lundi 28 mai 2012

La Petite Robe Noire - Guerlain 2012 : these notes are made for lolitas !

Si les boots sont faites pour arpenter les trottoirs, les parfums, eux, sont faits pour être portés pour... arpenter les trottoirs. Et dites mois donc où, dans quelle ville cela est à la fois ludique, romantique, divertissant, culturel, et chic-issime ? Vous avez deviné ? New York ? Trop vulgaire, Londres ? Trop classique, Milan ? Trop Fashion,  Moscou ? Trop bling-bling, Dubai ? Trop chaude, Shanghai ?  Trop neuve... Non , non et non, rien ne vaut Paris, la "glamoureuse", la romantique, la rigolote. LA ville qui sent, la ville qui brille sous la lumière, la ville aux mille rues, aux mille paysages, qui réserve à chaque pas son lot de surprises. Alors, quand on est une marque française de parfums de luxe, parler de tout cela peut sembler difficile, c'est essentiel. Ainsi, pour le coup, la communication autour de La Petite Robe Noire marque des points et innove par sa cohérence et son esthétique.

Le parfum, lui, s'inscrit dans le même esprit chic revivifié. Les codes des grands classiques de Guerlain sont bien là, comme il y a trois ans dans mon précédent article, la composition originelle sortie en 2009 ayant été à peine retouchée. Thierry Wasser s'est contenté de la rendre un peu moins sirupeuse, un tout petit peu plus acidulée, mais tout de même, alors que tout le monde s'accorde à dire que Lolita Lempicka est un masterpiece, pourquoi ne pas reconnaitre les qualités intrinsèques de ce petit bonbon de parfum ? Car, non, il n'est pas prétentieux, il ne surjoue pas, il se fond dans le sucre en restant espiègle et original, sans devenir vulgaire comme peuvent le faire d'autres mainstream trop faciles, ou même parfois certains parfums de niche, sans que personne ne trouve rien à redire. Et oui, pour certains, il est sans doute plus facile d'être vulgaire sans que personne ne le remarque que d'être chic en pointant le bout son nez avec un peu de cuir "suédine" acidulé, de grenadine saupoudrée de griotte ? La Petite Robe Noire s'affirme comme le font les boots Louboutin, chic, hautes sur pattes et avec une certaine tenue, revendiquant une parenté évidente avec certaines déclinaisons de Lolita Lempicka comme Shalimar en son temps s'inspirait de l'Ambre de Coty. Les notes sont faites pour lolitas en herbe, c'est évident, mais pourquoi les fruits et un peu de sucre n'auraient pas quand même droit à quelques lettres de noblesse, dans cette cacophonique parfumerie contemporaine ? 
Indispensable depuis toujours à tous succès grand public, la communication, elle aussi, très actuelle et très adroite, permet à La Petite Robe Noire de revenir, plus jeune et espiègle que jamais. Même si je préfèrerais voir Guerlain réinventer de nouveaux grands classiques ou travailler ses anciens dans un esprit plus contemporain que de voir cette marque se lancer dans la gourmandise parfois excessive, comme il y a trois ans, j'aime savoir que Guerlain est aussi sur ce terrain sans se prendre trop au sérieux. La Petite Robe Noire a su en outre, trouver son public. Une petite balade sur les marches d'escaliers parisiens ? Enfilez vos boots et choisissez la robe qui va avec, qui sait ce qu'elle sera, mais elle sera noire ? Are you ready boots ? 

Illustrations : walking boots par Guy Bourdin, Guerlain

dimanche 20 mai 2012

Amor Amor - Cacharel 2003 : flamencorazon.

S'il y a bien un pays où Amor Amor rencontre le succès, c'est l'Espagne. Est-ce étonnant ? Amor, Amor, mots qui résonnent comme le cri d'une jolie femme à la chevelure noir corbeau, à la peau brune et à la poitrine généreuse qui réclame à son cher et tendre un peu d'amour, comme ce "Carlos, Te quierro Carlos", poussé dans cette scène théâtrale, digne d'un opéra de Bizet, croisée en pleine rue de Barcelone.

Pour ma part, la lecture que je fais d'un style et d'un esprit espagnol, c'est une alternance de courbes généreuses, de couleurs chatoyantes, d'arêtes vives, souvent éprises d'un caractère affirmé, qu'il soit dramatique ou plus enjoué. L'on retrouve cette constante dans les oeuvres de Dali, Picasso, dans le rythme du tango, de la salsa, du flamenco, dans le design de Gaudi ou de Calatrava, dans le design des Seat. L'alternance de force et de sensualité contribue à ce caractère, que se retrouve exprimé dans Amor Amor.

Tranchante couleur rouge exprimée par une rose électrique et vive comme un claquement de doigts chère à Dominique Ropion, couleurs et fruits de l'Espagne avec la fleur d'oranger et l'orange sanguine aussi souples que la dentelle d'un éventail, fleurs sensuelles et affirmées comme la tubéreuse (dont les espagnoles raffolent) et le jasmin, aussi généreuses que les courbes sensuelles d'une danseuse, Amor Amor ne peut masquer son caractère, son "coeur flamenco". Il envoie, certes, mais cette ardeur s'entrecroise de douceur dans les courbes de son évolution sur peau. La note se fait plus suave, plus bonbon, et l'on devine un soupçon de vanille, chaude, sensuelle, soutenue d'une note très caractéristique et régressive de crocodile Haribo (le vert). Petite touche "réglissée" (peut être la fleur de mélati mentionnée dans les notes existantes?) un brin intrigante et pour donner le piment qu'il lui faut, et le tour est joué, la danse peut commencer. Comme l'Espagne, Amor Amor est jeune et l'assume ! 

Amor Amor a su conquérir son public, mais il reflète aussi la personnalité d'un peuple dont l'histoire, l'art et le patrimoine culturel et musical oscillent entre des phases euphoriques et d'autres plus dramatiques. Il porte en lui l'ardeur, la fougue opposée à la douceur, le claquement brutal des talons, la courbe du roulé sensuel de poignets ou de jambes, le flottement du jupon de tulle, comme un coeur de flamenco. Un flamencorazon ?

Petit conceil : oubliez les variantes trop nombreuses et très vairées, car quitte à assumer, autant préférer Amor Amor L'Absolu, ou Amor Amor Elixir Passion, plus denses et fidèles à l'original.

Illustration : danseuse de flamenco, Cacharel.

jeudi 10 mai 2012

Violet Blonde - Tom Ford 2011 : faites courir le bruit...

 

Il se murmure que Tom Ford, même si l'on connait ses penchants pour la gente masculine, serait parfois interloqué par le parfum de certaines femmes. En esthète, il observerait, mémoriserait, demanderait parfois ce que ces femmes portent et s'en inspirerait ensuite, pour créer ses parfums. A n'en pas douter, tout en reconnaissant que les inspirations ne sont pas des moindres et que Tom Ford sait ce que beau veut dire et ce qu'il veut, il faut bien admettre que ses créations sont "inspirées". Et c'est exactement ce que je pense de Violet Blonde.
Pourtant, force est de constater que Violet Blonde reprend une trame très classique mais au combien noble de bergamote, de violette, de clou de girofle, d'iris et de jasmin, assez classiquement utilisée dans les années nobles de la parfumerie dans les grandes références de Caron et de Guerlain. Ainsi, à l'aveugle, il pourrait presque prétendre à ces deux marques. Ce qui fait sa particularité, c'est l'accentuation de l'accord "banane/vernis à ongle" caractéristique du jasmin et nécessaire pour en créer un beau, mais qui est ici soutenue par une note verte et assez végétale, un peu comme dans Vanille Galante, qui pourrait être dû à un absolu tiaré de belle facture. Un stade poudré irisé se dévoile ensuite, mais un peu à la manière d'un Bas de Soie, comme une violette grisante qui "électriserait" l'accord. Sur peau, le parfum se fond dans les épices comme le clou de girofle, la cannelle, pour laisser place à un accord de bois de santal lacté, doux, onctueux, à la limite du café "moka". Les potins racontent qu'à ce stade, il y aurait déjà un peu de Samsara ?

Il se murmure pourtant que cette violette électrique serait blonde ? Il faut alors se pencher sur le sillage : celui-ci me frappe car il n'est pas vraiment rétro pour autant, même si l'on peut aisément le qualifier de "vintage". Il est plutôt très solaire, polarisant, jouant entre un ylang-ylang exubérant, et un tiaré à fleur de peau soutenu d'une pointe de vanille fine et légère. Traversé par la violette irisée, poudrée et fusante décrite plus haut, le sillage peut faire penser à du Monoï. Il se murmure aussi que tel ce que pourrait porter une belle blonde à la peau bronzée, il rappellerait vraiment beaucoup le regretté Ylang Vanille de Guerlain, en plus "sec". Il y a pire non ? Pourquoi ne pas alors chuchoter à l'oreille de femmes qui aimaient ce parfum qu'elles peuvent enfin, peut être, se retrouver dans cette blonde habillée de violette, qui n'est est pas vraiment une.

Regarder la couleur des yeux de Blake Lively, n'y a t il pas un peu de Violet dans cette blonde gossip girl en puissance ? Noble, solaire et exubérante, cette blonde ne dira pas son secret, sa peau bronzée et sa chevelure électrise, mais elle cachera ses inspirations et ses références, bien évidemment : ses codes sont de grands classiques !! Gossips, gossips, ou réalité ? Il se pourrait bien que ceci ne ne soit que du potin de Méchant Loup ? Mettez vos nez à l'épreuve, et faites courir le bruit ... 

Illustrations : Blake Lively, Tom Ford,

samedi 5 mai 2012

Black Orchid - Tom Ford 2006 : végétale attraction.

Quand il s'agit d'imaginer ce que pourrait être l'odeur d'une orchidée à la demande d'un directeur artistique de renom, le défi ne doit pas être simple. Par où partir, comment traduire cette fleur qui à priori, ne sent pas grand chose ?
Le choix des parfumeurs fut d'aller disséquer la fleur d'orchidée afin d'en étudier ce qu'il était possible d'en extraire olfactivement. Ainsi, le sentiment d'avoir trituré une orchidée des pétales à la sève, en passant par le pot de terre dans laquelle elle est plantée semble avoir guidé la démarche. L'idée retenue fut donc une orientation très végétale, très sève de tige, verte, grasse mais pourtant assez douce. Heureusement, dans la palettes des parfumeurs, les nouveaux muscs offrent de multiples possibilités pour exploiter cette idée, qui du coup devint exacerbée.

Black Orchid se devait pourtant de rester féminin. Il l'est mais il sait aussi se faire sensuel et attirant. Les notes solaires de l'ylang ylang, celles, sensuelles du jasmin frais, les facettes froides de l'encens, du poivre rose et celles, plus chaudes, du bois de santal, du patchouli, d'une note vanillée et de la cannelle chère aux américains habillent tel un fourreau noir la trame végétale réussie, constituée de muscs, d'une bonne dose de salicylates pour un effet proche de celui ressenti lorsque l'on s'approche de la sève d'une orchidée. La truffe noire est évoquée, est-ce parce qu'un des muscs utilisé présente des notes "végétales" , veloutées, très légèrement vertes et terreuses d'un champignon fraichement coupé ? La rose, sans doute une des fleurs préférée de Tom Ford et traitée ici dans un esprit plutôt classique voire à l'ancienne signe le sillage pour une féminité d'un style très chic et affirmé.

Pour moi, Black Orchid est une création marquante de ces dernières années, original et sans aucun doute déroutant pour les "mouton-nez" habitués aux patchoufruits, mais c'est tout en sa faveur, ce parfum correspond tout à fait à l'idée que l'on peut s'en faire lorsque l'on prend le temps de s'arrêter sur le nom. Traveling sur une orchidée noire imaginaire, un fourreau, une femme, sensuelle et énigmatique, toute les armes d'une séduction un peu distante, toute en finesse... comme dans un film ? A vous d'inventer le scénario...

Illustrations : Jeff Dunas, Tom Ford.