samedi 30 juillet 2011

Revue de rentrée : petit avant goût.

Encore un mois et le marché de la parfumerie va s'enrichir de son lot de nouveautés attendues. Le hasard des rencontres et de mes promenades olfactives m'ayant permis cette année d'en découvrir quatre avant leur diffusion en boutique, j'en profite pour vous livrer un petit avant goût avant qu'ils n'arrivent à la fin de ce mois d'Août pour les premiers !

Mon Parfum Chéri - Annick Goutal : il manquait à la marque un parfum de facture classique, très chic et sophistiqué mais moderne. Mon Parfum Chéri reprend discrètement la rose chyprée et l'iris comme trait d'union avec la famille des grands classiques de la marque et comme un hommage à Annick Goutal voulue par sa fille tout en jouant l'exercice des vrais-faux chypres modernes. Le départ est un surprenant accord d'iris-cacao presque ganache qui évolue vers un coeur de rose traitée en transparence et de patchouli terreux. Une pêche duveteuse et lactée prend le relais, soutenue par la note un peu grasse d'une vraie racine d'iris naturelle et par un accord qui remplace la mousse de chêne. Ainsi, quelque part entre Jubilation 25 de Amouage et 31 rue Cambon de Chanel, il y aura maintenant Mon Parfum Chéri d'Annick Goutal. J'ai beau essayer, même si j'aime de départ cacaoté et élégant de ce dernier né, cette école "moderne " des chyprés clairs ne réussit pas à m'émouvoir comme ont pu le faire les chypres anciens, bien plus riches, sombres et mystérieux que sont Mitsouko ou Femme.

Batucada - l'Artisan Parfumeur : caipirina, musique, danse et joie de vivre, tels sont les leitmotivs qui ont guidé la création de ce parfum. Un départ assez vif et très fidèle au cocktail ouvre le bal. Je n'ai pas envie d'entrer dans le détail des matières utilisées, mais j'ai vraiment le sentiment qu'elles ont été choisies avec le même soin que ce qui est fait chez l'Artisan habituellement. La volonté de créer un parfum gai et chantant est par contre parfaitement traduite, de même que la sensation d'une peau couverte d'huile bronzante à l'odeur de papaye, d'ananas, de noix de coco et de peau sortie de l'eau couverte de sable. Le sillage et le fond en font un parfum très agréable à porter, qui booste le moral et se fond avec la peau de manière étonnante pour un parfum qui reste frais. C'est vraiment du beau travail de la part de Karine Vinchon et Elisabeth Maier, comme une sorte d'Aqua di Gio "à la l'Artisan", pour se rendre compte qu'il n'y a rien de tel que beaucoup de belles matières naturelles.

Kokorico - Jean Paul Gaultier : tout le monde l'attend, le veut, l'envie et le désire déjà. Vous serez forcement amenés à porter un jugement. Deux options se présenteront alors : vous aimerez ou vous n'aimerez pas du tout, mais il ne laissera pas indifférent. Sur ce terrain, c'est déjà gagner, et la communication décalée chic et très Gaultier saura vous le faire désirer. On parlait de chocolat, de figue, je m'attendais à tout, et particulièrement à quelque chose proche de A Men mais il n'en est rien. Comme cela était évoqué par Octavian et Denyse de 1000 fragrance et Graindemusc, Firmenich travaille selon le principe de l'olfactive Design, et il semble bien que cela se dévoile dans un parfum comme Kokorico. Le parfum s'ouvre sur une surprenante note de lait de figue, très douce ainsi que sur une note que je perçois comme étant un accord "madeleine beurrée" issu sans doute de l'olfactive design et déjà exploitée par So Oud dans un de leur parfum récent. Ce duo est très original et oscille à mesure que l'on porte le parfum, la figue prenant régulièrement le relais de la madeleine. Le fond, boisé, parait très brutal et viril sur touche, car il contient une bonne dose de "bois ambrés" qui sont aussi des spécialités Firmenich, mais il sait se tenir juste comme il faut sur peau en jouant avec le moka, la madeleine et le lait de figue, comme savait le faire un autre Olivier Cresp comme Black XS, avec ma peau en tout cas mais pas sur d'autres il est vrai. Une belle surprise, juste "borderline" comme il faut entre du mainstream efficace et de la "niche", et très agréable au porté.

Juniper Sling - Penhaligon's : j'adore la baie de genièvre, mais c'est une note difficile à travailler et qui plus est contient des facettes que je préfère ne pas développer car ce serait indécent. Une chose est sûre, c'est une note qui "fonctionne" à merveille avec certaines peaux, mais qui donne un parfum soit merveilleux et subtil, soit franchement importable. Ainsi, Juniper Sling ne pardonne pas. Soit votre peau lisse les notes un peu "cracra" de la baie de genièvre en dévoilant les facettes cocktail et alcool de ce parfum, soit elle fait ressortir cette baie de manière violente et là, il serait un peu "délicat" de sortir parfumé de la sorte. Passer le cap, et si ce parfum s'accommode à vous, vous serez habillés d'un sillage limpide, scintillant et légèrement métallique qui fait penser aux alcools de poire ou de prune, où ambrette, ambretolide, poire et note alcooliques se conjuguent à la manière d'un N° 18 de Chanel. Une cologne moderne, originale et mixte qui inaugure la collaboration entre Penhaligon's et Olivier Cresp, et qui a aussi le mérite d'ouvrir d'autres territoires moins classiques à la marque.

Voila pour ce bref tour, mais il y en a d'autres que j'ai hâte de connaitre : Candy de Prada, N°19 Poudré de Chanel (il paraitrait qu'il est à la hauteur), Le Fou 21 et la Tempérance 14 de D&G, l'Eau d'Ikar de Sisley (pour homme), Balenciaga l'Essence.

Illustrations : Annick Goutal, L'Artisan Parfumeur, Jean Paul Gaultier, Penhaligon's.

samedi 23 juillet 2011

Randonnée champêtre.

Tout commence en 1936 avec les congés payés. Nous ne nous en rendons pas forcement compte aujourd'hui, mais se dire que nous pouvons partir quelques semaines nous aérer la tête est une chance que tout le monde n'a pas. Pour célébrer cet évènement et suivant ainsi le courant de l'époque, Jean Patou imagine Vacances, la même année. Sans le savoir, il créer un parfum intemporel. Vacances, de part ses notes, sa signature et son style habillé de fleurs des champs, de tilleul, de "miel de violette" et de mimosa, fait penser à une balade champêtre dans une campagne que les français découvrent à l'époque. S'il est senti à l'aveugle, on le prendrait presque pour un "Giacobetti", comme un vraie claque qui vous fait remonter le temps. Que diriez vous de quelques fleurs de campagne pour une balade parfumée par ce temps pas très chaud ?

Le lilas : Olivia Giacobetti semble aimer les promenades à la campagne et surtout, elle semble avoir été marquée par Vacances. J'ai comme l'impression que En Passant et l'Eté en Douce en sont les descendants directs, l'un étant plus tilleul/lilas, l'autre plus "blé/musc". Comme pour en passant, la balade dans les champs continue...

Même si ce n'est pas un chef d'oeuvre de belle matières riches et complexes, Pur Désir de Lilas de Yves Rocher est le soliflore Lilas le plus réussit du moment. Il nous projette dans un jardin, sous le lilas ou la glycine par un beau soir d'été... "vous prendrez bien un petit verre ?"

Les fleurs des champs : par la suite, c'est Jean Paul Guerlain qui à la fin des années 90 nous livre son interprétation très impressionniste de la balade dans les champs. Quand vient l'été sent le blé, les coquelicots, les herbes sèches et les fleurs des champs, il y met tout ce qu'il aime et l'on y retrouve le tilleul, le mimosa, le lilas, le muguet, une pointe de giroflée, et la note herbacée de la fève tonka et du foin. Pour moi, c'est un de ses plus beaux parfums (si je peux dire), qui me projette dans le tableau de Monet ci-dessus.

Le mimosa : Annick Goutal n'est pas en reste. Cette année, Isabelle Doyen et Camille Goutal nous proposent un coeur de mimosa sur un chemin de Côte d'Azur. La facette très poudrée du mimosa et de l'un de ses principaux constituant qu'est l'héliotropine a été comme aérée par une bonne dose de salicylate de benzyle et par une note de poire juteuse. Comme pour Champs Elysées de Guerlain, les pompons jaunes de Le Mimosa semblent plus lumineux et le sillage très sensuel tout en restant "sur la note" irisée et douce du mimosa.


L'héliotrope : comment ne pas évoquer le joli parfum de Patricia de Nicolai qu'est Kiss Me Tender alors que l'on se promène à la campagne ? Sur un chemin, des héliotropes, que ce parfum très mignon reproduit très fidèlement. Héliotropine à la note de mimosa poudré, vanille, une toute petite touche de "pain beurré" et surtout un oeillet bien ficelé nous emporte dans les champs, loin d'un Paris agité. Très tendre par rapport à d'autres parfums à sillage, il vaut vraiment de prendre le temps de s'attarder sur ce beau paysage.

La violette : petite fleur emblématique de la campagne toulousaine, la violette a toujours été très présente dans les parfums, et ce qui frappe, c'est qu'ils ne sont pas tous féminins. Deux chefs de file que sont Fahrenheit et Grey Flanel la portent en vedette. Pour femme, se sont Insolence et Après l'Ondée qui en parlent le mieux, sans oublier le McQuenn, une violette sucrée. Pourtant, et c'est peut être parce qu'elle est un peu connotée "ancienne", la violette n'a jamais vraiment été travaillée en soliflore, si ce n'est l'inusable Violette Berdoue. Pour dépoussiérer un peu le genre, l'interprétation de l'Artisan Parfumeur apporte à cette violette une certaine noblesse : le parfum de la violette est affiné d'une note de feuille de violette, plus verte que la fleur et d'un effet un peu "glacée", par une facette douce un peu "grenadine" et par un lit de mimosa et d'iris qui lui confèrent une facette cuirée très douce. Hormis les toutes première notes très violette, ce parfum n'est ni féminin ni masculin (le "vert" et le cuir aidant) et redonne ainsi à la violette son statut de fleur universelle.

Voilà, en attendant que le soleil remontre le bout de son nez et remonte un peu notre moral de citadins, je vous souhaite une agréable balade à travers champs...

Illustrations : Les Coquelicots de Monet - Jean Patou, Frédéric Malle, Yves Rocher, Guerlain, Annick Goutal, Nicolai, L'Artisan Parfumeur.

lundi 11 juillet 2011

L'Oiseau de Nuit - Parfumerie Générale par Pierre Guillaume - 2009 : alors que Paris s'éveille !

5h du mat ! Paris, endormi d'une lourde nuit de week end s'éveille lentement. Je dors. C'est alors que la clé tourne dans la serrure et me fait sursauter. Je l'attendais après une bonne nuit réparatrice. J'entends ses pas, dans le salon, dans la salle de bain, dans les toilettes. Oui, visiblement, elle a un peu trop bu mais que voulez-vous, une coupe et la tête lui tourne, elle qui est pourtant habituée à la fête ! Je ne dis rien, je reste calme à l'attendre...

Cet oiseau de nuit qu'est ma bien aimée rentre d'une soirée entre copines, et elles se sont amusées. Lorsqu'elle est partie, je n'ai pas fait attention au parfum qu'elle portait, mais je me souviens d'un somptueux nuage poudré que sa peau, d'une blancheur éclatante exhalait à merveille. Quel souvenir me laisserait-elle de cette soirée ? Elle ne prend que peu de temps pour se démaquiller mais je n'entends pas la douche. Fatiguée, lentement, je sens ses pas approcher du lit ou elle se glisse timidement. Je me retourne alors pour l'embrasser. Sur sa nuque, je devine les traces olfactives de cette nuit agitée : une sensation de peau chaude, un peu aigre laissée par le champagne, un peu de cigarette, un peu de fard à paupière, de la laque, le cuir de son veston et la sensation charnelle de ses sous vêtements de soie. Le nuage de poudre s'est dilué mais il est encore présent, duveteux, léger, aérien. Il se mêle aux baumes cireux et riches du labdanum, se glisse dans les notes camphrées du patchouli, se réchauffe de cannelle et de noix de muscade, et se fond dans les vapeurs de prune à l'eau de vie du davana. Le souvenir est pénétrant. Elle, n'est que plus désirable.

L'Oiseau de Nuit, comme l'idée d'une nuit de fête devenue parfum ! Au petit matin, aldéhydes, baumes, épices, cuir, patchouli et effluves alcoolisées, comme des éléments d'un décors de fin de nuit, construisent le sillage de ce parfum hors du commun, affirmant ainsi un style créatif marqué par un contraste entre les notes métalliques et épurées des aldéhydes et des accords très texturés, très ronds et souvent très chauds sur peau. Ce style ne cesse, au fur et à mesure que je le découvre, de me surprendre par sa modernité.

Illustration : Kate Moss par Mario Testino. Parfumerie Générale collection privée.

samedi 2 juillet 2011

Elie Saab Le parfum - 2011 : douceur et volupté.

Le Liban n'est pas un pays qui a connu de grandes périodes de paix au cours de ces dernières années et même si les tensions se sont apaisées, le climat reste tendu. Il en émane alors une certaine joie de vivre et le goût de vivre sans savoir de quoi demain sera fait. Elie Saab est de ce pays. Sa couture, connue dans le monde entier, est reconnue pour la qualité de ses broderies et la souplesse des tissus plissés. Plutôt que de céder à la mode et aux anorexiques junky, Elie Saab véhicule sereinement l'image d'une féminité sophistiquée mais toute en douceur.

Un peu de douceur dans cette mode de brut, c'est l'état d'esprit qui me vient pour évoquer Elie Saab et sa femme. Regard félin pour les deux, charme et séduction, mais aussi douceur et gentillesse. Ces deux là se sont trouvé une charmante complicité. Alors, quand il s'agit d'imaginer un parfum pour la marque qu'il a créé, comment ne pas vouloir se sentir épauler par celle qu'il aime ? Ainsi, madame Saab s'est livrée au jeu des nombreux essais nécessaires, à la création d'un parfum et lorsque l'on est fidèle à Empreinte de Courrège depuis très longtemps, relever le défi de passer à autre chose de plus personnel avec l'exigence que l'on imagine n'est pas chose aisée !

Mais le dialogue s'installe : pour son parfum Elie Saab voulait la même émotion que celle qu'il éprouve avec Empreinte sur sa femme, à savoir un parfum signé et de caractère. Mais avoir du caractère ne veut pas dire être agressif ou percutant, et il semble bien que Francis Kurkdjian, auteur du parfum l'aie décelé. Il a sans doute deviné également l'étincelle de lumière dans le regard d'Elie Saab, qui se devine également dans son travail qui malgré une signature orientale est empreint de transparence et de légèreté.

Elie Saab Le Parfum nous emporte en Orient, mais ne passe pas par le chemin habituel de l'ambre ou du oud. Francis Kurkdjian et Elie Saab se sont attachés aux gourmandises et pâtisseries orientales dont ils sont friands pour développer dans le parfum une fleur d'oranger ourlée de rose miellée qui évoque le liquide sucré, sorte de sirop d'érable d'Orient versé par tradition sur les desserts au Liban. La fleur d'oranger et la rose ayant été choisies bien sûr parce que se sont deux fleurs orientales par excellence. Cette "gourmandise" n'est en aucun cas trop sucrée, car cela aurait trahit le style Elie Saab. Ce style caractérisé par une certaine transparence lumineuse est parfaitement amené dans le parfum par un cocktail de notes boisées comme le patchouli et le cèdre et de muscs blancs, tous choisis dans leur variétés les plus "claires" pour apporter une douceur propre, cotonneuse et ample qui fait parfaitement écho aux volutes vaporeuses des collections d'Elie. Ce choix me semble judicieux et très cohérent dans un sillage signé, voluptueux et très féminin.

Féminité, douceur et volupté, lumière et ouverture d'esprit, gentillesse et générosité, c'est un peu ce que serait pour moi l'univers Elie Saab. Son premier parfum était attendu, j'avais même ma propre idée de ce qu'il pourrait être au premier abord autour de la transparence (Martine et Anne Marie, vous savez sans doute de quoi je parle), et parce que je retrouve une cohérence trop rare de nos jours et tous les éléments d'un style fort dans ce parfum très contemporain, je lui accorde volontiers le statut de coup de coeur de l'année 2011.

Illustrations : douceur et volupté dans la voix et les instruments de Fairouz entourée de fleurs blanches, Elie Saab le Parfum.