
Et vous alors, finalement, quel parfum choisissez vous pour clore l'année ?
Illustrations : bulles de champagne, Hermes.
Olfactif et forum = olfactorum. Des mots, votre parfum, et vous ...

Jacques Polge renouvelle ainsi le tour de force qui était aussi le propos de départ, de redonner de la noblesse, de l'élégance et de l'éclat à une matière basique et bien souvent oubliée quand elle se revendique en soliflore.
cliente était désespérée de ne plus s'y retrouver. Cette femme, qui visiblement voulait acheter Miss Dior qu'elle avait l'habitude d'offrir, ne savait plus ou donner de la tête entre l'ancien devenu Miss Dior l'original, et le nouveau Miss Dior, anciennement Miss Dior Chérie, reformulée par rapport à sa formule d'origine. Vous suivez ? Ajoutez à cela des vendeuses tenant à leur chiffre et très "vendeuses" qui lui soutenaient que la formule n'avait pas changée. Mais quelle formule ???? Bref, un chaos total avec une cliente atterrée, et moi, témoin de la scène, qui ne savais même plus par quel bout intervenir sans être trop complexe dans mes explications. Je ne sais pas comment cela s'est terminé, mais on était loin de l'image de la cliente qui repart avec le sourire aux lèvres après avoir choisi un beau cadeau ! Madame, si vous me lisez on ne sait jamais, l'original, le vrai, c'est celui qui est en photo ci contre.
Si j'ajoute à cela l'expérience récente d'une amie passionnée (;-), vendeuse en parfumerie pendant les fêtes, qui me faisait part de questions sur une éventuelle reformulation d'Opium remontées par des clientes de plus en plus nombreuses. Tout cela, alors que la pub vous vend une Emily Blunt plus chère et précieuse que jamais, et que le parfum n'est plus que l'ombre pâle de la formule d'origine, car oui, hélas mesdames, vous avez raison, et ce n'est pas qu'à cause de l'IFRA. Vous chercher autre chose de plus vrai, alors ne vous gênez pas, partez, fuyez, et ne revenez plus, et c'est bien ce qui se passe !
Nous sommes plusieurs à savoir qu'un espoir est possible, et qu'il faut arrêter de vendre son âme au mains de diplômés formatés qui eux coutent réellement très cher, sous peine de ne plus avoir de leviers pour rebondir ! Cette industrie, française dans son essence et dans ses veines, nous devons en être fiers et la valoriser, la vendre, certes, mais avec ses valeurs, ses points forts, son âme, la vraie, ses forces, ses ressources réelles. Hermes en est un bel exemple. Vous n'imaginez pas la richesse d'une palette par exemple et les progrès que l'on fait sur les matières. Tout ça pour ça ? Voilà le constat. Sacrifier ces richesses sur l'autel d'une mondialisation standardisée pourrait, à terme, lui être fatale, car à perdre son âme, il n'y aura pas que les innocents qui seront massacrés.

Une bonne dose de camphre, de poivre, de menthe et d'eucalyptus arrondie de galaxolide (un musc blanc très rond) et vous voilà repartis du bon pied. Le tout reste d'un effet discret et naturel sur peau, un peu comme si vous veniez juste de sortir d'un bon sauna. Poivré, camphré, vivant et original en diable.
Une icône, d'une finesse incomparable et et d'une aura inimitée.
Les envies à venir : Sycomore de Chanel, L'Eau d'Hiver de Frédéric Malle, Avignon ou Kyoto de Comme des Garçons. Lesquels choisiriez vous ?
Angel de Thierry Mugler 1992 extrait de parfum : ce qui me frappe dans l'extrait de Angel, c'est qu'il apparait beaucoup plus compact que l'eau de parfum. Les notes de fruits de la passion de pomme verte semblent emprisonnées dans un ensemble très dense qui fait penser au caramel dur de la pomme d'amour. Cette enveloppe constituée de cacao amer, de caramel, d'épices et de miel fait de cet extrait une composition très gourmande, comme un bon gâteau bien chaud sorti du four. Le patchouli structure l'ensemble, qui ouvre une nouvelle aire en parfumerie. Le parfum se fond sur la peau de manière assez extraordinaire et n'a pas, du coup, la même amplitude que l'eau de parfum. Plus discret mais plus complexe, j'y remarque une note de cire d'abeille, qui le rend riche et très fondant. Je comprends alors pourquoi Angel est un gourmand...moi, je le deviens.
Coco Mademoiselle de Chanel 2001 extrait de parfum : non testé sur peau mais évalué sur touche, ce qui frappe dans l'extrait de Coco Mademoiselle, c'est la présence assez forte d'un accord d'absolus de roses de différentes variétés. Comme pour l'Eau d'Issey, elles accompagnent le patchouli car elles interfacent leur facettes boisées avec ce dernier, et permettent de faire un pont sur les notes fruitées du parfum, très proches d'une pêche "fruit" et d'une poire juteuse. Le patchouli, boisé donc, n'est pas un patchouli habituel, et c'est très perceptible dans l'extrait. Il est débarrassé de ses facettes terreuses et chocolatées pour apparaitre plus clair, plus limpide, et lisse ainsi toute la composition. Une toute petite note marine du style "nature après la pluie" se devine à peine au milieu de cet accord "chypre moderne" de rose, de patchouli, ainsi qu'un peu de vanille, et de bois miellés. Le tout fond sur la peau dans un accord de muscs blancs très doux. Jamais trop lourd, trop sucré ou trop collant, Coco Mademoiselle sait rester digne d'un vrai Chanel, charnel, signé, sensuel et très actuel.
Idylle de Guerlain 2009 extrait de parfum : ce qui frappe dans l'extrait de Idylle, récent, c'est qu'il paraît beaucoup plus sombre et plus riche que l'eau de parfum. Les notes de feuilles vertes et de poire semblent étouffées pour laisser rayonner un accord profond et riche de roses et de patchouli bien charpenté, ourlé dans des muscs veloutés légèrement moites et vanillés. L'extrait est du coup plus épais, plus dense, plus charnel et l'on imagine qu'il travaillera très bien avec la peau de celle qui le portera, tellement les matières semblent texturées. Il fait penser à un bon Bordeaux, dont la texture et la couleur font saliver dès qu'il est versé dans le verre. Découvrir l'extrait, c'est trouver enfin la personnalité propre d'Idylle et accepter de le faire entrer parmi les grands Guerlain, par sa finesse et son élégance, et c'est pourquoi, bien qu'il ne soit pas encore reconnu comme tel, je l'ai choisi pour cet article. Si Idylle n'est pas encore... il devient, l'extrait y contribue. Vous en avez assez de respirer toujours le même air et n'avez plus du tout envie de mettre les pieds en grande surface à parfum ? Vous sentez comme un vent d'ennui actuellement que même la parfumerie de niche ne comble pas ? Vous êtes amateurs de belles choses et avez surtout envie de nouveau regard, l'exposition organisée par Cécile Zarokian, parfumeur, et Matthieu Appriou, illustrateur est assurément un évènement à ne pas manquer. Le parfum et l'image sont très liés, mais Cécile et Matthieu dépoussièrent, avec une approche nouvelle et originale, ce qui est aujourd'hui galvaudé par une publicité formatée. Trois parfums sont inspirés par trois illustrations et inversement pour les trois autres. Revenir à l'image, au trait, aux couleurs pour parler d'émotions, de sens et de vérité, c'est une démarche à encourager. J'y suis passé, Cécile et Matthieu m'ont fait voyager, j'ai donc proposé à Cécile de vous en dire quelques mots.
Vous êtes aujourd'hui parfumeur indépendant, est-ce par choix ? Pourquoi ?
C'est un projet que j'avais en tête depuis quelques années, et que j'ai concrétisé en 2011. Cela offre une liberté de création très importante. De plus j'aime être impliquée à chaque étape : la démarche commerciale, la relation client, le conseil, la création et la fabrication du parfum.
Comment est venue l'idée de ce projet avec Matthieu Appriou ?
Je connais bien Matthieu, j'apprécie beaucoup son travail et je pense que c'est un illustrateur très talentueux. Je me suis dit un jour que cela pourrait être intéressant de réunir nos deux univers, en s'exprimant chacun dans notre art à partir du travail de l'autre. Je lui ai alors fait part de l'idée, et il a été partant immédiatement.
Quel est l'objectif de ce projet ?
Nous voulions montrer ce qu'un illustrateur et un parfumeur peuvent créer ensemble, en dehors de toute démarche commerciale. L'objectif est de faire se rencontrer deux univers, et aborder la création dans les deux sens. Le support visuel inspire la création d'un parfum et réciproquement.
Que change ce projet, ce travail en commun par rapport à votre métier de parfumeur au quotidien ?
Au quotidien, Matthieu comme moi avons des commandes, nous créons des illustrations et des parfums à partir de briefs que l'on nous donne. Là nous avons choisi de créer chacun trois parfums et trois illustrations de notre choix, à partir desquels l'autre allait s'exprimer à partir de son ressenti, ses émotions, visuelles ou olfactives, et non plus principalement des mots comme c'est souvent le cas.
En ce qui concerne le parfum, le fait qu'il n'y ait aucune contrainte de prix change énormément du quotidien. J'étais libre de choisir les matières premières que je voulais, les meilleures qualités, et peu importe la quantité. J'ai ainsi pu utiliser comme je le souhaitais de la vanille, de la fève tonka, de l'essence de santal, de rose, ou encore des matières premières synthétiques également coûteuses comme le javanol, l'irone alpha, etc...
Vous êtes vous étonnés mutuellement au cours de ce travail, avez vous eu des surprises, découvert des choses ?
Chacun avait une grande liberté, que ce soit pour créer en premier ou à partir du travail de l'autre, on ne se consultait pas, on se laissait carte blanche pour s'exprimer dans notre propre univers, respecter la vision de l'autre. Au final nous avons été très agréablement surpris de ce que l'autre proposait, nous avons trouvé que nos oeuvres se complémentaient parfaitement.
Que manque t il selon vous à la parfumerie d'aujourd'hui ?
Peut-être un peu plus d'audace et de folie, peut-être un peu trop de parfums consensuels qui se ressemblent.
Avez vous envie de renouveler l'expérience après cette première exposition d'octobre 2011 et sa prolongation en décembre ?
Nous avons des contacts en cours pour éventuellement exposer bientôt ailleurs, à Londres notamment, et peut-être dans d'autres galeries ou musées.
Et avec Matthieu nous envisageons un deuxième épisode ultérieurement...
Tout commence sur une idée de Germaine Cellier pour Vent Vert de Balmain, créé juste après la sortie de la guerre comme un souffle nouveau, un vent de fraîcheur. La note verte par excellence en parfumerie étant le galbanum (le simple fait de le sentir vous transporte au coeur d'un brin d'herbe terreux), Germaine eut l'idée de la surdoser dans ce parfum. Très appuyée aux débuts de l'existence de Vent Vert, le galbanum apportait une vraie signature et le vent de fraîcheur vive tant recherché. Le coeur était plus classique, fleuri de néroli, de muguet, de rose, de jasmin et soutenu par les bois précieux sur un fond humide et moussu. La tenue était excellente et le parfum d'une pureté nouvelle à l'époque. Hélas, la version actuelle semble n'être qu'une simple photocopie, les matières faisant bas de gamme, le sillage étant trop puissant et la signature globale décevante. Vivement, comme chez Piguet, que quelqu'un se mette à faire revivre le patrimoine olfactif de Balmain.
Au tout début des années 60, les floraux cristallins fleurissent et Yves Saint Laurent ouvrit également cette porte. Y portait en lui les gènes de Vent vert, dans une idée plus sophistiquée, mais aussi plus "couture". Sillage intense et belles matières à l'unisson font écho à la robe Mondrian orange et verte, dans une idée de pureté agrémentée de couleurs et cintrée par le noir : galbanum, muguet, rose et jasmin en tête de cortège passent du vert pâle au vert foncé dans un accord ambré boisé, où le vétiver, le bois de gaïac le patchouli et le ciste labdanum apportent une touche orange cuivré. Même encore aujourd'hui dans son nouveau flacon, le fond et le sillage font des merveilles sur peau dans un esprit vert, floral, cuiré, fumé très doux, qui me rappelle vaguement certaines Heures de Cartier dans les notes de fond qui dessinent la ligne noire. A tester ou redécouvrir sans hésitation.
Quelques années suivent de silence radio, avant le retour de la tendance dans les années 2000, où le besoin de fraîcheur est comblé par Guerlain et une collection de nouvelles eaux fraîches, à porter comme des parfums. Herba Fresca rencontre un vif succès, car ses notes menthées, anisées, jasminées et citronnées mêlées à un accord de feuilles vertes dans un sillage très vif et tenace apportent en vent nouveau à l'époque. Elles n'ont pas pris une ride et sont encore là aujourd'hui, témoin des tous débuts, ce qui est loin d'être le cas de toute la gamme.
Chez Frédéric Malle, vous me croirez ou non, mais j'ai besoin de le dire. Je reste persuadé que, pour créer French Lover lancé en 2007, Pierre Bourdon s'est inspiré d'un accord "cascade verte" que je lui présentais en 2004 lors de notre rencontre où je lui demandais seulement quelques conseils et lui présentais mes travaux des tous débuts. Le galbanum terreux était surdosé, mouillé de notes de feuilles vertes et de pomme grany, de terre humide, de poivre rose, de patchouli et de bois. Je ne retrouve plus mes notes de l'époque, et j'en suis triste. Lui ne m'a rien dit : avais-je l'idée mais tout à construire ? Lui avait l'expérience, un client, et quelques bois ambrés à ajouter. Je n'ai jamais bien compris si c'était un hasard ou non, mais cette expérience me trouble encore aujourd'hui. Pour le parfum, j'aime la tête et pour cause, mais moins le fond, trop "karanal" (les fameux bois qui piquent) à mon goût au porté. A propos de French Lover, ne trouvez vous pas qu'il pourrait être le
vrai Guerlain homme, celui qui s'est perdu dans la jungle ? Moi, je trouve cela assez drôle !
Scent, lui, est entré dans le coeur des experts avec tout le bien qu'ils en pensent, moins dans celui du public.
J'aime cette sensation à la sortie d'un aéroport, où à la nuit tombée, tout est noir. On ne voit plus rien. Un noir tellement intense que l'on ne perçoit que l'air ambiant, dans un sillage nouveau, doucettement fumé de lichen, d'herbes sèches, de vent de sable et de terre aride. Quand François Coty posa pour la première fois les pieds sur la terre de Chypre dans les années 1910, cette impression devait sans doute être encore décuplée, car je l'ai assez fortement ressentie au tout premier contact avec l'île, même de nos jours. Elle se confirme dans les terres, à l'approche des temples, des mosaïques et surtout, le long des allées parfumées qui jalonnent l'île. Origan, thym, basilic, ciste, mais aussi oranges, bergamotes et roses sauvages se dévoilent au détour des chemins secs.
labdanum fera le lien entre le sol et l'air par ses notes résineuses d'ambre sombre, de sable chaud et de pierre aride. Enfin, pour que cette structure soit un vrai souvenir olfactif qui ait l'air d'un parfum, pourquoi ne pas ajouter un soupçon de ses fleurs sauvages et piquantes comme la rose turque, et apporter un peu de sensualité solaire grâce au jasmin cuiré ? Bien sûr, pour que cela monte un peu, la bergamote, qui se combine avec quasiment toutes les familles olfactives grâce à ses multiples facettes fruitées, acidulées et florales, arrosera le tout.
L'accord chypré, pour la première fois mis en avant par ce parfum en 1917 est ainsi devenu un archétype, maintes fois reproduit, souvent enrichi pour ouvrir la porte de nouveaux horizons olfactifs, comme avec Mitsouko par exemple, qui y apportera la note fruitée de pêche, 31 rue Cambon qui l'adoucira de bois, Bandit, qui le cuirera, Aromatic Elixir qui y ajoutera des notes de rose opulente, et plus proche de nous For Her, où un coeur de musc d'une modernité étonnante ouvrira une nouvelle voie à cette famille, qui semble aujourd'hui définitivement trouver une place de choix.
La tubéreuse n'est pas une fleur facile. Reconnue comme énigmatique et intrigante, elle peut être approchée sous deux angles en parfumerie. Celui du charme et de la volupté de son sillage, souvent accompagnée de fleur de tiaré, de fleur frangipanier et de noix de coco, ou celui plus étrange de son "piquant", de son coté venimeux. Les quatre tubéreuses ci-dessous ont choisi la seconde direction. Ludiques, étranges voire même imbuvables, elles ont toutes un grain de folie, et séduisent ou rejettent. Idéales pour un double jeu, non ?
Tubéreuse Criminelle de Serge Lutens - "killeuse" : il y quelques années, ce parfum était étrange, car il partait d'un accord tubéreuse agrémenté d'épices avec une note proche du clou de girofle qui lui donnaient du piquant et un charme intrigant, pour évoluer sur peau de manière plus douce et se fondre à elle. Or, cette année, je ne sais pas si l'IFRA est passée par là, mais Tubéreuse Criminelle a du se prendre un coup de boxeuse car, dans sa nouvelle version et son nouveau flacon, elle semble défigurée. Le charme n'y est plus : en lieu et place, une très méchante note de wintergreen que les américains adorent car elle est utilisée dans la root beer, saute au visage. L'évolution semble décousue, avec parfois des relents citronnés de produits ménagers. Tout cela se calme au bout d'une heure mais elle me semble toujours un peu polluée. Manque de maturation, volonté de faire vite ou logique parfumistique décadente qui semble être une tendance un peu prétexte à faire n'importe quoi, pourquoi pas, mais je ne comprends pas ? Criminelle, elle l'est et porte donc très bien son nom, car elle vous renverse non pas par ses charmes, mais parce qu'elle va se vendre défigurée et à ce prix ... une vraie killeuse !
Rubj Eau de Parfum de Véro Kern - "mante religieuse": la démarche se veut plus modeste et le charme n'en est que plus poussé. Etrange, la tubéreuse de Rubj, surtout dans sa version eau de parfum serait un peu comme une personne à première vue pas très belle mais qui assume si bien qu'elle vous scotche au premier regard et dégage de la sympathie. Elle aurait pu être la tubéreuse de Rosie de Palma par exemple, et je l'imagine très bien sur Lady Gaga dans son clip Bad Romance avec sa tenue Alexander Mc Queen. Rubj Edp est une tubéreuse sulfureuse par ses notes de fruits de la passion et un surdosage de cumin, qui ne pourront que coller à la peau de certaines femmes. Etrange, certes, mais ceci ne fera que ressortir le sillage de vraie tubéreuse tueuse d'hommes qu'elle ne dévoile que quelques minutes après ! Vous vous sentez mante religieuse ? C'est normal ! A découvrir en connaissance de cause pour pouvoir mieux se prêter au jeu ...
Vierges et Toreros de Etat Libre d'Orange - "fuck me I'm famous": j'ai toujours pensé, depuis le début, que l'histoire de Vierges et Toreros s'était écrite sur les fauteuils en skaï d'un club échangiste ou sur la banquette arrière d'une vieille Cadillac et non dans l'arène tellement ce parfum me fait penser à ces fins de soirées où les corps sont moites et excités. Tubéreuse vénéneuse, cachée sous un cuir sombre, les épices et la mousse, légèrement humide, Vierges et Toreros donne l'impression de perdre tout contrôle sur la situation. Etes-vous parfumés ou est-ce votre propre peau, vous ne savez plus. Pourtant il semble bien que quelque chose se passe. Pour jouer l'étreinte avec un grain de folie, c'est assurément le bon choix !
Me Myself and I de Ego Facto - "croque la pomme !" : construite comme une tubéreuse cuirée enroulée de vétiver sombre et d'un accord cigüe mystérieux (avec du styrax et de la cannelle on dirait), Me Myself and I est un parfum qui porte bien son nom tellement il faut être sûr de soi pour pouvoir jouer avec. Dans la même veine que les trois autres, cette tubéreuse amère et moussue intrigue et dérange. On ne sait pas trop si elle sent bon ou si elle veut nous faire fuir par ses notes de champignons un peu moisi. Pourtant, il reste sur peau un aspect fumé boisé assez marqué qui dans la moiteur d'un moment intime peut dévoiler toute sa richesse. Etrange, mais à méditer pour soi, sûr de soi et pour se faire plaisir à soi, sans doute.
Quelques jours précédant l'arrivée de Santal Massoïa dans la ligne Hermessence, j'interrogeais une vendeuse du tout nouveau stand du Printemps Haussmann pour savoir si ce santal n'aurait pas quelques inflexions de figue car je supposais, vu que Jean Claude Ellena travaille beaucoup avec Givaudan, qu'il utiliserait pour ce santal une base appelée méthyl laitone, qui sent le santal lacté, le lait de figue avec quelques notes farineuses. Elle me répondit "ahhh, vous verrez, je ne peux rien dire mais c'est un santal très différent", avec un regard un peu complice.
dont la traduction est rendue possible grâce à la méthyl laitone, en fait un parfum plus complexe, plus riche qu'il n'en a l'air, mais pourtant assez discret, plus intime et plus peau que les précédents. Un jour lacté comme le santal, un autre plus farineux et réglissé comme le massoia, le lendemain très daim comme le narcisse et la feuille de violette et quelquefois lumineux et fruité comme la figue, ce parfum aux facettes multiples saura jouer de manière très différente selon les personnes, permettant à chacun d'avoir sa propre appropriation. Un duel, qui deviendrait très égoïste en somme.
Alors que je découvre que le salon du chocolat a lieu ce week-end, je pense à cet article qui parlerait de petites perles de paradis qui nous sont offertes pour ces fêtes de fin d'année 2011. Habitué à explorer les facettes de ses parfums, la marque Thierry Mugler nous plonge cette année dans l'univers du goût. Comme nous le montre Patty Canac dans son atelier Passion-Nez, le nez et le palais communiquent à tel point qu'ils font appel au même fonctions de notre mémoire et à la même fonction mécanique. Pourquoi alors ne pas s'amuser à explorer le goût en parfum en jouant avec la texture et la richesse de nouvelles matières naturelles, d'autant plus que le résultat n'est vraiment pas dénué d'intérêt ?
Angel, le goût du parfum, enrichi à la fève de cacao : Angel est déjà un parfum gourmand. Dans ce travail, la pomme d'amour originelle, bien rouge, se transforme en pomme d'amour en chocolat. Recouverte d'une fine couche de cacao bien amer, l'effet gustatif est immédiat tant le chocolat titille les papilles et le nez dans une sorte de walkyrie menée de front dès l'envolée du parfum. Je ne vous apprends plus que le chocolat est un allié quasi naturel du patchouli, qui fait reprendre à Angel ses couleurs boisées au cours de son évolution avant de finir dans une douceur caramélisée onctueuse qu'on lui connait si votre peau "travaille" bien avec. On en mangerait ? Mais, c'est fait pour !
Alien, le goût du parfum, enrichi de caramel au beurre salé : bien évidement, cet effet ne fut possible que parce que désormais les parfumeurs et les aromaticiens du goût n'ont plus peur de travailler ensemble et d'explorer des territoires communs. L'éthyl maltol, bien connu depuis Angel et qui a fait parler de lui dans le récent Candy de Prada a ainsi été ajouté à la structure d'Alien, accompagné d'une note entre le café et le petit pain beurré, le tout agrémenté d'une gousse de vanille ; effet "petit four" garanti. Alien se caramélise donc, envoyant son puissant jasmin de manière plus immédiate avec un effet à mon avis plus crème brulée que caramel au beurre salé. Un effet encore plus "alien", car il lui confère une certaine étrangeté. Ce n'est qu'au bout d'un certain temps que le caramel mou se dévoile, comme pour Angel, tout en douceur. Le nom n'est pas usurpé, ce test de goût est une belle variation sur un même thème.
Womanity, le goût du parfum, enrichi d'un chutney de figue : j'aimais déjà beaucoup la verdeur saline de Womanity et son sillage de bord de mer. Enrichi de ce chutney de figue issu d'une extraction moléculaire des plus au point, les facettes vertes se révèlent encore plus "sève d'arbre", le fruit, la figue en l'occurrence, devient goulue et gorgée de sucre. Les papilles et le nez salivent. Les facettes marines, peut être un peu trop présentes dans l'original s'atténuent et le sillage devient plus dense. C'est précisément pour cette densité que je trouve ce travail très réussi. Womanity semble trouver, avec ce chutney renforcé les couleurs qu'il devrait avoir depuis le début. Un travail à croquer.
A Men, le goût du parfum, enrichi de piment rouge : brûlant, tonitruant, audacieux, cet ajout de piment transforme presque le doux chocolat-café d'A Men en colosse à la force domptée. Le départ, très fougueux, projette immédiatement le café et le piment qui semblent naturellement se faire écho. L'on perçoit alors très vite les facettes boisées de A Men et le fond chocolaté se fait plus viril. Assez différent du A Men que l'on connait, il serait presque à la frontière du regretté B Men. Pour qui voudrait changer sans partir trop loin, c'est intéressant non ?
Angel Eau de toilette : alors que je visitais en Juin le salon des matières premières à parfum, Givaudan nous présentait une nouvelle molécule. Sans en être vraiment certain, il ne serait pas étonnant d'apprendre qu'Angel Eau de Toilette serait le premier parfum à l'utiliser de manière évidente. Pourquoi ? Parce que cette molécule qui se nomme paradisamine sent à la fois les fruits de la passion, la mangue, la framboise, le cassis, la pomme et la fraise. Or, les notes de tête de Angel Eau de parfum étant constituées de pomme verte et de fruit de la passion, il ne serait pas étonnant de faire un tel choix par volonté de lisser un peu le trait afin d'arrondir les angles et proposer une version plus accessible de ce parfum phare. Je suis assez d'accord sur le fait que le trait semble affiné et lissé, ce qui n'est pas un mal en soi, mais j'aimais précisément Angel pour ces facettes différentes et son évolution par surprise et selon les peaux ! Là, il y en a moins, mais peut être pour plus de monde il est vrai ?
Comme vous l'aurez compris, le travail sur le goût du parfum m'a très largement convaincu, car il projette la parfumerie de matières dans des profondeurs encore rarement explorées et permet d'enrichir les quatre parfums de facettes inconnues. Je trouve l'eau de toilette Angel très équilibrée, le flacon est magnifique mais je préfère tout de même la sensation originelle.
Alléger le patchouli est à la fois un défi technique, mais il nait aussi d'une volonté forte de mettre un peu de légèreté dans cette matière, de manière à la débarrasser de ses à-priori. Le patchouli, de par son histoire au coeur du monde hippie des années 70 et parce qu'il parfumait les cocottes dans les années 20 est souvent lié à une image lascive, de meurs dégradés et de vulgarité affirmée. Faire fi de cela, c'est savoir qu'historiquement, cette plante avait pour vertu de préserver les tissus importés des colonies lointaines. Il est donc plus facile alors, de comprendre pourquoi cette matière semble avoir une affinité naturelle avec les beaux tissus comme la laine, le velours, la soie, et les accompagne à merveille.
Il y a deux ans, lors de la visite autour du palais impérial de Tokyo, je remarquais que le patchouli était omniprésent aux abords de ce palais. Ses effluves étaient amplifiées par le feuillage des arbres et la terre humide. Un patchouli impérial par nature ... et un très beau souvenir olfactif mélange de notes vertes, subtiles, légères, fraîches et terreuses à la fois.
Coromandel ouvre véritablement un nouvel horizon : un peu comme si l'on mettait un gros homard gonflable au beau milieu d'un décors hyper classique et très classieux, un peu comme si Jacques Polge avait fait en sorte d'ouvrir une porte pour apporter une bouffée d'air frais, Coromandel joue avec de nouvelles techniques d'extraction. Le patchouli et la vanille, plus clairs et plus purs s'allègent comme un nuage, soulève les notes lourdes tout en contribuant à "dorer" le parfum, qui devient ainsi plus lumineux. Les facettes lourdes comme des tentures disparaissent derrière cette structure légère et moderne et sur peau, le patchouli s'adoucit, se caramélise, se gonfle pour s'arrondir. Un parti pris réussi puisque Coromandel rencontre un véritable engouement parmi les aficionados du parfums.
Dior n'est sans doute pas rester insensible à la démarche amorcée par son ennemi. Par l'intermédiaire de sa collection couturier parfumeur, très créative au départ avec des parfums comme Bois d'Argent et Cologne Noire initiée par Hédi Slimane et plutôt axée aujourd'hui sur un travail autour d'une matière bien précise ou d'un style affirmé, François Demachy s'attache à renouveler les genres plus qu'à innover. Il veille en revanche au soucis du détail et de la perfection; en effet, dans cette collection, il est difficile de dire que les parfums présentent des défauts car tout est à sa place et très bien balancé. Patchouli Impérial n'échappe pas à cette règle. Ce nouveau parfum suit la forme de Coromandel dans le sens ou c'est également un patchouli allégé de ces aspects terreux, mais il accentue peut être un peu plus le propos du patchouli ambré en fignolant le trait avec de toutes petites nuances. Un contraste intéressant me surprend : l'utilisation très subtile d'une note iodée-salée qui sur peau, fait des merveilles (c'est le cas sur la mienne). Coromandel parait plus boisé et "rosée", mais les différences demeurent relativement faibles.