mardi 28 août 2012

Séville à l'aube - l'Artisan Parfumeur 2012 : demain, dès l'aube.


"Te souviens tu de cette nuit ? 

Les rues de Séville, un jour de procession, où l'encens sacré, accompagnant les fidèles, envahit les rues. Je réussis à me frayer un chemin parmi cette foule, pour y rejoindre ce petit coin de bonheur où tu m'attends : petit patio fleuri d'orangers, où coule une fontaine, havre de paix pour une nuit de rêve.

J'entre. Tu m'attends, là, dans cette petite pièce, fidèle à toi même, souriant, aimant, amant ? Lourd, suffoquant sous cette chaleur, que l'ombre des volets rafraichit à peine, le jasmin d'Habanita, que je porte en ce jour consacré, envahit l'atmosphère. Le cuir, le miel, la vanille et le vétiver peinent à calmer ses ardeurs, comme je peine à calmer les miennes.

Peu de temps nous retient avant de nous enlacer, la nuit sera courte. La lavande de la fougère classique que tu portes et que j'affectionne me réconforte, m'enlace, Habanita t'envahit, s'enroule autour de toi, puis, dans nos élans, les deux se confondent, comme nos deux corps, enlacés.

Moment de calme et de caresses, un nuage de cigarette se glisse entre nous deux. 

Au petit matin, alors que j'ouvre les volets, les orangers en fleur embaument, et sur nos peaux, quelques notes ambrées de benjoin et de ciste.

La page se tourne, jusqu'à la prochaine fois, car ne t'avais je pas dit que demain, dès l'aube, à l'heure où fleurit l'Alcazar, je partirai ? "
Illustration : image d'un petit hôtel de Séville, à l'aube, sous les orangers, texte inspiré par l'histoire du parfum, flacon l'Artisan Parfumeur.

mardi 21 août 2012

Lonestar Memories (03) - Andy Tauer 2006 : parfum fantasme ?

Il est des parfums qui n'en sont pas vraiment, mais dont l'idée est tellement forte que la construction et la façon dont ils évoluent sur la peau se fait de manière assez surprenante. Contrairement à la majorité des parfums du marché, dont la construction commence par des notes de tête fraîches et propres pour éventuellement évoluer vers un coté plus chaleureux ou plus sombre, Lonestar Memories prend le contrepieds pour affirmer une personnalité forte et bien singulière...

Départ très inhabituel sur des notes très fumées de camboui et de tourbe, un peu comme si la personne qui le porte sortait tout droit d'un garage après avoir bricolé, juste avant de prendre sa douche, comme sur la photo de Herb Ritts ci-dessus (attention mesdames on se calme!). En passant sous la douche, petit à petit, le camboui se retire et une sensation plus douce et savonneuse de géranium qui fait penser à certaine crèmes utilisées pour le maquillage de cirque, de fougère et de muscs prend le relai. Ce camboui ne serait-il alors qu'un camouflage (attention mesdames on se retient!) ? Quand il sort de la douche, il revient tout propre, frais et dispo, sentant presque la lessive et les fleurs. C'est alors que se dévoile la rose douce et cireuse chère à Andy Tauer. On l'imagine alors dans une pièce sentant le bois ciré, le miel (bon là, ok, on ne retient plus personne!)

Le parfum semble donc entièrement construit autour de cette idée, les notes brutes du départ évoluant vers une sensation savonneuse, douce et attachante, qui invite aux caresses ou à la sieste coquine peut-être ? Qui sait, comme un futur souvenir gravé dans la mémoire ? Un parfum cuiré tourbé miellé et doux sur la fin, au combien original, qui n'est pas à porter tout le temps ni tous les jours, mais un parfum "fantasme", construit comme une oeuvre, qui s'apprécie pour ce qu'il est, et parce qu'il colle parfaitement à l'idée qu'il véhicule.

C'est sans doute pour cela que les parfums Andy Tauer existent et méritent leur place sur le marché, c'est leur raison d'être ! Hi Andy, perfume art needs you  !

Illustration : Andy Tauer, Herb Ritts.

samedi 18 août 2012

Coriolan, Higher : les incompris de LVMH ?

Ces deux parfums ont quelques points communs : ils s'adressent aux hommes, sur des trames boisées aromatiques en apparence faciles, et ils ont tous deux connu un succès très limité. Pourquoi ? Auraient ils été incompris, ou trop en avance sur la tendance ? 

Coriolan tout d'abord : quand je l'ai découvert en 1998, c'était en pleine période ou psychologiquement, beaucoup pensaient de Lvmh allait tout cassé dans la maison, et ceci a eu pour conséquence de mal comprendre ce parfum.

Coriolan tout d'abord : quand je l'ai découvert en 1998, c'était en pleine période ou psychologiquement, beaucoup pensaient de Lvmh allait tout cassé dans la maison, et ceci a eu pour conséquence de mal comprendre ce parfum. Au premier abord, sa trame boisée paraissait tellement courante que l'on avait l'impression d'un parfum peu original, ayant peu de personnalité, mais c'était mal comprendre que Coriolan était en fait un parfum d'initiés, capables de reconnaître la qualité des produits naturels qui le composaient, comme l'immortelle, dont la profondeur et la qualité approfondissait l'aspect "terre chauffée par le soleil" que véhicule le parfum. Pour moi, Coriolan évoque toujours aujourd'hui les forêts de pinède dans un paysage assez sec, et l'odeur d'un cheval aux tons ambrés au galop qui passerait dans ce paysage. Coriolan ne serait il pas d'ailleurs un joli nom pour un cheval ? J'ai porté ce parfum une journée pendant mes congés, alors qu'il faisait chaud, et je le l'ai redécouvert à cette occasion. Dans cet environnement sec et aride, un soir d'été sous une chaleur torride, avec ses notes fumées, boisées, aromatiques et quelques facettes florales et ambrées, il était parfaitement à sa place. En outre, le flacon est magnifique....

Pour Higher, je crois qu'Hédi Slimane savait parfaitement quel choix il faisait, car malgré des apparences assez simples et à priori assez "vues", la construction de Higher révèle une finesse et des facettes plus riches et plus "françaises" que certains parfums américains dont il pourrait s'approcher olfactivement. Moins chargé en DhMol, l'accord de basilic naturel et de poire structure le parfum demeure assez stable dans l'évolution, ce qui prouve une structure solide et affirmée. Quelques notes de jasmin, d'hédione, de bois secs et de muscs blancs modernes affinent le trait d'un parfum facile à porter mais très équilibré, dans lequel apparait même une toute petite pointe de cuir. Je le redécouvre également alors qu'il fait chaud, de même que son descendant que j'avais un peu sous-estimé à son lancement, mais qui se révèle un peu dans la même lignée olfactive, à savoir Lacoste L12-12 White, dont les notes de tubéreuse et de cuir d"un aspect camphré rappelant quelques crèmes apaisantes utilisées dans l'univers du sport accompagnent parfaitement les facettes fraîches et dynamiques, surtout par un temps chaud comme celui de ce jour précis ou j'écris cet article. Le flacon, assez peu flatteur en terme de qualité perçue, mériterait peut être une autre réflexion ?


Coriolan, lancé sous une autre marque aujourd'hui serait considéré sans doute comme un produit de très bonne qualité technique et olfactive. Higher, lui, trouve une descendance dans L12-12 White, et sa trame, bien que commune, continuera à vivre tant que les hommes rechercheront de la fraîcheur. Par rapport à d'autres produits du mainstream, Higher et L12-12 paraissent mieux composés, plus fins et plus intelligents.

Et si ces deux incompris en leur temps avaient droit à une seconde chance ? Qu'en pensez vous ?

Illustation : photo de chevaux au galop dans un champ aride, Guerlain, Dior.

lundi 13 août 2012

So French - Eisenberg 2011 : bel hommage !

Il y a parfois de beaux hommages à la parfumerie française et c'est à travers une gamme originale qui joue sur les codes de la séduction que se présente la collection des parfums Eisenberg que l'on ne trouve que très difficilement voir pas du tout en France. Pourquoi ? Est-ce trop décalé ? Les illustrations de Juarez Machado font elles fuir ?
Intéressé en approchant une gamme dont les parfums sont assez bien construits sans tous être originaux, je retiens mon attention sur So French ! "Tellement français" : Tout un programme, que le parfum tient plutôt bien. Se voulant un hommage à la grande parfumerie française, il appelle dans ces premières notes une ressemblance avec l'ainé de tous, le Numéro 5. Puis, par la suite, le maintient devient très poudré, très irisé, relevée d'un jasmin crémeux et solaire, plus proche de Liu ou d'Arpège. Effet de crème solaire et de cosmétique assez marqué pour ce sillage qui finalement se fond dans un cocktail de baumes très doux, où tolu, styrax, muscs aux airs de cuir retourné apportent une profondeur et une tenue digne des plus grands. Plus tard, de belles surprises avec les facettes amandées-mimosa invitent à l'Heure Bleue, et le cuir, qui nous envoie à la mémoire d'un Vol de Nuit. Il y a pires références non ? So French est un parfum limpide élégant et sans chi-chi, d'une beauté simple qui rappelle la belle époque ! A porter comme un vintage, pour amatrices d'Arpège, de N°5, de Calèche, de l'Heure bleue ou de Cuir de russie. Je ne le trouve curieusement pas rétro pour autant, car, porté un soir d'été, il dévoilera des notes solaires, de mimosa et de cuir dans un sillage très "crème solaire" si l'on ne sait pas que la personne est parfumée. Le cuir et la peau d'homme, eux, se marient très bien avec lui.
Alors, comparé  à certaines créations comme Gold de Amouage, il n'est pas utile de forer du pétrole pour pouvoir se l'offrir, à condition de voyager hors de France... alors, suivrez-vous ?

Illustration : John French, parfums José Eisenberg.