samedi 18 juin 2011

C'est la fête aux patchoulis !

40 ans ! Le bel age, celui de la raison et de la maturité. Pour un parfum, c'est un peu la frontière entre le tâtonnement des premières heures et l'atteinte d'un statut de parfum culte, qui restera au patrimoine de la parfumerie internationale. Le patchouli est à l'honneur. Indispensable à la palette du parfumeur, le patchouli est une matière qui est utilisée dans toutes les familles de parfums, dans lesquelles il apportera à la fois du montant, du coeur et de l'appui aux notes de fond. Le patchouli me fait l'effet d'une "matière de feu", il fait scintiller un floral, peut rendre une fougère chaude et sensuelle ou électriser une cologne. En outre, il se dit en milieux avertis que le patchouli aurait un pouvoir d'attraction et d'addiction, ce qui est intéressant lorsque l'on veut fidéliser. Ainsi, il n'a pas encore dit ses derniers mots, comme le prouvent les travaux que j'ai pu sentir jeudi dernier. Cette année, ce sont deux interprétations très différentes de cette matière première qui fêtent leur 40 ans ! Une belle occasion de faire un zoom sur ces deux chefs d'oeuvre.

Le tout premier à fêter l'évènement est le Patchouli de Réminiscence. Il ne plait pas à tout le monde c'est le moins que l'on puisse dire, mais son parti pris très engagé de "soliflore patchouli" lui a permis de trouver une clientèle. Ensuite, j'imagine que la qualité des matières employées dans ce parfum à contribué à fidéliser sa clientèle. En effet, les notes "baumées" telles que la vanille, le benjoin, le baume tolu sélectionnées avec soin par Robertet aujourd'hui jouent admirablement le contrepoint de la brutalité du patchouli qui représente plus de 50% de la formule. Quelques agrumes très légers, du bois santal aux accents lactés et quelques muscs blancs bien ronds lissent le trait. L'équilibre des forces ne joue pas la légèreté, mais plutôt sur des matières qui vont jouer avec la peau. Ainsi, s'il l'on goûte et que l'on aime Patchouli, il y a de fortes chances d'y revenir régulièrement, que l'on soit un homme ou une femme. Parfaitement androgyne, Patchouli est pour moi, comme tous les Réminiscence, un parfum de moment, qui fait appel au tactile, à l'émotion, à la sensualité, et ce serait peut être celui d'être blottis, à deux, sous la laine au coin du feu. Pour célébrer cet anniversaire, Réminiscence a choisi une édition limitée autour d'une récolte de patchouli de l'année 2010 avec l'Incroyable Patchouli. La formule est inchangée, mais la récolte est unique, et lorsque l'on sait que cette sélection de patchouli entre à plus de 50% dans la formule, c'est une belle occasion de varier ses habitudes sans trop prendre de risque avec un beau collector.

L'autre grand parfum culte travaillé autour du patchouli et qui fête cette année sa quarantième année est Aromatic Elixir de Clinique. Très différent du premier car il se détache du coté soliflore, il va chasser du coté des parfums chyprés, tout en restant très emblématique de la matière patchouli. Sa singularité, il la trouve dans un accord de roses assez "fluo" et criard qui jongle avec le patchouli dans un sillage détonnant mais très reconnaissable, la bergamote, le vétiver et la mousse de chêne n'étant que quelques éléments du décor. Précurseur des parfums emblématiques des années "gold" de l'Amérique et paradoxalement de la tendance "bio-aromathérapie", Aromatic Elixir demeure aujourd'hui le partenaire incontournable de la garde-rode parfums de toute amatrice qui se respecte, et reste le pionnier des roses chyprées réinterprétées aujourd'hui dans la famille des "nouveaux chypres" comme Coco Mademoiselle, Miss Dior ou For Her. Comme Patchouli, s'il est porté par un homme et que l'on ne sait pas que c'est lui, il étonne. Il se pourrait bien que Clinique célèbre l'anniversaire avec des animations et peut être aussi un collector.

Les deux parfums ont pour point commun d'être nés à une époque où l'envie de vivre et de s'émanciper voulait transgresser une liberté bridée. Il y a 40ans, les femmes travaillaient peu, les jeunes ne s'exprimaient pas si ouvertement qu'aujourd'hui, les minorités étaient regardées de travers, l'étranger se conjuguait encore avec une part d'inconnu. L'Europe émergeait, les pays de l'Est étaient dans un autre monde, la Chine ne faisait pas peur et le Japon était encore tout petit. Je suis peut être aussi d'autant plus touché par l'évènement que je suis né la même année que ces deux icônes. Aurais-je été inconsciemment bercé de patchouli, qui reste une des matières que je préfère ?

Je profiterais de cet anniversaire pour rappeler à vos nez aguerris deux autres beaux patchoulis : le premier Voleur de Rose de l'Artisan, dans un registre très transparent, vif, incisif avec un fond de pruneaux, et le second C'est la fête au Patchouli de Christian Lacroix, injustement oublié et très difficile à trouver de nos jours, qui serait une sorte de Patchouli de Réminiscence poussé sur la vanille et les muscs. Voilà, pour leurs 40ans, souhaitons donc un joyeux anniversaire à Patchouli et Aromatic Elixir. Force est de constater qu'en 2011, c'est la fête aux patchoulis !

Illustrations : feu d'artifice, Réminiscence, Clinique.

3 commentaires:

zab63 a dit…

Quelle jeunesse, Méchant Loup! Moi, j'allais sur mes huit ans, et on peut dire qu'à cette époque, à part L'Air du Temps, parfum de ma mère,je n'avais pas grand chose à mettre sous mon nez très immature! Un an après : révélation olfactive avec "Eau de Roche" (maintenant "Eau de Rochas") portée par mon instit de CM1.
Quelques années après(77-78)beaucoup de jeunes portaient "du patchouli". Etait-ce celui de Réminiscence? C'est probable.
Il y avait aussi les "concrètes" achetées dans les magasins Baba Cool qui vendaient également des foulards indiens mauves.
Mais c'était un style particulier, le patchouli. Il fallait être "Love and Peace" et un brin effrontée.
Pendant que ces demoiselles s'aspergeaient de "Patchouli" ou d'"Anaïs Anaïs" (style romantique et sage diamétralement opposé)eh bien, moi, je craquais pour "Cristalle" de Chanel, que j'ai porté toute mon adolescence.
Avec le recul, je me rends compte que je n'étais pas dans l'air du temps (sans majuscules, cette fois !)

Thierry Blondeau a dit…

Zab63, il est juste de de faire remarquer que le patchouli était connoté "baba" dans les années 70-80 et j'ai exactement la même image en tête. C'était aussi le cas dans les années 20, où le patchouli accompagnait les cocottes du moulin rouge par exemple, d'où vient l'expression "ça cocotte".
Je n'ai cependant pas voulu relever cet aspect pour les 2 patchoulis ici concernés car je voulais qu'ils apparaissent actuels, car ils continuent de vivre aujourd'hui avec l'époque. Pour leur 40ans,ils apparaissent plus chics, moins connotés. Ils ton sans doute trouvé un public au delà des clichés de l'époque. La maturité quoi !

DAU a dit…

Zab63,
Je ne dirais pas que vous n'étiez pas dans l'air du temps, juste que vous aviez un genre de parfum beaucoup plus adulte et très "bon genre" parce que ce style-là, on le sentait quand même beaucoup, mais pas chez les bobo, c'est certain.

Plus généralement, heureusement que le patchouli à fini par sortir du purgatoire. D'ailleurs, c'est marrant, mais beaucoup de gens qui ont connu cette époque font la grimace quand ont dit patchouli mais pas du tout quand ils sentent un patchouli qui est bien traité. (et pas en mode cheap) C'est pour ça que je fais souvent des tests en aveugle en refusant de montrer flacon, marque et nom. Les gens sont tellement surpris de découvrir que le patchouli sent bon et peut faire chic.