas une belle traduction ? Oui, il y a du sucre, mais pas en surdose, et il y a surtout beaucoup d'élégance et de finesse dans l'exécution. Sont ils jugés trop rapidement chez Guerlain ? Comparé à l'article précédent, ne sommes nous pas sur un autre registre ?


jeudi 5 mars 2009

Délices - Cartier : cerise en sucre sous la glace !

Deuxième opus autour de la griotte avec Délices de Cartier. Nous entrons ici sur un territoire intermédiaire entre le gustatif et le parfum, ce qui s'avère être finalement une bonne idée. Dans Délices, l'idée est une cerise givrée. L'impression du glaçage au sucre est rendue par un accord de fruits rouges bien présents dès le départ, relayés par l'héliotropine, le chocolat et d'autres notes "sucrées - glacées". Viennent ensuite un bouquet de fleurs comme le muguet et le jasmin, somme tout assez communes, puis un fond plus riche et de facture chyprée constitué de rose, de poivre, de patchouli et de muscs blancs. L'effet de fond est très griotte, voire même liqueur de cerise. Malheureusement, même si l'idée est bien traduite, nous ne sommes pas dans la finesse d'un Perles par exemple. Ce bouquet floral trop présent et l'excès de notes chocolatées et sucrées manquent un peu de finesse dans l'Eau de Toilette et l'Eau de Parfum. C'est pourquoi, parmi les trois versions proposées de ce Délices, c'est l'Eau Fruitée que je trouve la plus aboutie, la plus proche de l'idée d'une cerise glacée et givrée. Elle est plus fine, plus florale, plus "montante" et tient tout aussi bien que les deux autres. Mention spéciale pour le flacon, vraiment joli, si ce n'est le bouchon, un peu lourd. Ce parfum semble en tout cas avoir ses adeptes, car il se vend correctement.

mardi 3 mars 2009

Hugo Deep Red - Hugo Boss : Cherry and Coke

Le premier opus de cette série consacrée à la cerise commence par Deep Red. Ce qu'il y a de caractéristique dans ce parfum, c'est une signature "Hugo Boss" bien présente. Elle serait quelque chose entre le Coca cola, la vanille, et les muscs blancs. En fait, un accord de limette, de canelle et de vanille. Mais qu'est ce que ça vient faire dans un article sur la cerise ? Et bien parce qu'ici, ce n'est pas une cerise classique, fruitée et gourmande que nous avons, mais un travail qui pourrait s'apparenter au Cherry Coke ou Dr Pepper pour ceux qui connaissent. Tout comme dans la préparation aromatique des fameuses boissons en question, on trouve ici quelques notes de bois comme le cèdre et le santal, quelques épices et un peu de patchouli. La prouesse technique et esthétique est la parfaite intégration de la note "wintergreen", difficile à doser dans un parfum, bien là mais pas envahissante. C'est une note indispensable à l'accord tubéreuse et plus sympa ici à mon sens que dans le tout dernier Me Myself and I de Ego Facto, qui se prend très au sérieux. On aime ou on déteste, certains auront même un vrai mépris pour ce type de parfum, mais l'ensemble est plutôt jeune, sympa, espiègle, pas trop synthétique et contrairement à ce que l'on pourrait croire, fait son petit effet sur peau. C'est plutôt doux, diffusant, mais pas entêtant et relativement mixte en fait ! Certes, nous ne sommes pas dans un parfum des plus fins qui soit, ni dans du haut de gamme, mais, moi qui aime le Dr Pepper à m'en faire éclater la panse aux States, il ne me laisse pas indifférent, comme si j'avais l'eau aux babines, sans aucune autre prétention.