samedi 30 avril 2011

Hermessences d'Hermes : laquelle choisir ?

Vous aurez sans doute remarqué que je suis assez inconstant dans mes choix : est-ce parce que j'aime trop le parfum pour m'arrêter à un seul ou parce que je ne m'interdis pas de prendre le meilleur là où est ? Je ne saurais y répondre, mais l'envie se manifeste parfois de balancer tout ce que j'ai porté jusqu'à maintenant pour repartir sur autre chose. Et cet autre chose, je le cherche actuellement chez Hermes, où il y a bientôt 5ans que Jean Claude Ellena s'est mis à l'oeuvre pour proposer une collection très sélective. Après quelques années d'hésitation, cette collection me fait de l'oeil depuis peu. Matières plus exclusives, travail autour de l'idée recherchée plus ciselé que pour la gamme grand public, accords et effets plus originaux, pureté du trait et des lignes, idée d'un parfum qui accompagne plus qu'il ne parfume, tout cela est très séduisant. Le format 15ml proposé permet de découvrir la collection à sa guise et donc de prendre son temps pour choisir ou alors, de se laisser aller à la diversité.

Je ne m'attarderais aujourd'hui que sur mes favoris, sur lesquels j'hésite, et cela permet également de se réserver la possibilité de parler des autres plus tard.

Vétiver Tonka : mon addiction à cette matière n'est plus un secret, mais j'ai mis du temps à apprécier celui-ci. Même si les notes de tête et de coeur sont très fidèles à l'esprit de celui de Guerlain qui reste une référence, ce vétiver-noisette me semblait trop doux dans le fond. Je n'avais sans doute pas pris assez de temps pour accepter le compliment d'une collègue sur ce parfum alors que je lui faisais la bise. Et c'est en ouvrant la porte du placard d'un hôtel où j'avais rangé une chemise imprégnée de Vétiver Tonka que j'ai perçu un aspect très duveteux, présent également naturellement dans la racine de Vétiver, qui accompagne merveilleusement les tissus. Je ne suis pas loin de vouloir l'ajouter à ma collection, s'il n'y avait les deux autres !

Poivre Samarcande : le nom de Samarcande est évocateur d'histoire, de voyage et d'épices, et c'est en outre une destination où je rêve de me rendre un jour pour y découvrir la magnifique mosquée et arpenter un itinéraire autour. Ce parfum est pour moi ce qu'il y a de plus représentatif de la note de poivre, et j'ai toujours pensé que certaines épices comme le poivre, la coriandre, la baie rose ou le genièvre sentaient la peau. Cet essai de soliflore poivre est parfait. Le trait est impeccable, la ligne et la coupe sont franches, nettes et justes. Toutes les facettes d'un beau poivre blanc, y compris la sensation légèrement terreuse ou minérale qui relève sa puissance sont présentes dans ce décors très sec. Plutôt masculin, il ne dépareille pourtant pas sur une femme d'un style pointu. Certains commentaires lus deci-delà laissaient sous entendre qu'il sentait l'argent, le billet, et je partage entièrement cet avis. C'est bien là ce qui fait sa singularité : unique, pur, franc, Poivre Samarcande apparait comme un parfum qui donne le sentiment d'avoir un certain pouvoir, dont celui de séduire. Il sait se faire discret, trop peut être, mais je sais qu'il est là, il m'accompagne très discrètement par bouffées, comme certains chefs d'oeuvre de l'Artisan. C'est perturbant, mais le pouvoir d'un parfum est peut être aussi celui là, parfois, alors je continue à vouloir l'apprivoiser.

Paprika Brasil : ce fut un coup de coeur immédiat. Ce parfum me rappelle un peu l'esprit de ce qu'a fait Jean Paul Guerlain chez Guerlain avec Chamade Homme : un parfum poudré, boisé, doux, absolument pas viril. Il faut donc savoir le porter. Pour moi, il appelle le cuir souple et le cachemire et ne peut avoir de sexe de ce fait. Ce qui me plait en outre, c'est le contraste très bien maîtrisé apporté par la note de poivron "paprika", que l'on perçoit à peine tant elle contribue à soutenir l'ensemble rose-jacinthe-cèdre-iris-cuir, relevé d'un soupçon de vanille-tonka. Un parfum cocoon, d'un chic indéniable et dans lequel on a juste envie de se lover, entouré des matières les plus nobles. Il y a juste un petit problème, où est il passé au bout d'une heure ?

Je m'arrête pour aujourd'hui, le choix n'est pas fait, mais une chose est sûre, ce ne sera pas Brin de réglisse que j'adore mais qui retombe trop vite sur des notes un peu trop linéaires sur ma peau, tout comme Ambre Narguilé, ni Vanille Galante, très féminin. Iris Ukiyoé et Osmanthe Yunnan ne m'ont pas convaincu plus que cela, car peut être un peu trop proches d'autres parfums. Reste un challenger, Rose Ikebana, mais je n'arrive pas à me sortir de la tête sa filiation avec In Love Again d'Yves Saint Laurent, et du coup, il y a blocage...

Le choix est cornélien, mais j'aime avant tout que cette collection réussisse comme nulle autre à établir un style signé par une écriture qui apporte de la couleur par petites touches autour d'une idée centrale. Un style, qui se monnaye en revanche au prix d'accepter de ne pas avoir trop de sillage et à un tarif non négligeable ! N'est ce pas là le charme discret de la bourgeoisie ?

Et vous, hésitez vous comme moi ? Quel est votre vécu avec une Hermessence ? Quel est votre préféré ?

Illustration : Nick Knight, Hermes.

samedi 16 avril 2011

New York : chaos olfactif ?

Le plus gros avantage de New York sur Paris, c'est que la grosse pomme ne sent pas le gasoil, car il est très peu diffusé ici et les vents balayent la ville de la pollution en cette saison ! Le problème, c'est que l'absence de senteur de carburant dans l'air fait ressortir toutes les autres et pas des moindre : New York sent à tous les coins de rues ...

Poussé par la friture de certains restaurants, happé par la viande grillée proposée dans d'autres, bousculé par les relents de hot-dogs partout, heurté par les dédales de poubelles à même le trottoir les jours de ramassage, agressé par les produits ménagers et dépoussiérants utilisés dans les halls d'entrées, les hôtels, les boutiques pour rendre leur univers un peu propre, l'être humain se retrouve à New York dans une cacophonie de bouffe, de produits chimiques et d'odeurs de saleté. C'est encore pire les jours de pluie quand les trottoirs renvoient leur remugles de pierre sale mouillée à nos narines sensibles. Le métro n'est pas en reste : il ne sent pas l'urine comme à Paris, mais l'asphalte, le ballast, le goudron.

Pour nous rassurer, il n'y a pas que des odeurs d'enfer : certaines boutiques jouent habilement de l'olfaction pour habiller leurs rayons et chahuter nos narines de chocolat chaud, de bonbons et de fleurs artificielles. Les vendeurs de chouchous si appétissants y vont aussi de leurs concerts. Le district fait des efforts pour planter des fleurs parfumées comme la jacinthe dans les jardins et dans de gros pots de fleurs le long des trottoirs fréquentés comme Broadway. Ainsi parfois, ces douces fleurs bleues qui peuvent faire penser à du muguet apaisent le tumulte ambiant.

Et le parfum dans tout ça me direz vous ? Ce n'est malheureusement pas le paradis : à la sortie des théâtres et des cinés le samedi soir, Time Square, c'est la foire au shampoing ! Ont été identifiés : la rose fluo de Very Irresistible de Givenchy (vive la France !), la pomme fleurie de Daisy de Marc Jacobs, la pomme verte shampouineuse de Be Delicious de Donna Karan (omniprésent), quelques accords muguets-thé vert de-ci-delà, quelques fougères masculines très banales et l'interminable flot tutti-fruiti. Hormis cela, rien de particulier ! Comme si ce n'était pas assez, s'ajoute à cela une distribution hasardeuse et chaotique, où il est quasiment plus facile de trouver une contrefaçon qu'un parfum original si l'on s'éloigne des grands magasins, le harcèlement quand vous traversez le rayon parfums de Macy's, de Saks ou de Bloomingdale's, le peu de références dans la grande enseigne française qu'est Sephora, où même Ck One n'a plus trop la cote, et l'on comprends que les new yorkais ne soient pas enclins à se laisser aller facilement aux plaisirs du parfum. En effet, par peur, par frustration, par dégout ou lassitude, ils se parfument peu dans leur globalité. Certains se risquent timidement aux parfums propres et purs, mais cela ne se remarque pas. Ainsi, Cartier de Lune, l'Eau de Lutens, Pure DKNY s'invitent, mais ne percent pas !

Alors imaginez le plaisir de suivre le sillage poudré et métallique d'un N°5 croisé tout à fait par hasard sur Fifth Avenue sur laquelle il est très approprié, où celui, devenu rare d'une tubéreuse chaude et sucrée du coté de Madison Square ! Imaginez le luxe d'un dépaysement au détour des boutiques Frédéric Malle ou Creed sur Madison Avenue, ou chez Aedes De Venustas au tout début de Christopher Street, un Ovni dans cette ville aseptisée.

Il semble bien terminé le temps des Knowing, des Pleasures, des Gold, des Aromatic Elixir, car même si ces parfums continuent à se vendre outre Atlantique, on a tout de même le sentiment que New York est passé à autre chose : les parfums cools, propres, discrets et faciles, et surtout plus du tout luxueux et couteux semblent prendre le relai. Ces parfums "easy to wear", qui vous accompagnent sans se remarquer semblent avoir les faveurs du commun des mortels. En revanche, l'avalanche de "frui-frui girly pouff" associée à la jupe hyper mini, au maquillage funky et aux gros seins, continuent d'inonder le monde, ici plus qu'ailleurs (this is the world we live in !)

Alors non, New York n'est définitivement pas la ville du parfum et des belles odeurs, mais je l'aime bien cette grosse pomme un peu cracra, malgré tout, et j'y retournerai volontiers dès que possible !

Illustration : Hedda Sterne - New York VIII, Moma - Be Delicious de Donna Karan.