jeudi 31 décembre 2015

En 2016, chaleur et transparence...


L'année 2015 se termine, et voilà que s'annonce la suivante. Pour tourner la page il semble que cette nouvelle année se présente sous un jour plus léger, plus vivant, autour de la chaleur et de la transparence. 

Tons chauds et matières précieusement luxueuses seront sans doute mises en valeurs dans les lancements qui s'annoncent : Cuir Vétiver chez Yves Rocher promet du cuir et du bois, tout comme Armani Code Profumo, dont les couleurs automnales d'un dégradé qui rappelle l'irish coffee promettent une senteur chaude et enivrante. Chaleur du patchouli profond et dense avec Monsieur chez Frédéric Malle, que l'on a hâte de porter aux narines.  

La transparence se dévoilera dans des tons pastels et irisés, sans doute dans des travaux qui exploitent de nouvelles molécules plus transparentes et scintillantes que les sociétés de matières premières présentent régulièrement. Les flacons se font rose soyeux, vert jade, blanc pur ou transparent, comme ceux de L12-12 pour Femme et de CK2. Gourmandise acidulée également annoncée chez Dior, avec Poison Girl, sans doute un futur succès, pour un public plus jeune dont Dior ne souhaite pas se priver. 
Tons irisés également pour ma gamme et mes futurs parfums, dont les packagings changeront pour mieux coller aux nouveautés sur lesquelles je travaille et apporter un peu plus de couleur et de gaîté dans un univers repensé. 

Voilà, voilà pour le moment ce que nous connaissons de se qui s'annonce, et, sur ce dernier court article, je vous souhaite un bon réveillon et une excellente année 2016. 

Illustrations : David Lachapelle, Lacoste, Armani.

lundi 14 décembre 2015

Ecrire...ou pas ?

Bonjour à tous. Vous l'avez sans doute constaté, mais depuis le mois d'Octobre, je n'ai pas publié un seul article. Je ne saurais vraiment expliquer pourquoi mais ce constat de la page blanche s'explique sans doute par plusieurs facteurs. 

Tout d'abord, l'année 2015 a été marquée de mon coté par la commercialisation de 5 premiers parfums, et cela demande un peu de temps, de concentration et beaucoup d'organisation pour que ce qui n'était qu'un lancement "avec le moyens du bord" devienne quelque chose de plus ludique, de plus sympathique et de plus à l'image de ce que je veux apporter en 2016. Sans doute vers Mars, juste avant le printemps, il y aura donc une nouvelle identité qui passera par de nouveaux flacons, des packagings revus et plus qualitatifs, deux nouveau parfums et un Ma Garrigue revue pour en faire une vraie Eau de Parfum et l'intégrer à part entière et définitivement à la gamme. 

Ensuite, l'année 2015 ne m'a pas vraiment marqué par ses lancements. Des parfums grand public assez plats et souvent construits sur des accords ou des travaux vus et revus, dans le but d'être efficaces mais pas vraiment créatifs. La prolifération des marques de niche crée aussi le trouble et le doute quant à ce que la parfumerie véhicule. Ici aussi, un positionnement prix élitiste ne signifie pas forcement beaux parfums, belles matières et créations qui font vraiment voyager. Trop souvent, on trouve encore du "Séphora +" à savoir des parfums qui n'apportent pas grand chose, autour de notes vues et revues, mais vendus plus cher. C'est assez déconcertant. 

Puis j'avoue, je suis en pleine période de page blanche, je ne trouve pas les mots ni la motivation pour écrire, même si j'ai encore quelques sujets dans les tuyaux. 

Je ne vous cache pas non plus que j'entame des démarches pour peut être un jour faire de la création de parfums mon métier, car cela m'anime, m'habite et me motive, mais le chemin est semé d'embuches et compliqué pour un autodidacte. 

Je vous demande donc un peu de patience avant que je ne retrouve un angle et l'envie de faire partager ce qui reste pour moi une passion. je vous dis à très bientôt en espérant vous retrouver aussi nombreux. 

Bonnes fêtes de fin d'année à tous. 


lundi 5 octobre 2015

Boss Bottled Oud - Hugo Boss 2015 : la boucle est bouclée.

Dans un article sur Aqua Di Parma Colonia Leather, je mentionnais un accord phare de la parfumerie, porté par le succès d'un parfum grand public : Boss Bottled. Depuis presque 20 ans, son succès est toujours installé et se maintient au mieux dans les ventes, et sa composition par Annick Ménardo est reconnue pour sa qualité. L'accord en question est construit autour de la pomme, de notes fruitées et framboisées, de bois de cèdre et d'une structure vanillée-cuirée. N'aurait-il pas été décliné ? Ah ah ! 

Poussez le à l'extrême dans Tuscan Leather de Tom Ford, où la framboise et les notes fumées ressortent principalement, il structure le parfum. Pour Colonia Leather, un de mes coups de coeur récents, assouplissez un peu la proposition autour des notes classiques de Colonia, et une petite pointe de foin. Digressiez légèrement l'interprétation chez Francis Kurjdjian, qui compose son Oud autour de cet accord, en lui donnant de la rondeur et de la souplesse. Un très joli "oud doux", comme j'aime à dire. Prenez ces deux derniers et mariez les pour vous arrêtez sur un compromis entre les deux, un oud fruité et boisé sur fond très doux, vous obtenez Oud Saphir d'Atelier Cologne. Cette année, revenez sur Boss Botlled, en prenant appuis sur un parfum déjà développé chez Procter, L'amoureux 6. 

Dans Boss Bottled Oud. L'envolée orangée très dynamique est relayée par le fameux accord "boisé fruité" orchestré par l'original, puis, le coeur est greffé d'un accord oud assez léger et finement ciselé, puis d'une construction cerise noire et de réglisse d'un bel effet. Le fond boisé de cèdre, vétiver et santal comme je le disais s'avère être étonnamment agréable et raffiné au porté, où sur moi, le vétiver chaud prend le dessus. Un des rares parfum que je porte qui encourage quelques compliments spontanés (et oui !). 

Avec cette dernière déclinaison, c'est un peu comme si la boucle était bouclée, comme si Boss Bottled avait trouvé dans cet ultime version un nouvel équilibre peut être plus dans l'air du temps, sans avoir perdu son aura d'origine. 

Illustrations : nejmacollection.com, Hugo Boss, Atelier Cologne.

dimanche 27 septembre 2015

Selfie d'Olfactive Studio, Aesthete de Le Galion : idoles des jeunes ?

Mais quel est donc le rapport entres ces deux parfums et le titre d'une chanson à succès des années 60 ? Aucun ? Ah ah ah, je suis sûr que vous êtes curieux de connaitre la réponse car moi, et bien j'en vois un. Il se situe dans une des matières premières clef de ces deux nouveautés, le davana. Thomas Fontaine et Vanina Muracciole travaillent ensembles depuis longtemps (savent-ils que j'aime leur travail?), à la fois chez Jean Patou, mais aussi sur des projets plus petits comme ces deux derniers. 

De Selfie à l'idole, s'aimer, se photographier soi même et devenir une sorte d'idole pour ses amis, le pas est facile ! Pour Aesthete, esthétique, esthète, qui aime le beau, idolâtrer une oeuvre est primordial. Mais pourquoi je tiens tant à insister sur le mot Idole

La réponse, bien que sans doute un peu tarabiscotée, est qu'Idole, un des parfums clé de Lubin, est un des tous premiers parfums à contenir et à mettre en valeur le davana, dans sa version Eau de Parfum.

Le davana est une matière riche et hyper facettée, qui sent le cassis mais avec une petite pointe pétillante et un spectre d'évolution assez long, qui lui permet de bien connecter avec l'ensemble des matières dans une création. Très présent en tête, ses notes sucrées accrochent facilement avec des notes boisées en coeur, et un fond assez crémeux, presque cuiré, permet quelques fantaisies sur les notes de fond, en matchant bien sur des notes fumées, cuirées et safranées en particulier (en tout cas dans ce que je comprends de cette merveilleuse matière fruitée). 
Dans Selfie, le davana donne ce départ très confit de fruits cuits (il me semble avoir déjà évoqué cela avec Céline Verleure d'ailleurs) pour partir ensuite vers des notes de sirop d'érable, proches de la noix, sur un fond assez santalé et quelques inflexions de oud. Vous voulez qu'on vous admire, foncez !!! Dans Aesthete, le départ est également confit et très fruits cuits également, mais il est travaillé autour d'un encens très appuyé et pointu, de notes boisées plus douces, rondes, chaudes et d'épices safranées, pour qu'il devienne très confortable, rassurant, assez "suédine fumée" dans son évolution. Vous appréciez la beau, n'hésitez surtout pas !!!

Les deux jeunes présentent plutôt bien et séduiront sans nul doute quelques idoles chez les jeunes, avec un coup de coeur personnel pour Aesthete (normal, j'aime le davana et les notes cuirées), mais l'ancêtre, notre cher Idole, ne retrouverait-il à travers ce spectre d'interprétations différentes, une nouvelle jeunesse ? A vous de voir !

Illustrations : Scentvision, Olfactive Studio, Le Galion.

jeudi 17 septembre 2015

Equipage Géranium - Hermes 2015 : s'équiper d'une claire élégance.

Déjà séduit l'an dernier par la réécriture de Bel Ami, ourlé de notes boisées et de praline, charmé par Le Jardin de Monsieur Li qui a pris depuis une place toute particulière dans ma vie, je m'étais penché sur la redécouverte d'Equipage, pour ne pas oublier ce beau boisé épicé construit sur un accord classique de "Fougère" : lavande, géranium, mousse de chêne, épices chaudes et froides donnent à ce parfum un caractère unique, assez "papa propre", mais toujours élégant. 

C'est avec une petite crainte de le voir trop modernisé que je me suis offert le tout dernier né, sans même pouvoir le sentir en démonstration, comme cela avait déjà été le cas avec Bel Ami Vétiver. Arrivé chez moi, assez impatient à vrai dire, je vaporise le parfum, et décide de passer la soirée avec, puis une journée entière... et j'avoue ne pas du tout être déçu par cette nouvelle écriture. 

Sans trop dénaturer l'original, je trouve ce dernier bébé plus clair et plus facile d'approche, sans qu'il ne perde pour autant son originalité et sa signature assez marquée. En effet, malgré sa structure plutôt classique, Equipage défend un sillage reconnaissable et assez unique, porté par une bonne dose de cannelle et une pointe de vanille. Le patchouli, boisé et terreux, lui donne une certaine profondeur. 

Dans le nouveau, cette profondeur s'atténue au profit d'une nouvelle lumière. Le patchouli disparait pour laisser place au santal, plus doux et plus lacté, qui apporte une souplesse et de la rondeur. La structure reste pourtant la même, car on retrouve bien un accord floral et végétal, très contemporain, plutôt comme une interprétation du géranium que de manière figurative (quelques notes "à effet" aident à cela). La lavande, la cannelle et les autres épices qui font la force d'Equipage répondent à l'appel. J'aime particulièrement le fond, presque cuiré et fumé, mais de manière très discrète et subtile, et qui donne au parfum, sur peau, un coté Anteus voire même Bandit en plus légers, signature d'une belle fougère cuirée qui se respecte. Le sillage reste bien sûr très propre, très "savon à barbe", comme pour ne pas dénaturer le propos.

Dans la mouvance d'un dandy chic, propre sur lui et nostalgique, parfait pendant olfactif des dernières collections homme "ocre et vert anis" de la marque, Equipage Géranium donne un souffle nouveau à une écriture déjà belle et signée. Pour les papas propres "barbés" et bien dans leur baskets, il y avait Bayolea chez Penhaligon's, il y avait Le Mâle en grand public, maintenant, Hermes propose sa propre écriture, sobre, chic, élégante. Du beau qui fait du bien !

Illustrations : Hermes.

lundi 3 août 2015

Ultra Mâle et Olympéa : caramel mode.

Le caramel au beurre salé fait sans doute partie des petits plaisirs bien français qui entre dans notre culture et dans l'inconscient collectif. Sur une crêpe ou cuisiné plus finement, c'est toujours un régal en bouche si l'on en abuse pas trop. Deux nouveautés de la rentrée le mettent à l'honneur, et pour une fois, je trouve que c'est plutôt pas mal. 

Sans bouleverser radicalement la structure de Le Mâle, Ultra Mâle propose néanmoins de vraiment passer à autre chose et surtout, de se glisser dans notre époque. On y retrouve bien la fougère fraîche de l'original faite de géranium, de menthe et de cèdre, mais elle part ici sur un thème amande-caramel salé qui lui va plutôt bien (petit clin d'oeil de l'Utra Man à l'Homme Idéal au passage). Le tout est structuré autour d'un bois ambré relativement couru de nos jour et beaucoup senti, mais, un peu à la manière de ce qu'il a fait pour Carven Homme, Francis Kurkdjian sait faire en sorte que cette matière n'envahisse pas, appuie et soutienne le reste, tout en lui donnant un coté contemporain. Le sillage est très présent, le parfum est tout de même assez signé, et il me fait penser à ces orientaux frais et capiteux à la fois comme Jaïpur, un peu oublié de nos jours mais que l'on a toujours plaisir à croiser. Ultra Mâle, c'est le caramel en mode détente, comme sur une crêpe pour le dessert. 

Pour le plat, la suggestion se portera sur Olympéa, qui s'avère être une belle surprise. L'effet vanille salée revendiqué est assez surprenant, très original et pour le coup, apporte un vrai propos. Ce départ vert, vif et croquant qui fait penser à une noisette verte fait presque saliver, et je me prends à le comparer un la dégustation de ces plats de cuisine moléculaire où les saveurs explosent en bouche de manière assez inhabituelle. Cette envolée serait un peu celle de Womanity pour le coté saveur sucrée-salée, mais elle se fait beaucoup moins brutale, plus contenue, savoureuse en somme. La suite du parfum reprend la trame d'autres parfums à succès de Dominique Ropion, à savoir un passage de rose sucrée vaporeuse à la Very Irresistible, mais là aussi, relativement bien dompté. Le sillage et le fond reprennent des traits à Alien Essence Absolue, une référence, le cachmeran en moins dosé, mais toujours avec ce coté vanille aux pruneaux et ce jasmin solaire et magnétique. Olympéa, c'est le caramel en mode fusion, porté par une déesse qui j'espère, chassera pour de bon les idées noires de celles qui pensent que la vie est belle parce que leur parfum se nomme ainsi. La messe est dite !

Illustrations : Présentation autour du caramel au beurre salé, Jean Paul Gaultier, Paco Rabanne.

dimanche 12 juillet 2015

Eau de Cartier Vétiver Bleu - Cartier 2015 : bleu poudreux.

Après l'Eau de Thé Bleu, continuons dans le bleu puisque la mer, le ciel s'offrent à nous en ce moment dans de belles nuances autour de cette couleur, pour notre plus grand bonheur. 

Cette année, pour la déclinaison de l'Eau de Cartier qui semble être devenue une habitude, après un Zeste de Soleil particulièrement vif et pétillant, Mathilde Laurent a choisi de travailler autour du vétiver. Le registre est différent, le rendu aussi. Travaillant toujours par aplat à partir de la formule originelle de l'Eau de Cartier, c'est ici un aspect plus sombre, plus chaud et plus dense qui est exploité. On reconnait dès l'envolée les notes habituelles de l'Eau, mais c'est au fur et à mesure que se dévoile la richesse d'un vétiver voulu "bleu". Pas forcément évidente cette idée d'associer le bleu au vétiver, pourtant, c'est bien à un tableau de Yves Klein que ce parfum me fait penser : densité d'un bleu profond et unique, d'un aspect poudreux. Ce vétiver présente également des facettes orientales, car il est traité ici avec des notes amandées et vanillées qui, pour moi, font un peu écho au travail sur Vétiver Oriental de Lutens, et, dans la maison Cartier, à feu Le Baiser du Dragon

L'impression sur touche est un parfum diffus, qui ne tient pas beaucoup. C'est impression est trompeuse, car sur peau, la richesse du vétiver, soutenue par les notes chaudes est présente toute la journée, jouant de la fraîcheur des notes classiques de l'Eau et des facettes poudreuses et orientales de ce vétiver bleu. Il ne fait qu'onduler dans le sillage de celle ou celui qui le porte. La patte Mathilde Laurent est bien là, car on y retrouve un peu de ces notes irisées-boisées que l'on voit dans ces créations récentes comme Déclaration d'un Soir par exemple. 

Encore une fois, L'Eau de Cartier Vétiver Bleu réussit à innover et à proposer quelque chose d'original et de jamais vraiment senti autour d'un thème connu. 

Illustrations :  hommage à Tennessee Williams par Yves Klein, Cartier.

mercredi 8 juillet 2015

Eau Parfumée au Thé Bleu - Bvlgari 2015 : lavande fine au goût du jour.

C'est sans aucun doute parce que de nouveaux traitements de distillation de la lavande permettent de faire ressortir les plus belles facettes de cette fleur du Sud qu'elle fait actuellement un retour en force dans les parfums. En 2014, nous l'avions déjà joliment remarquée dans Burberry Brit Rythm pour Elle, et cette année, elle se dévoile très tendrement dans l'Eau Parfumée au Thé Bleu de Bvlgari.

Très légère, finement ciselée, elle apparait sous des traits très clairs et purs dès les premières notes de cette nouveauté. Ensuite, tout n'est que nuances autour de cette lavande fine. Un peu d'iris pour la densifier, sans doute un soupçon de cèdre, et bien sûr, en trame de fond, l'accord Thé Vert de l'original Eau Parfumée au Thé Vert, vivifié par la bergamote et le citron et arrondi par un bouquet de muscs blancs modernes.
 
Très agréable à porter, pas du tout "lavande clichée" ou trop classique, admirablement équilibrée par Daniela Roche Andrier, jamais savonneuse alors que l'on pouvait le craindre, cette Eau Parfumée au Thé Bleu ne doit pas rester dans le bas des rayons, car elle mérite grandement que l'on y pose ses narines.

Illustrations : lavande fine et Bvlgari.

mercredi 10 juin 2015

Interview de Thomas Fontaine.


Comme je vous l'avais promis, voici une interview de Thomas Fontaine, qui a bien voulu accepter de répondre à quelques questions sur ses parfums, son approche et Jean Patou. Je remercie Thomas de s'être livré très simplement à cet exercice, et Sylvie, d'avoir fait en sorte que l'interview puisse se faire. Bonne lecture à tous !


Bonjour Thomas,

Vous avez depuis quelques années repris la création chez Jean Patou. Qu'est ce qui vous a motivé ?
La marque, son histoire, son héritage. J'ai en plus un lien affectif avec la maison, car je suis issu de la promotion Jean Patou 1989 de l'ISIPCA. J'ai toujours été fasciné par le style Art Déco, ses lignes épurées, simplifiées jusqu'à la pureté. Ce style est ancré dans les gênes Jean Patou, à l'inverse de l'Art Nouveau, surchargé et orné, il a osé casser les codes de l'époque et s'inscrire dans son temps. Olfactivement la marque est riche classique et élégante.

Quelles sont les difficultés auxquelles se confronte un parfumeur face à un tel patrimoine ?
Le poids de l'histoire, qu'il faut respecter, savoir lire, la force du patrimoine, riche, et que nous essayons, avec Bruno G.Cottard, Vice président Jean Patou Paris,   de faire vivre, en acquérant par exemple des objets et des meubles créés ou utilisés par Jean Patou de son vivant, qui sont riches d'histoire et très signés. Le corps de la femme aussi se trouvait bouleversé. Jean Patou a osé en révéler les courbes et les galbes par ses coupes, ses lignes, et par une certaine décontraction, en initiant le style casual sport.

Il faut savoir interpréter les codes de la marque et les porter dans le monde d'aujourd'hui, sans les dénaturer ni les trahir. La signature olfactive de Jean Patou est ponctuée d'une élégance parisienne,  féminine, sensuelle et ronde, à l'image de ses vêtements et dictée par certaines matières quasiment obligatoires.

Comme Jean Patou, vous créez surtout pour les femmes. Dans Joy Forever et One Love, votre toute nouvelle création pour Jean Louis Scherrer, je décèle une certaine féminité et beaucoup d'élégance. Etes-vous d'accord et quelles seraient les femmes qui vous inspirent ?
J'aime que ma parfumerie soit élégante, portable. J'aime aussi la sensualité, la féminité, qui doit ressortir et être exacerbée par mes parfums. Pour cela, j'ai quelques matières premières reconnues très sensuelles que j'utilise volontiers.
Les femmes qui m'inspirent sont les femmes qui m'entourent, que j'aime, dont ma mère qui portait très bien certains parfums, puis une certaine idée de "la femme" que j'idéalise. Je m'inspire également des parfums portés par des femmes que j'ai connues, qui sont inscrits dans ma mémoire et contribuent à ce que je souhaite créer.

La liberté également est une des valeurs de Jean Patou. Que pensez-vous de la parfumerie actuelle ? Est-elle libre ou trop bridée ?
Oui, Jean Patou était un homme créatif, libre, la parfumerie d'aujourd'hui est sans doute plus contrainte et limitée par le principe de précaution, qui nous tue petit à petit, par les coûts, mais les matières évoluent et il y a quand même de belles choses, il ne faut pas le nier, je reste très positif la dessus.

Y a t il des matières,  qui vous transportent, que vous aimez plus que tout ?
L'iso E super, le santal, le patchouli, le safran, et les épices en général. Je trouve la palette des épices incroyable : il y en a des chaudes, des froides, mais elles apportent des nuances, des touches, de la sensualité voir même de la bestialité dans un parfum, elles sont multiples et magiques. Le labdanum est une note incroyable qui donne un coté chaud assez proche de  "la salive sur la peau" que j'adore, c'est très sensuel. Puis la palette des muscs bien sûr, comment s'en passer ? 

 
Etes-vous attaché au progrès sur la matières premières et qu'auriez vous envie de dire, aujourd'hui sur ces progrès et l'utilisation qui en est faite ?
Oui, bien entendu, les jungle essences, l'extraction au CO2 et la remise au goût de jour des certaines techniques anciennes, comme les alcoolats de rose par exemple, qui apportent un vrai plus dans la création actuelle. En revanche le programme Reach freine la R&D ce qui est donc, indéniablement, un frein à la création.

Parlez nous un peu de la collection Héritage : y en a t il un que vous préférez ?
J'aime beaucoup Patou pour Homme, très signé, Chaldée, parce qu'il est vraiment particulier, et Vacances pour son coté mimosa-lilas et sa douceur, mais j'aime aussi les autres alors non, je n'ai pas vraiment de préféré à proprement parler.

En tant que parfumeur indépendant, vous travaillez également pour d'autres marques. Quel est le plus important pour vous quand vous travaillez pour une marque ?
L'histoire de la marque avant tout. Mais aussi un patrimoine culturel. C’est toujours une histoire de rencontre, un projet original. J'aime me faire plaisir en faisant plaisir à une marque. 

Quels sont les parfums que vous admirez ?
J'adore Pour Monsieur de Chanel, c'est avec lui que je suis "entré" dans le parfum, mais il y en a beaucoup d'autres. Je citerais par exemple Zino de Davidoff, un masculin racé et élégant, Burberry For Women, un floral fruité avant-gardiste et pas cliché comme ceux qui sortent actuellement, Rush, Diva, Giorgio, et bien sûr Nahéma, qui est la plus belle et féminine des roses, et Derby, qui n'a malheureusement pas eu le destin qu'il méritait. Bel Ami est une très belle création également. Et bien sur Joy pour son accord unique.


Comment voyez-vous la parfumerie demain ?
La parfumerie est à l'aube d'un grand changement il me semble. Il y a quelques années encore, on attendait  la nouveauté d’une grand marque…Mais il y en tellement aujourd’hui ! Je pense que l'on va revenir à une parfumerie plus personnalisée, et en ce sens, nous sommes de plus en plus d'indépendants, qui créons librement, sans formatage, et je pense que nous apportons de vraies propositions nouvelles, en étant garant d'un savoir-faire, d'un héritage. L'avenir sera peut être une reconnaissance du travail de fond que font Hermès, Patou par exemple, pour citer de grands noms mais aussi de ce que font quelques marques de niche. Peut-être verra-t-on une réappropriation du parfum comme quelque chose de très personnel et comme une création esthétique ?

Avez vous un rêve parfumistique ultime ? Un parfum idéal ?
Pas trop non. J'aime bien l'idée de Grenouille du livre de Patrick Süskind Le Parfum, et le fantasme de faire chavirer tout le monde avec un parfum, mais c'est très caricatural. Peut être que j'aspire à une certaine pureté esthétique, mais faut il que je l'atteigne ?

Illustrations : Jean Patou

vendredi 22 mai 2015

Hey, je suis là ! A venir sur Olfactorum.

 
Comme je n'ai pas trop le temps d'écrire en ce moment, voici une petite idée de ce qui est prévu très prochainement sur Olfactorum : 

- Une interview de Thomas Fontaine, parfumeur pour Jean Patou et Jean Louis Sherrer. 
- Une grande saga Yves Saint Laurent, qui revient sur les parfums de la marque, mais pas forcement tous ceux qui sont sur l'illustration. 

A bientôt !

Méchant Loup - Thierry 


jeudi 7 mai 2015

Actu : Mon Exclusif ou My G - Guerlain 2015 : la vie est belle en Guerlain ?

Codes couleurs, travail du flacon, contraste gris et rose, on pouvait s'attendre à avoir peur : un La Vie Est Belle "à la Guerlain" ! Et bien que tout le monde se rassure, tout va bien. 

Alors bien sûr, c'est un gourmand vanillé, mais le contraste lavande fine (lavande Clara) et notes baumées vanillées est ponctué de note vertes, très "Wasser", et cela contribue grandement à lui donner de l'équilibre. 

Quelques échos à la gamme "l'Art et la Matière", car il reprend cet accord "poupon" qui en fait l'originalité et la signature très marquée Guerlain de Cuir Béluga, quelques notes boisées et caramélisées qui rappellent assez Gourmand Coquin, un effet chypre moderne qui évoque à la fois Coco Mademoiselle, la note santalée un peu grasse mais sulfureuse de Dior Addict (tient tient ??), un effet poudré irisé actuel qui lui donne de l'allure et de l'élégance, mais surtout, une filiation évidente avec une autre création du parfumeur devenu maison depuis : Darling, ou plus exactement Sexy Darling de Kylie Minogue (signé Sophie Labbé lui, et oui !), une petite pépite cachée à tout petit prix, que j'avais déjà repéré il y a maintenant huit ans et remarquée également par Jeanne de auparfum.com.

Il n'étonne pas chez Guerlain, il est bien à sa place, mais le prix peut calmer ! Le flacon, lui, est un excellent choix ! Alors maintenant, à vous de voir, vous avez toutes les cartes en mains, même celles de lui choisir un petit nom !

Mon exclusif, disponible à la boutique des Champs dès maintenant. 

Illustrations : Guerlain, pâtisserie Zahia Paris.


 

jeudi 23 avril 2015

Rose Desgranges vs Jessy's Rose : jeu de roses !

Que peuvent bien se dire les roses quand elles se croisent sur un terrain où visiblement, elles sont très enchantées à l'idée de partager une partie de ping-pong ? Sans doute sont elles un peu cousines, car il y a des traits communs et elles ont en elles des gênes qui les unissent. Pourtant, chacune jouera de sa force propre, de son caractère, pour défendre ses balles et jouer fairplay.

Lorsque l'on vaporise Rose Desgrange dans une pièce et Jessy's Rose dans une autre, et que l'on fait des allers-retours entre les deux, il est évident que l'on assiste là, sous nos narines, à un jeu ou même à une causette entre amies, comme si ces deux là avaient beaucoup de chose à se dire !

Si je vous dis qu'elles ont toutes deux été inspirées par une "muse", une femme :  une femme, dont un fameux perruquier du faubourg Saint Honoré, l'audacieux et visionnaire Albert Meyer, était tombé amoureux pour la première, une amie très chère pour la seconde. Les matières se parlent, se font écho, se contrastent et chacune des deux personnalité de révèle au fur et à mesure, laissant entrevoir un caractère propre. La rose, la pivoine framboisée, le solaire ylang-ylang, le patchouli bien rond seraient un peu leur langage commun. L'iris fusant et doux à la fois, le jasmin lumineux, la douce et voluptueuse vanille, la piquante graine d'ambrette de Rose Desgranges répondent à la souplesse du cuir, à l'onctuosité du santal et au mordant d'une pêche jaune de Jessy's Rose. Se livre alors un vrai jeu de roses, une partie, qui laisse hésiter entre l'une ou l'autre qui aiment se renvoyer la balle !
Le parfum Rose Desgranges, c'est une rose douce et suave, sans doute très proche de la personnalité même de Rose Desgrange, adopter Jessy's Rose, c'est apprivoiser l'espièglerie plus "rock" et dynamique de Jessy, mais vous aurez affaire, là, à deux sacrés caractères !

Illustrations : Valérie Pasmanian, Rose Desgranges, 70 rue du Faubourg Saint Honoré, Parfums Thierry Blondeau, chez Jovoy à Paris et à La Maison de Parfums à Rouen.

lundi 6 avril 2015

N°5 Eau Première - Chanel 2008 : le culte de l'élégance.

Comment, après tant d'années, revisiter un mythe sans le dénaturer, en lui ajoutant ce petit "je ne sais quoi" de modernité et d'élégance contemporaine ?  

Revisiter N°5 serait un peu voir la vie comme si la technologie de la lumière avait changé en presque 95 ans, alors que les petites ampoules faiblardes ont été remplacées par des LED, dont la portée et la percée, plus froide mais plus vive, fait évoluer notre paysage urbain.

Nous nous retrouvons alors sur un plateau TV, le rideau est baissé, tel un voile, il se lève doucement pour révéler un nouveau talent. Dans la percée froide des néons, une voix cristalline s'élève et enchante le public. Pure, noble, élégante, elle captive. N°5 Eau Première me fait le même effet. Après le voile poudré des premières notes qui fait assez bien écho à l'original, c'est un coeur plus lumineux qui s'ouvre. Le parfum crépite, pétille et vibre dans un esprit très contemporain, qui porte la trame du N°5 dans le XXIe siècle. Ce sillage lumineux est sans doute dû au travail qui a consister à retirer un peu de la facette ambrée et "animale" du N°5 pour le rendre plus "clean". Les aldéhydes ne sont plus les mêmes non plus, ce sont ceux d'aujourd'hui, plus fruités, plus souples aussi.

Je me rappelle l'avoir découvert pour la première fois dans les rues de New York, où son sillage était déjà répandu, alors qu'il venait juste d'arriver : il attirait immanquablement par le rappel d'un grand parfum connu, sans toutefois que l'on se dise "c'est N°5". Il en avait pourtant la même envergure et une signature unique et identifiable. L'exercice est donc parfaitement réussi et maitrisé, même si N°5 Eau Première joue avec la peau d'une manière plus détendue, peut être un peu moins contenue que la perfection du N°5.

La voix traverse le studio, avec une élégance singulière et évidente. Le public est conquis, N°5 Eau Première cultive la même élégance simple et décontractée telle une vraie valeur maison perpétuée dans le temps. 

Illustration: Emji, Nouvelle Star 2015, Chanel.

samedi 28 mars 2015

Tom Ford Noir Extrême - Tom Ford 2015 : Petit Dahab ?

Dahab de Min New York, marque ultra confidentielle que l'on trouve chez Jovoy à Paris, est, autant le dire tout de suite, un véritable coup de coeur par ses notes, ses évocations, sa construction et la richesse de matières qui se déploient sur la peau. Véritable petite pépite multi facettes, riche et dense, il réinterprète l'idée de Djédi de Guerlain dans une vision plus contemporaine.

Une envolée presque camphrée vient saisir la rose qui joue avec les épices telles le safran, la noix de muscade, le cumin. L'ensemble s'enroule dans un magnifique blend  de notes ambrées et vanillées, avec un fond presque poudré très "daim sableux" ponctué de notes fumées et d'encens. Pour qui est un peu sensible à l'idée de ce que peut sentir le souffle du désert (Dahab), la note est juste, le sable chargé de vent et d'épices est bien là, une certaine histoire aussi. Hélas, et vraiment je le regrette à tire personnel, ce parfum et la collection à laquelle il appartient, très intéressante olfactivement et créativement, est d'un prix conséquent, qui le réserve à quelques privilégiés, ou a des passionnés qui économiseront des mois pour peut être, un jour, craquer, ce qui risque fortement de m'arriver.

Tom Ford, en esthète averti que nous connaissons, sait sans doute repérer les pépites olfactives. Sûr de son goût, il a sans doute arpenté la parfumerie New Yorkaise Min pour y dénicher son inspiration, tant la trame de son dernier descendant de Noir, Noir Extrême, est proche de Dahab. On y retrouve la note principale, la construction, la richesse et la densité : j'y vois quelques nuances de prune confite, de bois secs. Les épices sont plus prononcées, le cuir est moins présent, les notes fumées aussi, la note camphrée est gommée et il manque le coté salé du vent du désert. L'ensemble est plus "rentre dedans" et de manière évidente moins subtil, mais son prix est quasiment divisé par trois. C'est très terre à terre, mais ça compte sans doute.

Dahab est en comparaison plus ciselé et plus complexe, plus riche et facetté et dévoilera plus de subtilité sur peau et dans son sillage. Noir Extrême se situe dans la lignée d'un Sahara Noir, c'est un parfum sec, qui s'inspire du désert et des caravanes, en ajoutant la fumée du narguilé, mais les notes, assez puissantes et efficaces "à l'américaine" sont tout de même traitées avec subtilité. En revanche, comparé à Dahab, le mot exceptionnel prend son sens tant ce dernier dévoile ce "petit plus" pour lequel nous serions presque prêts à mettre trois fois le prix du Tom Ford. 

Un petit, qui n'a pas l'envergure du masterpiece, car je crois bien que Dahab en est un, mais qui se démarque très bien pour un parfum de grande diffusion. 

Illustrations : Bibliothèque coranique à Chinguetti en Mauritanie, Tom Ford, Min New York.


lundi 23 mars 2015

Filles de figuier.

Et oui, les toutes premières interprétations de figuiers en parfumerie sont apparues il y a déjà une vingtaine d'années. Parmi ces premiers éléments, deux se distinguent nettement et ont acquis une notoriété auprès du public, d'une part, parce que leur odeur est des plus agréable, mais aussi parce qu'ils sont très figuratifs : le premier, Premier Figuier de l'Artisan Parfumeur, s'applique surtout a recréer la sensation d'herbe fraîche sous l'arbre en lui même, tandis que le second, Philosykos de Diptyque, s'entoure de foin coupé comme dans un souffle d'air qui brasserait les feuilles de l'arbre.

Si l'on excepte celle de Heeley, qui joue les trouble fête entre les deux, de nos jours, la figue a pris des rondeurs et se voit différemment. Si les premiers tournaient autour de l'arbre, la seconde génération suit le mouvement en se concentrant plutôt sur le fruit, pulpeux et généreux. Ainsi, Fico di Amalfi enroule t il la figue dans un cocon de pêche jaune et juteuse, de muscs ronds et doux, dans un ensemble floral duveteux et lumineux à la fois. La même lumière se remarque dans Caligna, digne "petite fille" de Premier Figuier, la même générosité du fruit aussi, mais avec une note plus aromatique de sauge et de foin. La sève, le jus du fruit et la paille autour des figuiers ont fait leur entrée. 

Le troisième ouvre peut être une nouvelle voie, entre les grand public qu'étaient Paul Smith London pour Homme et Marc Jacobs Men, et quelque chose de plus conceptuel, car il revendique l'idée de la feuille. L'odeur est plus brute, plus acre, presque terreuse mais très réussie autour de cette idée du Figuier Ardent qui lui donne son nom chez Atelier Cologne.

La figue a t-elle dit son dernier mot ? Peut être pas, car à sentir la bougie Datte de Iunx, il y a sans doute là encore une ouverture qui se trame. A bon entendeur, ces filles auront aussi une descendance à n'en pas douter.
Illustrations : Figues par M.P. Cazeau, Aqua di Parma, l'Artisan Parfumeur, Atelier Cologne. 

samedi 14 mars 2015

Le Jardin de Monsieur Li - Hermès 2015 : ocre zen.

Après la méditerranée, le Nil, les toits de Paris et l'Inde, le dernier voyage d'Hermès nous emporte du coté de la Chine, dans un jardin imaginaire empli de zénitude : celui de Monsieur Li. Comme le travail avec l'artiste Li Xin est revendiqué, j'ai bien envie de lire ce parfum en faisant le lien entre l'aspect coloriel de l'univers développé, et l'aspect olfactif, car le dégradé est pertinent.

Jaune orangé : dès les premières notes, le kumquat, un petit citron jaune orangé, dévoile ses notes vives et piquantes, légèrement amères qui seraient une sorte de mix entre la bergamote, le pamplemousse et la mandarine. Il dynamise l'envolée. 

Vert duveteux : le jasmin "sampaquita", un jasmin légèrement sucré et débarrassé de ces facettes acétiques et animales, déploie ensuite sa douceur abricotée et s'enroule dans le fondu de vert foncé d'un accord croquant de prune et d'ionones, que je trouve assez proche de ce qui fait l'intérêt de j'Adore. Ici, il rejoint également pour moi le coeur "peau d'abricot" de A Scent, sans avoir le mordant vert de ce dernier.  Les jardins d'Asie n'auraient-ils pas ce point commun ?

Gris pastel : ce vert foncé décline ensuite tout en douceur sur un dégradé de gris, une sorte de boule de muscs propres et modernes travaillée autour des notes de pierres mouillées de l'ambrinol et du cashmeran.  L'évocation de la pluie sur les pierres, ainsi que la moiteur d'un jardin après la pluie n'en ai que plus réaliste. C'est à ce moment que le parfum se densifie, car cet accord gris lui donne de la générosité, une rondeur "laineuse", qui, comme Cuir d'Ange, rompt avec les créations minimalistes auquelles Jean Claude Ellena nous avait habitué ces derniers temps.

Ocre poudreux : au bout de quelques heures, et c'est techniquement assez surprenant je dois dire, cette densité se défait pour devenir poudreuse, comme si les molécules se détachaient du corps du parfum pour à nouveau se réveiller sur peau sur quelque chose de plus dispersé dont les notes olfactives et la structure se rapprocheraient de Vanille Galante et Dries Van Noten. Oui, il y a sans doute un peu d'une fleur de lotus vanillée dans ce jardin zen ! 

Un dégradé d'ocre zen que je contemple avec le sourire, car Le Jardin de Mr Li me fait tout simplement un effet physique ; avec un peu de recul sur l'olfactif pur et le ressenti immédiat que j'en avais, j'admire le dégradé de couleurs et olfactif, je suis surpris par sa structure à la fois dense et poudreuse, et je me sens bien, calme et optimiste. J'aime le porter en "Friday Wear" pour bien finir la semaine. 

Illustrations : dégradés d'Ocre et Michèle Reynier, site : ici , Hermès. 
Lien vers le site sur le travail de collaboration Hermes / Li Xin : ici.


jeudi 12 mars 2015

Ils sont en boutique !


Un article rapide pour vous informer que mes quatre parfum, Alea Jacta Est, Cuir Extrême, Jessy's Rose, Narcisse Emoi sont en boutique : 

A Rouen, au 35 rue Damiette, à la Maison de Parfums depuis début Février, où vous reconnaitrez aussi ceux d'Anatole.

A Paris, au 4 rue de Castiglione chez Jovoy depuis ce matin.


Je tiens à les remercier pour leur accueil et sur le fait qu'ils sont moteurs et m'encouragent pour ce qui est un début, parfois maladroit, mais riche en rencontres et découvertes ! 

Illustrations : 
En haut : à Rouen
En bas : à Paris.

samedi 7 mars 2015

Colony - Jean Patou réédition 2015 : je suis Colony.

Depuis très longtemps, je rêvais de le découvrir. La forme de son flacon originel, une sorte d'ananas stylisée, sa couleur d'un jaune doré et profond présageaient un beau parfum. Lors des premières rééditions travaillées par Jean Kerléo dans les années 90, je n'étais à vrai dire pas assez impliqué dans le parfum pour aller le découvrir. Ainsi, Colony est un parfum que j'ai longtemps fantasmé, jusqu'à la semaine dernière, alors que Thomas Fontaine présentait son re-travail à partir des formules d'origine de Vacances, de Colony et de l'Heure Attendue. Autant le dire tout de suite, ces trois là sont de petites merveilles, mais celui qui retiendra immédiatement mon attention et fait exploser mes sens, c'est Colony.
  
"Tu te souviens Rousseau, du paysage aztèque,
Des forêts où poussaient la mangue et l’ananas
Des singes répandant tous le sang des pastèques
Et du blond empereur qu’on fusilla là-bas.
Les tableaux que tu peins, tu les vis au Mexique"
Apollinaire - Ode à Rousseau, 1908

Voici donc résumé en quelques mots ce qu'est pour moi Colony

Je suis Charlie :  le temps des colonies est une période dont on est assez peu fiers, mais je ne veux pas y voir que l'aspect négatif, car c'est aussi, pour nous peuple de chercheurs découvreurs curieux, une période d'ouverture sur de nouveaux horizons, de nouvelles matières (bois, épices), de nouveaux fruits (mangues, ananas, bananes), et des cultures différentes que nous accueillons avec bienveillance, tolérance et ouverture d'esprit. 

Je suis la fête : la fête des années d'arrivée du jazz, du charleston, des pubs où l'on s'amuse, ou l'on boit et fume, où la femme s'émancipe. Le temps où Joséphine Baker secoue des bananes autour de sa taille au son d'une musique entrainante. Colony, c'est une sorte de ti-punch bien garni, qui aiderait à se détendre et à s'amuser.

Je suis Art Déco : parfum Art Déco par excellence, l'épaisseur de ses contours et la richesse de sa texture, la qualité de ses matières me fait penser aux moquettes épaisses et aux bois précieux des lourds meubles vernis des année 30. Colony sent le teck, l'orme, le bois ciré et vernis.

Je suis le voyage : il porte en lui le regard du parfumeur Henri Alméras sur l'abondance nouvelle d'un monde qui s'ouvre, commence à dialoguer et à s'enrichir des apports de nouveaux continents. Les épices (cannelle, girofle), les fleurs précieuses (jasmin, rose), les fruits gorgés de soleil (ananas, bergamote), les bois nobles (vétiver, patchouli, santal), l'ambres et le cuir, toutes les facettes d'une belle oeuvre sont réunies. Colony, c'est contempler un tableau du Douanier Rousseau et se projeter au temps où ces paysages étaient nouveaux, à la fois luxuriants et intrigants car encore inconnus.

Je suis Colony : comment pouvait-il en être autrement, avec moi, Méchant Loup, admirateur depuis mon plus jeune âge de Miss Dior, l'original ? Par sa structure ananas, rose-jasmin, vétiver sur un accord chypré, Colony est indéniablement précurseur de ce merveilleux parfum riche et facetté, mais le cuir et les épices le densifient (sur ma peau en tout cas) et le masculinisent. Je l'avais fantasmé, la réalité est tout aussi belle, et largement à la hauteur de mes attentes. 

Depuis une semaine, je suis Colony.  

Avec Vacances, véritable invitation à flâner dans une allée couverte de lilas, l'Heure Attendue, choc frontal entre les notes aldéhydées de N°5 et de l'ambre vanillé de Shalimar, et ce merveilleux Colony, l'année 2015 Jean Patou est un très bon cru. 

Illustrations : Henri Rousseau, Jean Patou.  

dimanche 1 mars 2015

Devin - Aramis 1977 : forest hunt.

Par un beau dimanche matin, il peut vous prendre des envies de chasse, de balades en forêt ou de sorties avec votre 4x4 préféré. Vous préparez votre tenue adaptée au matin calme. Le vent, la terre, les arbres vous appellent. 

Mais comment faire quand vous êtes citadin, que vous n'avez pas de 4x4, et que la forêt est au moins à une heure de chez vous ? Une solution : quelques pschitts de Devin et vous voilà en partie comblé. Ses notes de pins, d'aromates et de mousse vous transportent. Vous voilà en route pour une chasse à cour, vous n'avez qu'une envie, enfiler les bottes et le Barbour et vous évader. 

Il se dit que les parfums Aramis sont les pendants masculins des lignes d'Estée Lauder, car ils appartiennent au même groupe. Pourquoi pas car en effet, certaines filiations semblent se lire en comparant les deux marques. Devin, lui, me fait un peu penser à Youth Dew, par ses notes épicées d'oeillet, de pin et de lavande sur un lit de labdanum, de cuir et de mousse de chêne bien accentuées. La cannelle soutient le développement du parfum, qui évolue en douceur sur un fond légèrement animal qui fait écho au gibier que l'on peut avoir envie de chasser lors d'une telle échappée. Il se pourrait bien qu'il contienne aussi du thym, d'une fraîcheur aromatique qui pimente la sauce. Devin est alors addictif, il se fond à la peau et aux vêtements dans l'évocation parfaite d'une forêt luxuriante et généreuse. 

Un indispensable petit bijou d'équilibre, une sorte de "Mouchoir de Monsieur des bois", que l'on trouve à prix cassé sur un site comme allbeauty.com, alors pourquoi se priver ? Aller ! Je pars en chasse en ce dimanche printanier ; "Edward's waiting for me for a forest hunt with the Land Rover. Should you Devin what I'm Wearing " ?

Illustrations : mention sur l'image, Aramis.


samedi 21 février 2015

Narcisse Emoi - Thierry Blondeau 2015 : du soleil et de la terre.



Imaginez : une clairière de fleurs de Narcisse, baignée de lumière. Le vent souffle et les fleurs délivrent leur parfum vert, légèrement amer et cuiré doux. 

L'absolu narcisse étant pour moi une des plus belle matière de la palette du parfumeur, il fallait que je la travaille. Son odeur, proche du foin, est pourtant éloignée de celle d'une fleur. Riche, complexe et facettée, elle captive, déroute, résiste et ne s'apprivoise pas facilement. Pas évident alors d'imaginer ce que pourrait sentir cette clairière de fleurs de Narcisse ? 

Gorgée de soleil et de lumière, nourrie d'herbe, de bois et de la terre où elle puise ses racines, elle s'enroule autour d'une orchidée blanche, à la fois lumineuse et douce, appuyée d'un soupçon de miel et d'amande. Elle cache en elle cette animalité qui fait que, malgré les apparences, elle a du caractère. L'abolue de gentiane vient souligner le trait d'amertume. La fleur devient alors pétillante, poudrée et solaire à la fois, pour se faire noble, unique pour susciter l'émoi.



Famille olfactive : floral cuiré


Notes : Pamplemousse, Accord Orchidée Blanche


Coeur : Absolue de Gentiane, Accord Miel, Bois de Cèdre


Fond : Absolue de Narcisse d'Auvergne, Styrax

Illustrations : Clairière de fleurs de Narcisse, Thierry Blondeau, Orchidée sélectionnée par Nicolas Guichard. 

mercredi 18 février 2015

Jessy's Rose - Thierry Blondeau 2015 : promenade dans la roseraie de Bagatelle.


Multiple, la rose est capable de dévoiler plusieurs facettes. C'est une fleur fascinante, et ma fleur préférée. 

D'abord crée pour une amie, Jessy's Rose tire de cette inspiration une lumière pétillante, vive et juteuse comme une belle pêche jaune, et s'acompagne des notes solaires et framboisées d'une belle pivoine. Aussi vivante qu'une belle rose de jardin, veloutée comme la pivoine, très légèrement cuirée comme certaines variétés, à la fois piquante et douce, Jessy's Rose se lie d'amitié avec votre peau, naturellement, sans bruit. Elle se love et s'anoblit de patchouli, de santal et des muscs les plus rares. 

Vive, sensuelle, douce, il se pourrait qu'elle ne vous quitte plus ! Une rose, inspirée d'une promenade dans la roseraie du jardin de Bagatelle, quand les plus belles roses fleurissent, en Juin.



Famille olfactive : soliflore rose chyprée


Notes : Bergamote, Petitgrain Bigaradier, Pêche Jaune


Coeur : Absolue de Rose Turque, Pivoine, Géranium


Fond : Styrax, Bois de Santal, Muscs Blancs, Patchouli

Illustration : Thierry Blondeau, sur un bouquet créé par Nicolas Guichard, Rosa Luna, 24 boulevard Raspail 75007 Paris. 

jeudi 12 février 2015

Cuir Extrème - Thierry Blondeau 2015 : cuir enflammé ?


Le cuir est une matière fantastique ! Ses qualités, sa texture, ses reflets, et sa capacité à vivre avec la peau sont impressionnantes. Le cuir, en parfum, est ma famille de prédilection, avec Cuir de Russie de Chanel bien sûr, mais aussi Bel Ami et Cuir d'Ange d'Hermes, Tuscan Leather de Tom Ford, Colonia Leather de Aqua di Parma et le très méconnu Cerruti Image Woman. Mais c'est aussi la fumée dont j'adore l'odeur. Elle m'évoque un feu qui crépite, l'hiver, le goudron qui protégeait les bottes des soldats russes ou les plus belles peaux d'Italie pour les protéger. Enfin au goût, le thé Lapsang Souchong, certains poissons fins. 

Pour en faire un parfum, il fallait qu'il soit souple, comme une peau d'Espagne, pour mieux se fondre à la peau. Il s'enrichit alors de notes de rose et d'agrumes pour mieux se déployer, respirer, s'illuminer et vivre plus intensément. L'encens et le poivre le structurent. 

Fumé, crépitant et vivant, lumineux aussi, c'est un cuir sans compromis pour autant, un Cuir Extrême.


Famille olfactive : cuir floral



Tête : Bergamote, Poivre Noir



Coeur : Absolue de Rose, Encens, Accord Lapsang Souchong



Fond : Bois de cade, Bois de bouleau, Patchouli

Illustrations : Rituel chamanique autour d'un feu, Thierry Blondeau