dimanche 28 juillet 2013

De Minotaure à Invictus, la méditerranée comme culture !

Depuis 20 ans que Minotaure de Paloma Picasso est arrivé sur la marché, un accord habille la parfumerie masculine en toile de fond. Pour avoir une idée de ce dont il s'agit, il suffit de parcourir ces quelques parfums pour hommes, qui ont tous au moins un point commun : la méditerranée en référence. 

En parcourant ce panorama, vous remarquerez que dans la communication et les visuels, les muscles et une virilité sans poils, parfois avec des tatouages, parfois avec un coté sport, souvent, avec un visage de dieu grec se répète. Deux codes couleurs reviennent : le bleu et le gris, puis le jaune-orangé et le rouge ! Ceci pour évoquer d'un coté la mer, le marbre lisse des statues, une idée de fraicheur et d'horizons lointains, et de l'autre, la fougue, la passion, le caractère passionnel fort que la méditerranée laisse s'exprimer. 

Dans les quatre parfums cités, une trame olfactive se dessine. Même si elle n'est pas traitée tout à fait de la même manière, en les comparant, elle se devine voire même saute aux yeux assez facilement. Comment la définir ? L'accord semble être construit autour de salicylates, pour évoquer le sable et la crème solaire, et de notes marines légères, pour rappeler la mer. La virilité est induite par la fleur d'oranger, la lavande, la coumarine, le pin et les herbes aromatiques (basilic, anis, coriandre, sauge), très présentes en Grèce et en Italie, reprenant le schéma "fougère" assez classique de la parfumerie masculine. Cette trame est boostée par des agrumes et des aldéhydes pour évoquer la fraicheur, et se prolonge toujours dans une douceur suave entre la vanille et les baumes de tolu ou de benjoin et sur des notes boisées de cèdre et de vétiver.

Dans ce tableau méditerranéen, Minotaure serait le dur au coeur tendre, très marqué par la douceur mais d'une puissance de séduction rare, Cerruti Si le séducteur, car c'est celui qui se fondra le plus sur la peau et laissera un sillage très maitrisée entre suavité solaire et virilité, Sculpture, l'authentique, car dans sa signature, ce serait un peu le maitre étalon des quatre. Invictus serait le puissant, car il rejoue la carte "oud-tabac froid" de One Million avec une fraîcheur brute et efficace, qui fait tout pour se faire remarquer pour gagner là où les autres ont échoué, mais avec une évolution au bout d'une heure qui laisse ressortir la signature commune, tout en douceur. Dans les quatre, j'y vois donc toujours la même toile de fond, le même décor, qui reste sur la peau qui invite au voyage sous la chaleur, en bord de mer, en regardant l'horizon. Et vous savez quoi ? J'aime cette signature.

La méditerranée se met à l'honneur à Marseille dans ce merveilleux musée, impressionnant, qu'est le MuCEM, mais ne laisserait-elle pas aussi, en parfum, son empreinte olfactive ?

Illustrations : MuCEM Marseille, Paloma Picasso, Nikos, Cerruti, Paco Rabanne.

vendredi 19 juillet 2013

Dis maman, ça sent quoi l'héliotrope ?

L'héliotrope pousse au printemps, et fait de toutes petites fleurs violettes, qui sentent très très bon : "si tu savais mon enfant, comme cette odeur est séduisante, douce, apaisante, comme un beau jardin coloré."

L'héliotrope, ça sent l'amande, la vanille, la madeleine au beurre frais, mais c'est aussi un peu poivré comme l'oeillet. Très odorante, cette fleur n'a pourtant pas été si exploitée que cela en parfumerie. Mis à part dans l'Heure Bleue de Guerlain, où elle apporte la signature crémeuse, et dans Héliotrope d'Etro, où elle est plus simplement travaillée, il n'y en a pas beaucoup. 

Pourtant, n'était il pas judicieux de la part des parfums Nicolaï de vouloir revisiter cette fleur en soliflore, dans un contexte romantique et contemporain, avec de jolies notes nouvelles, plutôt gustatives, qui apportent la dimension gourmande de la fleur sans écraser le reste ? L'oeillet, note au combien classique et très utilisée au tous débuts de la parfumerie moderne, sert de base dans un accord classique de violette, de rose et de girofle. Il signe la fragrance de ce parfum espiègle. L'orange et quelques agrumes bien pesés apportent la lumière et la jeunesse, et donnent l'impression de glisser le long des fleurs. 

Au final, Kiss Me Tender est un parfum cocon et gourmand, espiègle, dessiné comme une aquarelle aux tons mauves, que l'on aime pour sa douceur et sa volonté de non violence. Il renoue avec une innocence parfois outrageusement oubliée, et c'est pour cela qu'il fait du bien. 

"Alors tu vois mon enfant, l'héliotrope, il sent maman !" 

En effet, Kiss Me Tender laissera dans un souvenir de gamin, l'odeur inoubliable d'une mère adorable, comme un tendre baiser ! 

Illustration : Céline Couleuvre, Parfums de Nicolaï.

lundi 8 juillet 2013

Les Exclusifs de Chanel : quel est donc leur secret ?

Phénomène assez impressionnant avec certains des parfums de la gamme des Exclusifs de Chanel, le décalage entre la touche et la peau est tel que je ne comprends pas, techniquement, ce qui explique cela. La qualité des matières seule ne peut être l'unique raison. La technique, un accord secret, une formule magique qui ferait que sur peau, et surtout, s'ils trouvent la bonne personne, un exclusif devient vraiment unique ?

Voici donc quelques anecdotes vécues autour de quatre d'entre eux.

Jersey : quand je l'ai découvert à sa sortie, sur touche, il me laissait franchement dubitatif, avec cette lavande que je trouvais assez évidente, cet accord vanille musc que je trouvais gras et collant, et une personnalité étrange. C'est alors que je croise une amie dans un environnement de rêve, et que je sens son sillage. Bien sûr, je ne peux m'empêcher de lui demander ce qu'elle porte, avec tout de même l'intuition que ce sillage avait quelque chose de Chanel. Très abstrait, léger, fin, lumineux et doux, il me faisait penser à Infusion d'Iris et Eau Première en même temps, et impossible d'y lire la lavande et la vanille comme sur touche, mais plutôt du narcisse, de l'iris et des aldéhydes. Etrangement, il avait trouvé "sa" peau, et "sa" personnalité. Sur elle, il prenait toute "sa" dimension.

Beige : un soir, alors que je recevais des amis, l'une d'entre elle se faufile dans ma chambre et renifle quelques uns des parfums de ma collection. Sans que je ne le sache, elle craque sur Beige, et se vaporise quelques pschitts. Alors qu'elle revient dans le salon, et ne sachant pas ce qu'elle portait, il émanait de son sillage, certes pas hyper original, une sorte de tubéreuse solaire, et un muguet lumineux et assez charnel. Ce sillage très couture, m'est apparu ultra féminin, presque "sexuel", mais fin et beau. Je lui demande ce que c'est, elle me dit alors avoir eu un coup de coeur pour Beige. D'autant plus étonnant, qu'elle a du caractère et que je l'imaginais, moi, sur une femme très froide voir article ici !

1932 : celui-ci, je n'aurais pas parié un sou qu'un jour, il entrerait dans ma palette personnelle. Percevant sur touche une sorte d'iris fruité un peu sucré avec un petit quelque chose de Coco Mademoiselle, je n'imaginais pas ce qu'il allait dévoiler sur ma peau. Le jasmin, note que je porte dans mon coeur car c'est une note "familiale", se dévoile avec une douceur que je ne lui avais jamais connue auparavant. L'iris adoucit légèrement l'évolution sans en faire trop et sans être vraiment poudré, et les notes cuirées ne sont pas animales ou fumées à outrance. Le parfum est d'un équilibre qui m émerveille, très facetté dans son évolution au quotidien, surtout depuis que le soleil est revenu !

Sycomore :  vous pensez que le vétiver est LA note masculine par excellence  ? Il semblerait que Sycomore confirme la règle. Un jour pas comme les autres, je décide de sortir un peu de mes parfums habituels pour tester Sycomore avec un tout petit échantillon. Ouuuuaaaahhhh quelle journée !! Deux personnes ont remarqué que ça sentait bon dans mon bureau, une a fait une remarque devant l'ascenseur "vous ne trouvez pas que ça sent bon ici ?", et deux m'ont demandé "qu'est ce que tu portes, ça sent vraiment hyper bon ? ", l'une d'entre elle ayant ajouté, "ça te va super bien" ! Ceci n'arrive JAMAIS les autres jours, sauf une fois, avec un autre vétiver, celui, extraordinaire, de Frédéric Malle ! Faut il encore insister pour craquer ? C'est tout récent, mais conséquence, Sycomore vient, tout frais, de rejoindre l'étagère de la salle de bain, à coté de Cuir de Russie et 1932.
Voilà, j'ai raconté ma vie, mais cela prouve qu'un parfum, quand il est beau, se vit plus que ne s'achète sur un coup de tête, et quand il trouve la bonne personne, il se passe un truc. Dans mon expérience, seuls les exclusifs m'ont fait vivre cela à ce point, et quel plaisir ! 

Illustrations : Chanel.