Déconnecté ?

En 2023, vous aviez sans doute remarqué que le prix des 100ml grand public ou dits "de niche" avaient tendance à augmenter, frôlant les 150€ pour les premiers, et autour de 200-230€ pour les seconds. En cette fin d'année, je constate que la tendance va bon train, et l'on voit maintenant apparaitre une autre tendance : l'ultra cher ! Je ne parle pas de luxe, mais bien de prix, car un produit peut être beau et bien fait, avec de belles finitions sans forcement être trop onéreux : c'était un peu le cas chez Guerlain, Parfum d'Empire, et dans une moindre mesure chez Frédéric Malle dont les prix sont élevés. 

Je commençais à pester un peu de devoir me contenter de regarder les flacons extraits de Franck Ghery chez Vuitton dont les 100ml approchent maintenant les 500€ (+40€ en 2 ans), mais je me console en y voyant plus ou moins une œuvre d'art ! Vu son prix (750€ le 50ml, vous avez bien lu),  je n'ai jamais vraiment pu poser mon nez sur The Night chez Frédéric Malle qui de toute façon, du peu que j'en ai senti, n'est pas vraiment fait pour être porté dans nos bureaux, ni même dans notre environnent quotidien, car sa construction technique est faite pour se développer par temps chaud, dans un pays habitué à ses notes. 

Depuis quelques mois sont apparus chez Guerlain des Extraits, en 50ml dans des flacons plutôt qualitatifs mais très standardisés, au prix de 550€ ! Certes, les parfums sont beaux, mais j'ai envie de dire "heureusement" ! Je remarque cependant qu'une poignée de privilégiés a la chance de pouvoir les acquérir, alors qu'objectivement on sait faire aussi bien pour moins cher, mais bon ! Du coup, on je me dit "peut-être" car l'Iris, la Tonka me tentent bien, mais j'aurais vraiment du mal à être à l'aise si un (e) collègue me demande ce que je porte !  

Ce matin, quelle ne fut pas ma surprise en découvrant le prix de Ruade, de Parfums d'Empire (600€ le 100ml) ! Vantée comme étant une création exceptionnelle, il semble suivre le chemin de The Night, avec un engouement certain mais qui me laisse penser : "Oui, mais Non". 

La déconnexion entre les populations est une tendance, la déconnexion entre le prix d'un produit et sa qualité est une tendance, la déconnexion de la politique avec la logique et le bon sens semble dans le coup ! Le déconnexion entre ce que j'aime, ce que j'ai envie de sentir et ce que je peux m'offrir en pleine conscience est une réalité ! On peste contre un monde qui va mal, on en est presque malheureux et pessimiste, mais cette tendance très New Yorkaise du "plus c'est cher, plus je t'emm..., et plus je suis show of" commence vraiment à sentir plus mauvais que tous les parfums du monde ! 

J'avoue, je me sens de plus en plus déconnecté. Suis-je obligé de participer à tout ça ? Est-ce que ma passion est à ce prix ? Vraiment ? 

En tout cas, je vous souhaite de continuer à être bien parfumés et toujours passionnés en ces fêtes de fin d''année. Que porterez vous d'ailleurs ? 

On se retrouve en 2024, pour un enjeu de taille : ma 8e création, dont le prix ne s'envolera pas, je vous le dis tout de suite. 

Illustrations : Guerlain, Parfum d'Empire, Frédéric Malle. 

Tubéreuse - Headspace 2023 :

Déjà connu pour avoir lancé la marque Le Galion non sans un certain succès il y a quelques années, Nicolas Chabot revient avec un concept pour le moins intéressant : ces petites fioles magiques que contient l'Olfactorium de Cinquième Sens et qui renferment les précieuses matières que l'on va utiliser pour créer un parfum. Pour moi, sans elles, je n'aurais jamais pu démarrer la création. C'est dire la puissance émotionnelle qu'elle représentent, et sans doute aussi dans la vie de tous les amoureux de parfums qui  les ont croisé un jour ou l'autre. Nicolas a non seulement choisi d'utiliser ces fioles pour présenter les échantillons des parfums de la marque Headspace nouvellement créée, mais il les a déclinées dans un format 30ml et 100ml pour les flacons en collaboration avec Pierre et Jules Dinand ! Quelle belle idée non ? C'est très visuel, qualitatif et ça parle à ceux qui aiment ou connaissent le parfum. 

Le principe du Headspace est également connu : il consiste à capturer à travers un "nez" artificiel les molécules d'un composant odorant pour les analyser. Le parfumeur peut ainsi se servir de ces données pour élaborer un parfum autour de ses composants. 

Pour Tubéreuse, ici, c'est un headspace de "fumée sur peau brulante" qui a été utilisé. Est-ce ce headspace qui  fait qu'il fonctionne parfaitement sur ma peau ou le travail tout en finesse et en légèreté autour de la tubéreuse, qui elle même peut avoir des notes évoquant une peau ? Toujours est-il que ce parfum me plait bien. La tubéreuse est à la fois charnelle et lumineuse, et elle se fait littéralement traversée par un bel accord de tabac (blond je dirais), de légers accents de figue fraîche pour se poser tout en douceurs sur des bois blancs très doux.

Une petite pépite pour qui n'aime pas les tubéreuses trop opulentes et qui, fait assez rare, peut être portée facilement par nous les hommes grâce à ces facettes boisées. 

Je vais craquer ? Oui, il fait partie de ma wishlist assurément !  

Illustrations : Headspace parfums, Laurent Seroussi. 

Rauque - Roberto Greco 2023 : parfum de passion !

Associer parfum et univers visuels très personnels et signés, Roberto en a fait sa spécialité professionnelle, qui est est aujourd'hui reconnue par de grandes marques. Quand il s'agit de son travail personnel, il y met toute son âme et ses trippes. Rauque pourrait se définir comme quelque chose de cacher, que l'on devine et qui ne demande qu'à s'exprimer, voire à exploser. La travail sur les photos de l'exposition laisse à chacun l'interprétation de ce qui se cache derrière le verre aux formes multiples. 

Un parfum accompagne l'expo photos, et se manifeste par une jarre inversée en terre cuite, en suspension, qui laisse une quantité de parfum s'égoutter à un rythme lent et s'imprégner de l'air ambient de la galerie pour atterrir dans un flacon en verre sculpté qui sera vendu ensuite comme exemplaire unique. Bien heureux sera celui qui s'offrira cette belle oeuvre olfactive et visuelle ! 

Pour les passionnés de parfums que nous sommes, le parfum est également disponible dans un joli flacon de style Art Déco qui gisait au fond d'un catalogue et que Roberto a souhaité remettre sur le devant dans scène, non sans mal. L'exigence ! Un Leitmotiv, jusque dans le travail effectué en collaboration avec Christopher Sheldrake sur le parfum. Chaque note, quelle renvoie à un souvenir d'enfance, à une champignonnière, au museau d'une vache ou à la senteur d'un laboratoire de parfumeur est travaillée avec un soucis du détail, jusqu'à atteindre l'effet voulu. Roberto avoue une collaboration joyeuse et stimulante. Rauque s'envole ainsi sur des notes de feuille de violette et de verdeur, les notes animales, chères aux deux artistes, sont bien là, dès le départ et accompagnent le coeur rauque de ce parfum éponyme. Le fond est plus chaud, plus profond, avec des notes de tabac blond, de cuir patiné et de boisson chocolatée. La verdeur et l'animalité ne disparaissent pas pour autant, laissant bien cette impression que le parfum bouge et respire sur peau. 

Rauque, un aboutissement, un parfum de passion et déjà une réussite. Du beau travail en tout point !

Illustrations : Roberto Greco

Exposition photo et olfactive, jusqu'au 23 Décembre 2023 à la Galerie NeC - 117 rue Vieille du Temple 75003 PARIS

Green Spell - Eris Parfums 2017 : sort fluorescent.

Il faut bien reconnaitre que les parfums dits "verts" se font plutôt rares dans les rayons, et, faute de succès populaires, il faut alors se tourner vers des marques de niche pour en trouver de jolis. J'avais senti les 3 premiers parfums Eris, Belle de Jour, Night Flower et de Ma Bête lors de la création de la marque en 2017 alors que j'étais jury de l'Olfactorama, et je me souviens avoir été séduit par la personnalité de Barbara Herman, la créatrice de la marque, mais également par les fragrances proposées par Antoine Lie, bien construites, autour d'un concept sobre et agréable. A l'époque, Ma Bête se distingue déjà et commence à faire parler. Trois ans plus tard, après un crowdfunding organisé pendant les confinements, Green Spell  voit le jour et connait un engouement rapide ; le Sort Vert est envoyé jusqu'à Paris. 

Immédiatement, Green Spell affirme haut et fort sa verdeur mordante. Le croquant de la rhubarbe résonne avec le galbanum bien râpeux et la feuille de tomate pour se glisser sur une trame très américaine et qui me rappelle un parfum frais que j'avais senti il y a longtemps à San Francisco : Acqua Mirabile Bolorosa di Firenze. Cette colonne vertébrale qui pourrait être qualifiée de propre et lumineuse évoque des senteurs à la fois de lotion pour bébé et de shampoing à la pomme verte. Pourtant, on y sent une texture, une épaisseur maitrisée par les épices douces, comme le poivre rose et peut-être un pointe de genièvre, un accord de figue, de cassis et de violette, que je perçois peu cela dit, et une bonne dose d'ambre blanc et de muscs doux. Le narcisse revendiqué, lui, apporte un coté velouté bienvenu et qui fonctionne parfaitement avec les notes vertes. Le parfum n'offre pas un sillage tonitruant, mais il se porte très agréablement, à la fois par temps chaud ou lorsque l'atmosphère est plus humide.  

Definitly "spell", definitly "green", en mode fluorescent, definitly "San Francisco"! 

Un Must Have, pour qui aime le vert ! 

Lien vers le site Eris Parfums ; ici

Illustrations : image internet d'un sort vert fluo, Eris Parfums.  

Delina Exclusif - Parfums de Marly : crème de rose.

Les parfums de Marly revendiquent clairement une portabilité et une accessibilité "facile" pour le grand public, tout en travaillant assez soigneusement les trames olfactives proposées ainsi que les matières premières pour qu'elles soient perçues comme étant qualitatives, et je dois reconnaitre que c'est assez vrai ! 

En découvrant Delina Exclusif, j'ai immédiatement pensé à une crème hydratante de luxe, car la rose, qui constitue la trame du parfum, est ici traitée dans un esprit propre et cosmétique. Les notes fruitées du litchi, de la bergamote, de la mangue, de l'ananas et de la poire se reconnaissent facilement et donnent au parfum un peu de lumière et de pétillement. Le parfum évolue tout en douceur autour d'une rose vaporeuse, crémeuse, un tantinet métallique mais assez confortable. Le sillage est doux, très cocooning, tout en étant assez noble et moderne. Les bois de oud, de santal ainsi que des notes vanillées et ambrées, bien présentes, se font relativement discrètes, et participent à la cohérence de l'ensemble à la fois "européen propre" et oriental. Dans cette déclinaison exclusive, plus riche que l'original, Delina me fait voyager au soleil, par un beau soir d'été pas trop chaud. Je l'imagine porté par une femme discrète, sûre de ses choix et qui assume une certaine féminité. 

Un joli parfum, soigné, portable et sensuel, qui sait se faire délicieusement "crème de rose". 

Illustrations : rose douce et Parfums de Marly. 

Boss Bottled Elixir : la boss est de retour, en héritage !

Malgré la dynamisation de sa gamme, les nombreuses déclinaisons de Boss Bottled, surtout les dernières, n'étaient pas vraiment très heureuses, et surtout, n'apportaient pas grand chose à ce parfum qui se suffit à lui même tellement il fait référence. 

Avec le retour d'Annick Menardo aux commandes de ce nouvel Elixir, il semblerait bien qu'elle ait repris les rênes afin d'apporter un angle nouveau. Sans transformer l'essai car elle est restée sur la ligne ambrée vanillée et caramélisée de l'original, mais pour une fois, elle apporte quelque chose de différent, de bien équilibré, d'assez qualitatif et qui ne tombe pas dans la facilité des bois ambrés omniprésents.  

Sorte d'Héritage ou de Lalique Le Lion qui auraient été modernisés, Boss Elixir s'envole sur la cardamome, la coriandre et la bergamote. La trame commune avec Héritage se lit surtout sur les notes de poivre, de cèdre, de caramel et de patchouli, dans un esprit chaud et confortable. La vanille, ici assez légère dans un esprit bonbons italiens, joue évidemment son rôle de séductrice à souhait, pour entrer dans la mêlée avec l'encens et quelques notes fumées/cuirées (gaïac, bouleau) assez discrètes, mais présentes. Il peut aussi rappeler Interlude chez Amouage, mais se fera plus lisse, moins profond, moins dense que ce dernier, en moins cher aussi ! 

La cheffe est revenue, ça tombe plutôt bien pour un parfum nommé Boss, mis en Bottled dans un de ses plus bel Elixir. Une senteur assez "lounge club", chaleureuse et confortable comme la déco du Yeeels par exemple. 

Illustrations : Pub parisien Yeeels, Parfums Hugo Boss. 

Trio de nouveautés chez Jeanne Arthes : pas assez cher mon fils !

Je n'ai jamais caché mon emballement pour la gourmandise dans les parfums, surtout quand la sensation, le lien entre l'olfactif et le goût est particulièrement bien travaillé. 

Belle surprise donc pour ces trois nouvelles créations à tout petit prix je précise (autour de 16€ les 100ml ) que la marque Jeanne Arthes met sur le marché actuellement. Petite précision, les flacons et la vaporisation en outre, ne font pas trop cheap, et égalent certaines marques bien plus chères. 

Tartelette Citron porte bien son nom, tellement la sensation gourmande de croquer dans une tartelette meringuée est bien traduite. Piquant du citron et notes légèrement caramélisées et sucrées sans excès, soutenues par une trame boisée contemporaine, par le gingembre bien piquant et par des notes jasminées ne sont pas sans évoquées une certaine référence nommée Light Blue de D&G. Même le croquant de la pomme verte y est ! Pour les amatrices et amateurs du genres, franchement, il pourrait presque passer pour une flanker de ce dernier. 

Café Saint Germain met à l'honneur un café gourmand bien exécuté, qui après une envolée fraîche de mandarine jaune va dévoiler un coeur rond de poire et de framboises, lacté et qui évoque la figue, relevé d'une pointe de rose douce.  La rondeur du jasmin/fleur d'oranger lui confère un sillage qui n'est pas sans évoquer quelques références comme Mania Femme ou même, plus proche de nous, Fame. Franchement, ça vaut largement le prix ! 

Riviera Sunset, lui, se glisse presque sur le terrain de certains Vuitton car si l'on fait abstraction du flacon qui peut paraitre un peu kitch, le jus, lui, est à la fois moderne, frais, léger et très lumineux. L'accord de citron, de fraise et de cassis se glisse parfaitement dans ce qui se fait actuellement et qui marche, mais ce qui fait qu'il est beau, c'est la lumière du sillage, car les notes d'hédione, de pêche, de cerise acidulée prolongées par les muscs blancs et les bois clairs sont en parfait équilibre. 

L'adage d'une célèbre publicité des années 90 était : "pas assez cher mon fils". C'est exactement ce que je pense de ces trois nouveautés, et sans à priori, comme quoi !  

En vente sur le site de la marque :  Site

Illustrations : tartelette piochée sur internet et Jeanne Arthes Parfums. 

Divine - Jean Paul Gaultier 2023 : lys to tell !

Pour être honnête, je n'attendais pas grand chose de ce lancement et c'est avec fébrilité que je vaporise cette nouveauté prometteuse sur la touche. Tiens donc, mais cela me rappelle quelque chose, familier mais différent, pourtant, c'est assez bien fait ! 

Au premier nez, l'impression qui émane de Divine est verte et végétale. Une note très "sève" qui n'est pas sans faire écho à Black Orchid. Pourtant, c'est un peu différent, le choix s'étant porté sur un travail autour du jasmin et de la fleur d'oranger, une habitude maison. L'ensemble laisse pourtant une sensation plus salée, plus minérale, proche de Lys Méditerrannée, ce qui n'est pas pour déplaire, car c'est très solaire et bien équilibré. Les notes de fond revendiquent la meringue, et en effet, la sensation sucrée et glacée de cette dernière apparait petit à petit, et c'est peut-être un peu dommage, car cela le rapproche au final de la tendance. En sillage, soit il se distinguera par son coté végétal solaire et salé que je trouve plutôt bien fait, soit par les facettes sucrées un peu collantes, mais qui restent tout de même assez chyprées et légèrement marines, c'est donc la peau qui décidera. 

En tout cas, Divine, sans entrer dans le divin, est plutôt une bonne surprise en cette rentrée 2023, un lys ou une orchidée corsetés comme il se doit, dont l'histoire se racontera sur chaque peau !    

Illustrations : Le corset mythique de Jean Paul Gaultier pour Madonna et Parfums JPG.  

78 Vintage Green - Banana Republic : bol de vert !

Les parfums verts sont assez appréciés des connaisseurs, mais malheureusement, il ne rencontrent le plus souvent qu'un succès d'estime. Déclinés sous les noms de Vent vert, Cristalle, Silence autour de notes florales intenses, aldéhydées et boisées riches dans les années 70-80, une nouvelle vague déferle dans les années 90 avec Green Tea, Green Water et l'Eau Parfumée au de Thé Vert en s'appuyant sur les aromates, les bois clairs ou fumés, les muscs blancs et l'abricot qui leur vont bien, puis quelques marques tentent l'aventure plus tard comme Issey Miyake avec A Scent, dans un style clair et clean, sans vraiment rencontrer le succès. Synthetic Jungle et Mal Aimé poussent un peu les notes vers plus de profondeur et de richesse, mais ils restent très confidentiels. Pourtant, porter ces parfums, c'est souvent recevoir un grand bol d'air, de verdure et de fraîcheur ! 

78 Vintage Green, c'est arriver un beau matin de printemps sur un terrain de golf, en portant sa Cologne préférée, la tête vide et prête pour une journée dynamique. Sans révolutionner le genre, il reprends les codes de plusieurs parfums autour des notes assez classiques de thé vert, de galbanum frais, d'estragon en trame. Poussée par les agrumes très vifs comme le citron et la bergamote, la sensation, plutôt agréable, se prolonge dans les notes qui évoquent la terre fraîche, l'herbe coupée, le vent, le sable, le figuier, les feuilles vertes, la sève et les bois clairs. 

Vivifiant, relaxant, comme Green Tea et l'Eau Parfumée au Thé Vert qu'il m'évoque, 78 Vintage Green procure une sensation de bien être et se porte agréablement, simplement, sans ostentation. On aurait juste aimé, peut-être, que ce bol de vert dure un peu plus longtemps sur peau, mais le prix étant assez doux, on pardonne ! 

Illustrations : Terrain de Golf libre de droit internet, Banana Republic. 

Un petit plongeon dans les vacances ?

Vu le temps maussade du moment pour la partie Nord de notre beau pays, je vous propose une petite évasion en bord de mer. Ca vous tente ? Pour cela, j'ai choisi trois parfums aux accents marins inspirés par les embruns, et qu'on se le dise, ils évoquent les vacances au grand large ou en bord de mer. 

Kenzo Homme, le pionnier, fait vraiment penser à une peau couverte de crème solaire, bronzée par les UV, qui s'est baignée et sort de l'eau imprégnée d'un peu de sel et d'algues. Emmenée par le citron et la bergamote, la trame boisée se dessine à l'ombre des cyprés, des pins rappelant les roseaux. Quelques épices bien choisies comme la baie de genièvre qui colle à la peau et la muscade viennent pimenter le tout. Un coeur assez classique de muguet donne de la légèreté et ouvre le parfum, et enfin, le fond de bois blonds se fait crémeux pour évoquer le sable et la crème solaire. 

Eden Roc reprend un peu le même style, car il évoque exactement les vacances, la plage, le sable et la mer, et ce que j'aime particulièrement dans celui-ci, c'est qu'il cache presque sa trame irisée qui rappelle Bois d'Iris de The Different Company et l'Eau Blanche. Quelques agrumes et des muscs blancs lui donnent un aspect plus clean, plus lisse que le Kenzo, et sa trame irisée le teinte d'un peu de talc. 

Enfin, Curacao Bay, dans le prolongement des deux premiers, renforce ses notes de peau salée sortie de la mer par un fond plus doux et vanillé. Ce serait une sorte de compromis entre les parfums marins et les parfums solaires, où les notes de tubéreuses, de jasmin et de coco se font plus présentes. Un petit cocktail fruité au curacao et le ton est donné. 

Aller, encore un peu de patience, l'été arrive ... enfin j'espère ! On plonge ? 

Illustrations : Kenzo parfums, Maison Christian Dior et parfums Jacques Fath. 

Pur Kinkan Cartier 2020 : un petit limmoncello ?

Que ce soit Pur Magnolia, Pur Rose, Pur Muguet ou Pur Kinkan, c'est bien l'idée de pureté le fil directeur de cette ligne de parfums. Parun jeu subtil de matières premières lumineuses et transparentes, Mathilde Laurent insuffle de la lumière sur des parfums solinotes. 

Si j'ai choisi de parler du Pur Kinkan, c'est parce qu'il me rappelle l'odeur assez familière de la Toscane et plus particulièrement de son Limoncello. L'idée étant de pousser à l'extrême la modernité d'une eau de Cologne fraîche et vive riche en hespéridés, le choix fut porté sur un agrume réunissant ces caractéristiques. Le kinkan (ou kumquat) est un tout petit agrume entre le citron et l'orange amère et son goût est puissant et vif, parfait pour illustrer l'essence même d'un agrume. La senteur évolue sur des notes aromatiques comme le romarin et le kinkan est accompagné par l'orange, le citron et sans doute un soupçon de mandarine verte. Quelques notes florales transparentes apportent de la légèreté à l'ensemble, et les muscs doux enveloppent le tout, qui n'est pas sans évoquer La Cologne Chanel, l'Eau d'Hadrien, en plus "purs", plus lumineux, tout en laissant un sillage qui n'est pas celui d'une Cologne, mais d'une belle intensité. Un concentré citronné, qui donne envie de siroter un limoncello au soleil à l'ombre des figuiers. 

Bref, si son prix n'était pas aussi élitiste, Pur Kinkan serait un parfum parfait pour la saison, mais même en hiver, il pourrait être bien vivifiant ! 

Illustrations : Limoncello en Peinture - Cartier. 

Pacific Chill - Louis Vuitton 2023 : are you green chill we-d ?

 

La Californie semble être la trame des Colognes lancées par la marque Louis Vuitton. California Dream évoque parfaitement la remontée vers la colline depuis Santa Monica, On the Beach l'univers vintage alu-cuir de certaines échoppes ou bâtisses californiennes (avec un clin d'oeil olfactif à un parfum Halston pour homme), et City Of Stars qui pourrait se résumer AU parfum que porte les Stars sur Hollywood Boulevard pour une avant première. Afternoon Swim nous plonge dans l'ambiance détente au bord d'une piscine et le petit dernier nous réserve tout un autre voyage. 

Le soleil commence à descendre, l'air se rafraîchit, la fatigue de la journée se manifeste et l'envie d'un peu de détente commence à trotter dans la tête : "Et si j'allais boire un verre ?"  Bonne idée, pas loin il y a un roof top avec vue sur mer, entouré d'arbustes, de cactus et de palmiers. "Parfait !" 

Pour commencer, je prendrais bien un cocktail détox/détente, vert et acidulée. La carte indique de la menthe vivifiante, du citron pétillant, du citron vert plus acidulé, et un assortiment de rhum et de limonade. Cette sorte de Mojito relevé d'une pointe de  fraise et agrémenté de mangue, de kiwi, de pomme verte et de sirop de cassis s'annonce très frais et me fait vraiment envie. Je me laisse porter par ses notes enivrantes, très pêchues, mais longues en bouche. Sur ce roof top, le DJ lance une musique lounge, et je sens le chill m'envahir, le cocktail distillant petit à petit ses vapeurs dans mon cerveau fatigué. Détendu, zen, bercé par la musique et le vent léger qui porte à mon nez les notes des cactus, des palmiers et des fruits qui entourent la terrasse. Il me prend comme une envie de fumer un petit quelque chose et ça tombe bien, le bar n'interdit pas la consommation de Cb... : California mood ! "Ahhhh ça fait du bien !" Il me vient alors une idée : "et si je m'inspirais de toute cette ambiance cool pour créer un parfum ?" 

C'est sans doute un peu dans cet état d'esprit que Jacques Cavalier et Alex Israel ont eu envie d'un Pacific Chill : on y retrouve toutes les notes évoquées, dans un parfum qui peu dérouter quand on le teste, mais qui vibre vraiment bien sur peau et en sillage. Le secret : l'équilibre des notes fraîches et de celles plus longues, plus vertes et végétales, et un ingrédient bien singulier : je ne serais pas étonné en effet qu'un absolu de chanvre de qualité ait été utilisé, pour apporter cette vibration très particulière et unique. 

Une belle cohérence inspiration /parfum /flacon : green, chill et we-d !  Amateurs vous aussi ? 

Illustrations : Parfums Vuitton, cocktail au Cb... trouvé sur internet. 

Land - Mercedes Benz Parfums 2023 : fougère bien domptée !

 

Le Land Art consiste à créer des oeuvres éphémères dans la nature : dans les bois, sur une plage, autour d'une rivière ou sur une ile. L'élément terre est indispensable au cercle de la vie, et c'est parfois en voiture que l'on s'aventure à le découvrir. Lier la terre, le parfum et l'automobile n'est pas forcement évident, et ce n'est pas la première fois que je parle de la marque Mercedes Benz en parfums, car elle maitrise la chose plutôt bien. Ce que j'aime beaucoup dans leurs lancements, c'est la cohérence du concept, des couleurs, la forme des flacons, notamment leur prise en main et leur vaporisation, et cette capacité à trouver une certaine originalité, une créativité, l'utilisation de notes nouvelles avec des créations variées à des prix défiant toute concurrence.  

Pour Land, j'étais très intrigué par la présence de coque de cacao et d'iris, ce qui laissait supposer une belle superposition. Pour être honnête, les premières notes et la signature du parfum sont assez classiques, car c'est une vraie fougère, famille qui plait bien aux hommes et avec laquelle une marque prend peu de risque. On y retrouve donc un peu de géranium, de lavande, de notes un peu "savons à barbe" et des aromates. Là où ca devient intéressant, c'est quand la trame iris-cacao se perçoit, à coté d'un accord légèrement abricoté, donnant à cette fougère des accents de La Vie est Belle Absolu iris ou de Dior Homme. Anne Flippo a superposé les deux accords, en ajoutant un peu de poivre pour le montant et le caractère. Le fond, lui, fait assez méditerranéen, presque solaire, rappelant un peu Sculpture de Nikkos, et on sent la richesse de la fève tonka, des muscs doux, d'un patchouli clair et de bois blancs. C'est assez addictif, avec une envie d'y revenir par instinct.

Pas vraiment d'une originalité folle mais follement bien domptée, cette "fougère", comparée à d'autres plus nichues, bien plus chères et pas forcement plus séduisantes ou plus signées, mérite que l'on se penche dessus. Land se montre très sensuel dans son sillage, sur la peau et sur les vêtements, un peu comme si le Land Art s'était fait parfum !! Accessoirement, il me réconcilie avec cette famille olfactive que je boudais un peu. 

Illustration : Mercedes Benz Parfums, Land Art de Jon Foreman vue de haut. 

Tête à claques : parfois oui, souvent non !

Peut-être que ça ne vous est jamais arrivé, mais parfois quand vous entrez dans le métro, dans un bureau ou une boutique et que vous croisez un de ces parfums, ca vous énerve. 

Pour être honnête, j'en ai fait l'expérience à mes dépends cet après midi, car j'avais envie de porter un de ces parfums "tête à claque", qui rencontrent un certains succès, mais qui, quand vous les portez, peuvent incommoder l'entourage. Avec Ombre Nomade, qui pour moi sent le oud et la framboise, devient chaud et cuiré sur ma peau, j'ai eu droit à "ouggghh, le parfum!" Sans s'adresser directement à moi, je savais bien que c'étais moi qui gênais. J'ai également vécu la même chose un jour ou je testais Strong Me. Il faut croire qu'il était bien strong, car même en ayant modéré la dose, une personne n'a pas pu s'empêcher de me faire remarqué qu'il occupait beaucoup d'espace, trop visiblement. J'avais également vécu cela avec Eau de Citron Noir, le premier jour où je l'ai porté, un soir au restaurant. Cette anecdote factuelle m'a valu d'être fâché avec Hermes, qui n'a pas accepté l'article de l'époque, comme quoi ! 

A mon tour et inversement, j'ai souvent pesté contre La Vie est Belle, One Million  et Invictus principalement, et j'avoue qu'effectivement, croiser Ombre Nomade ou Falcon Leather, n'est pas du goût de tous ! 

Pour la petite histoire, et comme quoi les goûts et les couleurs sont propres à chacun, un ami que je voyais le soir même était littéralement envouté par Ombre Nomade alors qu'il était à coté de moi et me disait qu'il était en train de voyager dans un désert sec et aride, la mer pas loin ! 

Mais je me rappelle alors que depuis qu'ils existent, Aromatic Elixir et Patchouli de Réminiscence ou même Opium n'ont pas toujours fait que des heureux.  

Alors oui, je me suis aperçu que parfois, moi aussi j'ai envie d'être un peu "tête à claques", et que les bois puissants s'ils servent un concept, une idée, ont bien leur place dans nos palettes olfactives. Et vous ? Avez vous déjà vécu cela avec un parfum que vous aimez porter occasionnellement ? 

Illustrations : voir Facebook. 

Cuir - Yves Saint Laurent Le Vestiaire 2023 : LE cuir, le vrai !

Pour une fois, l'article ne sera pas très long car les mots n'apporteraient pas grand chose pour parler de Cuir. Le découvrir suffit : vous cherchez un cuir, un vrai, authentique, mat, parfaitement coupé ? Le voici. 

L'envolée de Cuir laisse s'échapper un voile de violette, qui se fait ici plus feuille que fleur, grâce à l'utilisation de l'absolu, qui présente des facettes daim, florales et veloutées très intéressantes car elles matchent parfaitement avec de petites touches de violette fleur (ionones et méthylionones), et avec un accord de cuir parfaitement balancé, entre résine, encre et peau. C'est simple, il n'y a rien à dire de plus ! 

Limpide, net, efficace et beau, même s'il faudra plus se résoudre à ce que Cuir soit plutôt un parfum de peau ou de vêtements qu'un parfum à sillage. Pour cela, je vous invite à vous tourner vers Cuir des Sables, qui pourrait alors aussi vous plaire ! 

Le cuir, j'aime tellement que j'en ai fait une spécialité, et le dernier bébé YSL est parfait !

Illustrations : Yves Saint Laurent, le vestiaire des parfums. 

Le Solstice - Moncler 2023 : nouveau cap !

Moncler, sous licence Interparfum, s'est fait remarqué l'année dernière par deux lancements dont l'originalité du petit écran à défilement sur le flacon à fait coulé beaucoup d'encre. Tous deux inspirés par les paysages de montagnes, Le masculin est un mariage de cèdre, de figue sur une trame de bois clairs et de muscs blancs qui évoque plutôt bien une fraîcheur vivifiante mais confortable. Le féminin, lui, s'inspire d'Hypnotic Poison et de ses notes caramélisées de chouchous, sur un accord amande vanille caramel qui réchauffent bien par frimas.   

Cette année, la marque se lance dans une gamme haute Parfumerie, que Younes ;-) se fera un plaisir de vous présenter à l'impressionnante boutique de la rue du faubourg Saint Honoré dans laquelle vous entrez presque comme dans une grotte. Une belle gamme, variée et cohérente, toujours inspirée par la montagne et le confort, et dans laquelle j'ai eu un vrai coup de coeur pour Le Solstice. 

Immédiatement séduit pas un iris montant, scintillant et lumineux comme un sommet enneigé au ciel dégagé et pur, très équilibré, les notes se poudrent ensuite dans le nuage cotonneux et floral d'une violette discrète et délicatement sucrée qui évoque la sensation de poudreuse. Des notes amandées et vanillées suivent la piste et descendent vers un accord très légèrement cuiré, accompagné de muscs blancs comme des flocons et douillets comme des plumes. Un alignement parfait de notes qui se suivent dans toute la cohérence olfactive d'un iris très fidèle et cohérent, et qui laisse un sillage poudré, doux, signé et chaud comme une bonne doudoune, et qui accessoirement porté avec du cuir, fait son petit effet.  

Bref, un vrai coup de coeur, construit un peu comme les parfums Céline, avec une signature qui serait pour moi entre Iris Silver Mist, La Peau Nue et Black Tie. Avec cette gamme, la marque prend un nouveau cap, avec notamment l'accord vanille caramel moussu de Haute Montagne et un parfum d'intérieur parfaitement évocateur de l'intérieur d'un chalet en hiver. 

Illustration : Solstice d'hiver et Moncler - Interparfum. 

Infusion de Vanille - Prada 2022 : vanille angélique !

 

Après la découverte d'Infusion de Figue, c'est une autre infusion que j'ai redécouverte récemment. Infusion de Vanille, et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle est absolument surprenante. Prendre le temps de la laisser vivre sur peau était une étape indispensable pour pouvoir en parler. Sans cela, je serais passé à coté de ce parfum riche et plus complexe qu'il n'y parait. 

Infusion de Vanille, contrairement à Infusion de Figue, ne reprend pas spécialement la même trame que les autres infusions. On y sent bien une envolée fraîche d'agrumes, mais elle se fait moins vive qu'habituellement. Elle accompagne simplement ce que j'aime particulièrement dans cette infusion, à savoir un traitement tout en ombres et lumières de cette vanille. Parfois sombre grâce à un accord de salicylates et de cuir qui n'est pas sans évoquer un regretté Cuiron de Helmut Lang, au porté et sur la journée, la vanille dévoile une certaine luminosité grâce à l'angélique. Cette matière, très vibrante et lumineuse, apporte une vraie couleur, une vraie signature, une douceur et un coté très attachant à ce parfum. Associée au néroli et à une note qui évoque la sève, elle emporte Infusion de Vanille sur le terrain d'Angélique Noire et de Baiser Volé, qui sont plutôt de jolies références. 

Dommage que sa diffusion soit assez confidentielle et que le parfum demande du temps pour s'apprécier à sa juste valeur, mais c'est aussi cela qui en fait un choix pointu et de bon goût. Une vanille comme aucune autre, singulière, vibrante et solaire. 

Illustrations : Chanel, Prada.  

Infusion de figue - Prada 2023 : fig in fusion.

On reconnait Infusion de Prada à une trame propre mais aussi à la signature gustative inspirée des bonbons "Pez", et on la retrouve plutôt bien dans cette nouvelle infusion où la figue vient littéralement fusionner avec cette trame. 

Infusion de Figue dévoile une figue traitée avec aspect légèrement scintillant, car elle associe des notes boisées et épicées assez froides aux facettes un peu métalliques que peut avoir naturellement l'essence de mandarine. Du coup, cela crée du liant et de la cohérence à l'ensemble. On y devine sans doute un peu de genièvre, de poivre gris, mais deux autres notes sont revendiquées : la férule gommeuse et le lentisque. Ainsi, Daniela Roche Andrier est restée sur cette trame scintillante des notes de tête aux notes de fond, car leur notes terreuses et métalliques-mat infusent parfaitement avec l'envolée. Au bout de quelques temps, le parfum devient plus doux, plus texturé et miellé, la figue se fait presque datte.  Cette Infusion est ainsi une version intéressante et cohérente avec la collection, avec une texture parfois proche de la peau mouillée. 

Pour moi, elle est assez proche d'Infusion de Tubéreuse, disparue depuis, par son coté un peu froid et miel, et le tout se tient très bien, se développe harmonieusement. Ajoutons que le mauve lui va si bien ; une infusion de figue et de métal, en fusion ! 

Illustrations : Les Statues d'Argent - Artesia, Prada. 

Habit Rouge Rouge Privé et L'Homme Idéal Platine Privé : ordre canaille et joyeux bordel !

Jouer sur la rareté et l'exclusivité semble porteur de valeurs puisque l'on vient d'apprendre que le patrimoine le plus élevé du monde était français et que Guerlain en était partie prenante. Ces derniers temps, on voit apparaitre pas mal de noms venant s'ajouter aux parfums : Harvest, Privé, Elixir créent un sentiment de "valeur", ce qui semble être une issue possible pour une marque de faire de la marge à défaut de volumes dans un marché saturé. Et ça à l'air de marcher, mais les variations olfactives proposées sont parfois réussies, parfois hasardeuses. A titre d'exemple, je me demande encore à quoi sert de mettre des "harvest",  donc des récoltes spéciales dans les Allegorias vu le peu d'intérêt olfactif apporté aux créations, mais on constate que le prix, lui s'est bien envolé. Bref ! 

La marque réitère un one shot avec deux déclinaisons privées de ses icônes masculines. 

Dans Habit Rouge Rouge Privé, on retrouve bien la trame d'Habit Rouge, plutôt l'Edp avec sa signature vive au départ qui se cuire ensuite. L'envolée est assez transparente grâce à un cocktail d'aldéhydes qui crissent un peu, mais dont la sensation se marie cependant assez bien à la note cuir, modernisée, mais assez dense et sombre et qui évoque bien un blouson de cuir noir de qualité. Les notes balsamiques sont toujours là, et tout cela reste pour le moins dans l'ordre et devient presque fumé sur peau. Ainsi, ce HR Rouge Privé peut revendiquer une belle filiation avec l'original, dans un esprit bien agencé mais un peu canaille. 

Je ne dirais pas la même chose de son acolyte, qui, dans un joyeux bordel, mélange carrément les notes de deux précédents "essais" de variations sur le thème lavande-amande-cuir de l'Homme Idéal. Pour s'imaginer ce que sent l'Homme Idéal Platine Privé, c'est assez simple : prenez les notes citronnées, cèdrées et disons le plutôt "ménagères" de l'HI Cologne (le flacon blanc), puis le coté fougère un peu savonneux de L'HI Cool (la flacon vert amande) et vous avez le petit dernier. Comme pour HRRP, L'HIPP ajoute quelques aldéhydes à bon compte pour booster le tout. Tout cela arrive un peu dans le désordre dans une sorte de contraste aigre doux et ça ne se calme pas, sur ma peau en tout cas.  

Chacun se fera donc son propre avis, mais dans la France de 2023, l'élégance canaille et le bordel organisé sont à la mode. Le parfum, signe des temps, comme quoi !   

Illustrations : Guerlain. 
 

Paco Rabanne : les parfums de l'époque !

Dans les années 80, le slogan de Calandre était : "le parfum de l'époque", et je vais donc aborder cet article sous cet angle, car c'est exactement ce que j'avais envie d'évoquer. Calandre assurait une transition parfaite entre les parfums du passé, et une vision du futur, par sa structure florale métallique dont l'éclat se mariait bien avec les robes scintillantes du couturier. Paco Rabanne pour Homme, fougère visionnaire en son temps, vieillit très bien et sert toujours de référence aujourd'hui. 

Après un petit passage à vide dans les années 1990-2000, la marque revient pour tenter d'imposer de nouveaux codes. Pour le coup, dans ces années là, ils sont peut-être trop ou pas assez avant-gardistes. XS, métallique et un peu froid suit les codes de son temp sans vraiment se distinguer, Ultraviolet Man est un parfum "mohair" parfaitement unigenre mais on en parle pas encore vraiment, et le féminin se joue déjà des notes fruitées acidulées de violette et de cerise que La Petite Robe Noire exploitera mieux par la suite. Paco peine à se distinguer d'un CK One. 

Pourtant, dans les années 2000, un virage s'opère. Les équipes de la marque semblent scruter plus qu'ailleurs de manières très fine, intelligente, habille et pragmatique comment se comporte l'époque, et cela lui réussit. Black XS trouve le parfait équilibre entre les notes fraîches du champagne, celles gourmandes et crémeuses d'un fraisier et des notes boisées sèches et viriles qu'il impose, et ces notes s'imposent comme une évidence aujourd'hui. Le féminin, lui, joue sur un accord de tarte aux myrtilles qui fait presque saliver, ce que beaucoup tentent de faire de nos jours, avec plus ou moins de plaisir. Black XS Potion pour elle tentait même de séduire les Cléopâtre des temps modernes avec son bel accord rose-oud qui n'a rien à envier à certains parfums bien plus chers à la mode actuellement. 

Là où la marque bondit vraiment, c'est avec les lancements de Invictus et de One Million : deux jack pots incontestables. Si l'on quitte le raisonnement purement parfums, ce succès est pour le coup franchement bien vu. La marque a su aller chercher une clientèle jusqu'alors éloignée des parfums de luxe en jouant habilement sur des codes bling-bling déjà installés. Sur le plan créatif, rappelons quand même que One Million impose un accord de tubéreuse boisée, cuirée, opulente et narcotique chez la gente masculine, que Or Black de Morabito, construit sur les mêmes notes ne fera jamais. Invictus, lui, sait puiser dans les succès méditerranéens tels que Sculpture et Cool Water sa trame "nouvelle fraîcheur" marine, salée et boisée. Bonne pioche et remarquable analyse de l'époque et des inspirations dans les deux cas.

Aujourd'hui, la marque voit juste quoiqu'un peu décalé avec la Pacollection, que je trouve personnellement très intéressante car elle respecte à merveille les fondamentaux de la marque : notes gourmandes et concept dans la tendance, à prix doux. On y trouve des notes de gâteaux, de café latté, de carrot cake au potiron, d'Isaphan pâtissier et même, avec Genius Me et Crazy Me, de fleurs métalliques. Fame, sans doute trop récent pour savoir s'il fonctionne, joue, lui, sur un accord d'entremet coco-fruits de la passion plutôt pas mal, un tout petit peu entaché par une note marine qui peut parfois ressortir trop. One Million va chercher sur un terrain masculin viril avec de l'ambre, du tabac, des raisins secs et du rhum ambré dans sa version Elixir. Phantom, lui, avec sa rhubarbe acidulée et confite à mi chemin entre le chic et le facile semble être un peu moins compris, mais je n'ai pas le recul. Je souligne également le surprenant Lady Million Fabulous, sorte de rose-poire "à la Petite Chérie" matinée de tarte tatin-glace vanille et crème fouettée que je trouve vraiment original. 

RIP l'artiste, et souhaitons que la marque sache toujours être en phase avec son époque, car, depuis "le parfum de l'époque", le slogan s'est rarement démenti, de facto. 

Illustrations : Parfums Paco Rabanne. 

Supra Floral - Mugler 2018 : floral cosm(et)ique.

La promesse de Supra Floral est d'être un floral cosmique, presque futuriste et qui se glisserait parfaitement dans une vision Muglerienne. 

Si l'envolée de jacinthe pointue, verte, un peu râpeuse nous projette bien dans un univers futuriste assez abstrait par son aspect scintillant très cohérent avec le propos, j'ai du mal à cerner l'encens revendiqué, même si je suis persuadé qu'il apporte une touche minérale et pointue plutôt logique. Ce qui me plait dans ce parfum, c'est son évolution sur peau. 

Pour ma part, je trouve cet accord de rose, de jasmin, de notes solaires et légèrement irisées assez androgyne, tant il me rappelle le coté crème solaire de Salvia Blu de Bottega Veneta. Tel un alien, on ne saurait trop définir que si cet accord est plutôt fait pour les hommes ou pour les femmes. Toujours est-il que je l'aime bien, et en le portant, je pense aussi à Dioramour. Dans le fond, on reconnait la patte Mugler, par ses notes qui font parfois écho à Alien ou Alien Homme. 

Original, cosmique ou cosmétique selon votre perception. Peut-être pas si futuriste que ça, mais à redécouvrir, comme je viens de le faire ! 

Illustration : Mugler. 

Jasmin Bonheur - Guerlain 2023 : que du bonheur en effet.

Il y a bien longtemps que je n'avais pas été émerveillé devant une nouveauté Guerlain. Je dois bien avouer avoir été conquis par Habit Rouge l'Instinct l'an dernier, mais cela a fait feu de paille, je m'en suis vite lassé hélas. 

Jasmin Bonheur renoue avec un certain enthousiasme, avec son charme délicieusement rétro et joyeux, inspiré de l'univers coloriel et esthétique de Matisse, et qui me fait penser à Nu Rose Assis. 

Contrairement à ce que son nom suggère, ce n'est pas le jasmin que l'on sent à l'envolé. La bergamote toute fraîche, piquante et acidulée à la fois se conjugue à l'iris et à une violette toute fine et jamais trop présente pour un effet très poudré et noble. Le parfum se fait comme scintillant, avec l'effet que cela peut avoir sur le sillage, qui doit être remarquable. Ensuite, un iris de grande qualité demeure, pour laisser place petit à petit à un jasmin clair (sambac ?) et sans doute d'un peu d'osmanthus, dans un effet presque transparent qui dévoile des facettes de peau d'abricot duveteuse. Vous l'avez compris, le jasmin est ici traité tout en lumière et clarté. Un néroli aux inflexions farineuses et de chair, et des notes actuelles évoquant la mousse de chêne achèvent la partition dans un fond très confortable, très cocooning, et vraiment joli. Tout au long du parfum, une note de giroflée se manifeste et reste, et c'est cela qui fait écho à la grande parfumerie des années folles, on pense même à certains grands Caron. 

Avec son charme désuet d'iris poudré remis au goût du jour et qui ne tombe pas dans la caricature cosmétique, son sillage qui ne laissera pas indifférent, Jasmin Bonheur est pour moi ce que représente le "grand" Guerlain, dans la ligné de Voile d'été et de Guerlinade. Une bien belle création dans un style très parfum élégant et noble, composé des matières emblématiques de la marque autour d'une guerlinade qui se glisse tout en discrétion. Un vrai coup de coeur, le chic à la française par excellence, qui n'est pas sans évoquer par certains aspects son petit cousin Spell on You chez Vuitton, lui aussi plutôt bien né. Bref, hormis le prix, ce n'est que du bonheur ! 

Illustrations : Matisse l'atelier Rose, Guerlain.

Kalan - Parfums de Marly 2019 : pur sang au fusain.

 

Allergiques aux bois ambrés, passez votre chemin, Kalan ne pourra pas vous plaire. Pourtant, je me demande toujours quelles autres matières pourraient être utilisées pour évoquer des notes de pierre, de fer, de poudre, pour retranscrire une ambiance mate, et une force olfactive. Quand on m'a demandé de travailler sur le parfum Jeanne Conquérante, je n'ai cherché aucun compromis afin de coller à ce qui m'était demandé, et oui, le parfum est brutal, franc, net et s'apprécie ou non tel qu'il est, avec ses bois ambrés. 

C'est aussi un peu le cas de Kalan : un bloc où l'orange amère apporte ses notes fusantes et métalliques, le poivre et les aromates leurs notes sèches et herbacées, qui peuvent faire penser au foin des écuries. La suite laisse apparaitre des notes de sous bois où la mousse de chêne joue un rôle non négligeable. La sensation mâte est apportée par un trait de bois ambrés persistants. Le parfum peut paraitre un peu brut au départ, mais il se révèle ravisant et très attachant sur la peau, grâce à un cocktail de cardamome et de cannelle, qui vont le réchauffer. Kalan me rappelle bien un pur sang au galop dans un champs d'herbes sèches, dans une forêt ou sur un terrain de lave et de mousse. 

Un parfum de landscape au style un peu british, comme s'il représentait le dessin au fusain d'un cheval fougueux. Il faut savoir l'apprivoiser, mais n'est-ce pas le propre d'un pur sang ? 

Bonne année 2023 à tous ! 

Illustrations : cheval au galop dessiné au fusain, Parfums de Marly.