jeudi 28 août 2014

Shalimar souffle de parfum - Guerlain 2014 : dans le souffle d'un instant ?

Et si Shalimar, dans un souffle, nous emportait dans un monde très Guerlain, mais qui n'est pas exactement là où on l'attend ?

Après le relatif échec commercial, mais pas olfactif de Shalimar Initial, il semble que cette nouvelle déclinaison du nom Shalimar tente un repositionnement pour conquérir là où l'autre à échoué. La marque revendique clairement que Shalimar souffle de parfum ne reprend pas exactement ce que les habituées connaissent, et si cela peut certes dérouter, le parfum, lui, s'avère bien construit et intéressant mais nous emporte dans univers ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre.

Plus minimaliste que les autres Shalimar, moins oriental, c'est du coté des travaux déjà proposés par Thierry Wasser et de l'Instant pour Homme notamment que Shalimar souffle de parfum va chercher son empreinte : une signature boisée, verte, inédite dans l'univers Shalimar mais pas inconnue chez Guerlain vient jouer avec les notes ambrées, florales et cuirées de l'original, qui laissent pourtant entrevoir, par le traitement de la composition et dans son harmonie, une filiation bien marquée avec la référence. Cette signature, toute droit sortie de la Cologne 68, de Habit Rouge Sport, de Guerlain Homme Intense et de l'Instant pour Homme, qui joue également avec les notes amandées et croquantes, apporte un peu de modernité et fait connecter ce nouvel opus avec les références actuelles de la marque.
 
Ainsi, il ne faut pas s'attendre à voir dans ce nouveau bébé ne serait ce qu'un air de Shalimar, mais plutôt une évocation en sourdine de ce parfum emblématique, aussi légère que le souffle d'un voile et qui apporte un sceau bien Guerlain, mais pas forcement "Shalimaresque" !

L'ensemble est harmonieux, signé, mais a plutôt sa place dans ce que la marque fixe comme nouveaux critères que dans ses références historiques. Curieusement, il se serait appelé L'Instant pour Homme Eau Verte par exemple qu'il aurait été tout aussi cohérent ! Les amatrices, et pourquoi pas aussi les amateurs (car pour le coup je vois parfaitement un homme le porter) de ce nouveau style Guerlain y trouveront leur compte, dans une vision actuelle, les autres, les inconditionnels du "vrai" Shalimar, eux, risquent d'être déçus. Au moins, chacun pourra y trouver son compte !
Illustrations : Guerlain, Rolf Amstrong.

mardi 12 août 2014

Violette Sacrée - Au Pays de la Fleur d'Oranger 2014 : violette magicienne ?

Quand il s'agit de traiter la violette en parfumerie, il est difficile d'éviter l'écueil de l'archétype véhiculé par la violette Berdoue, qui vous renvoie son cliché chimique et sucré pas vraiment traité dans la finesse. Pourtant, parfois, de belles surprises émergent, comme si elles venaient d'une autre planète ! C'était déjà le cas avec Stephen Jones de Comme des Garçons, alors parée d'aldéhyde et de poudre, elle se voulait magnétique et attractive. Violette Sacrée de Au Pays de la Fleur d'Oranger, elle, est de ces fleurs magiciennes, extraordinaires, et qui dévoilent des facettes là où l'on ne s'y attend pas. 

De la violette ? Bien sûr que oui, elle ne peut le renier, mais ici, on est loin du cliché : elle se dévoile avec finesse et justesse, comme si la fleur avait été chercher dans la nature les composants les plus fins pour les condenser dans un flacon, joli qui plus est ! Jean Claude Gigodot, par le jeu de textures diverses permises entre l'absolu feuille de violette et les diverses ionones et methylionones qui composent la palette du parfumeur, réussit le tour de force de la sortir de ce à quoi la parfumerie nous avait habitué jusqu'à ce jour pour mieux la remettre au coeur de la nature, dans un champs violet qui sent le "vrai" et la vraie fleur. Elle se dessine alors sous des traits complexes et riches, allant de la note violette que l'on connait à des facettes boisées presque cuirées sans doute apportées par les notes très "peau" du bois de gaïac. Sans tomber dans le cliché d'un jeu habituel trop poussé, l'iris se montre, ponctué de quelques aldéhydes bien discrets, juste pour accompagner l'envolée en douceur. Simplement, les ionones déploient des notes croquantes comme la grenadine, et s'habillent de noisette et d'une note de mie de pain grillée. Ensuite, c'est un joli sillage floral rosé et jasminé d'un bel effet "transparent" qui s'exprime. Le fond, boisé, très subtilement ambré laisse deviner un vétiver très clair, qui donne l'impression de s'accrocher à merveille avec le reste. Ainsi, à certains stades de son évolution, le parfum me rappelle à la fois Vétiver Tonka, celui de Carven et même celui de Guerlain, très "violette" lui aussi, mais toujours par a-coups, sans parenté évidente.

Sans trop m'avancer car je garde de la nuance, j'aurais presque envie de dire que Violette Sacrée fait partie des plus beaux parfums que j'ai senti. L'équilibre est d'une finesse rare, les notes agissent de manière assez magique sur peau, le sillage est discret mais présent, et l'ensemble résonne avec des familles qui me sont chères : vétiver, iris, cuir et fleurs iridescentes ! 

Un vrai coup de coeur et un vrai bonheur à porter, une violette parfaitement naturelle, androgyne et magicienne qui n'a jamais si bien porté son nom ; lumineuse, radieuse, elle est sacrée ! 

Illustrations : stock d'images Shutterstock, Collection Les Inédits de Au Pays de la Fleur d'Oranger. 
Sites et liste des points de vente : shutterstock ; Au Pays de la Fleur d'Oranger: