samedi 31 décembre 2011

Ce soir, c'est la fête avec Ambre Narguilé !

Ce soir, notes de rhum, de tabac blond, de cuir, d'huile d'Argan, d'iris discret, de miel, de vanille, de ciste labdanum, de caramel pour accompagner bulles de champagne, fois gras, mets délicats, dessert raffiné, et ambiance conviviale. Veste chocolat, pull cachemire camel et boots de cuir havane, Ambre Narguilé me donne aussi comme une envie de bon cognac pour clore 2011 tout en douceur et subtilité, avant la fin du monde annoncée !

Et vous alors, finalement, quel parfum choisissez vous pour clore l'année ?

Très Bon Réveillon et
Excellente année 2012 à tous !


Illustrations : bulles de champagne, Hermes.

jeudi 29 décembre 2011

Jersey - Chanel 2011 : passé simple recomposé.

Il est parfois de ces chansons de variété en apparence simples et faciles à écouter, mais dont la mélodie fait appel aux instruments les plus perfectionnés et dont les paroles font écho à la sémantique la plus étudiée. Il est de ses tissus que le luxe méprise, pratiques, solides, facile à travailler, ils sont utilisés pour habiller les masses et bien souvent sans grâce. Il est de ces huiles essentielles dont la réputation est si usurpée et si commune qu'on en oublie leur noblesse. Il faut alors un regard expert, un peu d'audace et une bonne maitrise pour y déceler un potentiel et savoir en révéler la vraie valeur.

Jersey serait ainsi, en outre, pour moi, comme le personnage d'un tableau de Modigliani. Disgracieux, pas vraiment avenant au tout premier abord, au trait un peu lourd, mais qui, si l'on s'approche, dévoile une tendresse et une finesse indéniable et une maitrise du geste et de l'émotion vraiment palpable.

Dans ces premières notes et senti sur une touche, pour être honnête, je n'aime pas trop Jersey : la lavande est lourde, donne l'impression d'être envahie d'une vanille sucrée un peu grasse et épaisse, et d'une louche de muscs déjà bien affirmés. Pourtant, c'est dans son sillage que j'ai pu l'apprécier, sur une amie à qui j'ai demandé ce qu'elle portait. De ce sillage, je distinguais de la transparence, de la lumière et une légèreté digne d'un grand parfum, mais je n'étais pas capable de mettre un nom dessus. Le jeu entre une touche d'iris, un jasmin "iridescent" (sans doute issu d'une combinaison de vrai beau jasmin sambac traité avec une technologie avancée et d'hédione), forme comme un fil d'Ariane que je suppose supporté par la noblesse de l'absolu narcisse, que j'aime vraiment et qui apporte un vrai caractère, à la fois tendre et profond. Dans son évolution, la vanille et les muscs s'apaisent et dévoilent en fond des facettes délicieuses, à la fois douces, très légèrement cacaotées et cuirées. Elle m'avoua porter Jersey, qui lui fut offert par une autre amie, et qui n'avait ainsi plus rien à voir avec la toute première impression sur touche : Jersey, ou l'oxymore d'un cocon protecteur ouvert sur le monde ? Il irradie, polarise, attire irrésistiblement dans un style aromatique lavandé que je trouve finalement assez proche de ce que faisait Edmond Roudnitska avec Eau Sauvage et Diorella, tout en douceur et finesse, sans agresser l'entourage.

Jacques Polge renouvelle ainsi le tour de force qui était aussi le propos de départ, de redonner de la noblesse, de l'élégance et de l'éclat à une matière basique et bien souvent oubliée quand elle se revendique en soliflore.

C'est un vrai coup de coeur, que j'ai offert moi même à un membre de ma famille qui cherchait une lavande digne de ce nom pour remplacer son Pour un homme devenu "insupportable et agressif" de ses propres mots, et qui ne voulait pas de Brin de Réglisse à cause de son prix. Je crois avoir visé juste avec Jersey, qui a ainsi trouvé au moins trois clients : cette amie, ce membre de ma famille, sa femme et moi même, en tant qu'admirateur de l'oeuvre. Une lavande de peau et à sillage, qui rappelle ces paroles de Jacques Polge que j'ai lues un jour dans un magazine : "un vrai parfum ne se dévoile vraiment qu'au bout d'une heure, c'est alors que l'on en voit la richesse, la noblesse et la beauté". Il est vrai que cela nous remémore également qu'un parfum ne se sent pas que sur touche et en deux minutes. Une belle lavande, à partager à deux, un seul mot s'impose, et je ne l'ai pas dit depuis longtemps : bravo !

Bonnes fêtes de fin d'année à tous et rendez-vous en 2012 autour d'une fleur, pour une quatrième année qui s'amorce, déjà !

Illustrations : Jeanne Hebuterne en Jersey Jaune, Modigliani 1918 - Chanel 2011.

mercredi 21 décembre 2011

Noël 2011, le massacre des innocents ?

Il sort comme un cri du coeur, pour tous les "perfume lovers". Je n'en appelle pas au boycotte, mais j'informe et en appelle à votre bon sens, mesdames, messieurs. Cette année, votre soif de nouveautés semble avoir raison de tout bon sens et de ce que les parfumeurs ont à coeur de véhiculer quand ils ont envie de créer. L'on voit fleurir des flankers sur lesquels il n'est même pas utile de poser la moindre narine, on voit se modifier des noms iconiques à vous faire perdre la tête et à être perdue, on voit des clientes médusées et paumées revenir avec leur parfum en main en se demandant, "n'a t il pas un peu changé ?". Tout cela se multiplie, et commence à se voir, n'est il pas temps d'arrêter le massacre ?

Pour illustrer le propos, j'ai été témoin cet après midi d'une scène où la cliente était désespérée de ne plus s'y retrouver. Cette femme, qui visiblement voulait acheter Miss Dior qu'elle avait l'habitude d'offrir, ne savait plus ou donner de la tête entre l'ancien devenu Miss Dior l'original, et le nouveau Miss Dior, anciennement Miss Dior Chérie, reformulée par rapport à sa formule d'origine. Vous suivez ? Ajoutez à cela des vendeuses tenant à leur chiffre et très "vendeuses" qui lui soutenaient que la formule n'avait pas changée. Mais quelle formule ???? Bref, un chaos total avec une cliente atterrée, et moi, témoin de la scène, qui ne savais même plus par quel bout intervenir sans être trop complexe dans mes explications. Je ne sais pas comment cela s'est terminé, mais on était loin de l'image de la cliente qui repart avec le sourire aux lèvres après avoir choisi un beau cadeau ! Madame, si vous me lisez on ne sait jamais, l'original, le vrai, c'est celui qui est en photo ci contre.

Si j'ajoute à cela l'expérience récente d'une amie passionnée (;-), vendeuse en parfumerie pendant les fêtes, qui me faisait part de questions sur une éventuelle reformulation d'Opium remontées par des clientes de plus en plus nombreuses. Tout cela, alors que la pub vous vend une Emily Blunt plus chère et précieuse que jamais, et que le parfum n'est plus que l'ombre pâle de la formule d'origine, car oui, hélas mesdames, vous avez raison, et ce n'est pas qu'à cause de l'IFRA. Vous chercher autre chose de plus vrai, alors ne vous gênez pas, partez, fuyez, et ne revenez plus, et c'est bien ce qui se passe !

Grand désespoir également en découvrant le dernier opus décliné de Trésor. Sans scrupule aucun, on s'écarte totalement de l'idée et du beau parfum qu'est Trésor à l'origine pour vous faire rêver sur un Absolu Désir qui n'est rien d'autre qu'une déclinaison de Flower Bomb du même groupe, en plus cher bien sûr, pour que ce soit plus drôle. Lamentable, petit et déprimant.

Du coté des pubs, c'est "morose land" également. Chanel, Cartier, Dior, Lancôme, Guerlain utilisent les mêmes codes pour parler, personne ne se démarque si ce n'est bizarrement Cacharel et Diesel, mais à quel prix ? Du coup, plus personne ne rêve, cela se ressent et tout le monde se tait.

Pourtant, il y en a dans ce milieu qui voudraient que cela change, on en entend en "off" des mécontents, même avec beaucoup de pouvoir, qui voudraient voir autre chose, un peu de vérité, mais à qui parlent ils et qui les entend ? Silence radio...

Que le parfum cesse de faire rêver et montre une propension ostentatoire à vouloir trop vite faire de l'argent, cette année, cela se remarque, et cela devient inquiétant, comme l'ombre de la crise qui plane au dessus de nous ! Combien de clients sacrifiés, de rêves vendus que les gens ne retrouvent plus, et qui du coup, ne rachètent plus ? Jusqu'où cela ira t il ? Faut il alors s'étonner d'un ras le bol et d'une saturation ?

Nous sommes plusieurs à savoir qu'un espoir est possible, et qu'il faut arrêter de vendre son âme au mains de diplômés formatés qui eux coutent réellement très cher, sous peine de ne plus avoir de leviers pour rebondir ! Cette industrie, française dans son essence et dans ses veines, nous devons en être fiers et la valoriser, la vendre, certes, mais avec ses valeurs, ses points forts, son âme, la vraie, ses forces, ses ressources réelles. Hermes en est un bel exemple. Vous n'imaginez pas la richesse d'une palette par exemple et les progrès que l'on fait sur les matières. Tout ça pour ça ? Voilà le constat. Sacrifier ces richesses sur l'autel d'une mondialisation standardisée pourrait, à terme, lui être fatale, car à perdre son âme, il n'y aura pas que les innocents qui seront massacrés.

Illustration : Rubens, le massacre des innocents. Dior, Lancôme, Yves Saint Laurent.

mercredi 14 décembre 2011

Top d'hiver : sous le signe du poivre et des muscs.



Je me suis aperçu alors que je souhaitais publier ce top fragrances qu'une note revenait souvent dans les créations qui attirent mon attention cet hiver : le poivre. Dans au moins trois d'entre elle, c'est un pilier. Avant d'entrer en plein dans les frimas dès la semaine prochaine, voici un petite liste pour se réchauffer et passer de bonnes fêtes en famille.



Poivre Samarcande d'Hermes : et oui, je crois que finalement, c'est celui des Hermessence qui l'emporte. J'aime ce parfum, sa finesse, une sorte douceur virile, élégante et raffinée. Sa texture froide et pointue me booste et finalement, il n'est pas si absent qu'il en a l'air. Discret, mais bien là ! Addictif.

Préparation Parfumée d'Andrée Putman : épurée à l'image de la créatrice Andrée Putman, la préparation parfumée qui porte son nom explore le poivre dans un univers froid et mouillé tel un décor de restaurant branché dernier cri. On m'a souvent dit que ce parfum faisait odeur de lieu plus qu'odeur de peau, pourtant, telle une Cologne contemporaine "d'architecte", Préparation Parfumée est à la peau ce que le style d'Andrée Putman est au design : vibrant et élégant.

L'Eau Sento de Iunx : explorant du coté de Préparation Parfumée sa trame olfactive poivrée écrite par Olivia Giacobetti, l'Eau Sento s'enfonce un peu plus dans les bois et le sable, car il évoque à merveille cette idée d'un bois flotté "mouillé", lissé par les vagues et le vent. Unique, moderne, ce serait un peu la version intense du précédent. Singulier et doux.

L'Esprit du Tigre de Heeley : et oui, vous me croirez ou non, mais dès que l'on commence à sentir la grippe et le rhume pointer le bout de leur nez, un petit coup de ce parfum et l'énergie revient, comme s'il avait un effet thérapeutique. Une bonne dose de camphre, de poivre, de menthe et d'eucalyptus arrondie de galaxolide (un musc blanc très rond) et vous voilà repartis du bon pied. Le tout reste d'un effet discret et naturel sur peau, un peu comme si vous veniez juste de sortir d'un bon sauna. Poivré, camphré, vivant et original en diable.

L'Eau de Gentiane Blanche d'Hermes : convoité depuis quelques temps pour ses racines à fleur de peau, odeur de terre un peu amère mais si rendue très douce par un cocktail de muscs blancs et un effet iris, mat et soyeux, ce parfum accompagne discrètement les journées froides sans jamais envahir, et c'est une qualité. Original et pourtant très facile à apprivoiser, enfin, j'ai mon flacon ! La douceur brute.

Cuir de Russie de Chanel : comment ai je pu me passer de ce parfum ? Sans doute à cause de son prix et de la quantité trop grande du 200ml qui me freinaient. Depuis qu'il existe en petit flacon, il n'y a plus de raison de se retenir. Absolument aucun regret, ce cuir floral jasminé, fumé et vanillé est un vrai parfum à fleur de peau, unique et sensuel. Le sillage ample faisant penser à une forêt enneigée, à un beau blouson de cuir ou aux sièges d'une belle voiture de luxe vous enveloppera de sa chaleur réconfortante. Une icône, d'une finesse incomparable et et d'une aura inimitée.

For Him Intense "Musc Collection" et l'Eau de Musc de Narciso Rodriguez : cela fait maintenant presque trois ans que For Him m'accompagne régulièrement dès qu'il commence à faire un peu froid. Il appelle la laine, le cachemire de préférence de couleur gris anthracite, que j'aime porter en hiver. Cette année, il est encore là, réconfortant.
L'Eau de Musc, elle, m'accompagne un peu à la manière de l'Eau de Gentiane Blanche, quand j'ai envie de douceur et de ne pas trop sentir le parfum. Parfum "jean-T-Shirt" par excellence, cette eau noyée dans les muscs se situerait entre Ck One et Bulgari pour Homme, comme un parfum cocoon, très agréable qui n'a aucune raison d'être uniquement réservé aux femmes.

Un peu mis de coté ces derniers temps : les l'Artisan, Vétiver Extraordinaire.

Les envies à venir : Sycomore de Chanel, L'Eau d'Hiver de Frédéric Malle, Avignon ou Kyoto de Comme des Garçons. Lesquels choisiriez vous ?

Et vous ? Quel est votre Top 5 d'hiver ?

samedi 3 décembre 2011

Modernes Extraits : le geste à fleur de peau.


Souvent peu considéré en raison d'un rapport prix quantité qui ne lui est sans doute pas favorable, l'extrait de parfum semble aujourd'hui négligé, oublié, voire même inconnu. Pour découvrir cette concentration il faut la réclamer. Pourtant, ne pas faire cet effort, c'est passer à coté de ce qui est le plus représentatif de l'idée du parfumeur, et c'est se priver de mettre en valeur, sur peau, des parfums qui révèleront des facettes bien plus profondes et complexes que celles d'une eau de toilette ou d'une eau de parfum. En effet, l'extrait habille la peau et vit avec elle, car ce qui fait sa particularité dans la plupart des cas, c'est sa teneur en matières premières de hautes qualité, fleurs et muscs riches notamment, qui "travaillent" et se fondent avec la peau de manière beaucoup moins linéaire. Il semble cependant que certaines marques continuent de proposer l'extrait, même s'il a peu d'adeptes, pour mettre en avant les qualités propres de leur parfums, et donner ainsi la possibilité à la femme qui choisit l'extrait de révéler son propre sillage et de donner sa propre couleur au parfum.

Pour cet article, je n'ai pas du tout souhaité revenir sur des extraits de parfums légendaires. J'ai accentué le propos sur quelques parfums "modernes" devenus emblématiques de ces vingt dernières années, en m'attachant à chaque fois, à mettre en avant les facettes et matières premières que l'extrait fait ressortir. Parfois, et c'est paradoxal, l'extrait est plus discret que les eaux de toilette ou eaux de parfum. Pourquoi ? Parce qu'il est plus riche, et travaillé pour que les matières jouent avec la peau en véritable osmose et de manière moins linéaire. J'avoue avoir eu des surprises et avoir compris pourquoi, petit à petit, ils entrent dans l'histoire de la parfumerie. Pourquoi ne pas alors, essayer de redécouvrir ce geste, ce parfumage ? Les fêtes s'y prêtent non ?

Angel de Thierry Mugler 1992 extrait de parfum : ce qui me frappe dans l'extrait de Angel, c'est qu'il apparait beaucoup plus compact que l'eau de parfum. Les notes de fruits de la passion de pomme verte semblent emprisonnées dans un ensemble très dense qui fait penser au caramel dur de la pomme d'amour. Cette enveloppe constituée de cacao amer, de caramel, d'épices et de miel fait de cet extrait une composition très gourmande, comme un bon gâteau bien chaud sorti du four. Le patchouli structure l'ensemble, qui ouvre une nouvelle aire en parfumerie. Le parfum se fond sur la peau de manière assez extraordinaire et n'a pas, du coup, la même amplitude que l'eau de parfum. Plus discret mais plus complexe, j'y remarque une note de cire d'abeille, qui le rend riche et très fondant. Je comprends alors pourquoi Angel est un gourmand...moi, je le deviens.

L'Eau d'Issey d'Issey Miyake 1992 extrait de parfum : l'extrait de parfum de l'Eau d'Issey est on ne peut plus représentatif de l'idée que l'on peut se faire d'une fleur d'eau ; fleur de lotus ou de nénuphar, ce parfum apporte en 1992 une nouvelle orientation aux parfums de la famille des floraux. Jouant avec les effluves marins de la calone, l'extrait la cache discrètement pour qu'elle ne serve plus qu'à soutenir et à "perler" la structure florale que je perçois comme étant rosée-abricotée. Les fleurs ressortent, la rose notamment, lumineuse, fruitée, et travaillée autour des notes d'abricot que peuvent avoir certaines d'entre elles. Un soupçon de jasmin et d'hédione souligne discrètement le sillage. Je perçois également, ce que je n'imaginais pas dans l'eau de toilette, une tubéreuse, qui donne de la profondeur et de la sensualité, des courbes même à l'Eau d'Issey. Narcotique, elle est relayée par les muscs blancs et un trait de patchouli, pour la sensualité à fleur de peau. Le résultat est plus pointu et plus riche que l'eau de toilette, qui peut paraitre du coup plus "percutante". A coté de l'extrait, celle-ci parait en tout cas plus immédiate, l'extrait, beaucoup plus charnel.

Coco Mademoiselle de Chanel 2001 extrait de parfum : non testé sur peau mais évalué sur touche, ce qui frappe dans l'extrait de Coco Mademoiselle, c'est la présence assez forte d'un accord d'absolus de roses de différentes variétés. Comme pour l'Eau d'Issey, elles accompagnent le patchouli car elles interfacent leur facettes boisées avec ce dernier, et permettent de faire un pont sur les notes fruitées du parfum, très proches d'une pêche "fruit" et d'une poire juteuse. Le patchouli, boisé donc, n'est pas un patchouli habituel, et c'est très perceptible dans l'extrait. Il est débarrassé de ses facettes terreuses et chocolatées pour apparaitre plus clair, plus limpide, et lisse ainsi toute la composition. Une toute petite note marine du style "nature après la pluie" se devine à peine au milieu de cet accord "chypre moderne" de rose, de patchouli, ainsi qu'un peu de vanille, et de bois miellés. Le tout fond sur la peau dans un accord de muscs blancs très doux. Jamais trop lourd, trop sucré ou trop collant, Coco Mademoiselle sait rester digne d'un vrai Chanel, charnel, signé, sensuel et très actuel.

For Her de Narciso Rodriguez 2003 extrait de parfum : parfum charnel s'il en est, For Her l'est plus que jamais en extrait. Construit comme un parfum de peau autour d'un coeur de musc constitué d'un accord secret de plusieurs muscs blancs dont certains réagiront en véritable osmose avec la peau, For Her s'habille d'une véritable perlée de roses et d'un patchouli très "clair", un peu comme pour Coco Mademoiselle. Du jasmin, de l'ylang ylang, et de l'osmanthus, agrémentés d'une note de tilleul-chèvrefeuille et de notes "salicylées", solaires, donnent un rayonnement incomparable à l'extrait. Une facette "peau de pêche" se révèle plus évidente, plus charnelle aussi, et elle rejoint un effet entre framboise et fraise, qui se fond dans des notes un peu vertes, très douces, qui me font penser à de la sève de feuilles. La boule de muscs charnels évoquée plus haut est appuyée par la graine d'ambrette qui ressort, et s'habille d'une pointe de vanille et d'ambre gris très discrète mais qui contribue au sillage ample, rond, sensuel et très féminin de For Her. For Her dévoile ainsi tout son charme, l'essence même de son âme, et l'on comprend mieux ainsi pourquoi il est devenu, en presque dix ans, un incontournable.

Idylle de Guerlain 2009 extrait de parfum : ce qui frappe dans l'extrait de Idylle, récent, c'est qu'il paraît beaucoup plus sombre et plus riche que l'eau de parfum. Les notes de feuilles vertes et de poire semblent étouffées pour laisser rayonner un accord profond et riche de roses et de patchouli bien charpenté, ourlé dans des muscs veloutés légèrement moites et vanillés. L'extrait est du coup plus épais, plus dense, plus charnel et l'on imagine qu'il travaillera très bien avec la peau de celle qui le portera, tellement les matières semblent texturées. Il fait penser à un bon Bordeaux, dont la texture et la couleur font saliver dès qu'il est versé dans le verre. Découvrir l'extrait, c'est trouver enfin la personnalité propre d'Idylle et accepter de le faire entrer parmi les grands Guerlain, par sa finesse et son élégance, et c'est pourquoi, bien qu'il ne soit pas encore reconnu comme tel, je l'ai choisi pour cet article. Si Idylle n'est pas encore... il devient, l'extrait y contribue.

J'espère par cet article vous redonner l'envie de découvrir ces parfums dans leur concentration extrait de parfum. Donner l'envie également de s'approprier une autre gestuelle et peut être changer vos habitudes. Seules quelques gouttes suffisent, faisant vite oublier la souvent trop généreuse et envahissante vaporisation. Une femme qui choisit la gestuelle de l'extrait fera preuve de délicatesse, de finesse et de justesse dans la façon dont elle se parfume, portera les plus belles facettes des plus beaux parfums de ces dernières années, saura rendre hommage à leur créateurs, et de ce fait, séduira différemment. Accepter le prix, adopter le geste et le comprendre, c'est peut être le début d'un acte rebelle, mais sensuel, élégant, délicat et noble, dans la grande tradition du parfum ?

Pour cet article, je remercie les marques Thierry Mugler, Issey Miyake, Narciso Rodriguez et Chanel pour leurs coopération et grâce à qui les illustrations ont pu être réalisées. Petit carton jaune à Chanel, qui envoie une eau de parfum pour un travail sur l'extrait, et carton rouge à Guerlain, qui n'a même pas répondu à l'appel. Pour Coco Mademoiselle et Idylle, "l'évaluation" de l'extrait s'est faite sur touche, et je n'ai donc pas pu tester ni faire tester ces deux parfums sur peau, contrairement aux trois autres. Dior a été écarté d'office car je ne digère pas le "coup" de Miss Dior, et l'extrait de J'Adore apporte peu et semble très plat par rapport aux autres variations.