mardi 26 avril 2016

Lavandes Nouvelles : on butine ?

Ah la lavande ! Incontournable des produits parfumés et des parfums, elle revient ces derniers temps, et ce grâce aux progrès réalisés sur les techniques mises en oeuvre par les producteurs pour en extraire les facettes les plus secrètes. Plus claire, plus lumineuse, moins grasse, elle s'exprime aujourd'hui de manière plus fine et élégante, pour notre plus grand bonheur, à nous les amateurs de parfums, mais aussi pour nous, qui aimons imaginer ce qu'elle peut donner en création, combinée à d'autres notes dans une composition. J'ai choisi trois exemples assez différents pour illustrer le propos de cette lavande nouvelle. 

Le tout dernier en date à mettre la lavande à l'honneur, ainsi que sa région de naissance, est l'Artisan Parfumeur avec Bucoliques de Provence. A la lectures des premiers descriptifs glanés de ci, de là, cette association de lavande fraîche, d'iris et de cuir nous promettait un bien joli parfum. Et bien je peux vous assurer que sa découverte n'est absolument pas décevante. Fraîche, vive, fine et fruitée, elle l'est, et elle arrive de suite. Son amie la baie de genièvre, aux notes très "peaux" la soulève et l'accompagne ! L'absolu d'iris, dont le prix est inimaginable, est croisé ici en double distillation avec une base iris et est associé ensuite à de la muscenone, un musc blanc très transparent, ce qui provoque un effet très "chanel", légèrement aldéhydé et très scintillant. C'est sublime, et comme ce traitement permet de révéler les aspects cuirés de l'absolu, Fabrice Pellegrin les a traité en pointillés, juste ce qu'il faut avec sans doute un peu de sudéral, une base "cuir suédine" d'une belle élégance, sur un fond poudreux et très légèrement vanillé qui fait de lui un merveilleux allié au quotidien.

Chez Penhaligon's, c'est évidemment la tradition anglaise qui inspire. La lavande est ici incontournable, de Blenheim Bouquet, Hammam Bouquet à Bayolea, et la Cologne N°33, choisie pour fêter les 175 ans de cette enseigne iconique, la revisite pour la transporter dans le nouveau siècle. Fusante mais plus épaisse que dans Bucoliques, elle s'associe ici dans un univers plus masculin avec le géranium et le poivre, plus denses, qui sont eux même relevés d'une pointe de gingembre, à la fois frais, savonneux, épicé et vanillé. Le lien se fait naturellement avec un fond où le tabac, la fève tonka et la vanille se fondent littéralement avec l'ambrox. Fraîche dans ses premières notes, Cologne N°33 devient très vite chaleureuse et confortable, comme le tweed d'une jolie veste, maybe so british ?

Le troisième opus de la saga est une Cologne, mais pas n'importe laquelle. Dans sa version classique, Cologne de Le Galion est déjà très réussie, car elle mêle ce que l'on attend habituellement d'une Cologne avec un dynamisme et une tenue rarement vus à ce point. Pour sa déclinaison nocturne, la lavande entre en scène, plus chaleureuse et veloutée que jamais. Relevée d'épices et d'aromates, elle s'associe à la sauge, au géranium et au bois de rose, pour un effet qui rappelle les "fougères" de nos papas. En fond, ce sont les bois qui se dévoilent, mais jamais trop, toujours en contrepoint, pour souligner la finesse et la justesse de cette Cologne Nocturne, tout en restant fraîche, vive et agréable. La lourdeur ! Elle ne sait pas ce que cela veut dire, l'élégance est son maitre mot ! 

Alors, laquelle de ces trois lavandes allez-vous butiner ? J'ai choisi la mienne, mais je garde le secret, et vous ?

Illustrations : image issue de fotocommunity.fr, L'Artisan Parfumeur, Penhaligon's, Le Galion. 

samedi 16 avril 2016

Muguet Porcelaine - Hermes 2016 : jolie mue, gaie ?

Si vous aimez le muguet, il faut bien l'avouer, sur le marché, il n'y en a pas tant que cela. Et les tentatives d'inclure le propos en thème principal d'un parfum grand public, comme Vivara Variazioni par exemple, n'a pas franchement rencontré de vif succès. Le seul qui ait réussi à maintenir ses clochettes au fil du temps est Diorissimo, devenu cultissime par sa finesse et sa beauté simple, mais d'une perfection technique à couper le souffle. Déjà très bien en eau de parfum, en extrait, il est sublime.

Comme un hommage au créateur talentueux de Diorissimo qu'était Edmond Roudnitska, Jean Claude Ellena revisite le muguet cette année, mais, comme à son habitude, il découd et recoud l'accord en le triturant, en le faisant sortir des sentiers battus et ce, dans une interprétation très personnelle.

Lorsque j'ai découvert Muguet Porcelaine, je n'ai pas forcément pensé à une évocation réaliste de la fleur, mais bien à une interprétation de parfumeur sensible et qui maitrise si bien certaines nuances de la peau, qu'il est capable de faire partir un propos simple comme le muguet dans une oeuvre étonnante. Ne disait-il pas dans son Journal d'un Parfumeur quelque chose comme :  "j'aime utiliser certaines matières secrètes qui délicatement vont faire qu'elles jouent avec la peau" ?
 
Muguet Porcelaine, dont je vous invite à lire la description olfactive parfaite rédigée par Patrice sur Musque Moi, n'est à mon sens pas fait pour toutes les carnations, mais il y en a une avec laquelle le lien m'est apparu évident, c'est celle de ses femmes au visage si clair et au teint si pâle, qu'il fait penser à de la porcelaine. Connaissant l'amour de Jean Claude Ellena pour le Japon et l'Asie, j'ai immédiatement pensé à un parfum délicat, que l'on imagine sur une Geisha, ou sur une femme asiatique douce et fragile, à la peau blanche et délicate. Ainsi, si la note de melon d'eau ainsi que certaines notes animales peuvent surprendre, ces matières sont un pont parfait avec ces peaux claires, sur lesquelles on verrait presque les veines par transparence. L'hédione, très présente en fond, lui apporte une modernité et une lumière inhabituelle sur un muguet. 

Je ne vois donc pas forcement ce muguet sur tout le monde, mais sa finesse et son écriture font de lui une vraie oeuvre, une vision nouvelle d'une fleur souvent interprétée de manière assez classique, comme chez Guerlain, où il revient tous les ans, où chez Penhaligon's, ou il crépite. Dans ces derniers, le propos est plus proche de la nature que d'un parfum qui vit avec la peau. Muguet Porcelaine fait vibrer l'émotion de ses clochettes et de sa fraicheur sur une carnation qui voudra bien de lui, et je suis presque certain que les filles et les garçons au teint de porcelaine trouveront en lui un allié, sans que l'on puisse précisément reconnaitre un vrai muguet lorsqu'ils le portent, mais un parfum délicat, lumineux, sensible. Un muguet qui a su faire sa mue et nous transporte ailleurs, avec un brin de mélancolie. 

Illustrations : Photo de Geisha, Hermes