jeudi 27 mai 2021

Hommage : entretien avec Marie Hélène Rogeon, directrice de la marque Les Parfums de Rosine.

Je viens d'apprendre la triste nouvelle : Marie Hélène Rogeon nous a quitté ! 
En hommage à cette femme passionnée et rayonnante qui adorait les roses sous toutes leurs formes, je réédite cette interview qu'elle avait bien voulu m'accorder il y a quelques années. 
RIP Marie Hélène, et que les roses de Rosine nous accompagnent dans nos bonheurs quotidiens. 


Un peu d’histoire : en 1991, Marie Hélène Rogeon décide de faire revivre la marque Les Parfums de Rosine. C'était la marque des parfums de Paul Poiret, elle était abandonnée depuis près de 50ans. Poiret fut un peu précurseur avec des parfums aussi novateurs que Le Fruit défendu, qui sentait la peau d’abricot, et fut le premier utilisateur du galbanum dans un parfum. Son histoire, Marie Hélène décide de la tisser autour de la majesté de la parfumerie, qui était aussi la fleur du principal parfum de la marque : la Rose.

En 2006, en ouvrant une boutique dans la galerie du Palais Royal à Paris, la marque retrouve un bel écrin, digne de sa réputation.

Méchant Loup : bonjour Marie Hélène, qu’est ce qui a motivé ce choix ?

Marie Hélène Rogeon : longtemps directrice de la création dans de grands groupes de luxe, j’étais blasée de sentir sans arrêt, sans vraiment avoir le sentiment de servir à quelque chose qui apporte à la parfumerie. Je suis donc partie de mon travail, ai pris du recul pour ensuite vouloir faire revivre les parfums de Rosine, en grande amoureuse de la rose.

ML : la rose est un parti pris, ceci ne constitue t il pas une difficulté, la rose à t elle un avenir ?

MHR : certes galvaudée et mainte fois copiées parce que fleur emblématique, on la retrouve en effet dans tout et n’importe quoi. La rose est pourtant riche de milles facettes, acidulée, verte, anisée, métallique ou réglissée. Elle se marie avec tant d’autres matières dans un parfum qu’elle n’a pas dit son dernier mot. La difficulté est de redéfinir une pédagogie autour de cette fleur en parfumerie pour lui redonner une bonne image. Elle a de belles années derrière elle mais je suis convaincue qu’un bel avenir se dessine aussi.

ML : d’où vous vient l’inspiration ?

MHR : je m’inspire principalement de mon jardin en Picardie, où j’ai une roseraie très riche des roses les plus rares que je sélectionne pour leur parfum. La richesse olfactive de ce jardin est telle que selon le temps, la température, l’humidité, les notes différent et se développent pour constituer comme une sorte de laboratoire ou flottent milles parfums. Les senteurs sont très variées, c’est fascinant.

ML :quelles sont les facettes de la rose que vous préférez ?

MHR : sans aucun doute les facettes vertes, qui font écho au galbanum, un vert un peu cru, que l’on retrouve notamment dans Twill Rose.

ML : vous créez vous-même les parfums ?

MHR : non, je décris mon idée, mon inspiration, mon envie du moment, puis je travaille à quatre mains avec François Robert de Quintessence, qui sait merveilleusement orchestrer les mélodies que j’ai en tête.

ML : quels sont les pays qui affectionnent vos parfums ?

MHR : la France bien sûr, par tradition, mais aussi, à ma grande surprise le Japon, dont la tradition n’encourage pas à se parfumer, mais où les habitudes changent. Nous avons tant de points communs avec le Japon pour ce qui est de la tradition de préserver les savoirs faire précieux. De plus, les jeunes trentenaires ont moins peur, elles osent. Elles commencent par des notes discrètes, mais cela change. Zeste de Rose s’y vend bien mais à ma grande surprise, Secret de Rose, plus sophistiqué, y a trouvé des amatrices.

Globalement, l’Asie est notre principal marché, entre Taiwan et le Japon, puis la Chine. L’Angleterre également, sans doute parce que la rose est affectionnée dans ce pays.

En Europe, nous sommes bien implantés en Italie et en Allemagne.

ML : et les Etats-Unis ?

MHR : nous ne sommes pas très présents aux US, c’est un peu compliqué car ils aiment les parfums propres et faciles, et ils ont de puissants groupes. Face à cela, notre positionnement est très exclusif, mais nous vendons assez bien Rose d’été.

ML : Et quels sont les parfums qui plaisent ?

MHR : certains se distinguent nettement, sur tous les continents. C’est le cas de la Rose de Rosine, de Rose d’été, de Rose Berry et de Zeste de Rose. En Europe, Rose d’Homme est notre première référence à Londres par exemple et j'en suis très fière, mais Rose Praline et Rose Kashmirie se distinguent aux cotés de ces chefs de file.

ML : deux directions semblent se dessiner aujourd’hui : une parfumerie autour de la rose traditionnelle, chaude, rondes, parois complexe, et une autre autour de la fraîcheur. Cette évolution vers la fraîcheur correspond-elle à une demande ?

MHR : nous ne faisons pas des parfums par rapport à un marché, une demande ou un besoin. Nous saisissons nos envies du moment et créons en fonction de cela. Cela permet de couvrir un large spectre olfactif, allant des roses fraîches à celles les plus orientales en passant par les marines et les fumées. Nous sommes passionnés et tentons de le rester au quotidien, nous nous donnons le temps pour chaque parfum que nous créons.

Pour citer l’exemple de nos derniers nés, l’inspiration de Rosissimo est né suite à la rencontre avec une rose qui sentait le pamplemousse au japon, Secret de Rose parce que j’ai senti un labdanum en Espagne. Les idées viennent comme cela.

ML : comment travaillez vous avec François Robert ?

MHR : nous essayons de partir d’un accord binaire, rose-pamplemousse, rose-labdanum, puis nous enrichissons, arrondissons, dynamisons etc. Je ne souhaite pas faire des parfums trop conceptuels ou intellectuels, mais je recherche une lisibilité, une identité forte, et surtout un accord harmonieux. Je n’aime pas non plus travailler à trop lisser un accord, les petits défauts ou aspérités créent une identité, comme le charme d’un vrai bois par exemple.

ML : vous prenez parfois des partis pris risqués, je pense notamment aux notes fumées qui plaisent difficilement. Avez-vous certains regrets ?

MHR : Il est vrai que certains parfums ne fonctionnent pas très bien, mais je n’ai pas de regret, car ils trouvent malgré tout des fidèles. J’ai juste un contre exemple avec Rose de feu, où j’ai eu le sentiment de ne pas être allée assez loin dans l’idée, mais c’est tout.

ML : Est il plus difficile de travailler une rose pour homme ?

MHR : oui, pour moi c’est plus difficile. Même si la rose est unisexe par définition, il faut bien reconnaître que certains de nos parfums sont très féminins. Une rose pour homme doit être masculine ou mixte, est c’est un équilibre pas forcement évident à trouver, c'est plus délicat et plus long .

ML : les reformulations, cela est il en handicap ?

MHR : cela impose des contraintes, mais ce n’est pas si bloquant. Nous échangeons beaucoup avec François mais globalement, nous avons peu de parfums à reformuler. Et quand ils le sont, le résultat est même souvent meilleur que l’original, car les matières évoluent et les techniques de formulation également.

ML : vous faites des parfums, mais aussi des bougies, est ce très différent ?

MHR : oui, car une bougie doit brûler et diffuser la senteur. Certaines matières de nos parfums ne passent pas du tout. Les formules sont donc très proches de celles de nos parfums, mais doivent être retravaillées à cause de ces particularités techniques.

ML : Et pour finir, puis-je vous demander ce que vous pensez de Jessy’s Rose, une création personnelle ?

MHR : elle est fraîche et vive au départ, avec un effet qui me fait penser au cédrat-verveine, c’est assez propre. Elle est assez sophistiquée dans son envolée et son évolution me fait penser à une rose marocaine.

Marie Hélène, un grand merci pour ce moment convivial.

Marie Hélène a bien voulu accepter de me remettre 3 petits pochons de 4 échantillons de parfums représentatifs de la marque, et 3 échantillons séparés à faire gagner. Pour cela, je procèderai à un tirage au sort sur les commentaires qui seront laissés suite à cette interview.

Illustrations : Marie Hélène à son bureau, Folie de Rose, Un Zeste de Rose, Rose d'Homme.

18 commentaires:

  1. Cette marque est une merveille. Moi qui à la base n’aime pas la rose, au point de ne savoir rester à coté de certains massifs de roses, je succombe complètement. Notamment à Twill Rose et rose d’amour. La fraicheur me réussi mieux, le blocage vient surtout des roses "lourdes"… Originalité, qualité à des prix raisonnable, il ne lui manque qu’un peu de visibilité, Merci de les mettre en avant !

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  2. D,rendre un peu de visibilité à cette marque pour un mois autour de la Rose était bien à propos me semble t il, et l'entretien avec Marie Hélène était un moment très convivial. Mes préférés : Rose d'Homme, Rose Praline (parfaite aussi sur un homme), Folie de Rose (unfloral chypré très réussi) et Secret de Roses (pour son évolution très poudrée).

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  3. bonjour! Eh bien moi je tente ma chance pour les échantillons, très tenté depuis longtemps de découvrir cette marque! J'adore la rose également, et je suis souvent assez décontenancé par les attaques qu'elle subit comme dans parisienne, et j'en passe.. J'aime vraiment cette fleur, et recherche d'ailleurs un parfum à la rose que je puisse porter en tant qu'homme. Comme D., je crois les aimer plutôt du côté frais, étant assez fan de l'ombre dans l'eau de Diptyque, mais ayant du mal avec la dimension trop rouge et trop opulente de Une rose de Malle, bien que cette dernière serait un chef d'oeuvre sur certaines de mes connaissances, ils elles osaient.. Là dessus, Merci Méchant Loup pour ce mois de la rose, j'ai presque hâte d'être fin de novembre grâce à cela, pour en avoir appris autour de cette fleur merveilleuse. A bientôt !

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  4. Merci Thierry pour ce bel entretien.
    Je fais pas à pas mon éducation à la rose et commence à en apprécier certaines.
    J'avais en tête de découvrir les Parfums de Rosine, cet article m'y incite d'autant plus !

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  5. Que dire de plus, sinon que cette marque mérite davantage de visibilité ?
    Les échantillons me paraissent très utiles pour découvrir la marque car la boutique parisienne étant exigüe on est vite saturé par un parfum de... roses...
    Je passe mon tour pour le tirage au sort car j'ai la plupart des échantillons. Rose et galbanum : tiens cela me donne envie de retester Twill Rose...

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  6. Coïncidence ! Bien que je ne me considère pas comme rose addict invétérée (j'ai tout de même porté Nahéma, il y a bien longtemps et aussi Drôle de Rose), j'ai eu envie de ce type de fragrance tout récemment : c'était l'occasion de découvrir les Parfums de Rosine. Direction le Palais Royal mardi dernier. Charmante et compétente hôtesse, mais atmosphère assez confinée qui ne facilite pas l'analyse en effet.
    J'essaie "sur peau" Secret de Rose qui me plaît décidemment beaucoup.... pour découvrir, à mon retour, tout le bien que vous en avez dit ici l'an passé ! Un échantillon serait le bienvenu pour valider mon choix et "passer à l'acte" en toute connaissance de cause. Ou peut être pour faire une autre découverte !

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  7. Il est bon de souligner que Pany à la boutique ne se contente pas de vendre du parfum. Elle aime son métier et ses produits, et partage notre passion. J'ai pu également me rendre compte que la clientèle des Parfums de Rosine était fidèle. Et oui, préserver ses codes, ses valeurs et un savoir faire paye encore de nos jours... et j'aimerai souligner aussi l'effort que font certains distributeurs en province et à l'étranger pour que ces parfums soient représentés.

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  8. J'ai souvent lu des articles sur la blogosphère à propos de cette marque mais je ne connais pas. Je serai donc tenter par des échantillons.

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  9. Un entretien intéressant. Ca fait un bout de temps que j'ai envie de découvrir les parfums de rosine mais je n'ai pas encore sauté le pas pour me rendre jusqu'à la boutique. Je me suis baladée sur le site et il y a tellement à découvrir! Aller, d'ici quelques semaines j'ai quelques journées à moi et je compte bien me faire quelques balades parfumées...en attendant je suis toujours partante pour un échantillon bien sûr;-)

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  10. Un entretien passionnant à lire. Merci Méchant Loup pour cette opportunité. J'aime beaucoup moi aussi Une folie de rose, il faudrait que je me décide un jour à le tester sérieusement et beaucoup d'autres avec. D'ailleurs ça tombe bien, je suis en pleine quête de la rose en ce moment! Je vais vous lire attentivement ...
    Et félicitation au créateur de Jesse's rose!

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  11. Puisque vous me tendez la perche, je me permets un petit "coup de pub", tout à fait désintéressé mais très sincère, dont j'espère que vous ne me tiendrez pas rigueur.

    Il y a, place du Marché Sainte Catherine, dans le Marais, une (toute) petite boutique où l'on trouve les parfums de Rosine (les masculins uniquement, il a fallu faire un choix, faute de place) ainsi que d'autres fragrances choisies (toute la gamme Piguet, Frapin, Mona di Orio, entre autres) et une collection exceptionnelle de savons et de bougies tous plus raffinés et plus joliment présentés les uns que les autres. En outre, l'accueil est plus que charmant.
    La boutique s'appelle Marie-Antoinette (adresse précise : rue d'Ormesson, Paris IVe).

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  12. Un article passionnant qui m'a donné envie de (re) découvrir cette marque. Je n'avais senti que Roseberry parmi leurs créations, qui m'avait franchement étonnée par sont côté liquoreux et ses facettes de prune.

    Et je suis contente d'entendre confirmer que Les Parfums de Rosine de Paul Poiret sont bien ceux qui ont été repris par Marie-Hélène Rogeon (même si les créations présentées sont toutes autres)

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  13. Je ne connais pas cette boutique rue Saint Catherine, mais elle mériterait une petite visite. Quant à la reprise pas Marie Hélène, il s'agit en effet de la même marque mais un seul parfum a été reconduit, La Rose de Rosine.

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  14. Bonjour, j'aime bien l'idée d'une vraie "rose pour homme" m'attire beaucoup. J'ai entendu parler de cette marque et l'interview me donne envie d'essayer certaines de leurs créations. Merci, José

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  15. C'est trop tentant pour ne pas laisser de commentaire. N'étant pas fan de rose mais ayant entendu parler de cette marque dont les parfums tournent autour de la rose et pour laquelle il faut l'avouer les visuels m'ont attirés, j'ai récemment testé deux des fragrances: une qui m'a confirmé dans mon choix de ne pas aimer la rose, et une autre qui m'a fait penser tout le contraire. Malheureusement je ne me souviens plus de leurs noms... Et j'aimerais bien pouvoir les retrouver! (et bien sûr pourquoi pas découvrir d'autres fragrances -la rose pour homme m'intrigue).
    En tous cas, merci pour cet entretien!

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  16. Les résultats du tirage au sort seront dévoilés ce week-end. Vous pouvez ainsi laisser vos commentaires sont ouverts jusqu'à Vendredi soir... bonne chance et merci pour vos impressions respectives, réconfortantes car j'avais vraiment envie que l'on parle un peu de cette belle petite marque dont certains parfums me transportent littéralement dans un univers que j'affectionne.

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  17. Même si le parfum en soit n'a pas d'article, après avoir reçu l'échantillon (merci encore) ça mérite un commentaire.
    Rose d'Homme: la mémoire olfactive peut vous faire aimer ou détester un parfum. Ici, le fait que ce parfum me rappelle ce que portait ma grand-mère ne joue pas en sa faveur malheureusement. En fait en le sentant j'ai l'impression de me retrouver dans la salle de bain de ma grand-mère, le genre d'endroit qui date de l'avant guerre et qui sent "le vieux". Bizarrement il ne me semble pas que ma mémé portait de l'eau de cologne à la rose (d'ailleur je crois que c'était de la cologne tout court). Je crois que c'est le côté très musqué/savonneux qui me rappelle cet endroit. D'ailleurs c'est tout ce que je sens en ce moment: le savon.
    Mais ma quête n'est pas finie, oui un jour je retrouverai ce parfum de Rosine qui m'a tant plu.

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  18. effectivement une bien triste nouvelle !
    J'espère que là où elle est maintenant elle est entourée par ces roses qu'elle aimait tant et dont elle a si bien rendu l'odeur !
    RIP Madame

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