samedi 25 juin 2011

Mon Numéro 10 - l'Artisan Parfumeur 2011 : cotton club !

La découverte de nouveaux parfums s'accompagne parfois d'un rituel un peu snob ! "Mouai, bof, pas terrible, celui-ci, pas mal, mais aurait pu être mieux, pour celui-la, vous avez voulu plaire au plus grand nombre, hein c'est bien ça, pour cet autre, on y est bien, oui oui j'aime beaucoup". Et la vendeuse vous regarde d'un air "mais qu'est ce qu'il me fait celui là, pour qui il se prend? " Puis il y a celui qui soudain vous arrête et provoque en vous une émotion que vous avez du mal à dissimuler. Ainsi, après avoir profité de quelques soldes intéressants chez l'Artisan Parfumeur, vous repartez avec Mon Numéro 10 sur le poignet et avec un échantillon que vous testez le lendemain.

Le propos, c'est New York et plus particulièrement le grand magasin de luxe Barneys. Entrer chez Barneys, c'est entrer dans un luxe feutré, où les objets, les matières, les couleurs, les tissus et les effluves parfumées s'offrent à vous dans une douceur nonchalante et un luxe chatoyant. Tout d'un coup, le temps s'arrête, vous flânez, regardez, sentez et les minutes défilent.

Je n'ai pas envie de m'attarder sur les matières de ce parfum, car il me semble plus approprié de parler de ce qu'il évoque et de là où il m'emmène. Bertrand Duchaufour a parfaitement réussi à traduire cet univers. Bien sûr, on y devine qu'il a joué avec les notes qu'il affectionne comme le davana, le cuir, la myrrhe, les notes de pruneaux des alcools nobles dans lesquels on retrouve aussi des épices chaudes et des notes de vanille, mais il a fait de ce parfum un vrai mode de transmission d'ondes sinesthésiques : Mon Numéro 10 sent le bois ciré, le cuir patiné, la moquette épaisse, les tissus nobles, traduisant ainsi ce qui caractérise un aspect de New York, à savoir un style très confortable, assez "mat", feutré et très qualitatif que l'on retrouve dans la couleur de la pierre de certains immeubles, le bois de certains halls d'entrée, dans les moquettes épaisses de certaines boutiques, dans les couleurs choisies par des artistes peintres de New York, dans le son d'une contrebasse qui entame un swing ou celui d'une trompette de jazzman.

Comme si le temps était habité d'un charme rétro, Mon Numéro 10 vous emporte un soir à New York, dans un magnifique Penthouse avec vue sur la ville, il vous prend l'envie de jouer quelques notes de jazz au saxo en prenant un bon bourbon. You're in a good mood !

Jamais "too much", jamais lourd ou envahissant, Mon Numéro 10 reste fidèle à l'esprit de la marque. C'est un parfum qui vous habite, qui vous porte, et sans vous en rendre compte, vous vous laisser bercer, charmer, séduire par cette alchimie confortable. Et puis, un jour, vous vous apercevez qu'il pourrait bien vous rendre fidèle, un peu comme si vous entriez la première fois au Cotton Club, avec une seule envie en en sortant... celle d'y revenir !

Illustration : Denis Frémond, L'Artisan Parfumeur.

samedi 18 juin 2011

C'est la fête aux patchoulis !

40 ans ! Le bel age, celui de la raison et de la maturité. Pour un parfum, c'est un peu la frontière entre le tâtonnement des premières heures et l'atteinte d'un statut de parfum culte, qui restera au patrimoine de la parfumerie internationale. Le patchouli est à l'honneur. Indispensable à la palette du parfumeur, le patchouli est une matière qui est utilisée dans toutes les familles de parfums, dans lesquelles il apportera à la fois du montant, du coeur et de l'appui aux notes de fond. Le patchouli me fait l'effet d'une "matière de feu", il fait scintiller un floral, peut rendre une fougère chaude et sensuelle ou électriser une cologne. En outre, il se dit en milieux avertis que le patchouli aurait un pouvoir d'attraction et d'addiction, ce qui est intéressant lorsque l'on veut fidéliser. Ainsi, il n'a pas encore dit ses derniers mots, comme le prouvent les travaux que j'ai pu sentir jeudi dernier. Cette année, ce sont deux interprétations très différentes de cette matière première qui fêtent leur 40 ans ! Une belle occasion de faire un zoom sur ces deux chefs d'oeuvre.

Le tout premier à fêter l'évènement est le Patchouli de Réminiscence. Il ne plait pas à tout le monde c'est le moins que l'on puisse dire, mais son parti pris très engagé de "soliflore patchouli" lui a permis de trouver une clientèle. Ensuite, j'imagine que la qualité des matières employées dans ce parfum à contribué à fidéliser sa clientèle. En effet, les notes "baumées" telles que la vanille, le benjoin, le baume tolu sélectionnées avec soin par Robertet aujourd'hui jouent admirablement le contrepoint de la brutalité du patchouli qui représente plus de 50% de la formule. Quelques agrumes très légers, du bois santal aux accents lactés et quelques muscs blancs bien ronds lissent le trait. L'équilibre des forces ne joue pas la légèreté, mais plutôt sur des matières qui vont jouer avec la peau. Ainsi, s'il l'on goûte et que l'on aime Patchouli, il y a de fortes chances d'y revenir régulièrement, que l'on soit un homme ou une femme. Parfaitement androgyne, Patchouli est pour moi, comme tous les Réminiscence, un parfum de moment, qui fait appel au tactile, à l'émotion, à la sensualité, et ce serait peut être celui d'être blottis, à deux, sous la laine au coin du feu. Pour célébrer cet anniversaire, Réminiscence a choisi une édition limitée autour d'une récolte de patchouli de l'année 2010 avec l'Incroyable Patchouli. La formule est inchangée, mais la récolte est unique, et lorsque l'on sait que cette sélection de patchouli entre à plus de 50% dans la formule, c'est une belle occasion de varier ses habitudes sans trop prendre de risque avec un beau collector.

L'autre grand parfum culte travaillé autour du patchouli et qui fête cette année sa quarantième année est Aromatic Elixir de Clinique. Très différent du premier car il se détache du coté soliflore, il va chasser du coté des parfums chyprés, tout en restant très emblématique de la matière patchouli. Sa singularité, il la trouve dans un accord de roses assez "fluo" et criard qui jongle avec le patchouli dans un sillage détonnant mais très reconnaissable, la bergamote, le vétiver et la mousse de chêne n'étant que quelques éléments du décor. Précurseur des parfums emblématiques des années "gold" de l'Amérique et paradoxalement de la tendance "bio-aromathérapie", Aromatic Elixir demeure aujourd'hui le partenaire incontournable de la garde-rode parfums de toute amatrice qui se respecte, et reste le pionnier des roses chyprées réinterprétées aujourd'hui dans la famille des "nouveaux chypres" comme Coco Mademoiselle, Miss Dior ou For Her. Comme Patchouli, s'il est porté par un homme et que l'on ne sait pas que c'est lui, il étonne. Il se pourrait bien que Clinique célèbre l'anniversaire avec des animations et peut être aussi un collector.

Les deux parfums ont pour point commun d'être nés à une époque où l'envie de vivre et de s'émanciper voulait transgresser une liberté bridée. Il y a 40ans, les femmes travaillaient peu, les jeunes ne s'exprimaient pas si ouvertement qu'aujourd'hui, les minorités étaient regardées de travers, l'étranger se conjuguait encore avec une part d'inconnu. L'Europe émergeait, les pays de l'Est étaient dans un autre monde, la Chine ne faisait pas peur et le Japon était encore tout petit. Je suis peut être aussi d'autant plus touché par l'évènement que je suis né la même année que ces deux icônes. Aurais-je été inconsciemment bercé de patchouli, qui reste une des matières que je préfère ?

Je profiterais de cet anniversaire pour rappeler à vos nez aguerris deux autres beaux patchoulis : le premier Voleur de Rose de l'Artisan, dans un registre très transparent, vif, incisif avec un fond de pruneaux, et le second C'est la fête au Patchouli de Christian Lacroix, injustement oublié et très difficile à trouver de nos jours, qui serait une sorte de Patchouli de Réminiscence poussé sur la vanille et les muscs. Voilà, pour leurs 40ans, souhaitons donc un joyeux anniversaire à Patchouli et Aromatic Elixir. Force est de constater qu'en 2011, c'est la fête aux patchoulis !

Illustrations : feu d'artifice, Réminiscence, Clinique.

jeudi 16 juin 2011

Une journée pas comme les autres !

A nouveau membre de la Société Française des Parfumeurs depuis peu, j'ai assisté aujourd'hui à la grande messe qui regroupe tous les principaux fournisseurs de matières premières à parfum. Matières premières naturelles et de synthèse se partagent le devant de la scène pour enrichir la palette du parfumeur.

Je ne détaillerais pas tout ce que j'ai pu sentir, mais un constat s'impose : avec toutes les techniques d'extraction, de distillation et de traitement infligées aux matières premières, il est actuellement possible d'obtenir d'une matière un effet qui n'existait pas plusieurs années auparavant. De nouvelles nuances, marines, iodées, florales, font leur apparition sur le vétiver, le patchouli d'habitude très poussiéreux et humide devient presque transparent et limpide, le narcisse montre des facettes plus aériennes autour du cuir et de l'iris, le thé livre des secrets gourmands bien cachés.

La synthèse n'est pas en reste, avec un accent très fort porté sur les notes vertes et fusantes qui boostent les agrumes pour apporter une fraîcheur encore plus naturelle que le naturel seul. C'est étonnant ! Les travaux autour des notes fruitées continuent d'enrichir le propos : la fraise se subtilise, la framboise et le cassis voient s'ouvrir de nouveaux horizons. Les "bois blancs", les muscs blancs et les salicylates dévoilent aussi de nouvelles facettes.

De nombreux travaux portent également sur la recherche de notes plus "conformes IFRA" ou plus "transparentes" dans les parfums, permettant ainsi de gagner un peu de temps.

Bref, je retiens de cette journée de très belles matières senties, de beaux moyens mis sur la recherche de beaux effets qui enrichissent la subtilité des matières et leur richesse, mais je ne peux malgré tout m'empêcher de penser qu'il est dommage, constatant tout cela, de voir que le marché actuel sent le shampofruit, le patchoufruit et la fougère banale ! Heureusement, certaines marques et certains parfumeurs, plus que d'autres, sont attentifs et font des efforts pour exploiter ce magnifique capital. On se prend à rêver alors d'un avenir plus inspiré !

Illustrations : parfumeur au travail, racines de vétiver, graines de cardamome, feuilles de patchouli, fleur de narcisse.

vendredi 3 juin 2011

Aura - Swarovski 2011 : nous, nous, nous, c'est le goût !

On ne peut pas dire que Aura fasse partie des parfums que j'affectionne et encore moins des beaux et rares coups de coeurs qui marquent une année. Pourtant, quelque chose retient mon attention dans le sillage de cet Aura ! Un petit quelque chose qui me titille les papilles, comme une sensation familière qui vient de l'inconscient. Lors de l'élaboration de ce parfum, ne serait on pas aller chercher quelque part dans nos assiettes et dans la salle de bain un certain accord qui plait, car à la fois rare, original, noble et facilement reconnaissable : celui de la rose associée au litchi ?

Techniquement, il s'agit d'équilibrer un accord entre les différentes molécules que la rose a en commun avec la violette, la framboise, le géranium et le litchi. Ceci vaut à la fois pour la parfumerie mais aussi en cuisine et pour les arômes alimentaires. Ce travail avait déjà été amorcé par Mirage de Lancôme il y a de cela quelques années, puis il se retrouva en filigranes dans quelques lancements qui n'ont pas duré, et c'est avec Aura à mon sens qu'il arrive a son paroxysme. Alors, il ne serait pas étonnant d'apprendre que les arômes alimentaires aient joué un rôle dans la conception d'Aura. Cela prouve qu'il peut être amusant parfois d'associer parfum et cuisine. A ce propos, je me suis laisser dire qu'un atelier Mugler verra le jour dans ce sens à la rentrée. Prometteur de belles surprises me semble t-il ?

Mais revenons à un petit tour d'horizon de ce qui a pu inspirer Aura et sa trame de litchi rose, ourlée de muguet et d'ylang-ylang pour évoquer la transparence du cristal de la marque éponyme, le tout se fondant sur un accord légèrement vanillé, comme une pâtisserie dont nous allons parler ! Alors oui, il sera donc possible d'affirmer qu'Aura a bien puisé son inspiration dans la cuisine et sous la douche !! C'est parti !

... petite soirée tranquille :

Dans la cuisine tout d'abord, je relève le macaron qui porte le nom d'Ispahan d'un célèbre pâtissier parisien où l'on fait souvent la queue. Rose, litchi et vanille .... tient tient !!! Vous avez choisi de l'apporter pour le dessert !

L'une de vos invités, très à cheval sur sa ligne, préfère ne pas succomber à cette tentation et prendra un yaourt. Pas de soucis, il y a dans votre frigo la toute dernière trouvaille de Mamie Nova, qu'elle est allée cueillir elle même : le fameux yaourt gourmand au litchi ! Elle goûte et trouve qu'il ressemble beaucoup à Aura que vous portez ! Comment est-ce possible ?

Alors que vous venez de terminer avec vos amis le repas copieux et savoureux suivi du fameux macaron Ispahan, une petite tisane est la bienvenue. Pour redonner un peu d'aura et d'énergie à votre estomac, une petite infusion Délicatesse Rose-Litchi de Lipton vous tente t-elle ? Tient donc, ça ne vous rappelle rien ?

Ouf, la soirée se termine, les invités quittent un à un l'appartement et vous ne rêvez que d'une chose : une bonne douche avant de vous coucher. Et là, dans la salle de bain, machinalement, vous attrapez le gel douche Tahiti .... au Litchi ! Encore !

Moi, je n'ai donc qu'une chose à dire : ne seriez vous pas une addict sans le savoir ? Du gâteau à la douche, en passant par la tisane jusqu'au parfum que vous portez, et si l'on fait un tour dans votre cuisine, l'on remarque également un sirop Monin au litchi et un thé aromatisé à la rose et au litchi. Heureusement, vous n'avez pas tout sorti ! Ainsi, tout ce que vous aurez touché de près ou de loin pendant cette soirée joue sur la corde rose-litchi ! Comment, vous n'aviez pas remarqué ? Lâchez prise, vous êtes peut être sous l'influence d'une aura au delà d'Aura !

Illustrations : Swarovski (bijoux et parfums), Ladurée, Mamie Nova, Lipton, Colgate Palmolive.