vendredi 2 avril 2010

Beyond Paradise - Estée Lauder 2004 : sun profusion.

Nous, européens, sommes parfois prisonniers de notre culture, de notre histoire, de nos habitudes. De ce fait, il nous est difficile de concevoir ce qui pour d'autres semble presque évident. Alors, quand une grande marque américaine innove en présentant un parfum qui sent une fleur jamais diffusée à l'échelle mondiale, et que Lucas Turin qualifie ce parfum de chef d'oeuvre, on s'interroge, on ne pense pas que cela soit possible, tant nous ne pouvons concevoir cette idée.
Une fois n'est pas coutume, je suis bien d'accord avec Lucas. Je vous vois déjà venir, vous allez me demander pourquoi... well, let's go !

Pour bien appréhender Beyond Paradise, il faut au moins un prérequis : avoir au moins une fois dans sa vie senti l'odeur du lys blanc et celle d'une fleur de frangipanier fraichement cueillie sur l'arbre. Suaves et envoutantes, ces fleurs ont marqué ma mémoire tellement elles parlent de vacances, de plage et de paysages de paradis. Puis vient le jour où vous découvrez Beyond Paradise. Ce parfum est aussi simple qu'il est beau, un bouquet de ces deux fleurs opulentes, traité en 3D dans toutes les aspérités de leur facettes olfactives, oubliant les codes anciens pour proposer une écriture technologique qui sait préserver subtilement l'aspect naturel des deux fleurs : pour créer cette fleur de frangipanier, on devine une note proche de la tubéreuse, un jasmin blanc, des notes de crème solaire, un peu de rose anisée, de pivoine ainsi qu'une légère inflexion végétale rappelant le lys. Le sillage des fleurs blanches me laisse rarement indifférent, et celui-ci ne fait pas exception. Il me séduit, m'attire et me captive par son magnétisme.
Sans doute issue des recherches les plus récentes et capturée avec les techniques "nature print" les plus poussées, tel un film diffusé en 3D, la fleur est exacerbée mais belle, et surtout, d'un naturel surprenant malgré le traitement. Vous étiez déjà au paradis, vous passez au delà. Plus que sur une description détaillée des composants, qui sont en outre très bien maitrisés et jaugés, je m'attarderais sur la cohérence de l'ensemble et sur le sillage que j'admire. Si vous prenez le temps de vous attarder un tant soit peu sur la production actuelle, entre gardénias, tubéreuses crémeuses et jasmins solaires qui sont l'apanage des marques de niche, aucun parfum grand public ne reproduit aussi fidèlement et aussi subtilement l'odeur de la fleur de frangipanier, et vous emporte ainsi au delà du paradis.

Il manque peut être un peu de "sale" pour plaire à nos narines habituées à plus de corps, mais rien que parce qu'il véhicule merveilleusement cette fleur de paradis de part le monde, et parce qu'il est vendu et diffusé partout avec une signature aussi marquée et unique, Beyond Paradise mérite bien, à mon sens, son rang de chef d'oeuvre. Un chef d'oeuvre made in USA, tel un rayon de soleil à profusion.
________________________________________

Avec ses notes de melon d'eau, de mangue, de sève végétale et de menthe glacée, la version masculine se situe trop loin de nos goûts français, et c'est sans doute pour cela qu'elle n'est pas importée. Le fond est plus attendu mais tout de même joliment boisé de cèdre autour d'un ambre végétal et des muscs blancs. L'ensemble a le mérite de ne ressembler à aucun parfum connu et fait plutôt bonne figure dans un marché aseptisé. Je l'ai fait découvrir à un ami qui ne portait pas de parfum. Ce fut un premier pas mais depuis, c'est son préféré, comme quoi !

Illustration : Love profusion de Madonna et Estée Lauder.

4 commentaires:

Six' a dit…

Allons bon.
Je suis abasourdie! ;)

J'ai déjà senti des lys frais, et des frangipaniers aussi... mais ça ne m'a pas frappée plus que ça, j'avais toujours trouvé BP "gentil fleuri", sans plus.

Pour la bonne cause, je viens de réessayer un fond de flacon et... il a horriblement viré, c'est atroce! Je retenterai donc pendant une prochaine visite au Séphonnaud, ce que tu en dis m'interpelle!

Thierry Blondeau a dit…

Gentil fleuri, on est tout de même sur un autre registre que les pluies de floraux nunuches qui sortent maintenant. Mais attention, il faut passer mode 3D.
Ne le lis pas sur le mode naturel des fleurs que tu connais : je parle de lys blanc et de frangipanier traités avec une dimension technologique, que je trouve réussie.
Le flacon que j'ai senti a 6 ans et se tient très bien.

Clochette a dit…

Agréable, je veux bien, d'ailleurs il me rappelle fortement quelque chose de mon enfance, impossible de savoir quoi. Mais de là à le qualifier de chef d'oeuvre aux côtés de Mitsouko, quand-même, faut pas charier, mais ce n'est que mon avis. J'ai aussi redonné sa chance à la Lune de D&G, que j'avais jugé à la va-vite (les parfums du gêner Lola, Tresor in love, Eau Mega, Flora et Cie, je les expédie en 5 secondes) et désolée, mais même avec plus d'attention, je reste sur ma première impression: trop fruité/chimique, insipide. Vous les avez joliment défendus, mais je passe mon chemin!

Thierry Blondeau a dit…

Clochette, heureusement que chacun peut avoir un avis différent du mien.
Je ne compare pas Beyond Paradise à Mitsouko, car ils ne sont tout simplement pas comparables : époque différente, style différent, techniques différentes, l'un est issu de la haute parfumerie française de tradition, l'autre des technologies les plus récentes. C'est un chef d'oeuvre de son temps, c'est tout.
Pour La Lune, il est juste dommage que vous ne perceviez pas la tubéreuse et le grain apporté par cette note qui me rappelle le maté et Duel d'A.Goutal ainsi que le traitement des matières en clair obscur. C'est ce en quoi pour moi, il est intéressant.