samedi 31 décembre 2011

Ce soir, c'est la fête avec Ambre Narguilé !

Ce soir, notes de rhum, de tabac blond, de cuir, d'huile d'Argan, d'iris discret, de miel, de vanille, de ciste labdanum, de caramel pour accompagner bulles de champagne, fois gras, mets délicats, dessert raffiné, et ambiance conviviale. Veste chocolat, pull cachemire camel et boots de cuir havane, Ambre Narguilé me donne aussi comme une envie de bon cognac pour clore 2011 tout en douceur et subtilité, avant la fin du monde annoncée !

Et vous alors, finalement, quel parfum choisissez vous pour clore l'année ?

Très Bon Réveillon et
Excellente année 2012 à tous !


Illustrations : bulles de champagne, Hermes.

jeudi 29 décembre 2011

Jersey - Chanel 2011 : passé simple recomposé.

Il est parfois de ces chansons de variété en apparence simples et faciles à écouter, mais dont la mélodie fait appel aux instruments les plus perfectionnés et dont les paroles font écho à la sémantique la plus étudiée. Il est de ses tissus que le luxe méprise, pratiques, solides, facile à travailler, ils sont utilisés pour habiller les masses et bien souvent sans grâce. Il est de ces huiles essentielles dont la réputation est si usurpée et si commune qu'on en oublie leur noblesse. Il faut alors un regard expert, un peu d'audace et une bonne maitrise pour y déceler un potentiel et savoir en révéler la vraie valeur.

Jersey serait ainsi, en outre, pour moi, comme le personnage d'un tableau de Modigliani. Disgracieux, pas vraiment avenant au tout premier abord, au trait un peu lourd, mais qui, si l'on s'approche, dévoile une tendresse et une finesse indéniable et une maitrise du geste et de l'émotion vraiment palpable.

Dans ces premières notes et senti sur une touche, pour être honnête, je n'aime pas trop Jersey : la lavande est lourde, donne l'impression d'être envahie d'une vanille sucrée un peu grasse et épaisse, et d'une louche de muscs déjà bien affirmés. Pourtant, c'est dans son sillage que j'ai pu l'apprécier, sur une amie à qui j'ai demandé ce qu'elle portait. De ce sillage, je distinguais de la transparence, de la lumière et une légèreté digne d'un grand parfum, mais je n'étais pas capable de mettre un nom dessus. Le jeu entre une touche d'iris, un jasmin "iridescent" (sans doute issu d'une combinaison de vrai beau jasmin sambac traité avec une technologie avancée et d'hédione), forme comme un fil d'Ariane que je suppose supporté par la noblesse de l'absolu narcisse, que j'aime vraiment et qui apporte un vrai caractère, à la fois tendre et profond. Dans son évolution, la vanille et les muscs s'apaisent et dévoilent en fond des facettes délicieuses, à la fois douces, très légèrement cacaotées et cuirées. Elle m'avoua porter Jersey, qui lui fut offert par une autre amie, et qui n'avait ainsi plus rien à voir avec la toute première impression sur touche : Jersey, ou l'oxymore d'un cocon protecteur ouvert sur le monde ? Il irradie, polarise, attire irrésistiblement dans un style aromatique lavandé que je trouve finalement assez proche de ce que faisait Edmond Roudnitska avec Eau Sauvage et Diorella, tout en douceur et finesse, sans agresser l'entourage.

Jacques Polge renouvelle ainsi le tour de force qui était aussi le propos de départ, de redonner de la noblesse, de l'élégance et de l'éclat à une matière basique et bien souvent oubliée quand elle se revendique en soliflore.

C'est un vrai coup de coeur, que j'ai offert moi même à un membre de ma famille qui cherchait une lavande digne de ce nom pour remplacer son Pour un homme devenu "insupportable et agressif" de ses propres mots, et qui ne voulait pas de Brin de Réglisse à cause de son prix. Je crois avoir visé juste avec Jersey, qui a ainsi trouvé au moins trois clients : cette amie, ce membre de ma famille, sa femme et moi même, en tant qu'admirateur de l'oeuvre. Une lavande de peau et à sillage, qui rappelle ces paroles de Jacques Polge que j'ai lues un jour dans un magazine : "un vrai parfum ne se dévoile vraiment qu'au bout d'une heure, c'est alors que l'on en voit la richesse, la noblesse et la beauté". Il est vrai que cela nous remémore également qu'un parfum ne se sent pas que sur touche et en deux minutes. Une belle lavande, à partager à deux, un seul mot s'impose, et je ne l'ai pas dit depuis longtemps : bravo !

Bonnes fêtes de fin d'année à tous et rendez-vous en 2012 autour d'une fleur, pour une quatrième année qui s'amorce, déjà !

Illustrations : Jeanne Hebuterne en Jersey Jaune, Modigliani 1918 - Chanel 2011.

mercredi 21 décembre 2011

Noël 2011, le massacre des innocents ?

Il sort comme un cri du coeur, pour tous les "perfume lovers". Je n'en appelle pas au boycotte, mais j'informe et en appelle à votre bon sens, mesdames, messieurs. Cette année, votre soif de nouveautés semble avoir raison de tout bon sens et de ce que les parfumeurs ont à coeur de véhiculer quand ils ont envie de créer. L'on voit fleurir des flankers sur lesquels il n'est même pas utile de poser la moindre narine, on voit se modifier des noms iconiques à vous faire perdre la tête et à être perdue, on voit des clientes médusées et paumées revenir avec leur parfum en main en se demandant, "n'a t il pas un peu changé ?". Tout cela se multiplie, et commence à se voir, n'est il pas temps d'arrêter le massacre ?

Pour illustrer le propos, j'ai été témoin cet après midi d'une scène où la cliente était désespérée de ne plus s'y retrouver. Cette femme, qui visiblement voulait acheter Miss Dior qu'elle avait l'habitude d'offrir, ne savait plus ou donner de la tête entre l'ancien devenu Miss Dior l'original, et le nouveau Miss Dior, anciennement Miss Dior Chérie, reformulée par rapport à sa formule d'origine. Vous suivez ? Ajoutez à cela des vendeuses tenant à leur chiffre et très "vendeuses" qui lui soutenaient que la formule n'avait pas changée. Mais quelle formule ???? Bref, un chaos total avec une cliente atterrée, et moi, témoin de la scène, qui ne savais même plus par quel bout intervenir sans être trop complexe dans mes explications. Je ne sais pas comment cela s'est terminé, mais on était loin de l'image de la cliente qui repart avec le sourire aux lèvres après avoir choisi un beau cadeau ! Madame, si vous me lisez on ne sait jamais, l'original, le vrai, c'est celui qui est en photo ci contre.

Si j'ajoute à cela l'expérience récente d'une amie passionnée (;-), vendeuse en parfumerie pendant les fêtes, qui me faisait part de questions sur une éventuelle reformulation d'Opium remontées par des clientes de plus en plus nombreuses. Tout cela, alors que la pub vous vend une Emily Blunt plus chère et précieuse que jamais, et que le parfum n'est plus que l'ombre pâle de la formule d'origine, car oui, hélas mesdames, vous avez raison, et ce n'est pas qu'à cause de l'IFRA. Vous chercher autre chose de plus vrai, alors ne vous gênez pas, partez, fuyez, et ne revenez plus, et c'est bien ce qui se passe !

Grand désespoir également en découvrant le dernier opus décliné de Trésor. Sans scrupule aucun, on s'écarte totalement de l'idée et du beau parfum qu'est Trésor à l'origine pour vous faire rêver sur un Absolu Désir qui n'est rien d'autre qu'une déclinaison de Flower Bomb du même groupe, en plus cher bien sûr, pour que ce soit plus drôle. Lamentable, petit et déprimant.

Du coté des pubs, c'est "morose land" également. Chanel, Cartier, Dior, Lancôme, Guerlain utilisent les mêmes codes pour parler, personne ne se démarque si ce n'est bizarrement Cacharel et Diesel, mais à quel prix ? Du coup, plus personne ne rêve, cela se ressent et tout le monde se tait.

Pourtant, il y en a dans ce milieu qui voudraient que cela change, on en entend en "off" des mécontents, même avec beaucoup de pouvoir, qui voudraient voir autre chose, un peu de vérité, mais à qui parlent ils et qui les entend ? Silence radio...

Que le parfum cesse de faire rêver et montre une propension ostentatoire à vouloir trop vite faire de l'argent, cette année, cela se remarque, et cela devient inquiétant, comme l'ombre de la crise qui plane au dessus de nous ! Combien de clients sacrifiés, de rêves vendus que les gens ne retrouvent plus, et qui du coup, ne rachètent plus ? Jusqu'où cela ira t il ? Faut il alors s'étonner d'un ras le bol et d'une saturation ?

Nous sommes plusieurs à savoir qu'un espoir est possible, et qu'il faut arrêter de vendre son âme au mains de diplômés formatés qui eux coutent réellement très cher, sous peine de ne plus avoir de leviers pour rebondir ! Cette industrie, française dans son essence et dans ses veines, nous devons en être fiers et la valoriser, la vendre, certes, mais avec ses valeurs, ses points forts, son âme, la vraie, ses forces, ses ressources réelles. Hermes en est un bel exemple. Vous n'imaginez pas la richesse d'une palette par exemple et les progrès que l'on fait sur les matières. Tout ça pour ça ? Voilà le constat. Sacrifier ces richesses sur l'autel d'une mondialisation standardisée pourrait, à terme, lui être fatale, car à perdre son âme, il n'y aura pas que les innocents qui seront massacrés.

Illustration : Rubens, le massacre des innocents. Dior, Lancôme, Yves Saint Laurent.

mercredi 14 décembre 2011

Top d'hiver : sous le signe du poivre et des muscs.



Je me suis aperçu alors que je souhaitais publier ce top fragrances qu'une note revenait souvent dans les créations qui attirent mon attention cet hiver : le poivre. Dans au moins trois d'entre elle, c'est un pilier. Avant d'entrer en plein dans les frimas dès la semaine prochaine, voici un petite liste pour se réchauffer et passer de bonnes fêtes en famille.



Poivre Samarcande d'Hermes : et oui, je crois que finalement, c'est celui des Hermessence qui l'emporte. J'aime ce parfum, sa finesse, une sorte douceur virile, élégante et raffinée. Sa texture froide et pointue me booste et finalement, il n'est pas si absent qu'il en a l'air. Discret, mais bien là ! Addictif.

Préparation Parfumée d'Andrée Putman : épurée à l'image de la créatrice Andrée Putman, la préparation parfumée qui porte son nom explore le poivre dans un univers froid et mouillé tel un décor de restaurant branché dernier cri. On m'a souvent dit que ce parfum faisait odeur de lieu plus qu'odeur de peau, pourtant, telle une Cologne contemporaine "d'architecte", Préparation Parfumée est à la peau ce que le style d'Andrée Putman est au design : vibrant et élégant.

L'Eau Sento de Iunx : explorant du coté de Préparation Parfumée sa trame olfactive poivrée écrite par Olivia Giacobetti, l'Eau Sento s'enfonce un peu plus dans les bois et le sable, car il évoque à merveille cette idée d'un bois flotté "mouillé", lissé par les vagues et le vent. Unique, moderne, ce serait un peu la version intense du précédent. Singulier et doux.

L'Esprit du Tigre de Heeley : et oui, vous me croirez ou non, mais dès que l'on commence à sentir la grippe et le rhume pointer le bout de leur nez, un petit coup de ce parfum et l'énergie revient, comme s'il avait un effet thérapeutique. Une bonne dose de camphre, de poivre, de menthe et d'eucalyptus arrondie de galaxolide (un musc blanc très rond) et vous voilà repartis du bon pied. Le tout reste d'un effet discret et naturel sur peau, un peu comme si vous veniez juste de sortir d'un bon sauna. Poivré, camphré, vivant et original en diable.

L'Eau de Gentiane Blanche d'Hermes : convoité depuis quelques temps pour ses racines à fleur de peau, odeur de terre un peu amère mais si rendue très douce par un cocktail de muscs blancs et un effet iris, mat et soyeux, ce parfum accompagne discrètement les journées froides sans jamais envahir, et c'est une qualité. Original et pourtant très facile à apprivoiser, enfin, j'ai mon flacon ! La douceur brute.

Cuir de Russie de Chanel : comment ai je pu me passer de ce parfum ? Sans doute à cause de son prix et de la quantité trop grande du 200ml qui me freinaient. Depuis qu'il existe en petit flacon, il n'y a plus de raison de se retenir. Absolument aucun regret, ce cuir floral jasminé, fumé et vanillé est un vrai parfum à fleur de peau, unique et sensuel. Le sillage ample faisant penser à une forêt enneigée, à un beau blouson de cuir ou aux sièges d'une belle voiture de luxe vous enveloppera de sa chaleur réconfortante. Une icône, d'une finesse incomparable et et d'une aura inimitée.

For Him Intense "Musc Collection" et l'Eau de Musc de Narciso Rodriguez : cela fait maintenant presque trois ans que For Him m'accompagne régulièrement dès qu'il commence à faire un peu froid. Il appelle la laine, le cachemire de préférence de couleur gris anthracite, que j'aime porter en hiver. Cette année, il est encore là, réconfortant.
L'Eau de Musc, elle, m'accompagne un peu à la manière de l'Eau de Gentiane Blanche, quand j'ai envie de douceur et de ne pas trop sentir le parfum. Parfum "jean-T-Shirt" par excellence, cette eau noyée dans les muscs se situerait entre Ck One et Bulgari pour Homme, comme un parfum cocoon, très agréable qui n'a aucune raison d'être uniquement réservé aux femmes.

Un peu mis de coté ces derniers temps : les l'Artisan, Vétiver Extraordinaire.

Les envies à venir : Sycomore de Chanel, L'Eau d'Hiver de Frédéric Malle, Avignon ou Kyoto de Comme des Garçons. Lesquels choisiriez vous ?

Et vous ? Quel est votre Top 5 d'hiver ?

samedi 3 décembre 2011

Modernes Extraits : le geste à fleur de peau.


Souvent peu considéré en raison d'un rapport prix quantité qui ne lui est sans doute pas favorable, l'extrait de parfum semble aujourd'hui négligé, oublié, voire même inconnu. Pour découvrir cette concentration il faut la réclamer. Pourtant, ne pas faire cet effort, c'est passer à coté de ce qui est le plus représentatif de l'idée du parfumeur, et c'est se priver de mettre en valeur, sur peau, des parfums qui révèleront des facettes bien plus profondes et complexes que celles d'une eau de toilette ou d'une eau de parfum. En effet, l'extrait habille la peau et vit avec elle, car ce qui fait sa particularité dans la plupart des cas, c'est sa teneur en matières premières de hautes qualité, fleurs et muscs riches notamment, qui "travaillent" et se fondent avec la peau de manière beaucoup moins linéaire. Il semble cependant que certaines marques continuent de proposer l'extrait, même s'il a peu d'adeptes, pour mettre en avant les qualités propres de leur parfums, et donner ainsi la possibilité à la femme qui choisit l'extrait de révéler son propre sillage et de donner sa propre couleur au parfum.

Pour cet article, je n'ai pas du tout souhaité revenir sur des extraits de parfums légendaires. J'ai accentué le propos sur quelques parfums "modernes" devenus emblématiques de ces vingt dernières années, en m'attachant à chaque fois, à mettre en avant les facettes et matières premières que l'extrait fait ressortir. Parfois, et c'est paradoxal, l'extrait est plus discret que les eaux de toilette ou eaux de parfum. Pourquoi ? Parce qu'il est plus riche, et travaillé pour que les matières jouent avec la peau en véritable osmose et de manière moins linéaire. J'avoue avoir eu des surprises et avoir compris pourquoi, petit à petit, ils entrent dans l'histoire de la parfumerie. Pourquoi ne pas alors, essayer de redécouvrir ce geste, ce parfumage ? Les fêtes s'y prêtent non ?

Angel de Thierry Mugler 1992 extrait de parfum : ce qui me frappe dans l'extrait de Angel, c'est qu'il apparait beaucoup plus compact que l'eau de parfum. Les notes de fruits de la passion de pomme verte semblent emprisonnées dans un ensemble très dense qui fait penser au caramel dur de la pomme d'amour. Cette enveloppe constituée de cacao amer, de caramel, d'épices et de miel fait de cet extrait une composition très gourmande, comme un bon gâteau bien chaud sorti du four. Le patchouli structure l'ensemble, qui ouvre une nouvelle aire en parfumerie. Le parfum se fond sur la peau de manière assez extraordinaire et n'a pas, du coup, la même amplitude que l'eau de parfum. Plus discret mais plus complexe, j'y remarque une note de cire d'abeille, qui le rend riche et très fondant. Je comprends alors pourquoi Angel est un gourmand...moi, je le deviens.

L'Eau d'Issey d'Issey Miyake 1992 extrait de parfum : l'extrait de parfum de l'Eau d'Issey est on ne peut plus représentatif de l'idée que l'on peut se faire d'une fleur d'eau ; fleur de lotus ou de nénuphar, ce parfum apporte en 1992 une nouvelle orientation aux parfums de la famille des floraux. Jouant avec les effluves marins de la calone, l'extrait la cache discrètement pour qu'elle ne serve plus qu'à soutenir et à "perler" la structure florale que je perçois comme étant rosée-abricotée. Les fleurs ressortent, la rose notamment, lumineuse, fruitée, et travaillée autour des notes d'abricot que peuvent avoir certaines d'entre elles. Un soupçon de jasmin et d'hédione souligne discrètement le sillage. Je perçois également, ce que je n'imaginais pas dans l'eau de toilette, une tubéreuse, qui donne de la profondeur et de la sensualité, des courbes même à l'Eau d'Issey. Narcotique, elle est relayée par les muscs blancs et un trait de patchouli, pour la sensualité à fleur de peau. Le résultat est plus pointu et plus riche que l'eau de toilette, qui peut paraitre du coup plus "percutante". A coté de l'extrait, celle-ci parait en tout cas plus immédiate, l'extrait, beaucoup plus charnel.

Coco Mademoiselle de Chanel 2001 extrait de parfum : non testé sur peau mais évalué sur touche, ce qui frappe dans l'extrait de Coco Mademoiselle, c'est la présence assez forte d'un accord d'absolus de roses de différentes variétés. Comme pour l'Eau d'Issey, elles accompagnent le patchouli car elles interfacent leur facettes boisées avec ce dernier, et permettent de faire un pont sur les notes fruitées du parfum, très proches d'une pêche "fruit" et d'une poire juteuse. Le patchouli, boisé donc, n'est pas un patchouli habituel, et c'est très perceptible dans l'extrait. Il est débarrassé de ses facettes terreuses et chocolatées pour apparaitre plus clair, plus limpide, et lisse ainsi toute la composition. Une toute petite note marine du style "nature après la pluie" se devine à peine au milieu de cet accord "chypre moderne" de rose, de patchouli, ainsi qu'un peu de vanille, et de bois miellés. Le tout fond sur la peau dans un accord de muscs blancs très doux. Jamais trop lourd, trop sucré ou trop collant, Coco Mademoiselle sait rester digne d'un vrai Chanel, charnel, signé, sensuel et très actuel.

For Her de Narciso Rodriguez 2003 extrait de parfum : parfum charnel s'il en est, For Her l'est plus que jamais en extrait. Construit comme un parfum de peau autour d'un coeur de musc constitué d'un accord secret de plusieurs muscs blancs dont certains réagiront en véritable osmose avec la peau, For Her s'habille d'une véritable perlée de roses et d'un patchouli très "clair", un peu comme pour Coco Mademoiselle. Du jasmin, de l'ylang ylang, et de l'osmanthus, agrémentés d'une note de tilleul-chèvrefeuille et de notes "salicylées", solaires, donnent un rayonnement incomparable à l'extrait. Une facette "peau de pêche" se révèle plus évidente, plus charnelle aussi, et elle rejoint un effet entre framboise et fraise, qui se fond dans des notes un peu vertes, très douces, qui me font penser à de la sève de feuilles. La boule de muscs charnels évoquée plus haut est appuyée par la graine d'ambrette qui ressort, et s'habille d'une pointe de vanille et d'ambre gris très discrète mais qui contribue au sillage ample, rond, sensuel et très féminin de For Her. For Her dévoile ainsi tout son charme, l'essence même de son âme, et l'on comprend mieux ainsi pourquoi il est devenu, en presque dix ans, un incontournable.

Idylle de Guerlain 2009 extrait de parfum : ce qui frappe dans l'extrait de Idylle, récent, c'est qu'il paraît beaucoup plus sombre et plus riche que l'eau de parfum. Les notes de feuilles vertes et de poire semblent étouffées pour laisser rayonner un accord profond et riche de roses et de patchouli bien charpenté, ourlé dans des muscs veloutés légèrement moites et vanillés. L'extrait est du coup plus épais, plus dense, plus charnel et l'on imagine qu'il travaillera très bien avec la peau de celle qui le portera, tellement les matières semblent texturées. Il fait penser à un bon Bordeaux, dont la texture et la couleur font saliver dès qu'il est versé dans le verre. Découvrir l'extrait, c'est trouver enfin la personnalité propre d'Idylle et accepter de le faire entrer parmi les grands Guerlain, par sa finesse et son élégance, et c'est pourquoi, bien qu'il ne soit pas encore reconnu comme tel, je l'ai choisi pour cet article. Si Idylle n'est pas encore... il devient, l'extrait y contribue.

J'espère par cet article vous redonner l'envie de découvrir ces parfums dans leur concentration extrait de parfum. Donner l'envie également de s'approprier une autre gestuelle et peut être changer vos habitudes. Seules quelques gouttes suffisent, faisant vite oublier la souvent trop généreuse et envahissante vaporisation. Une femme qui choisit la gestuelle de l'extrait fera preuve de délicatesse, de finesse et de justesse dans la façon dont elle se parfume, portera les plus belles facettes des plus beaux parfums de ces dernières années, saura rendre hommage à leur créateurs, et de ce fait, séduira différemment. Accepter le prix, adopter le geste et le comprendre, c'est peut être le début d'un acte rebelle, mais sensuel, élégant, délicat et noble, dans la grande tradition du parfum ?

Pour cet article, je remercie les marques Thierry Mugler, Issey Miyake, Narciso Rodriguez et Chanel pour leurs coopération et grâce à qui les illustrations ont pu être réalisées. Petit carton jaune à Chanel, qui envoie une eau de parfum pour un travail sur l'extrait, et carton rouge à Guerlain, qui n'a même pas répondu à l'appel. Pour Coco Mademoiselle et Idylle, "l'évaluation" de l'extrait s'est faite sur touche, et je n'ai donc pas pu tester ni faire tester ces deux parfums sur peau, contrairement aux trois autres. Dior a été écarté d'office car je ne digère pas le "coup" de Miss Dior, et l'extrait de J'Adore apporte peu et semble très plat par rapport aux autres variations.

dimanche 27 novembre 2011

Entretien avec Cécile Zarokian : inspirations croisées.


Vous en avez assez de respirer toujours le même air et n'avez plus du tout envie de mettre les pieds en grande surface à parfum ? Vous sentez comme un vent d'ennui actuellement que même la parfumerie de niche ne comble pas ? Vous êtes amateurs de belles choses et avez surtout envie de nouveau regard, l'exposition organisée par Cécile Zarokian, parfumeur, et Matthieu Appriou, illustrateur est assurément un évènement à ne pas manquer. Le parfum et l'image sont très liés, mais Cécile et Matthieu dépoussièrent, avec une approche nouvelle et originale, ce qui est aujourd'hui galvaudé par une publicité formatée. Trois parfums sont inspirés par trois illustrations et inversement pour les trois autres. Revenir à l'image, au trait, aux couleurs pour parler d'émotions, de sens et de vérité, c'est une démarche à encourager. J'y suis passé, Cécile et Matthieu m'ont fait voyager, j'ai donc proposé à Cécile de vous en dire quelques mots.


Vous êtes aujourd'hui parfumeur indépendant, est-ce par choix ? Pourquoi ?


C'est un projet que j'avais en tête depuis quelques années, et que j'ai concrétisé en 2011. Cela offre une liberté de création très importante. De plus j'aime être impliquée à chaque étape : la démarche commerciale, la relation client, le conseil, la création et la fabrication du parfum.



Comment est venue l'idée de ce projet avec Matthieu Appriou ?


Je connais bien Matthieu, j'apprécie beaucoup son travail et je pense que c'est un illustrateur très talentueux. Je me suis dit un jour que cela pourrait être intéressant de réunir nos deux univers, en s'exprimant chacun dans notre art à partir du travail de l'autre. Je lui ai alors fait part de l'idée, et il a été partant immédiatement.



Quel est l'objectif de ce projet ?


Nous voulions montrer ce qu'un illustrateur et un parfumeur peuvent créer ensemble, en dehors de toute démarche commerciale. L'objectif est de faire se rencontrer deux univers, et aborder la création dans les deux sens. Le support visuel inspire la création d'un parfum et réciproquement.


Que change ce projet, ce travail en commun par rapport à votre métier de parfumeur au quotidien ?


Au quotidien, Matthieu comme moi avons des commandes, nous créons des illustrations et des parfums à partir de briefs que l'on nous donne. Là nous avons choisi de créer chacun trois parfums et trois illustrations de notre choix, à partir desquels l'autre allait s'exprimer à partir de son ressenti, ses émotions, visuelles ou olfactives, et non plus principalement des mots comme c'est souvent le cas.


En ce qui concerne le parfum, le fait qu'il n'y ait aucune contrainte de prix change énormément du quotidien. J'étais libre de choisir les matières premières que je voulais, les meilleures qualités, et peu importe la quantité. J'ai ainsi pu utiliser comme je le souhaitais de la vanille, de la fève tonka, de l'essence de santal, de rose, ou encore des matières premières synthétiques également coûteuses comme le javanol, l'irone alpha, etc...




Vous êtes vous étonnés mutuellement au cours de ce travail, avez vous eu des
surprises, découvert des choses ?


Chacun avait une grande liberté, que ce soit pour créer en premier ou à partir du travail de l'autre, on ne se consultait pas, on se laissait carte blanche pour s'exprimer dans notre propre univers, respecter la vision de l'autre. Au final nous avons été très agréablement surpris de ce que l'autre proposait, nous avons trouvé que nos oeuvres se complémentaient parfaitement.



Que manque t il selon vous à la parfumerie d'aujourd'hui ?


Peut-être un peu plus d'audace et de folie, peut-être un peu trop de parfums consensuels qui se ressemblent.


Avez vous envie de renouveler l'expérience après cette première exposition d'octobre 2011 et sa prolongation en décembre ?


Nous avons des contacts en cours pour éventuellement exposer bientôt ailleurs, à Londres notamment, et peut-être dans d'autres galeries ou musées.


Et avec Matthieu nous envisageons un deuxième épisode ultérieurement...


Un procédé unique et novateur développé par Scentys permet de découvrir le sillage du parfum comme en "3D". Mon coup de coeur, pour l'illustration et le parfum : le N°2. A chacun de découvrir son propre univers.

Exposition Cécile Zarokian et Matthieu Appriou, à partir du 1er Décembre 2011 et pour tout le mois de décembre du lundi au vendredi, à l'Atelier Galerie, 51 rue des Vinaigriers, 75010 Paris, Métro Jacques Bonsergent Ligne 5.

Noter qu'il faut prendre rendez-vous auparavant, infos et site internet : ici

lundi 21 novembre 2011

Vent de vert !

Les parfums verts se font assez rares pour pouvoir finalement, en un seul article, les regrouper dans leur grande majorité. J'ai retenu ici les parfums dont la tonalité est franchement verte dès les premières notes autour essentiellement du galbanum et de la menthe. Ils évoquent les larges prairies, le vent, les feuilles, la fraîcheur sans tomber dans le propre mais souvent sur une structure florale. Sont exclus les chyprés verts, très marqués par le patchouli et plus sombres à cause de la mousse de chêne et ceux qui pourraient se rapprocher des fruités comme Matin d'Orage et Fleur de Liane par exemple. En les parcourant, j'espère que vous comprendrez ce choix.

Tout commence sur une idée de Germaine Cellier pour Vent Vert de Balmain, créé juste après la sortie de la guerre comme un souffle nouveau, un vent de fraîcheur. La note verte par excellence en parfumerie étant le galbanum (le simple fait de le sentir vous transporte au coeur d'un brin d'herbe terreux), Germaine eut l'idée de la surdoser dans ce parfum. Très appuyée aux débuts de l'existence de Vent Vert, le galbanum apportait une vraie signature et le vent de fraîcheur vive tant recherché. Le coeur était plus classique, fleuri de néroli, de muguet, de rose, de jasmin et soutenu par les bois précieux sur un fond humide et moussu. La tenue était excellente et le parfum d'une pureté nouvelle à l'époque. Hélas, la version actuelle semble n'être qu'une simple photocopie, les matières faisant bas de gamme, le sillage étant trop puissant et la signature globale décevante. Vivement, comme chez Piguet, que quelqu'un se mette à faire revivre le patrimoine olfactif de Balmain.

Au tout début des années 60, les floraux cristallins fleurissent et Yves Saint Laurent ouvrit également cette porte. Y portait en lui les gènes de Vent vert, dans une idée plus sophistiquée, mais aussi plus "couture". Sillage intense et belles matières à l'unisson font écho à la robe Mondrian orange et verte, dans une idée de pureté agrémentée de couleurs et cintrée par le noir : galbanum, muguet, rose et jasmin en tête de cortège passent du vert pâle au vert foncé dans un accord ambré boisé, où le vétiver, le bois de gaïac le patchouli et le ciste labdanum apportent une touche orange cuivré. Même encore aujourd'hui dans son nouveau flacon, le fond et le sillage font des merveilles sur peau dans un esprit vert, floral, cuiré, fumé très doux, qui me rappelle vaguement certaines Heures de Cartier dans les notes de fond qui dessinent la ligne noire. A tester ou redécouvrir sans hésitation.

Quelques années suivent de silence radio, avant le retour de la tendance dans les années 2000, où le besoin de fraîcheur est comblé par Guerlain et une collection de nouvelles eaux fraîches, à porter comme des parfums. Herba Fresca rencontre un vif succès, car ses notes menthées, anisées, jasminées et citronnées mêlées à un accord de feuilles vertes dans un sillage très vif et tenace apportent en vent nouveau à l'époque. Elles n'ont pas pris une ride et sont encore là aujourd'hui, témoin des tous débuts, ce qui est loin d'être le cas de toute la gamme.

Chez Frédéric Malle, vous me croirez ou non, mais j'ai besoin de le dire. Je reste persuadé que, pour créer French Lover lancé en 2007, Pierre Bourdon s'est inspiré d'un accord "cascade verte" que je lui présentais en 2004 lors de notre rencontre où je lui demandais seulement quelques conseils et lui présentais mes travaux des tous débuts. Le galbanum terreux était surdosé, mouillé de notes de feuilles vertes et de pomme grany, de terre humide, de poivre rose, de patchouli et de bois. Je ne retrouve plus mes notes de l'époque, et j'en suis triste. Lui ne m'a rien dit : avais-je l'idée mais tout à construire ? Lui avait l'expérience, un client, et quelques bois ambrés à ajouter. Je n'ai jamais bien compris si c'était un hasard ou non, mais cette expérience me trouble encore aujourd'hui. Pour le parfum, j'aime la tête et pour cause, mais moins le fond, trop "karanal" (les fameux bois qui piquent) à mon goût au porté. A propos de French Lover, ne trouvez vous pas qu'il pourrait être le vrai Guerlain homme, celui qui s'est perdu dans la jungle ? Moi, je trouve cela assez drôle !

Dix années plus tard, deux parfums arrivent sur la scène dans un vent de vert, vif et frais. L'original, A Scent, où le galbanum fait la courses à l'abricot et aux muscs blancs autour d'une structure florale finalement assez proche de Vent Vert, et la "copie", très inspirée qu'est Vivara Verde, ou seules quelques notes plus fraîches et citronnées viennent pour ainsi dire calmer l'audace du premier. Le second est plus "facile" mais tout aussi beau et vraiment à connaître pour le coup, même si l'inspiration est évidente, et A Scent, lui, est entré dans le coeur des experts avec tout le bien qu'ils en pensent, moins dans celui du public.

J'espère que ce petit vent vert vous fera le plus grand bien. Il vivifie, égaye, apporte un peu de bonheur dans nos villes polluées à l'acide de gasoil. Envie de verdure ? Oui, pour ma part, je crois bien que j'en ai bien besoin !

Illustrations : Photo de verte prairie, Balmain, Yves Saint Laurent, Frédéric Malle, Guerlain, Issey Miyake, Emilio Pucci.

dimanche 13 novembre 2011

Petits Soldes Entre Amis : PSEA Nov 2011.

Voilà, j'en parlais il y a un mois, et je me décide enfin. Ils ont été essayés, portés, parfois vénérés, parfois pour y chercher quelque chose que je n'ai finalement pas trouvé. Au bout du compte, ils restent là, sur l'étagère, muets, et je n'y retrouve plus l'émotion que j'avais lors du premier achat ou alors parfois en revanche, j'ai racheté un flacon plus grand, et je ne garde plus le petit. Je suis d'avance désolé pour ceux qui m 'ont aidé en obtenir certains, mais oui, il faut s'y résoudre, après hésitation, je passe à autre chose.

Ils sont tous dans leur flacon d'origine. Alors, si certains de ses soldes vous intéressent, contactez moi par mail et nous verrons comment faire, mais ne soyez pas trop pressés car je dois faire avec un emploi du temps chargé en ce moment, excusez moi par avance.

A 45€
  • Mon Numéro 10 de l'Artisan Parfumeur reste 40ml sur 100ml.
  • Felanilla de Pierre Guillaume : 30ml plein.

A 30€
  • Sel de Vétiver, reste 45ml sur 90ml.
  • Habit Rouge Eau légère édition limitée : reste 80ml sur 100ml.
  • Vétyver de Givenchy : reste 55ml sur 100ml.
  • B Men de Thierry Mugler : recharge, reste 90ml sur 100ml.

A 25€
  • Egoiste de Chanel : reste 35ml sur 50ml.
  • Egoiste Platinum de Chanel : reste 35ml sur 50ml.
  • Vétiver de Guerlain formulation 2011 : reste 35ml sur 50ml.

A 20€
  • Patchouli de Réminiscence : reste 25ml sur 50ml.
  • Vétiver Sport de Guerlain édition limitée : reste 25ml sur 50ml.

vendredi 11 novembre 2011

Le Chypre - Coty 1917 : accord mythique.

J'aime cette sensation à la sortie d'un aéroport, où à la nuit tombée, tout est noir. On ne voit plus rien. Un noir tellement intense que l'on ne perçoit que l'air ambiant, dans un sillage nouveau, doucettement fumé de lichen, d'herbes sèches, de vent de sable et de terre aride. Quand François Coty posa pour la première fois les pieds sur la terre de Chypre dans les années 1910, cette impression devait sans doute être encore décuplée, car je l'ai assez fortement ressentie au tout premier contact avec l'île, même de nos jours. Elle se confirme dans les terres, à l'approche des temples, des mosaïques et surtout, le long des allées parfumées qui jalonnent l'île. Origan, thym, basilic, ciste, mais aussi oranges, bergamotes et roses sauvages se dévoilent au détour des chemins secs.

Ce n'est plus un secret, l'évidence n'en est que plus flagrante, l'accord dit "accord chypré" puise bien les sources de sa structure olfactive sur ces terres, comme le nom d'Aphrodite, omniprésente ici, tire son origine de l'écume de la mer. Il me semble alors que de retour à Paris, garder ces sensations olfactives en mémoire fut un défit pour le parfumeur.

Pour évoquer l'herbe sèche et cette sensation de lichen, de la mousse de chêne, riche, piquante, froide et fumée se révèle indispensable, surtout dans ses variétés de l'époque. Le patchouli et ses notes camphrées rappellera les arbustes de thym et d'origan ainsi que les bois, le ciste labdanum fera le lien entre le sol et l'air par ses notes résineuses d'ambre sombre, de sable chaud et de pierre aride. Enfin, pour que cette structure soit un vrai souvenir olfactif qui ait l'air d'un parfum, pourquoi ne pas ajouter un soupçon de ses fleurs sauvages et piquantes comme la rose turque, et apporter un peu de sensualité solaire grâce au jasmin cuiré ? Bien sûr, pour que cela monte un peu, la bergamote, qui se combine avec quasiment toutes les familles olfactives grâce à ses multiples facettes fruitées, acidulées et florales, arrosera le tout.

Redécouvert récemment dans une version des années 50 relativement bien préservée, Le Chypre de Coty paraît un peu daté, mais sa structure est très perceptible, le lien entre les notes que l'on sent dans l'air de Chypre devient évident, et l'on perçoit surtout la qualité des matières utilisées à l'époque, la tenue altière de cette structure ainsi que son mystère, fidèle aux légendes dont Chypre est la scène.

Le talent d'un parfumeur, une source d'inspiration, une muse omniprésente, ainsi naquit un accord mythique, emprunt de mythologie, de séduction féminine, d'histoire de terre et de plantes. Une histoire, riche et vraie, qui me semble alors être indispensable à toute belle création. Ne serait-ce pas aussi l'explication à quelques succès ?

L'accord chypré, pour la première fois mis en avant par ce parfum en 1917 est ainsi devenu un archétype, maintes fois reproduit, souvent enrichi pour ouvrir la porte de nouveaux horizons olfactifs, comme avec Mitsouko par exemple, qui y apportera la note fruitée de pêche, 31 rue Cambon qui l'adoucira de bois, Bandit, qui le cuirera, Aromatic Elixir qui y ajoutera des notes de rose opulente, et plus proche de nous For Her, où un coeur de musc d'une modernité étonnante ouvrira une nouvelle voie à cette famille, qui semble aujourd'hui définitivement trouver une place de choix.

Sources : Red Berry pour le parfum. Illustrations : le Temple d'Aphrodite, le Chypre de Coty vintage, Botticelli.

jeudi 3 novembre 2011

Quand la tubéreuse devient folle !

La tubéreuse n'est pas une fleur facile. Reconnue comme énigmatique et intrigante, elle peut être approchée sous deux angles en parfumerie. Celui du charme et de la volupté de son sillage, souvent accompagnée de fleur de tiaré, de fleur frangipanier et de noix de coco, ou celui plus étrange de son "piquant", de son coté venimeux. Les quatre tubéreuses ci-dessous ont choisi la seconde direction. Ludiques, étranges voire même imbuvables, elles ont toutes un grain de folie, et séduisent ou rejettent. Idéales pour un double jeu, non ?

Tubéreuse Criminelle de Serge Lutens - "killeuse" : il y quelques années, ce parfum était étrange, car il partait d'un accord tubéreuse agrémenté d'épices avec une note proche du clou de girofle qui lui donnaient du piquant et un charme intrigant, pour évoluer sur peau de manière plus douce et se fondre à elle. Or, cette année, je ne sais pas si l'IFRA est passée par là, mais Tubéreuse Criminelle a du se prendre un coup de boxeuse car, dans sa nouvelle version et son nouveau flacon, elle semble défigurée. Le charme n'y est plus : en lieu et place, une très méchante note de wintergreen que les américains adorent car elle est utilisée dans la root beer, saute au visage. L'évolution semble décousue, avec parfois des relents citronnés de produits ménagers. Tout cela se calme au bout d'une heure mais elle me semble toujours un peu polluée. Manque de maturation, volonté de faire vite ou logique parfumistique décadente qui semble être une tendance un peu prétexte à faire n'importe quoi, pourquoi pas, mais je ne comprends pas ? Criminelle, elle l'est et porte donc très bien son nom, car elle vous renverse non pas par ses charmes, mais parce qu'elle va se vendre défigurée et à ce prix ... une vraie killeuse !

Rubj Eau de Parfum de Véro Kern - "mante religieuse": la démarche se veut plus modeste et le charme n'en est que plus poussé. Etrange, la tubéreuse de Rubj, surtout dans sa version eau de parfum serait un peu comme une personne à première vue pas très belle mais qui assume si bien qu'elle vous scotche au premier regard et dégage de la sympathie. Elle aurait pu être la tubéreuse de Rosie de Palma par exemple, et je l'imagine très bien sur Lady Gaga dans son clip Bad Romance avec sa tenue Alexander Mc Queen. Rubj Edp est une tubéreuse sulfureuse par ses notes de fruits de la passion et un surdosage de cumin, qui ne pourront que coller à la peau de certaines femmes. Etrange, certes, mais ceci ne fera que ressortir le sillage de vraie tubéreuse tueuse d'hommes qu'elle ne dévoile que quelques minutes après ! Vous vous sentez mante religieuse ? C'est normal ! A découvrir en connaissance de cause pour pouvoir mieux se prêter au jeu ...

Vierges et Toreros de Etat Libre d'Orange - "fuck me I'm famous": j'ai toujours pensé, depuis le début, que l'histoire de Vierges et Toreros s'était écrite sur les fauteuils en skaï d'un club échangiste ou sur la banquette arrière d'une vieille Cadillac et non dans l'arène tellement ce parfum me fait penser à ces fins de soirées où les corps sont moites et excités. Tubéreuse vénéneuse, cachée sous un cuir sombre, les épices et la mousse, légèrement humide, Vierges et Toreros donne l'impression de perdre tout contrôle sur la situation. Etes-vous parfumés ou est-ce votre propre peau, vous ne savez plus. Pourtant il semble bien que quelque chose se passe. Pour jouer l'étreinte avec un grain de folie, c'est assurément le bon choix !

Me Myself and I de Ego Facto - "croque la pomme !" : construite comme une tubéreuse cuirée enroulée de vétiver sombre et d'un accord cigüe mystérieux (avec du styrax et de la cannelle on dirait), Me Myself and I est un parfum qui porte bien son nom tellement il faut être sûr de soi pour pouvoir jouer avec. Dans la même veine que les trois autres, cette tubéreuse amère et moussue intrigue et dérange. On ne sait pas trop si elle sent bon ou si elle veut nous faire fuir par ses notes de champignons un peu moisi. Pourtant, il reste sur peau un aspect fumé boisé assez marqué qui dans la moiteur d'un moment intime peut dévoiler toute sa richesse. Etrange, mais à méditer pour soi, sûr de soi et pour se faire plaisir à soi, sans doute.

A porter plus par jeu que pour vraiment séduire au quotidien un peu comme le costume dessiné par Alexander Mc Queen pour Lady Gaga, ces tubéreuses auront au moins le plaisir de vous envoyer hors des sentiers battus et de vous faire explorer d'autres territoires. Elles sont un peu folles mais peuvent être attachantes, et vous êtes vous ou avez vous été téméraires ?

Illustrations : Lady Gaga Bad Romance, Serge Lutens, Véro Kern, Etat Libre d'Orange, Ego Facto.

lundi 31 octobre 2011

Santal Massoïa - Hermes 2011 : duel égoïste !

Quelques jours précédant l'arrivée de Santal Massoïa dans la ligne Hermessence, j'interrogeais une vendeuse du tout nouveau stand du Printemps Haussmann pour savoir si ce santal n'aurait pas quelques inflexions de figue car je supposais, vu que Jean Claude Ellena travaille beaucoup avec Givaudan, qu'il utiliserait pour ce santal une base appelée méthyl laitone, qui sent le santal lacté, le lait de figue avec quelques notes farineuses. Elle me répondit "ahhh, vous verrez, je ne peux rien dire mais c'est un santal très différent", avec un regard un peu complice.

A sentir le résultat, il serait très étonnant que cette base n'ait pas été utilisée tant les premières notes et en fonction des peaux par la suite, le santal lacté, la figue et une sorte de Bois Farine ressortent. Ce serait tout de même assez réducteur de s'arrêter là sans évoquer le reste. Sous une robe assez simple, Santal Massoïa est tellement facetté qu'il en devient assez peu évident à lire. C'est une habitude de JCE de tellement maitriser les dosages qu'il en devient difficile de distinguer les détails. Ainsi, il parle d'évocations, et la vérité n'en est que plus proche.

Je devine pourtant que ce santal est habillé d'une sensation "foin" et de violette, rappelant le foin coupé et l'univers des chevaux, le cuir "daim" cher à Hermes mais aussi des parfums comme Duel et l'Heure fougueuse. Cet effet est sans doute dû à l'idée d'un Narcisse Bleu dont JCE parle dans son journal du parfumeur, dans lequel j'imagine que feuille de violette et absolu narcisse jouent un rôle et où l'anis viendrait jouer le contrepoint, car parfois, et de manière très discrète, la carvone, note anisée/menthée assez "after eight" se dévoile. Cette conjugaison de violette, d'anis et de foin presque cuir peut évoquer Fahrenheit, mais pour moi, comme le santal est très présent, Santal Massoïa se situerait entre Duel, Egoïste et Bois Farine, tout en gardant sa propre personnalité, entre un blanc lacté immaculé, un bois plus sombre, plus dense et légèrement réglisse et l'univers "cuir-daim" du cheval.

Ce duo/duel entre les deux bois lactés évoqués, le santal et le bois de massoïa et dont la traduction est rendue possible grâce à la méthyl laitone, en fait un parfum plus complexe, plus riche qu'il n'en a l'air, mais pourtant assez discret, plus intime et plus peau que les précédents. Un jour lacté comme le santal, un autre plus farineux et réglissé comme le massoia, le lendemain très daim comme le narcisse et la feuille de violette et quelquefois lumineux et fruité comme la figue, ce parfum aux facettes multiples saura jouer de manière très différente selon les personnes, permettant à chacun d'avoir sa propre appropriation. Un duel, qui deviendrait très égoïste en somme.

Ce qui me séduit le plus : j'y retrouve cette idée du narcisse bleu, avec du vrai absolu narcisse que j'adore et je perçois enfin cette base methyl laitone en vrai, maitrisée comme une petite merveille sur peau. De plus, à chaque fois que je suis tombé sur un parfum qui faisait écho à plusieurs autres, comme ce fut le cas pour Fahrenheit, Méchant Loup et Héritage en leur temps, ce parfum m'a accompagné pendant quelques années.

Alors, comme je m'interrogeais il y a quelques temps sur l'Hermessence qui pourrait devenir mienne, j'attendais avant de craquer pour Paprika Brasil, je vais tester car ce Santal Massoïa pourrait bien y apporter la réponse.

Illustrations : Antoine Legrand, Hermes.

jeudi 27 octobre 2011

M7 Oud Absolu - Yves Saint Laurent 2011 : ce que cache un cube noir... le flacon.

Que peut donc renfermer un cube noir orné d'un capot noir légèrement décalé ? Peut être un parfum qui fut d'abord enfermé dans un rectangle de plexiglas de couleur rouille ? Ou peut être même tout une gamme ?

Oui, bien sûr, mais pour le remettre au goût du jour, pourquoi ne pas faire honneur à la matière noble qui fut remise en avant par ce parfum ?

Ainsi, alors que Yves Saint Laurent revoit sa gamme "d'anciens" dans cet écrin cubique tout de noir vêtu, il a été jugé bond d'accentuer la facette oud dès les notes de tête, ce qui confère au parfum une texture plus épaisse et un aspect sombre plus marqué. Très "noir" dès le départ, le bois de oud, boosté par un renfort d'autres bois dont le patchouli et par des notes de cuir comme le styrax projette cette envolée dans l'évocation d'un meuble asiatique sculpté dans ce bois si précieux. La sensation serait un peu celle d'un tiroir que l'on ouvre, les effluves de bois nous sautent au nez et tant de souvenirs reviennent. La suite, vous la connaissez, car on retrouve l'accord de mandarine, de jasmin légèrement sucré, de patchouli et de cuir du M7 d'origine.

Soulevez le capot (le bouchon en langage pro), M7 Oud Absolu ou le noir absolu nous rappelle le temps du paradoxe : celui où la maison était sous une direction artistique qui a su laisser une vraie empreinte olfactive qui n'a hélas pas rencontré de succès immédiat, alors que quelques années plus tard, une direction commerciale enchaine les blockbusters à une vitesse phénoménale, sans laisser d'autres traces ailleurs que sur les primes d'objectif et les fiches de paye de ses employés, sans doute heureux de ce sort malgré eux...

Les temps changent, le public varie, l'avantage d'avoir un peu de trésorerie est de pouvoir prendre une direction pointue sans trop de risques. Sachant que l'on retrouve ce M7 un peu différent mais tout aussi intéressant et surtout les très attendus Jazz, Nu et In Love Again à priori intacts, qui pourrait s'en plaindre ?

Illustration : "A tool to deceive and slaughter" ou le cube noir qui se vend seul de Caleb Larsen et Yves Saint Laurent.

mercredi 19 octobre 2011

Thierry Mugler, le goût du parfum et Angel Eau de toilette : paradis amis.

Alors que je découvre que le salon du chocolat a lieu ce week-end, je pense à cet article qui parlerait de petites perles de paradis qui nous sont offertes pour ces fêtes de fin d'année 2011. Habitué à explorer les facettes de ses parfums, la marque Thierry Mugler nous plonge cette année dans l'univers du goût. Comme nous le montre Patty Canac dans son atelier Passion-Nez, le nez et le palais communiquent à tel point qu'ils font appel au même fonctions de notre mémoire et à la même fonction mécanique. Pourquoi alors ne pas s'amuser à explorer le goût en parfum en jouant avec la texture et la richesse de nouvelles matières naturelles, d'autant plus que le résultat n'est vraiment pas dénué d'intérêt ?

Angel, le goût du parfum, enrichi à la fève de cacao : Angel est déjà un parfum gourmand. Dans ce travail, la pomme d'amour originelle, bien rouge, se transforme en pomme d'amour en chocolat. Recouverte d'une fine couche de cacao bien amer, l'effet gustatif est immédiat tant le chocolat titille les papilles et le nez dans une sorte de walkyrie menée de front dès l'envolée du parfum. Je ne vous apprends plus que le chocolat est un allié quasi naturel du patchouli, qui fait reprendre à Angel ses couleurs boisées au cours de son évolution avant de finir dans une douceur caramélisée onctueuse qu'on lui connait si votre peau "travaille" bien avec. On en mangerait ? Mais, c'est fait pour !

Alien, le goût du parfum, enrichi de caramel au beurre salé : bien évidement, cet effet ne fut possible que parce que désormais les parfumeurs et les aromaticiens du goût n'ont plus peur de travailler ensemble et d'explorer des territoires communs. L'éthyl maltol, bien connu depuis Angel et qui a fait parler de lui dans le récent Candy de Prada a ainsi été ajouté à la structure d'Alien, accompagné d'une note entre le café et le petit pain beurré, le tout agrémenté d'une gousse de vanille ; effet "petit four" garanti. Alien se caramélise donc, envoyant son puissant jasmin de manière plus immédiate avec un effet à mon avis plus crème brulée que caramel au beurre salé. Un effet encore plus "alien", car il lui confère une certaine étrangeté. Ce n'est qu'au bout d'un certain temps que le caramel mou se dévoile, comme pour Angel, tout en douceur. Le nom n'est pas usurpé, ce test de goût est une belle variation sur un même thème.

Womanity, le goût du parfum, enrichi d'un chutney de figue : j'aimais déjà beaucoup la verdeur saline de Womanity et son sillage de bord de mer. Enrichi de ce chutney de figue issu d'une extraction moléculaire des plus au point, les facettes vertes se révèlent encore plus "sève d'arbre", le fruit, la figue en l'occurrence, devient goulue et gorgée de sucre. Les papilles et le nez salivent. Les facettes marines, peut être un peu trop présentes dans l'original s'atténuent et le sillage devient plus dense. C'est précisément pour cette densité que je trouve ce travail très réussi. Womanity semble trouver, avec ce chutney renforcé les couleurs qu'il devrait avoir depuis le début. Un travail à croquer.

A Men, le goût du parfum, enrichi de piment rouge : brûlant, tonitruant, audacieux, cet ajout de piment transforme presque le doux chocolat-café d'A Men en colosse à la force domptée. Le départ, très fougueux, projette immédiatement le café et le piment qui semblent naturellement se faire écho. L'on perçoit alors très vite les facettes boisées de A Men et le fond chocolaté se fait plus viril. Assez différent du A Men que l'on connait, il serait presque à la frontière du regretté B Men. Pour qui voudrait changer sans partir trop loin, c'est intéressant non ?

Angel Eau de toilette : alors que je visitais en Juin le salon des matières premières à parfum, Givaudan nous présentait une nouvelle molécule. Sans en être vraiment certain, il ne serait pas étonnant d'apprendre qu'Angel Eau de Toilette serait le premier parfum à l'utiliser de manière évidente. Pourquoi ? Parce que cette molécule qui se nomme paradisamine sent à la fois les fruits de la passion, la mangue, la framboise, le cassis, la pomme et la fraise. Or, les notes de tête de Angel Eau de parfum étant constituées de pomme verte et de fruit de la passion, il ne serait pas étonnant de faire un tel choix par volonté de lisser un peu le trait afin d'arrondir les angles et proposer une version plus accessible de ce parfum phare. Je suis assez d'accord sur le fait que le trait semble affiné et lissé, ce qui n'est pas un mal en soi, mais j'aimais précisément Angel pour ces facettes différentes et son évolution par surprise et selon les peaux ! Là, il y en a moins, mais peut être pour plus de monde il est vrai ?

Comme vous l'aurez compris, le travail sur le goût du parfum m'a très largement convaincu, car il projette la parfumerie de matières dans des profondeurs encore rarement explorées et permet d'enrichir les quatre parfums de facettes inconnues. Je trouve l'eau de toilette Angel très équilibrée, le flacon est magnifique mais je préfère tout de même la sensation originelle.

Grignoter tout ce petit monde comme une sorte de paradis ami pour les fêtes réserve de belles surprises ... on en mangerait !

Illustrations : Thierry Mugler, Ateliers et Le goût du parfums - Yves Bagros création culinaire : site yvesbagros.com

mercredi 12 octobre 2011

Coromandel de Chanel vs Patchouli Impérial de Dior : alléger le patchouli.

Alléger le patchouli est à la fois un défi technique, mais il nait aussi d'une volonté forte de mettre un peu de légèreté dans cette matière, de manière à la débarrasser de ses à-priori. Le patchouli, de par son histoire au coeur du monde hippie des années 70 et parce qu'il parfumait les cocottes dans les années 20 est souvent lié à une image lascive, de meurs dégradés et de vulgarité affirmée. Faire fi de cela, c'est savoir qu'historiquement, cette plante avait pour vertu de préserver les tissus importés des colonies lointaines. Il est donc plus facile alors, de comprendre pourquoi cette matière semble avoir une affinité naturelle avec les beaux tissus comme la laine, le velours, la soie, et les accompagne à merveille.

Il y a deux ans, lors de la visite autour du palais impérial de Tokyo, je remarquais que le patchouli était omniprésent aux abords de ce palais. Ses effluves étaient amplifiées par le feuillage des arbres et la terre humide. Un patchouli impérial par nature ... et un très beau souvenir olfactif mélange de notes vertes, subtiles, légères, fraîches et terreuses à la fois.

Avant Coromandel, les "soliflores patchouli" étaient plutôt lourds et sirupeux. Non dénués d'intéret pour autant, il étaient de forts partis pris mais essentiellement axés sur la matière première en tant que telle, accentuée de facettes épicés et ambrées. Patchouli Patch amorce un tournant avec ses notes anisées, et ouvre un chemin vers une certaine forme de nouveauté, Bornéo 1834 le remet au goût du jour.

Coromandel ouvre véritablement un nouvel horizon : un peu comme si l'on mettait un gros homard gonflable au beau milieu d'un décors hyper classique et très classieux, un peu comme si Jacques Polge avait fait en sorte d'ouvrir une porte pour apporter une bouffée d'air frais, Coromandel joue avec de nouvelles techniques d'extraction. Le patchouli et la vanille, plus clairs et plus purs s'allègent comme un nuage, soulève les notes lourdes tout en contribuant à "dorer" le parfum, qui devient ainsi plus lumineux. Les facettes lourdes comme des tentures disparaissent derrière cette structure légère et moderne et sur peau, le patchouli s'adoucit, se caramélise, se gonfle pour s'arrondir. Un parti pris réussi puisque Coromandel rencontre un véritable engouement parmi les aficionados du parfums.

Dior n'est sans doute pas rester insensible à la démarche amorcée par son ennemi. Par l'intermédiaire de sa collection couturier parfumeur, très créative au départ avec des parfums comme Bois d'Argent et Cologne Noire initiée par Hédi Slimane et plutôt axée aujourd'hui sur un travail autour d'une matière bien précise ou d'un style affirmé, François Demachy s'attache à renouveler les genres plus qu'à innover. Il veille en revanche au soucis du détail et de la perfection; en effet, dans cette collection, il est difficile de dire que les parfums présentent des défauts car tout est à sa place et très bien balancé. Patchouli Impérial n'échappe pas à cette règle. Ce nouveau parfum suit la forme de Coromandel dans le sens ou c'est également un patchouli allégé de ces aspects terreux, mais il accentue peut être un peu plus le propos du patchouli ambré en fignolant le trait avec de toutes petites nuances. Un contraste intéressant me surprend : l'utilisation très subtile d'une note iodée-salée qui sur peau, fait des merveilles (c'est le cas sur la mienne). Coromandel parait plus boisé et "rosée", mais les différences demeurent relativement faibles.

Amateurs, amatrices, sans doute ne serez vous pas déçus ! En revanche, si vous attendiez un patchouli révolutionnaire ou si comme moi, vous cherchiez une alternative plus complexe (un peu comme Héritage), il se peut que, abstraction faite de ses qualités intrinsèques, ce Patchouli Impérial vous déçoive légèrement ... ce serait être bien exigeant.

Illustration : Jeff Koons, Des Filles à la vanille, Chanel, Dior.