samedi 26 avril 2014

Tamango - Léonard 1977 : chant d'iris.

L'iris n'a pas vraiment d'odeur distinctive dans l'atmosphère, pourtant lorsque l'on a la curiosité d'approcher ces fleurs en forme de trompette, on s'aperçoit qu'elle ne sont pas si muettes. Pour cela, j'aime faire un tour au jardin de Bagatelle en cette saison pour parcourir le champs d'iris offert à notre visite et promener mon nez de fleur en fleur. Là, je découvre leurs chants. 

Tamango reprend cette idée d'un chant d'iris. Très linéaire dans sa conception et son évolution, ces notes florales sont assez simples, mais elles semblent cousues autour de l'iris pour mieux se fondre et se confondre avec lui. Poudré par excellence, Tamango joue sur un registre vert et aldéhydé qui lui apporte une modernité et un sillage typique de son époque, dans un effet "laque à cheveux" qui rappelle sans doute ce que peuvent sentir les défilés de la marque après la coiffure des mannequins. Le parfum évolue sur des notes irisées, qui me rappellent toujours, à chaque fois que je les sens, le goût et la douceur veloutée de l'abricot près du noyaux. Pour vous faire une idée plus précise, il est un peu l'intermédiaire entre un Rive Gauche au sillage fin et scintillant, et un N°19 qui porte l'iris en majesté dans un accord un peu froid, mais d'une élégance folle.

En parfait écho aux imprimés floraux de Léonard, comme Balahé, son évolution sur peau se fait dans un équilibre remarquable, tout en douceur en restant relativement constant sur ses notes. Acidulé, métallique, il porte certes la signature de son époque, mais je remarque qu'aujourd'hui, avec le retour du vintage, ces notes reviennent dans les compositions du moment, comme Florabotanica par exemple, dans un registre différent. Ainsi, s'il est porté avec adresse et la bonne tenue, tout comme Rive gauche et N°19, Tamango ne fait pas son âge, et il peut même être l'allié parfait d'un style très à la page. 

Si les iris ont un chant, il résonne sur les imprimés Léonard et dans le sillage de Tamango

Précisions : je n'ai pas senti la version actuelle de Tamango, qui date de 2011, car mon flacon est celui de l'ancienne version, qui est sur la photo et sur laquelle est basé cet article. A lire certains avis, il semblerait qu'il ait un peu changé. Ce serait dommage, mais n'est ce pas le cas de beaucoup de parfums ? 
 
Illustrations : champs d'iris, Léonard.

dimanche 20 avril 2014

Balahé - Léonard 1983 : fusion sans confusion.

Léonard fait partie de ces marques discrètes dans le monde de la mode, mais qui savent s'adresser  à une clientèle fidèle tout en maintenant une constante de style en sachant se renouveler habilement. Je parle ici de la branche prêt à porter, car pour ce qui est du parfum, le constat est un peu plus mitigé : l'inspiration et l'âge d'or des parfums de la marque semble s'être arrêté depuis les années 2000, car on ne peut pas dire que les dernières créations de la marque soient au même niveau qu'avant.

Balahé est un parfum oublié, mais franchement, pour le passionné et amateur de belles matières que je suis, il fait partie de ces parfums quasiment parfaits, où tout est là, dans un équilibre rare, traité avec une finesse remarquable et un style impeccable. Dans ce parfum, c'est un peu comme si l'on avait voulu travaillé autour de notes douces et qui fondent sur la peau comme la lave sur un volcan : explosion d'un cocktail fusant au début puis fusion dans un accord fondu par la suite. Parfum de peau par excellence, la transition entre la tête, le coeur et le fond du parfum se fait de manière si naturelle, progressive et maitrisée qu'il semble se colorer sur la peau comme la lave forme, en se refroidissant, une peau nouvelle sur le paysage.

Douceur de l'anis relevée d'une pointe d'ananas et sans doute d'un soupçon de poivre, qui peut avoir des facettes caressantes ouvrent le bal. La sauge, à l'aspect velouté, prend le relais pour glisser sur un accord fleur d'oranger-jasmin qui fait penser à la trame commune que je lis dans Habanita, M7 et Séville à l'aube. Ici, cette trame se glisse dans la composition comme un corps parfait dans un fourreau sur mesure, pour révéler très progressivement à l'aide de la tubéreuse, un aspect "prune confite" qui fait non seulement saliver, mais donne envie de ronronner. Le parfum évolue tout en rondeur dans les notes irisées, poudrées, lactées et cuirées en fond, où santal, civette et styrax apportent un velouté remarquable.

Rien ne dépasse, tout semble glisser lentement dans ce paysage voluptueux et langoureux. Balahé frise la perfection technique, oscillant entre les beaux poudrés, cuirés, chyprés-fruités sans négliger les émotions. Il semble fait pour la peau, et ce que je trouve encore plus "magique", c'est qu'il est impossible de lui donner un genre, car anis, sauge, note de prune et aspect cuiré-velouté font aussi partie de la palette parfumistique des masculins. Le flacon est superbe et en parfaite adéquation avec ce parfum "fusion" sans confusion. Point à la ligne.

Illustrations : fusion de lave qui glisse sur le paysage, et fusion d'un flacon avec Balahé de Léonard, parfum qui glisse sur peau.

samedi 12 avril 2014

Image Woman - Cerruti 2000 : together in electric dreams.

Puisque je m'intéresse à la marque Cerruti en ce moment, j'en ai profité pour ressortir du placard un petit flacon de Cerruti Image Woman, que j'avais acquis au moment de sa sortie il y a 14 ans maintenant, parce que ce parfum, à l'époque, avait interpelé mes sens.

J'ai le sentiment qu'il était tellement avant-gardiste et précurseur, que personne n'a rien compris à l'époque, et qu'il est parti aussi vite qu'il est arrivé. Pourtant, s'il ressortait aujourd'hui, avec le même propos mais peut être sous une autre marque et sans s'afficher ouvertement "woman", avec un concept remanié, je suis certain qu'il trouverait un public ; le lien avec le cuir devrait en outre être plus affirmé.

L'idée de départ, si l'on en croit les visuels de l'époque, était de recréer une rose urbaine et bien dans son temps. Pour cela, le parfumeur Harry Frémont de Firmenich (CK One, Miracle, Tuscan Leather) semble s'être orienté vers une famille boudée en grand public, celle des cuirs. Note chaudes de bouleau et d'un accord très citadin faisant penser au goudron constituent la trame de fond du parfum. Cette trame plante le décor d'une rose orangée imaginaire, comme électrisée par un accord vert et montant, très fusant, légèrement métallique. Les muscs blancs contemporains viennent appuyer le tout, dont le rendu sur peau et en sillage est à citer en exemple, et résonne dans un écho  très créatif, pointu et très "arty", à la fois enveloppant et fusant. Reconnaissable, signé, et d'une justesse avec le propos rarement égalée.

Mais voilà, cuir, avant-gardisme, parfum visionnaire ne sont pas forcement synonymes de féminité, et les "women" ont certainement eu du mal à le comprendre. Ce cuiré vert urbain a sans doute été boudé parce qu'en peu froid en apparence, et n'a pas su traduire une féminité affirmée. Il manquait peut être un peu de douceur pour le grand public. Il aurait sans doute gagné à être unisexe, et se démarquait un peu trop du masculin Image qui pour le coup, parait hyper classique à coté. C'est pourtant avec un vrai bonheur que je le redécouvre aujourd'hui, car 1881 Bella Notte, qui flirte avec la note cuirée-verte, m'y a fait penser, et il reste pour moi de ces parfums rares, sorte de masterpiece passé complètement inaperçu. 

Personnellement, si un jour je travaille des parfums de peau, c'est aussi vers ce style que je tenterais d'orienter mes créations. J'aimerais qu'elles aient cette modernité, ce trait fusant et contemporain, cette ligne à la fois froide, souple et qui fond bien sur peau. J'en profite aussi pour souligner que la vaporisation, originale, était très étudiée et hyper agréable d'utilisation, dans un geste nouveau et spontané.

"Cuir, tu m'attires", là pour le coup je suis en plein dedans : Jean Claude Jitroi ou chez Mugler, puisque vous retravaillez le cuir, si vous m'entendez, peut être que c'est un parfum comme cela qu'il vous faudrait, sur l'idée d'Electric Dreams. Qui sait ?

Illustrations : wallpaper Electric Rose orangée et Cerruti.

vendredi 4 avril 2014

1881 Bella Notte - Cerruti 2014 : oh douce nuit !


Oh douce nuit, oh belle nuit ! La mélodie de 1881 Bella Notte flotte dans l'air comme un doux parfum d'été, qui aurait été capturé pour être mis en flacon. Evocation d'une promenade dans la pinède au crépuscule, la sensation est immédiatement palpable, lisible, avec ce petit coté balsamique que peuvent avoir les pins.

Le fir-balsam, matière au combien riche et que j'affectionne tout particulièrement, n'est pas mentionné dans la composition, pourtant, c'est bien la sensation de cette matière première que je sens : un petit coté camphré qui joue à merveille avec la peau car c'est une matière qui "chauffe" avec elle. L'ensemble est assez beau et très évocateur d'une forêt de pins, même s'il n'y en a "peut être" pas !

Piquant du poivre et fraîcheur camphrée également de la cardamome ajoutent à la composition cette chaleur vive si particulière, appuyée par la baie de genièvre, autre note qui travaille avec la peau, et vivifiée par le citron. La sensation évoque le crépitement d'un feu de bois. L'originalité vient ensuite de la présence d'un accord floral qui du coup fait écho au 1881 original, un "jasmin de nuit" chaud et réconfortant, imaginé par Olivier Cresp, et qui fait le lien avec ce que pourrait être la présence de fleurs dans une nuit d'été. Le fond se fait délicieusement boisé et vanillé, une note assez claire entre le patchouli et le cèdre puis une dose non négligeable de muscs blancs y apportent de la tenue.

Le feu crépite au son d'une guitare dans la nuit, la lune brille, la pinède laisse ses parfums s'échapper dans le vent. Très différent de l'original dans le traitement mais pas dans sa structure générale boisée-florale relativement masculine et virile,  1881 Bella Notte peut, par certains cotés camphrés, chauds et vifs à la fois, faire penser à Sycomore, sans en avoir toutefois la belle finesse.

Pourtant, incontestablement, il se distingue telle une belle surprise "grand public" de cette année. Les amis le confirment, le coup de coeur du départ s'affirme et trouve un écho général, et je note que le 'rendu' sur les vêtements est particulièrement réussi. Comme je me plais à le dire, c'est "du bon Firmenich comme je l'aime".

Illustrations : couché de soleil d'été sur la pinède, Cerruti.