mardi 19 mai 2009

Encre Noire - Lalique 2006 : calligraphie d'un vétiver.

Comment apporter un souffle nouveau à une marque dont l'histoire est indissociable de celle du parfum ? Le sujet est libre, laissons aller les idées et les talents. Un grand groupe comme Firmenich, fabricant de matière premières et société de création de parfums, sollicité sur le coup, répond aux attentes de Lalique, grâce au talent et à l'écriture de Nathalie Lorson. Le choix d'un vétiver comme note masculine "noble", riche et appréciée tend à montrer que Lalique connaît bien son sujet et sait faire preuve de maîtrise et de savoir faire. Tout comme la thèse retenue, qui fut celle de Nathalie Lorson, parfumeur chez Firmenich, en démontrant que le vétiver pouvait être actuel, moderne sans tomber dans le facile, le rajeuni ou pire, le lessiviel.

Dans sa construction, ce parfum me fait penser à New York : empreinte marquée qui serait de style art déco, lourd, rond, noble, et contraste saisissant du verre et du métal montant, fusant, linéaire. Encre Noire est d'ailleurs le vétiver que j'aime porter là bas, car j'y retrouve le contraste de l'architecture New yorkaise. Ce parfum est construit sur une dualité. J'évoquerai dans un premier temps le choix de deux variétés de vétiver, l'une sombre et fumée, l'autre plus limpide. Dans Encre Noire, ces variétés sont exploitées et "tirées" vers le coté épais, fumé et noble dan les pleins, pour l'une, et vers la clarté et la transparence, dans les déliés, pour l'autre. Quelques notes boisées rappelant le papier, les éthers d'alcool et le tissus délient doucement le fil sur un effet de laine légère, comme pour faire écho à un costume coupé au cordeau dans un atelier de couture d'Hédi Slimane. Comme Encre Noire est un "Firmenich", on imagine que l'hédione, leur molécule "phare" y est pour beaucoup, et c'est tant mieux. Dans un second temps, Nathalie Lorson prend le contrepied de cet ensemble pour partir sur un registre frais, vif, piquant, presque métallique. Cet effet est dû à une note magique : le méthylpamplemousse, une molécule de chez Givaudan. Cette matière première qui sent le zeste de pamplemousse a la particularité de "s'agripper" littéralement au vétiver, pour le prendre de ses notes fusantes et le faire grimper vers le haut tout en noblesse et en finesse, pour ensuite faire durer l'effet sur toute l'évolution du parfum. Un effet spectaculaire, remarquable de magie, qui souligne et accentue le trait. Un tour qui relève de l'intuition, ainsi que d'une bonne maîtrise du métier. Encre Noire n'est pas le premier vétiver à utiliser cet accord majeur vétiver-méthylpamplemousse, les vétivers de Guerlain et de Givenchy le font également. Pourtant, ce qui est remarquable, c'est d'avoir su conjuguer les pleins et les déliés d'une matière première noble pour en tirer le meilleur et de nous avoir écrit avec cette Encre Noire un des plus beaux parfums de ces derniers temps. Le vétiver, dans une vision d'avenir.
Encre Noire reste humblement à la portée de tous, ce qui prouve qu'il n'est pas toujours besoin d'un prix élevé pour justifier la qualité d'un travail. Une perle de calligraphie, faite de pleins et de déliés, pour signature à l'Encre Noire d'une marque de renom.

12 commentaires:

Thierry a dit…

Je ne suis pas sûr que ce parfum apporte un nouveau souffle à cette marque assez mal distribuée (en tous cas à Paris) et qui peut-être manque de légitimité en tant que parfumeur (et pas producteur de flacons)...
C'est bien dommage car Encre Noire et Perles sont deux réussites et comme tu le dis EN renouvelle ce classique de la parfumerie masculine. De surcroît le flacon et le nom sont très cohérents avec le jus.
Bien qu'assez ignorant en ce qui concerne les matières premières, je suis étonné que tu insistes sur l'hédione (dont je croyais qu'elle servait surtout à "aérer" le parfum) alors que tu ne cites pas le cashmeran (IFF) qui pourrait jouer un rôle dans ce côté sombre et salé... Qu'en penses-tu ? (ma question est celle d'un béotien ! )
Quoiqu'il en soit c'est bien un vétiver urbain, new-yorkais, pourquoi pas ?

Thierry Blondeau a dit…

Thierry, merci pour ton commentaire et je partage ton avis sur la distribution de cette marque, même si je suis persuadé que les curieux et amateurs aiment faire l'effort de la chercher. Pour l'hédione, j'insiste car il y en a surement, vu que c'est un Firmenich : cette note ne fait pas qu'aérer un parfum, elle apporte de la légèreté, de la finesse et même de la "modernité" en ouvrant la composition sur toute sa longueur. Certains l'utilisent même en solution à 5% dans l'alcool du produit fini. Quant au cashmeran, il est mentionné effectivement dans les notes officielles et jouerait ici plutôt un rôle dans le coté "laineux" du parfum, le rôle sombre et salé étant tenu par le vétiver.
A part cela, je viens de vaporiser chez moi Lys Méditerranée pour le découvrir : comment ai je pu ne pas voir à ce point cette marque ?

Thierry a dit…

Merci pour tes précisions techniques : il faudrait que je sente l'hédione (je ne l'ai fait qu'une fois et justement cela ne "sentait" pas grand chose...)

Sinon, tu me copieras 100 fois "Les Editions de Parfums Frédéric Malle sont extraordinaires et pas seulement pour leur Vétiver" ! :-)

Thierry Blondeau a dit…

Je te ferai sentir de l'hédione : effectivement, au premier abord, ça ne sent pas grand chose, car ce serait plutôt une note "à effet", et secondo, elle ne se conserve pas très bien quand elle est pure. Pour l'exercice, ok monsieur le professeur, mais j'en suis déjà convaincu !

Anonyme a dit…

Boisé fumé merveilleux, il compose le trio préféré de ma collection: M7, Body kouros et, en 3e place, Encre Noire de Lalique. Oui, je vous avoue, je suis accro à ces boisés sensuels e enivrants.
Wanderson.

Anonyme a dit…

Boisé fumé merveilleux, il compose le trio préféré de ma collection: M7, Body kouros et, en 3e place, Encre Noire de Lalique. Oui, je vous avoue, je suis accro à ces boisés sensuels et enivrants.
Wanderson.

Thierry Blondeau a dit…

Wanderson, avouons, avouons que nous sommes des accros de ces boisés sensuels et enivrants qui agissent comme des drogues : on touche, on y revient, et là c'est sans danger. Autant se faire plaisir. Mais que pensent donc les femmes de nous quand nous les portons ? Je sais pour quelques unes, mais les autres se font discrètes ! Hey les filles, dites nous !

Méthanie a dit…

Un avis féminin sur les boisés sensuels: j'ai craqué pour un homme qui porte encre noire... et je pense à lui offrir M7 :)

Thierry Blondeau a dit…

Vous êtes séduite si homme porte Encre Noire, voilà donc un avis féminin qui fait du bien ! Mon opinion sur M7 est plus nuancé, car il y a franchement quelque chose qui me dérange dans ce parfum, même si j'aime sa profondeur sombre et mystérieuse. J'y reviendrai, c'est prévu. Je préfère M7 Fesh que je trouve plus subtil, mais si vous aimez les notes sombres de M7, vous n'accrocherez sans doute pas. Sinon, dans le même style, il y a Habit Rouge en Eau de Parfum ou Cruel Intention de By Kilian, mais là, ce n'est plus le même prix.

Méthanie a dit…

Bon, pas de M7 alors... Dois je donc me tourner vers route du vetivier de MPG ou simplement lui réoffrir le Lalique, parce que finalement il a fait le meilleur choix possible.

Thierry Blondeau a dit…

Méthanie, je me garderais bien de vous déconseiller d'offrir M7 si vous aimez. Ce n'est pas un mauvais choix, c'est juste que je préfère très largement Encre Noire et ceci n'engage que moi. Pour la Route du Vétiver, attention, ce n'est pas "facile", mais c'est noble, un parfum "vampiresque".

Marc a dit…

J'ai fini par acheter encre noire après en avoir tant entendu parler sur internet. Bien que je ne l'ai pas senti avant de l'acheter je suis très satisfait de mon achat.
Mais je ne sais pas si ça vient de moi, je trouve qu'il est très proche de Kenzo Air, mais avec quelque chose de différent en arrière plan.

Vous pourriez peut être m'éclairer la dessus ? :p