dimanche 11 octobre 2009

Le Japon et le parfum : la vie en rose.


"Paris, capitale de la mode ?" Après une visite à Tokyo et Osaka, cet adage semble appartenir au passé. Dans ces deux villes, moins à Kyoto, les femmes vouent un véritable culte à Grace Kelly et Audrey Hepburn, jouant avec les panoplies féminines et les codes vintage comme pour imiter ces icônes, elles le font avec un goût certain et une finesse hors du commun. Leur physique de véritables poupées permet à différents créateurs d'exprimer et de montrer une créativité qui est oubliée dans un Paris qui semble devenu très conformiste et où la féminité se cache. Même à New York, où seule quelques créatures bien nées portent et mettent en valeur la mode, une telle foison n'est pas comparable.

Ce goût prononcé pour le vêtement, le maquillage et la coiffure n'est pas l'apanage des femmes, les hommes n'hésitant à jouer avec le détail qui fait mouche, avec les couleurs et les formes, avec pour point commun le bon goût des associations de couleurs et de la mesure, même dans l'excès. Ce n'est pas un hasard si au détour d'un trottoir de Tokyo l'on croise par moment un photographe discret : il prend des clichés sur les tendances à venir car elles se trouvent bien là bas. Hélas, nous ne sommes pas le Japon, et je doute fort que cette féminité, parfois rétro, parfois glamour, parfois provocante se porte et s'exporte avec une telle sérénité à Paris ou à New York.

Revenons aux parfums. L'avantage d'en croiser peu, c'est de remarquer ceux que les gens portent. Face au constat que le parfum ne faitpas partie des moeurs et soit limité par un réseau de distribution réduit et un climat qui ne facilite pas la diffusion d'un sillage "épais", les marques semblent adopter deux stratégies différentes : un luxe à la françaises, avec des parfums chers et un positionnement élitiste ou des prix accessibles avec de petits formats. Un point commun semble constituer une garantie sine qua none de susciter un minimum la curiosité : la couleur rose ou le parfum de la rose. Ainsi, il est rare de croiser un Chanel ou un Dior : point de J'Adore ou de Coco Mademoiselle croisé pendant ce séjour, ils sont hors de prix. Seuls deux parfums positionnés "luxe" semblent sortir du lot, grâce à leur écriture très fine, un "code" autour du thé ou de la rose et un sillage qui reste discret.
Le premier parfum que j'ai été surpris de croiser là bas est Chloé : son sillage de rose fine et de propre se diffuse très bien dans l'air lourd et humide et correspond parfaitement au look féminin et romantique "à la Audrey Hepburn" adopté par beaucoup de japonaises. Il est disponible sous forme de crème et de poudre qui contribuent à ce qu'il soit approprié dans ce pays. Un succès international, une vraie prouesse dont Michel Almeirac et Amandine Marie peuvent et doivent être fiers.
Le second est Kelly Calèche : sous le climat local, j'ai noté qu'il dévoilait une facette faisant penser au thé vert broyé que les japonais boivent quotidiennement. A Paris, cette facette fait penser à du cuir retourné, à Tokyo, elle s'inscrit naturellement dans la paysage olfactif du pays. La référence à Grace Kelly fait également écho au look que je mentionnais précédemment. En cela, le travail et la percée d'Hermes sont remarquables.

Vient ensuite tout un cortège de parfums que nous avons tendance à rejeter en masse ici en France, car ils ne sont pour nous que des évocations de shampoing ou de gel douche. Prenons alors un peu de recul. En effet, dans un pays où l'on ne se parfume pas mais où l'hygiène est une habitude, gels douche et autres savons s'usent et s'abusent et deviennent du coup de sérieux référents inconscients : pas étonnant alors que les jeunes générations soient sensibles à ce style de parfums, d'autant qu'ils savent rester discrets, comme il se doit dans ce pays. Un point commun, la couleur rose. Les marques qui se distinguent sont Burberry, Bulgari, Givenchy et Lanvin, qui rencontrent un joli succès avec quelques noms : Brit Sheer, Rose Essentielle, Fleur d'Interdit, Jeanne et Rumeur 2 rose (non disponible chez nous) font partie des meilleures ventes.

A deux reprises, j'ai également croisé sur deux femmes un parfum qui semblait être un accord d'encens, de rose et de thé d'une grande finesse mais sans pouvoir mettre un nom dessus. Il restera un mystère et me faisait penser à Tea Rose ou Rose d'Homme. Peut être était-ce l'huile Tea Rose de The Body Shop bien implanté au Japon ?

Chez les hommes, Lanvin Homme Sport semble être le lancement de l'année, il est en tout cas bien en avant. Bulgari semble rencontré un public avec L'Homme et Black et le succès de Insensé Ultramrine, longtemps parfum pour homme le plus vendu au Japon se maintient grâce à quelques flankers.

Enfin, plusieurs parfums se distinguent par leur forme androgyne, comme Ck Be, croisé à plusieurs reprises et qui semble plus présent que Ck One, Eau de thé vert de Bulgari , qui semble toujours présent après pas mal d'années. Enfin et surtout, le top des tops dont le succès international se prouve même dans ce pays : Light Blue pour femme. C'est celui que j'ai croisé le plus souvent et il apparaissait même dans une boutique comme N°1 pour les hommes, prouvant par la même que les codes d''appréciations ne sont pas les mêmes que chez nous. Un accord unique qui rassemble le monde à l'unisson tant on le croise à Paris, New York, Los Angeles et même Tokyo. Une réussite dans ce pays où les habitudes et les codes parfums sont difficiles à percer mais changent lentement, les japonaises craignant sans doute d'être agressives. La marque tente d'ailleurs une nouvelle percée au pays du soleil levant avec Anthology, qui joue sur la mixité, dont Le Bateleur et La Lune devraient être les deux chefs de file grâce à leur justesse.

Pour conclure, j'ai envie de souligner que dans un pays où l'hygiène et la propreté sont des cultes, où Audrey Hepburn est érigée en icône de mode autant que Claudia Shiffer chez nous, où la conscience de l'existence de "l'autre" et d'être utile à un tout fait partie intégrante d'une éducation quotidienne, le fait que le parfum ne soit pas une habitude est une futilité. Quelques parfums percent malgré tout, avec une notion qui me parait essentielle : ne pas être agressifs ou vulgaires.

Dans ce contexte, les quelques parfums portés par des occidentaux ne sachant pas forcement lire les codes locaux par maladresse ou ne souhaitant pas vraiment se fondre dans une culture qui leur est étrangère m'apparaissaient comme une véritable insulte à une finesse de sens et de vie : Aromatic Elixir croisé sur une américaine, Patchouli de Réminiscence sur une française dans un magasin de souvenirs et même le 1 Million bien frenchy porté par l'ami dont je parlais à Osaka. Malgré leur qualités intrinsèques, là bas, c'est vraiment trop.

10 commentaires:

Poivrebleu a dit…

Comme vous le disiez dans votre commentaire précédent, on sent chez les japonais une profonde notion de respect, et une envie de "ne pas déranger". A la fin de votre billet, cela m'a fait bizarre de lire des noms comme Aromatic elixir ou Patchouli, qui sonne en effet vraiment faux dans le contexte et le paysage. Je ne sais pas si les codes auront vraiment tendance à se rapprocher de notre conception occidentale par la suite, ce qui ne serait d'ailleurs pas très intéressant. Merci en tout cas pour votre témoignage!

Thierry Blondeau a dit…

Poivrebleu, effectivement il ne me semble pas intéressant que les codes évoluent dans notre sens je crois qu'ils n'ont rien à y gagner.
Sans vouloir faire de la philosophie de bas étages, il me semble que cette notion de respect est tellement ancrée au Japon qu'elle devient une force : "l'autre" existant en tant qu'autre individu,il est respecté et devient par la même un allié dans une société qui vit. Cette notion semble bien loin dans nos systèmes, ou j'ai l'impression que l'individu souhaite n'exister que pour lui même, sans penser qu'il existe les autres : le comportement maladroit des touristes que je mentionne est à ce titre révélateur.
J'en ai discuté avec un collègue qui y est allé aussi, il a ressenti aussi ces notions, et à priori, nous sommes d'accord, chez nous, elles manquent ce qui constitue une véritable faiblesse si l'on raisonne en terme de groupe ou de société. C'est plus frappant encore en France qu'en Allemagne ou aux Etats-Unis.
Cela dit, le sujet est complexe et passionnant,je ne jette pas la pierre à la France et aux français, loin de là car je ne pense pas avoir toutes les clés en main à ce jour. Le sujet mérite néanmoins d'être exploré.

Géraldine a dit…

Et toi, qu'avais-tu finalement choisi de porter ?

Thierry Blondeau a dit…

Comme je le disais avant de partir, c'est Bois Farine qui fut le compagnon principal de ce voyage.
J'en ai aussi profité pour m'offrir quelques parfums que je n'avais pas à prix dérisoire (moins de 20€ le flacon de 30ml ou 50ml) dont : Ck Be et Light Blue très courants là bas, puis quelques Bulgari: Blu, l'Homme et Black, que l'on trouve plus facilement qu'à Paris car ils sont portés au Japon et peu chers.
Depuis, retour à Méchant Loup. Voilà, tu sais tout.

Anonyme a dit…

Bah, c'est quand-même un peu exagéré, je ne sais pas à quelle dose ces touristes étaient parfumés, mais je n'irais pas jusqu'à être choquée de sentir une française porter son Heure Bleue à Tokyo, sans forcer la dose, mais ceci vaut partout, non? Un parfum se doit de quitter l'ascenseur avec nous! J'étais personnellement ravie de porter dans cet univers mon habituel "Amour" de Kenzo, avec ses fleur de cerisiers du japon (à défaut de les avoir vus en fleurs), son thé blanc, son bois de tanaka et ses vapeurs de riz; et j'ai regretté d'avoir laissé mon flacon d'"Un jardin après la mousson" qui se serait effectivement bien fondu à l'ambiance, avec sa note fraîche de gingembre! J'imagine que l'Eau par Kenzo doit avoir aussi pas mal de succès, non?
Clochette

Anonyme a dit…

Effectivement Clochette.
Je n'ai pas été choqué mais c'était franchement décalé par rapport au climat de cette saison et aux autres personnes. Les doses n'étaient pourtant pas excessives. L'Heure Bleue me semble plus à son aise à Paris, mais par un soir d'automne avec juste mesure et douceur, il devrait être assez joli dans les rues de Tokyo. Ces 2 qualités, mesure et douceur me semblent indispensables. Ce n'est pas franchement ce qui caractérise les 3 parfums "occidentaux" croisés : Aromaique Elixir, Patchouli et 1 Million.

En bon français amateur de parfums, il m'était aussi difficile de sortir sans rien, mais, par constat et par respect, j'avais choisi la discretion et la note japonisante de Bois Farine.
Kenzo Amour devait également bien se fondre dans le climat car il correspond aux odeurs familères de ce pays, de même que les jardins d'Hermes, qui je crois ont trouvé un petit public grâce à leur écriture limpide et simple.
L'Eau par Kenzo est effectivement bien distribuée mais je crois que le prix en freine la diffusion par rapport à d'autres marques.

Sinon, je ne sais pas dans quel mesure Chanel vend ses exclusifs ni celui qui se vend le mieux au Japon, mais il me semble que N°18 et Beige épousent également très bien l'esprit des parfums qui plaisent là bas.
Merci pour cet avis.
Méchant Loup.

Unknown a dit…

Merci pour cette balade olfactive au Japon...passionante, enrichissante et instructive car capturée par un nez curieux, tolerant et souriant! Merci encore Méchant Loup, je me suis vraiment régalée à lire tes 2 posts sur ton voyage par delà les Mers

Thierry Blondeau a dit…

Et moi, j'ai bien rigolé sur le tien dans les toilettes du printemps. La japonaise que tu évoque à du être choquée par tant de futilité, mais surtout parce que là bas, faire pipi n'est pas un considéré comme un luxe, aussi ludique et conceptualisée que puisse être la chose. La bas, les toilettes ne sont pas si glamour que celles dont tu parles, mais elles sont partout, gratuites et surtout très propres. Sinon, merci pour ton message qui me fait très plaisir car en effet, j'avais envie de partager un peu de cette riche aventure. Je suis ravi si elle vous fait un peu voyager, comme tu le fais toi aussi si bien avec tes chroniques.

Unknown a dit…

Bonjour Méchant Loup, bonjour à tous,

Je recherche depuis quelque temps un parfum évoquant le Japon. Le Japon traditionnel et rural plus que les fastes citadins de Tokyo.

Ces odeurs de nature, d'encens, d'eau. Quelque chose de zen sans l'aspect "aquatique" d'une grosse majorité de parfums occidentaux récents.

Auriez-vous des conseils ?

Merci à vous.

Vulpes

Thierry Blondeau a dit…

Bonjour Yani, oui, j'ai bien quelques idées : le premier parfum qui me vienne en tête est l'Eau Sento de Iunx, mais vous pouvez aussi aller faire un tour chez Comme des Garçons, où Monocle, un bois travaillé "à la japonaise" vous plaira surement.
Si vous ne les connaissez pas, il faut absolument les découvrir.