lundi 27 avril 2020

Mon Top 10 N° 2 N°19 - Chanel 1970 : cinquante nuances de gris.



Cinquante ans cette année ! On aurait presque envie de dire : "déjà?" 

N°19 n'est plus forcement dans les canons du moment, mais il traverse le temps fièrement et dignement, comme la coupe de certains vêtements. Il observe et contemple "les autres" de son port toujours solide, fort, altier.


Le galbanum en envolée fait surgir ses notes terreuses nuancées de bergamote acidulée, l'iris lumineux et scintillant lui emboîte le pas, appuyé de violette. Le décor est planté, l'élégance est au rendez-vous. La suite ne semble être là que pour soutenir cette structure verte et duveteuse, faisant apparaître un bouquet floral soutenu de fleur d'oranger discrète, de jasmin suave, de rose évidente. L'ylang-ylang et le muguet lui apportent un peu de soleil et lui donnent ce petit coté "voile de tulle". Enfin, pour appuyer le socle, la mousse de chêne se lie au narcisse pour un effet cuir velouté. 


Je ne serai visiblement pas très bavard sur ce N°19, le sentir est une aventure, le porter est un état d'esprit, il faut le laisser faire. Un monument, du grand art, une évidence, cinquante années et autant de nuances de ce parfum gris irisé.

Illustrations : Chanel, Herb Ritts.  

mardi 21 avril 2020

Petite parenthèse pendant le top 10

Cela fait quelques temps maintenant que j'ai envie d'écrire sur mon autre passion : le design automobile. La vie ne m'a pas portée sur le chemin qui aurait pu en faire mon métier, tout comme celui de parfumeur d'ailleurs, mais pour le parfum, c'est à travers les mots écrits sur ce blog que j'ai pu motiver ma créativité et la concrétiser à travers mes créations : www.thierry-blondeau-parfums est né, et vit, à petite échelle, mais il est bien là.

Il n'en reste pas moins que partager et écrire sur cette autre passion pour le design auto me démange toujours. A l'heure ou l'automobile connait un grand bouleversement et une forte remise en question, le design s'exprime grâce à la technologie avec une pureté et une beauté qui avait été oubliée ou négligée sur l'autel des économies jusqu'alors. Pourtant, en automobile, les raisonnements semblent changer, l'intelligence industrielle permet des solutions pour à la fois maîtriser les coûts, et faire du beau, une tendance qui pourrait aussi se manifester de manière plus flagrante dans le domaine du parfum. 

Voilà, je suis désolé par avance de sans doute dérouter certains lecteurs habituels, mais le parfum restera prépondérant ici sur ce blog, c'est une évidence. En revanche, si vous connaissez des amis qui s'intéressent au design, parlez leur de ce que j'écris et votre avis m'intéresse ! Bises à tous et à très bientôt pour mon N°2 sur le podium parfums. 

Illustration : Neon glowing car concept


dimanche 19 avril 2020

Mon Top 10 : N°1 Vol de Nuit - Guerlain 1933 : l'oiseau rare.

Cela fait quelques temps que j'avais envie de rédiger mon top 10, et, en ce moment où le temps est en suspend, je prends le temps de redécouvrir et de porter ces parfums, pour confirmer ou infirmer mes choix, et le partager ici. Incontestablement, c'est Vol de Nuit qui occupe la première place, et comme il n'y a aucun doute là dessus, je lui consacre ce premier article. 

Complexe, riche, rare, précieux, énigmatique, fougueux et sensuel, chaleureux, caressant, animal, il n'y a pas assez de mots pour qualifier cette oeuvre de la parfumerie. En extrait, c'est du grand art : un art comme on ne peut plus trop en faire aujourd'hui dans la course à la dynamisation des gammes, mais un art qui dure, imprime sa signature dans la durée un peu comme le mouvement Art Déco influence encore aujourd'hui l'architecture. En parfumerie, la période Art déco influence surtout le concept, le design du flacon ou l'univers d'une marque mais très peu le style d'un parfum, sa structure, sa construction, le "design" du parfum, sans doute pour des raisons de coût, et c'est je trouve, un peu dommage.  

Les principales notes de Vol de Nuit sont le galbanum, aux tonalités vertes et râpeuses, l'iris et sa signature lumineuse, la  violette et sa douceur fruitée, l'oeillet et sa chaleur piquante, la jonquille et ses notes cuirées à "effet daim", le castoréum et ses effluves fauves, le narcisse au caractère difficile à dompter. On y trouve la fameuse Guerlinade et son équilibre de roses, de jasmin, de fleur d'oranger, de vanille et peut-être même d'un peu d'absolu de tubéreuse, qui lui donnerait cette chaleur. 
Oiseau rare, de nuit s'il en est, Vol de Nuit enveloppe, couvre, rassure, et charme. Il "renarde" comme un Bourgogne de haut rang, et s'apprivoise comme une panthère noire que l'on aurait couchée près de soi. Même la version Eau de Toilette actuelle est recommandable et facile à porter. Voilà pourquoi c'est, et ce depuis de nombreuses années, mon numéro 1. 


Je ne m'en étais pas rendu compte et je ne m'en suis pas inspiré directement lors de sa création, mais Vol de Nuit a sans doute joué un rôle dans mon inconscient quand j'ai créé Aléa Jacta Est, dans lequel on retrouve cet effet caressant, chaud, cuiré et irisé : https://www.thierry-blondeau-parfums.fr


Illustrations : Guerlain,  Aspect of Love par Eliot Erwitt.

samedi 11 avril 2020

Fly Away - Mugler 2018 : cactus like.

Fly Away fait partie des déclinaisons de la gamme des Colognes Mugler lancées il y a deux ans. Sans faire de grand tapage, toute la gamme a ce petit quelque chose qui fait la différence. Pour Fly Away, l'idée était de faire allusion à l'odeur du cannabis que l'on peut découvrir dans les coffee shops d'Amsterdam, dans les soirée hippies ou bobos de nos contrées.  

C'est pour le coup assez réussi, grâce à un accord travaillé autour de dérivés du pamplemousse, du vétiver, de la mousse de chêne entre autres. La Cologne part tout en fraîcheur, mais l'accord cannabis arrive très vite et reste fidèle, à la fois en sillage et sur peau. On y devine en filigrane la trame de la Cologne Mugler originale, avec sa fleur d'oranger lumineuse, ses muscs propres et ses bois clairs. 

L'idée du cannabis avait déjà été travaillée très fidèlement chez Killian avec Smoke for the Soul, et Fly Away s'en approche assez finalement, tout en m'évoquant autre chose : quitte à voler loin, la fragrance m'emporte au Mexique, dans un désert ponctué de cactus sur un sol sableux et sec. 

Faisant ainsi écho à Cactus Garden chez Vuitton, Fly Away est tout aussi original et qualitatif, il s'affirme même plus, mais pour 4 fois moins cher. On ne vise pas forcement les mêmes clientèles me direz vous. 

Alors, avec le temps qu'il fait ces derniers jours où nous sommes enfermés, il flotte comme un air d'évasion avec ce Fly Away. 

Illustrations : Mugler et un désert mexicain. 

mardi 7 avril 2020

Yatagan - Caron 1978 : simple tranchant.

Yatagan est une arme ! Une arme sans compromis, une arme de séduction qui ne sera certainement pas massive ou une arme qui tranche sans vergogne, d'un seul coup.

Assez typique des créations de la fin des années 70, mais doté d'une personnalité forte, Yatagan nous fait voyager dans les soucks d'Istanbul, tout en nous rappelant la folie des années 80. Construit sur une structure "fougère" de géranium, de lavande, de coumarine, de mousse de chêne et de patchouli, typique de ces années là, on y trouve tout un cocktail d'épices chaudes comme le cumin, la cannelle, la muscade et la girofle entre autres. Des aromates, comme le thym, des bois comme le pin, le cyprès, le cèdre, un tout petit peu de fleurs grâce a un accord oeillet-violette viennent enrichir la composition. Mais le voyage ne s'arrête pas pour autant, les notes ambrées et animales du ciste labdanum, du tolu, du benjoin nous emportent dans le tourbillon d'un marché aux épices ou fumerait de l'encens.
L'animal ! S'il y a bien un parfum grand public qui soit animal, c'est bien celui-ci : castoréum et cuir immédiatement perceptibles structurent le parfum de l'envolée à l'évolution sur peau. 

On peut éprouver la sensation que Yatagan va nous étouffer quand on le vaporise, mais rapidement il se calme, se pose pour finalement faire corps avec la peau. Il s'inscrit parfaitement dans la tendance récente des ouds et d'un certain retour graphique récent aux années 80. Ne va-t-il pas connaitre un regain d'intérêt ? A moins que son très jeune descendant direct, un certain Gucci Guilty Absolute Man, né en 2017 ne lui ait déjà volé la place d'un simple tranchant ?  

Illustrations : Caron, Marie Dominique Siciliano "Carovana Araba". 

dimanche 5 avril 2020

Oeillères l'objet parfumant : fougère et caractère.

Oeillères est une fougère, Oeillères a du caractère, Oeillères peut-être fier !

Puisant une partie de son inspiration et de son caractère dans les parfums masculins affirmés des 80's comme Kouros, Antéus, Yatagan ou Derby, l'objet parfumant pousse les notes aromatiques de basilic et d'armoise pour en appuyer la signature, et se pare d'épices chaudes comme le cumin pour appeler la peau de celui ou de celle qui le portera. 
Des fruits noirs comme la mûre et le cassis viennent compléter un cuir assez brut et fumé qui vient soutenir l'ensemble et renforcer le caractère de cette authentique création, inspirée. Une trame oeillet-violette apporte une pointe florale et légèrement poudrée pour adoucir et arrondir l'ensemble.

Un objet rare, précieux, qui nous plonge dans l'univers de la parfumerie signée et typée qui retrouve un certain regain d'intérêt en ce moment, et nous emporte dans l'univers graphique et iconoclaste de Roberto Greco, qui l'a désiré et inspiré. 

Illustrations: Roberto Greco site internet ici - https://grecoroberto.biz/