samedi 23 novembre 2013

Aubade Le Parfum - Aubade 2013 : up close and personal.

Leçon de séduction N°143 : le mettre au parfum ! L'appel est lancé, la promesse est grande et l'attente d'un passionné de parfum et de création est tangible à l'idée de découvrir ce que la parfumeuse Delphine Jelk, auteure de la désormais célèbre Petite Robe Noire de Guerlain a pu imaginer autour de cette idée. Fébrile, et craignant d'être confronté à la réaction de déception que vous avez pu éprouver en découvrant le premier parfum d'une marque comme Repetto dont l'univers est riche, vous n'attendez pas forcement de surprise. 
Pourtant, lorsque la vendeuse vaporise sur la touche les notes de Aubade le Parfum, que vous portez la touche à votre nez, le passionné enjoué que vous êtes retrouve le sourire : ma première réaction ne s'est pas laissé cacher, car ce fut un "Wouahou" immédiat, comme celui éprouvé il y a maintenant 6 ans en découvrant Dior Homme, La Fille de Berlin et Majalis cette année.

Enfin quelque chose d'intéressant, de nouveau, de très bien construit et surtout, d'hyper cohérent avec l'univers de la marque. Charmeur, charnel, sensuel, un brin coquin et espiègle, le parfum Aubade est pour moi une très belle surprise. Même s'il me fait connecter avec des références que je connais en parfumerie, son traitement, sa texture et son évolution lui confèrent une signature unique et un propos qui lui est propre.

Aubade, c'est un peu la recette suivante dans un savant mélange et d'alchimie ; prenez les facettes coquines de Kiki de Véro Kern, et ajoutez un soupçon de Pillow Mist (Brume d'oreiller) de L'Occitane, pour créer l'envie de se rapprocher. Ces deux là ont en commun une note que j'adore, chargée en tillal, une matière aux accents anisés à la fois propre, sensuelle et que je trouve d'une grande modernité, souvent masquée mais ici mise en valeur. Affinez le trait en allant chercher quelques fleurs modernes et propres chez Close de Gap, pour placer le parfum dans son époque, travaillez le coté muscs clairs et peau chauffée au soleil que peut avoir un Ck Be et complétez le tout du caractère bien trempé d'un Hypnotic Poison, avec la sensualité d'un Teint de Neige. Gardez toutes ces idées en tête, composez et ajustez le tout de notes personnelles, qui resteront confidentielles, en touchant la verdeur d'un jardin frais. Jettez-y une belle qualité d'amande amère, qui apporte une vraie structure et une profondeur au sillage, et donnez lui une dimension, une signature à la fois légère comme une dentelle, verte comme une feuille fraîche et douce comme le coton. Vous rejoignez ainsi l'univers sensuel et charnel de la marque et vous tenez là un succès prometteur. D'abord distribué dans les boutiques de la marque, si le parfum séduit celles qui s'y aventureront, il ne laissera sans doute pas leurs hommes indifférents quand elles le porteront.

Up close and personal, ce kiki émoustillé sur l'oreiller (c'est rigolo non ?) alors que deux peaux ont l'intention d'être plus "close", possède bien un vrai pouvoir hypnotique. Ne sommes nous pas dans l'intimité voulue par Aubade ? Un vrai coup de coeur, le troisième cette année avec La Fille de Berlin et Majalis ! Et même s'il m'évoque tous les parfums évoqués plus haut, il sait garder sa propre personnalité, une légèreté, une modernité et un vrai propos. Un grand bravo et merci à Delphine Jelk, car elle met un peu de lumière dans un paysage parfumistique 2013 assez morose. Et pour Aubade, c'est une leçon N° 143 parfaitement réussie.

Illustration : Aubade, le Parfum.

lundi 18 novembre 2013

Majalis - Les parfums de Rosine 2013 : cannelle honnie à la mode nouvelle.

La cannelle, on aime ou on déteste, mais elle a au moins le mérite de susciter une réaction et d'interpeler les sens. Le moins que l'on puisse dire lorsque l'on découvre Majalis, le tout dernier bébé des parfums de Rosine, c'est qu'elle revient sur le devant de la scène.

Vous savez alors à quoi vous attendre : de la cannelle, traitée quasiment en soli-note, c'est assez rare pour être souligné. Elle arrive comme un coup de poing, dès les premières vaporisations, puis se dévoile subtilement, sans jamais se montrer trop brutale pour autant. Majalis traite en effet cette matière avec beaucoup de douceur, de volupté et de sensualité. Très présente certes, elle se montre tellement maitrisée dans son évolution qu'elle dévoile les facettes de sa personnalité grâce à une sélection très pointue de notes cognitives, qui ne feront que la mettre en valeur. L'on devine alors à peine que la rose joue avec elle tout au long de la partition, et que d'autres épices comme la muscade, le poivre et la coriandre lui emboitent le pas. Le parfum qui semble assez linéaire ne l'est en fait pas tant que cela tant il est facetté au porté. Parfois fort en caractère si les épices se dévoilent, Majalis sait se montrer très doux, enveloppant et "cocon" lorsqu'il parle sur la peau. Un jeu d'agrumes, de vanille et de muscs de qualité n'y sont pas étrangers, car le fond dévoile beaucoup de suavité, de confort, et l'on se plait à voyager dans un imaginaire en Inde, où mage, rose, cannelle et santal font partie de la culture olfactive locale.

Pour ma part, je ne peux m'empêcher de vouloir remettre le nez dans Egoïste, dans Coco et, allez savoir pourquoi (car je ne comprends pas moi même), dans feu Le Baiser du Dragon de Cartier ; vétiver, épices, rose ? Il n'y a pourtant pas de vétiver apparent dans Majalis ! 

C'est donc une découverte de caractère, un parti pris osé et culotté : la cannelle, honnie en parfumerie, revient ici à la mode nouvelle. Parmi l'avalanche hystérique de ouds débiles qui crient comme dans un asile de fous et qui figurent le paysage très noir de la parfumerie de niche actuelle, cette initiative fait du bien. Je trouve juste dommage que les hommes soient obligés de faire abstraction d'un flaconnage un poil féminin s'ils l'aiment, ce qui est mon cas, et je regrette d'ailleurs que la marque s'oblige à "sexuer" ses parfums, car dans ce cas, aucune frontière apparente autre que celle du packaging ne constitue un frein à l'appropriation de cette petite merveille.

Rien que pour cela, une petite visite à la boutique du Palais Royal s'impose, mais elle dévoilera également une autre surprise avec les nouveaux extraits qui déclinent les plus beaux parfums de la marque. Même les hommes y ont droit : Rose d'Homme, Rosissimo, Twill Rose, Secret de Rose, Rose Kashmirie, Une Folie de Rose et quelques autres dévoileront des facettes insoupçonnées des versions eau de parfum connues à ce jour. Le prix pourra vous faire reculer, mais saluons au moins l'initiative, unique à cette échelle, originale et riche de belles surprises. De la belle parfumerie en somme, alors, si vous aviez oublié Les parfums de Rosine, c'est sans doute bien dommage !

Illustrations : Cannelle de Cyrille Despierres, Les parfums de Rosine.

vendredi 8 novembre 2013

Hypnôse pour Homme - Lancôme 2007 : l'être anonyme.

La lavande, au combien utilisée dans les parfums pour homme et il y a quelques années dans pas mal de produits ménagés, est souvent dissimulée pour cette raison dans les parfums pour homme. Elle reste là, invisible, noyée sous les mousses, les bois et autres notes aromatiques afin de ne pas trop rappeler aux hommes que c'est un produit courant. C'est sans doute aussi pour cela qu'il n'existe pas beaucoup de parfums sur le marché qui la revendique en tant que soli-note. Outre le magnifique et facetté Jersey chez Chanel, on notera les jolis Gris Clair et Encens et Lavande chez Serge Lutens, les très classiques Lavande chez L'Occitane et English Lavender chez Yardley, puis le très original Brin de Réglisse chez Hermes. Ensuite, c'est à peu près tout ! 

Souvent oubliés face aux rouleaux compresseurs que sont les féminins chez Lancôme, où Trésor, Miracle, Hypnôse et plus récemment La Vie est Belle (??) tiennent la vedette et boostent les chiffres, les masculins se retrouvent dans l'ombre, au calme, et même, sur les stands de la marque, dans les placards. Auraient - ils tellement peu d'estime pour ces parfums qu'ils en auraient honte ?

Pourtant, s'il y a bien une lavande soli-note qui mérite d'être connue, c'est celle orchestrée par Maurice Roucel dans Hypnôse pour homme. A l'état naturel, le parfum de la lavande est complexe : il passe de notes fraîches et aromatiques à des notes plus chaudes de cuir, de réglisse, puis dévoile des notes vertes d'herbe de bison et de foin coupé. Parfois, on y retrouve un peu de vanille, dans les variétés les plus nobles. Dans le sillage d'Hypnôse pour homme, je retrouve cette naturalité et ces multiples facettes. Le parfum évoque immédiatement la lavande, mais dans son évolution, se montre très facetté, tout en restant très rond et doux et toujours "sur la note". Frais au départ sur une belle variété de lavande naturelle et de la menthe, il dévoile ensuite un sillage "vert", presque sève, et épicé, qui m'évoque celui de Narciso Rodriguez pour Homme, un autre grand classique. Le fond se fait très doux et complexe, jouant sur un registre très chaleureux et cher à Maurice Roucel : douceur amandée de la fève tonka, notes chaudes et cuirées de la vanille, sans doute un peu de baumes de tolu, de styrax pour évoquer le cuir, puis un patchouli qui sait rester discret, mais contribue grandement au confort que ce parfum procure au porté.

Très agréable au quotidien, qu'il fasse chaud ou froid, viril et doux à la fois, il dévoilera sans doute quelques secrets à celui (ou celle) qui voudra bien l'hypnotiser. Faire parler ce parfum, et surtout ne pas oublier qu'il existe et peut dévoiler les beaux secrets que cache la lavande, c'est aussi le sortir de son état d'être anonyme aux cotés de ses cousins féminins, qui eux, peuvent vous promettre une vie meilleure, sans s'y tenir ! Si Hypnôse pour homme envoie ses lettres anonymes, il saura rester fidèle ensuite. A redécouvrir, vraiment, également pour  le flacon et la vaporisation, très réussis.

Illustrations : l'Homme dans la lavande de Serge Goulet, Lancôme.