mercredi 21 décembre 2011

Noël 2011, le massacre des innocents ?

Il sort comme un cri du coeur, pour tous les "perfume lovers". Je n'en appelle pas au boycotte, mais j'informe et en appelle à votre bon sens, mesdames, messieurs. Cette année, votre soif de nouveautés semble avoir raison de tout bon sens et de ce que les parfumeurs ont à coeur de véhiculer quand ils ont envie de créer. L'on voit fleurir des flankers sur lesquels il n'est même pas utile de poser la moindre narine, on voit se modifier des noms iconiques à vous faire perdre la tête et à être perdue, on voit des clientes médusées et paumées revenir avec leur parfum en main en se demandant, "n'a t il pas un peu changé ?". Tout cela se multiplie, et commence à se voir, n'est il pas temps d'arrêter le massacre ?

Pour illustrer le propos, j'ai été témoin cet après midi d'une scène où la cliente était désespérée de ne plus s'y retrouver. Cette femme, qui visiblement voulait acheter Miss Dior qu'elle avait l'habitude d'offrir, ne savait plus ou donner de la tête entre l'ancien devenu Miss Dior l'original, et le nouveau Miss Dior, anciennement Miss Dior Chérie, reformulée par rapport à sa formule d'origine. Vous suivez ? Ajoutez à cela des vendeuses tenant à leur chiffre et très "vendeuses" qui lui soutenaient que la formule n'avait pas changée. Mais quelle formule ???? Bref, un chaos total avec une cliente atterrée, et moi, témoin de la scène, qui ne savais même plus par quel bout intervenir sans être trop complexe dans mes explications. Je ne sais pas comment cela s'est terminé, mais on était loin de l'image de la cliente qui repart avec le sourire aux lèvres après avoir choisi un beau cadeau ! Madame, si vous me lisez on ne sait jamais, l'original, le vrai, c'est celui qui est en photo ci contre.

Si j'ajoute à cela l'expérience récente d'une amie passionnée (;-), vendeuse en parfumerie pendant les fêtes, qui me faisait part de questions sur une éventuelle reformulation d'Opium remontées par des clientes de plus en plus nombreuses. Tout cela, alors que la pub vous vend une Emily Blunt plus chère et précieuse que jamais, et que le parfum n'est plus que l'ombre pâle de la formule d'origine, car oui, hélas mesdames, vous avez raison, et ce n'est pas qu'à cause de l'IFRA. Vous chercher autre chose de plus vrai, alors ne vous gênez pas, partez, fuyez, et ne revenez plus, et c'est bien ce qui se passe !

Grand désespoir également en découvrant le dernier opus décliné de Trésor. Sans scrupule aucun, on s'écarte totalement de l'idée et du beau parfum qu'est Trésor à l'origine pour vous faire rêver sur un Absolu Désir qui n'est rien d'autre qu'une déclinaison de Flower Bomb du même groupe, en plus cher bien sûr, pour que ce soit plus drôle. Lamentable, petit et déprimant.

Du coté des pubs, c'est "morose land" également. Chanel, Cartier, Dior, Lancôme, Guerlain utilisent les mêmes codes pour parler, personne ne se démarque si ce n'est bizarrement Cacharel et Diesel, mais à quel prix ? Du coup, plus personne ne rêve, cela se ressent et tout le monde se tait.

Pourtant, il y en a dans ce milieu qui voudraient que cela change, on en entend en "off" des mécontents, même avec beaucoup de pouvoir, qui voudraient voir autre chose, un peu de vérité, mais à qui parlent ils et qui les entend ? Silence radio...

Que le parfum cesse de faire rêver et montre une propension ostentatoire à vouloir trop vite faire de l'argent, cette année, cela se remarque, et cela devient inquiétant, comme l'ombre de la crise qui plane au dessus de nous ! Combien de clients sacrifiés, de rêves vendus que les gens ne retrouvent plus, et qui du coup, ne rachètent plus ? Jusqu'où cela ira t il ? Faut il alors s'étonner d'un ras le bol et d'une saturation ?

Nous sommes plusieurs à savoir qu'un espoir est possible, et qu'il faut arrêter de vendre son âme au mains de diplômés formatés qui eux coutent réellement très cher, sous peine de ne plus avoir de leviers pour rebondir ! Cette industrie, française dans son essence et dans ses veines, nous devons en être fiers et la valoriser, la vendre, certes, mais avec ses valeurs, ses points forts, son âme, la vraie, ses forces, ses ressources réelles. Hermes en est un bel exemple. Vous n'imaginez pas la richesse d'une palette par exemple et les progrès que l'on fait sur les matières. Tout ça pour ça ? Voilà le constat. Sacrifier ces richesses sur l'autel d'une mondialisation standardisée pourrait, à terme, lui être fatale, car à perdre son âme, il n'y aura pas que les innocents qui seront massacrés.

Illustration : Rubens, le massacre des innocents. Dior, Lancôme, Yves Saint Laurent.

14 commentaires:

Jicky et Phoebus a dit…

Personnellement, je boycotte Dior
Jicky

Géraldine a dit…

Personnellement, je boycotte les daubes ;-)

soph a dit…

thierry: oui c'est désespérant!
je n'ai rien à ajouter quant à ton article qui est un bon résumé de ce qui se passe actuellement dans le secteur de la parfumerie.
je visualise très bien la scène du miss dior dont tu parles, mais je pense que justement des gens gens comme toi doivent intervenir!

quant à opium, nul doute qu'il ait fait les frais de l'IFRA, mais j'ai quand même l'impression que c'est aussi commercial si on l'a doté, entre autres, d'un fond plus vanillé qu'avant, pr le rendre plus accessible.

Anonyme a dit…

Le consommateur de parfums intelligent 2011 ne met plus les pieds dans une parfumerie, il va sur ebay.com et achete les versions vintage / pré-reformulation de ses parfums préférés.

Mes derniers achats vintage/pré-reformulation :

Boucheron (made in Switzerland)

Rive Gauche YSL ancien packaging

Cristalle eau de toilette flacon splash

No.5 extrait (surtout eviter l'extrait des annees 80 et 90 qui vire avec une note plastique, n'acheter que les plus vieux annees 50/60/70, vraiment superbe ou bien celui du debut des annees 2000)

Feminite du Bois, flacon splash annees 90

Poison de Dior, ancien packaging


Emma

DAU a dit…

Entre "plus de LVMH" et "j'ai arrêté Chanel", plus un P&G qui ne m'inspire que de la méfiance et un l'Oréal qui ne me convainc pas, voir me soulève le coeur quand je pense au massacre YSL (reformulation sauvage-lifting raté + flanker honteux), je dois bien dire que je fais des économies et que je suis aussi et surtout très malheureux. Car il nous reste quoi?

Thierry Blondeau a dit…

Il nous reste heureusement quelques marques de niche qui ont le mérite de travailler avec de belles matières, puis Annick Goutal et l'Artisan, qui restent encore (pour combien de temps?) assez devant qualitativement parlant. Hermes, réussit à consilier un équilibre, et Frédéric Malle maintient son exigence.
Par une approche plus pragmatique même si elle est efficiente, concernant P&G, je trouve que ce qui est fait est paradoxalement moins pire que chez L'Oréal, où c'est vraiment la grosse cata, et où on touche vraiment à l'identité, au socle et à la force de marques comme Lancôme et YSL. Quant à LVMH, c'est tellement fouilli qu'il est difficile de s'y retrouver et de deviner où cela va, mais ce n'est pas très optimiste.

Anonyme a dit…

mechant loup, oui bien sur il nous encore reste des choses, je suis une puriste, donc forcement 100% pessimiste et drama queen!

Hermes est une belle reussite de la parfumerie avec sa propre identite et un soucis d'authencite parce qu'Hermes c'est pas du luxe bling, c'est une maison serieuse (meme un peu trop quelque part). Par contre moi qui aime les parfums tres femme avec des overdoses de notes poudrees et d'aldehydes, me contenter que des creations de Jean-Claude Ellena ne me satisferait vraiment pas.

Je viens de tester la version eau de toilette du No.5, voila un tres un grand classique intemporel a redecouvrir dans cette concentration (meme si l'actuelle reformulation de l'extrait est je trouve vraiment deplorable et que l'edp fait vraiment trop penser aux annees 80 et l'original COCO).


Emma

Méchant Luop a dit…

Je comprends ton point de vue sur le style Ellena, qui en effet correspond à une vision bien précise du parfumage et de la création.
Pour mettre une petite touche d'optimisme, heureusement qu'il y a aussi Serge Lutens, que j'avais oublié, et que chez BPI, on essaie encore de faire des parfums de créateurs, dans la tradition des Christian Dior et Yves Saint Laurent de leur vivant.
En outre, des marques comme Balmain, Balenciaga, Pascal Morabitto, qui ont marqué par des parfums très signés, manquent cruellement dans ce paysage. A l'image de Piguet, il serait intéressant de voir revivre leur patrimoine, aujourd'hui presque introuvable pour certains de leur parfums.
J'attends aussi de voir ce que va donner Jacques Cavalier, qui devient en 2012 parfumeur maison chez (tenez vous bien) Louis Vuitton, dont on attendait un parfum depuis bien longtemps. Il y aura peut être des surprises, d'autant que le fait de regrouper les achats de matières premières au sein du groupe LVMH, pour Guerlain, Givenchy, Kenzo, Dior, et Vuitton, peut soit ouvrir des pistes, ou alors brider la créativité par un travail en "plateformes" communes à ces marques. Exemples : Eau Demoiselle = Idylle / Dior Homme = Shalimar Initial / J'adore = Galsomino Nobile chez Aqua di Parma et d'autres échanges entre Kenzo, Pucci et les Aqua Allégoria par exemple.
Cela se voit et doit être dit, juste pour que vous sachiez.

Ambre Rouge a dit…

J'ai souri en lisant votre billet car il m'est arrivé la même mésaventure avec Miss Dior. Dans mon souvenir, c'était un vrai chypré; et lorsque j'ai dit à la vendeuse que ce qu'elle m'avait vaporisé, c'était tout sauf Miss Dior", elle m'a regardée comme si j'étais une demeurée inculte complètement out-fashion.... J'avais une appréhension avec Opium, je me demandais ce qu'on avait fait à la magnifique bouteille d'Opium,ce magnifique flacon à opiacées des samouraïs. Je vois qu'il n'a pas échappé à l'édulcoration de la mondialisation ! Mais je garde espoir: tant qu'il y aura Thierry Mugler capable de nous faire un Womanity avec une vraie identité olfactive ou de nous sortir des collections comme le Goût du parfum, Serge Lutens ou des parfums délicieusement irrévérencieux à base de sécrétions corporelles ou de voulutes de cigarettes comme l'Etat libre d'orange, on a encore des belles formes de résistance au nivellement par le bas en matière de parfum ! Vive la rébellion !

Thierry Blondeau a dit…

En effet, voir, savoir permet de distinguer les différences et à ce titre l'exemple de Thierry Mugler est un excellente illustration. Des parfums signés et de caractères, des variations intelligentes et réfléchies plus que de stupides flankers qui sentent l'économie. Les exemples que vous citez sont pertinents et montrent en effet qu'il existe comme une forme de résistance,de rebélion, dans un monde paradoxalement lié au luxe et qui doit le rester...

zab63 a dit…

Tout à fait d'accord avec tout ce qui est dit ici. Emma, moi aussi je préfère le N°5 en EDT, et vous qui aimez les parfums très femme poudrés et aldéhydés, sachez que chez Hermès,"24, Faubourg" est à retenir (un Roucel ...)et chez Van Cleef, "First" est resté magnifique ( du grand Ellena avant la période Hermès ).

Méchant Luop a dit…

Petit avis perso : j'adooore 24 Faubourg, c'est du grand art, je trouve First très "glacial" et cinglant, mais en effet, il n'a pas beaucoup changé, et par contre, je n'aime pas l'Eau de toilette N°5, que je trouve désincarnée.
Pour ce qui est du style Ellena actuel, mon "Ellenathon" continue, et franchement, mis à part la tenue de certains, je suis rarement déçu au porté, pour qui, comme moi, n'aime pas être envahit par un parfum.

Blonde Sofi a dit…

Je pense que YSL et Dior sont morts.

Lili Gen a dit…

la prochaine fois, moi je pense que tu devrais intervenir, si ce n'est que pour aider une pauvre dame! De plus, je suis certaine quelle aurait aimé l'intervention d'un connaisseur comme toi ;)