mardi 15 décembre 2009

Grey Vetiver - Tom Ford 2009 : l'héritier !

En bas de page, un complément d'article suite à une précision que l'on m'a apportée sur le stand de la marque aujourd'hui.

Si je vous dis que de fil en aiguilles, le vétiver fait du chemin, se défaisant petit à petit de son image vieillotte très sixties pour s'imposer comme une sorte de référence des notes masculines, vous êtes sceptiques, ou vous y croyez ? Chacun se le dispute, avec plus ou moins de bonheur ; il y a le vétiver icône, le classique revisité, le grand classique institutionnel, le vieillot, le palot, le "vieux beau", l'architecturé, le "matière première", le conceptuel etc.

Quand Tom Ford se lance sur ce terrain, il semble vouloir limiter les risques mais il est légitime de penser, en découvrant ce vétiver gris, qu'il ne choisit pas pour autant une mauvaise stratégie. Couleur grise et matières évoquant la grande époque Hollywoodienne, où l'on devine un Montgomery Cliff posant avec une finesse très américaine sur les photos des magazines en vogue, textures appelant la flanelle, le coton et la soie, comme pour inspirer ce parfum mâtiné d'un charme délicieusement vintage.

Ce vétiver surfe sur à peu près tout ce qui se fait de mieux en matière de vétivers, allant puiser des inflexions fraîches de pamplemousse et de fleur d'oranger sur celui de Guerlain, une noisette gourmande et grillée sur celui d'Hermes, une pointe noble, irisée et truffée sur celui de Frédéric Malle, d'autres notes boisées de patchouli chez Lalique, quelques brins ozoniques du coté de chez Lubin, des épices chez Carven, de la fumée et de la profondeur chez Lorenzo Villoresi. Le tout très adroitement habillé de muscs clairs et propres dans un bel ensemble cohérent et limpide. Si comme moi, vous aimez le vétiver, que dire ? Pour une fois, rien, c'est d'une quasi perfection. Texture, esthétique, matière, tenue, ressemblance et profondeur de la racine, jeux entre le passé et l'avenir, tout y est, ce vétiver trouve un équilibre quasi parfait, clair et contemporain. Le tour de force est également d'avoir su cacher et garder dans la fraîcheur du sillage, cette signature de sève végétale propre à Tom Ford, et ce de manière très discrète. Avec un tel héritage, comment ne pas être armé pour affronter la vie et le succès ? Pour ma part, pour l'avoir testé sur quelques jours, il a de grandes chances de détrôner tous ceux qui se sont jusqu'à maintenant refusés à ma peau, sauf bien sûr celui de Villoresi, qui reste ma pépite. En outre, autant je n'arrive plus à porter celui de Guerlain, autant c'est avec joie que ce Grey Vétiver me redonne le goût à la matière et m'apporte à nouveau ce qui faisait l'attrait de celui que j'aimais : la qualité, le charme nostalgique et la profondeur très habilement préservés dans un parfum contemporain, et tant pis s'il vient d'Amérique.


Pour les amateurs, ce vétiver est à découvrir absolument. Pour les autres, si vous devez tenter l'expérience vétiver, n'hésitez pas à expérimenter celui-ci de toute urgence. C'est un peu comme si l'élève avait dépassé ses maîtres, dans un parfum cousu main, aussi fin et masculin que les surpiqûres d'un beau costume ou celles du cuir d'une belle sportive. Elégance décontractée, de pairs en fils, et de fil en aiguille, le vétiver retrouve ses lettres de noblesse, avec Grey Vetiver en digne héritier. Merci Tom Ford pour avoir su "diriger" cette création, once again, et à son équipe de vente des Galeries, dont la passion, le charme et l'élégance sont à la hauteur des ambitions et du luxe revendiqué. Les paroles de Bette Midler "lies the seed, that with the sun grows, in the spring becomes the rose," me parlent curieusement à propos de cette marque.

NB complémentaire : il semblerait qu'un mois à peine après son lancement, le succès de ce parfum ne se démente pas car pour les fêtes et sans pub en France, Grey Vetiver est en rupture de stock mondiale sur tous les points de vente où il a été lancé. Nul doute qu'un vrai beau vétiver devait manquer ! Cela ne devrait pas durer longtemps, mais preuve en est qu'un beau concept cohérent peut imposer une leçon à ceux qui refusent encore de prendre une vraie direction, et ils sont encore nombreux. En tout cas, pour moi, c'est un retour à la racine, depuis que je cherchais à retrouver ce qui me manquait dans le vétiver que l'on m'a retiré il y a dix ans, un retour à un style qui me plait vraiment. Un retour, qui pourrait bien me faire oublier beaucoup d'autres des parfums que j'ai essayé, aimé, mais jamais vraiment adopté pendant ces dix années.

Tom Ford Grey Vetiver est pour le moment vendu exclusivement aux Galeries Lafayettes, en eau de parfum 50ml : 68€ (il ne restait qu'un seul flacon à 17h ce soir).

5 commentaires:

Thierry a dit…

Je viens de voir Marjolaine qui bien sûr m'a parlé de toi...

Quel enthousiasme ! J'ai moi aussi trouvé ce Grey Vetiver séduisant même sur touche. J'attends de vivre avec lui quelques heures pour affiner mon avis.

Il me semble que tu parleras aussi dans quelque temps de Jasmine Musk... Moi aussi, je commence à cerner tes goûts...

Thierry Blondeau a dit…

Oui, un coup de coeur pour ce vétiver, en effet, comme ce fut aussi le cas pour Black Orchid, White Patchouli et Tuscan Leather. Comme quoi, une direction artistique qui sait ce qu'elle veut et où elle va se ressent dans le choix effectués.
Je suis moins convaincu par Pour Homme, quelques Private blend et les Muscs, mais je trouve qu'il y a de quoi en parler quand même, et nous sommes assez loin de ce que fait l'Oréal avec son patrimoine de marques (où va Lancôme par exemple ?).
Je ne sais pas si je parlerai de ce Jasmine Musk, qui joue les clairs-obscurs, mais c'est celui qui pour moi représente le meilleur compromis des 4.

Le Parfumologiste a dit…

Excellente et élégante critique pour un nouveau Vetiver qui, bien qu'Américain, est pour moi l'une des rares réussites olfactives de ces derniers mois! Grande finesse, grande profondeur, et nouveauté appelée à devenir un classique masculin. Bravo pour un blog analytique et connaisseur!

Thierry Blondeau a dit…

Merci, et effectivement, tout cela est très enthousiasmant.
Je porte Grey Vetiver aujourd'hui, et je cherche encore ce qui pourrait ne pas aller, un défaut, une facette, un angle qui ne me plairait pas... mais rien, tout est là, parfait ! Peut être le vétiver "tout ce que j'aime" alors ?

Corto a dit…

Nous partageons, nous le savons, le même amour du vétiver cher méchant loup.

Toutefois, sur ce coup je suis particulièrement sceptique.

D'abord parce que je ne le trouve pas si parfait que ça. Ford reprend la ligne classique d'un vétiver certes correct, mais qui n'est finalement qu'une "mise à jour" d'un Givenchy ou d'un Guerlain; et reste très loin d'une composition brillante d'un Encre noire.

Ensuite parce qu'encore une fois, la maison Ford se moque du monde en proposant un 50 ml à près de 70 euros et surfe toujours sur une prétendue qualité qui ne se justifie que par des prix excessifs, non une qualité de matériaux.

Déçu je suis ! Mais longue vie au vétiver !