jeudi 27 janvier 2011

Les aigles du désir !

La symbolique de l'aigle est liée à la force, à la masculinité et à une certaine forme de virilité. La forme du bec de cet oiseau inspira bon nombre de codes esthétiques, surtout dans les années 30-40, que ce soit dans le mobilier Art Déco où dans le design automobile (illustration). De nos jours, ils continuent à faire référence. Dans le monde du parfum, ces codes esthétiques très typés sont liés à des parfums masculins au caractère bien trempé. Il n'est donc pas étonnant que l'envie me prenne d'associer quatre beaux masculins très typés à cet animal. Ils sont tous nés autour des années 80 et sont construits sur un accord chypré de patchouli et de ce qu'il reste de mousse de chêne. Ils ont pourtant chacun leur style et une signature qui leur est propre, sans jamais tomber dans le propre caricatural ! Aujourd'hui, ce sont un peu des martiens, non ? J'ai donc envie de les redécouvrir, rien que pour quelques lignes de bonheur.

Antaeus de Chanel 1981 :
Antaeus est une fougère aux notes de papa propre faite de lavande et de géranium qui se fond ensuite dans une sublime alchimie de mousse d'arbre, de bois de cèdre, de vétiver et de cuir fumé. Il ouvre le bal. Ce qui me plait dans son sillage, c'est une impression de fruits noirs comme le cassis, qui contraste à merveille avec la profondeur du cuir et des bois précieux comme le vétiver, bien présent. A porter, c'est un délice avec sa connotation "vintage" avec laquelle il peut être sympa de jouer.

Derby de Guerlain 1985 :
Comme tout Guerlain qui se respecte, surtout du temps où l'on ne cherchait pas à recoller trop les foules, Derby accompagnait quelques grands de ce monde, et l'on pouvait le sentir dans quelques salons privés où ils se rendaient pour leur rendez-vous d'affaire. Je garde ainsi en mémoire un moment où j'ai croisé le sillage épicé de girofle, de poivre et de cuir de Derby près d'un hôtel de l'avenue George V à Paris il y a maintenant quelques années. Le pouvoir, la prestance émanait de cette personne, Derby était à sa place, fier et altier. Derby, c'est un oeillet de facture assez classique au départ, mais il se poudre d'iris, s'habille d'un cuir fumé, de poivre et, comme Antaeus, de bois précieux comme le vétiver. Du grand Guerlain, un must.

Versus de Versace 1992 :
Certes, on pourrait reprocher à Versus de trop jouer avec une esthétique "gay icon", mais à l'époque où il est sorti, en 1992, précisément la même année que Angel et l'Eau dIssey, quelques lancements avaient un style, et celui de Versace était très fort. Depuis, malheureusement, ce style s'est étiolé chez Versace, mais il inspire encore D&G et de plus petites marques comme ES Collection. Versus est un baume de massage que l'on imagine respirer dans les fumeries orientales, un parfum ovni, qui ne ressemble à rien d'autre. Très marqué par le pamplemousse en note de tête, son sillage est énigmatique, difficile à décrire et unique. J'y devine un peu de menthe, de lavande, de cèdre, de vétiver, d'encens, de fruits comme la banane, des muscs blanc et une note de cuir. Pas du tout démodé ou vieillot, il a malheureusement disparu. Pourtant, encore aujourd'hui, il pourrait inspirer. A connaitre.

Quorum de Puig 1982:
On ne trouve quasiment plus Quorum en France, pourtant, son sillage de mousse à raser et d'oeillet poivré assez marqué par la note difficile mais peu commune de cumin, peut rappeler Derby, en moins noble et en plus viril encore. Il en impose sans forcer pour autant, et il a un peu moins bien vieilli que les autres. Si vous avez la chance de le croiser, surtout à l'étranger, il est en général bradé. Une bonne raison d'avoir un joli parfum de pouvoir pour un prix dérisoire.

Parfums sensuels et de désir, ces aigles tendent aujourd'hui à mourir alors que les hommes veulent One Million et Bleu, et oublient le reste ... moins de pouvoir, de noblesse, de force, de virilité, et une certaine faiblesse ? Monde cruel !

Illustation : Tucker de Francis Ford Coppola, Chanel, Guerlain, Versace, Puig.

mercredi 19 janvier 2011

Parle moi ... de quoi déjà ?

Parle moi de ce coin où tu serais là seule au calme,
Ce coin, où les enfants ne viendraient pas,
Un coin, comme un havre de paix,
Un coin, où tu te recueillerais...

Parle moi de ce coin où l'on peut lire des pages,
Où la patte de ton écriture se lit d'un seul trait,
Où les couleurs calment et apaisent,
Où l'on se sent bien loin, pour lire ou rêvasser.

Parle moi de ce coin, où le clapotis de l'eau
Inviterait au voyage,
Où les fruits rouges, oranges et jaunes
Marqueraient nos souvenirs ?

Ce coin tu le sais bien, nous y sommes tous passés !
Car nous ne pouvons y échapper.

Dans un coin de ce coin se loge une petite bombe,
Qui d'un seul geste diffuse une senteur de fruits gorgés,
Masquant la chair et le corps.

Dans ce coin l'autre jour tu m'avouais,
Avoir vaporisé un parfum...

Ce parfum parle de fruits gorgés de synthèse, de chimie organique, de ruissellement d'eau pure et fraîche dans une brassée de fleur pâlichonnes et métalliques : me parlais tu du désodorisant ?

Mais non, tu essayais un vrai parfum, vendu comme tel et qui parle d'amour... je n'y ai pas cru bien sûr, mais c'était pourtant vrai !

Si ce parfum parle de fleurs et de fruits, il parle surtout de conquête pour incultes, de gros sous, d'économies d'échelle entre un J'Adore, un sirop sucré récolté au supermarché et un gel douche aux fruits, tous sortis d'un labo de dingues... il parle surtout d'un petit coin où l'on aime que ça ne sente pas trop "l'humain".

Force est de constater, il faut bien l'avouer, qu'entre la bombe désodorisante pour toilettes aux fruits rouges qui était juste à coté et Parlez moi d'Amour, il n'y a aucune différence, même dans la note métallique "cheap" du sillage qui laisse sa trace ! Et qui plus est, il "couvre" bien les ptites mauvaises odeurs. Triste sort et désolé de ne pas pouvoir le taire, voilà qui est dit !

Alors parlez moi de tout, mais surtout pas d'amour, et encore moins de celui du parfum, d'art ou d'investissement créatif.

Si le parfum, la passion, la créativité et l'amour, le vrai, doivent vivre, alors parlez moi d'autre chose... et vite !

Un passionné !

Illustration : déco et design, John Galliano.

vendredi 14 janvier 2011

Parfum de crème, crème de parfum ?

Je ne sais pas si vous aussi vous l'avez remarqué, mais il semble y avoir une tendance très présente en ce moment dans la tête des parfumeurs, à moins que ce ne soit dans celle de ceux qui étudient le "marché" à leur place : les parfums qui se positionnent pourtant comme des produits assez haut de gamme puisent de plus en plus souvent dans le registre des parfums des crèmes cosmétiques ou des lingettes pour le corps. Crème de jour ou de soin, leur trame est reprise et retravaillée pour en faire de vrais parfums de peau. Vous y verrez souvent les notes de magnolia, de muguet, de rose et de violette. Dans les cas que je vais citer en exemples, les matières sont bien choisies et l'effet n'est pas désagréable. Reste à savoir si au final, c'est le sentiment de sentir bon ou celui de porter un parfum qui prévaut ?

Le tout premier parfum auquel je pense est Blu de Bulgari, qui reprend plutôt l'odeur d'une crème solaire dans un esprit vacances. J'aime sa douceur de rose douce et musquée et le contraste qu'apportent le gingembre et le patchouli. Abstraction faite de tous les paramètres objectifs, ce parfum m'amène en vacances.

En 2010, le premier à annoncer clairement le mouvement est Annick Goutal, qui présentait Rose Splendide en revendiquant clairement que ce parfum était dérivé de sa ligne de produits pour le corps. Effet de rose perlée dans une crème de jour, le parfum est subtil, très délicat, mais manque un peu de matière dans son évolution sur peau à mon goût.

Love Chloé surfe aussi sur la vague, mais là, dans mon esprit, il reprend la note douce et crémeuse du savon et du gel douche Dove, qui reste tout de même un bel exemple d'accord "fonctionnel" texturé et luxueux. Des notes très poudrées d'iris habillent ce sillage signé.

Fleur de Cristal, le tout dernier parfum de Lalique, reprend lui aussi un accord de lingettes pour le corps pour en faire un parfum de peau très féminin. Le seul petit défaut que je lui trouve, c'est qu'à trop vouloir aller chercher à imiter J'Adore en décortiquant des études sur les matières qui excitent les hommes, ils ont poussé le bouchon un peu trop loin dans le coté "oestro-génant", comprenne qui pourra. Dommage, dans un flacon qui lui, est splendide, ce muguet propret aurait mérité plus de tension, comme J'Adore le fait si bien.

En Italie, Lorenzo Villoresi se caractérise par des parfums assez capiteux et très texturés par les matières naturelles de grande qualité. Ainsi, bien qu'Iperboréal, son tout dernier bébé, puise dans les crèmes de luxe son identité, le sillage, lui, est dense et très marqué par le benjoin, qui caractériserait un peu la "patte" LV et apporte une réelle profondeur à cette atmosphère féminine et feutrée. Sur peau, c'est pareil, et du coup, ce parfum ne fait pas si cosmétique qu'il pourrait le laisser présager au départ.

Enfin, L'Eau d'Issey florale, qui arrive très bientôt, reprend également un accord violette-rose-hédione très courant dans les crèmes et lingettes, et l'habille d'une rose très douce et des notes marines et boisées de l'original Eau d'Issey, retravaillées avec des musc bancs. Je lui trouve un effet très "peau" et très doux.

Je pense également à la Rose de Roger et Gallet, qui offre pour un prix dérisoire une sensation cosmétique qui peut être appréciable les jours où l'on n'a pas forcement envie de se sentir parfumé. Une eau calme et apaisante, qui procure tout au plus le plaisir de sentir bon.

A mon avis, même s'ils ne sont pas désagréables, il faut bien avoir à l'esprit que se sont au départ des accords discrets qui ne sont pas vraiment des parfums. Je suis partagé car même si je trouve qu'ils n'ont pas les mêmes qualités que les grands Guerlain, j'aime leur douceur et leur lecture au final assez simple, qui dans les cas de Blu, Iperboréal, Love Chloé et L'Eau d'Issey Florale, est pourtant relativement texturée. Si c'est une tendance observée par les experts de la chose, j'espère que le public qui est sensible à ces parfums de crème sait aussi reconnaître par ailleurs la crème des parfums.

mercredi 5 janvier 2011

Couleur turquoise.


Pour commencer l'année, pourquoi ne pas se donner un avant goût de vacances. Ca redonne le moral et laisse imaginer des jours plus chauds et plus cléments non ? Et je vois que le soleil pointe son nez !
J'ai des envies de mer, de lagon, de plage de sable fin, et s'il y a bien une couleur pour évoquer cela, c'est le turquoise, en référence directe à la couleur des eaux de paradis. Un appel au rêve, à la détente au soleil, à la plage.
C'est sûrement pour toutes ces raisons que j'aime généralement les parfums de cette couleur, car il n'y en a pas un seul que je déteste dans ceux dont je vais parler. Bien sûr, ils ne révolutionnent pas la parfumerie, mais je ne sais si c'est la sensation d'abricot velouté, de fraîcheur menthée, de sensation "eau de pluie" cristalline et marine qui m'attire, ou si c'est parce qu'ils évoquent les moments où l'on sort de la douche avec une sensation de bien être et de propre ?

La toute première création par qui tout arrive n'est pas turquoise mais bleue. Pourtant, sans elle, aucun des parfums ci-dessous ne serait ! Nature après la pluie de Nature et découverte est une petite merveille pour la maison, délicieusement mouillée et boisée. Une référence, qui engendre la suite.

La suite, c'est la découverte du gel douche qui est devenu je crois mon préféré (là, je dévoile une part d'intimité) : Criste Marine du Petit Marseillais, que j'utilise essentiellement l'été, mais qui est celui qui reprend en parfumerie pour le corps la trame de Nature après la pluie. Si vous voulez vous amuser un peu, allez le sentir en tout premier puis comparez ensuite avec les parfums qui vont suivre.

Le voyage continue chez Sephora, avec Pacific Curacao, dans lequel je retrouve cette fraîcheur turquoise accompagnée d'une très fine touche de rhum blanc. Hummm, même pour parfumer la salle de bain, c'est sympa !

Le premier parfum qui suivra avec cette note se trouve chez Rochas ! Je réalise en écrivant l'article qu'il aurait pu être une interprétation plus moderne de l'Eau de Roche mais le discours ne le mentionnait pas. AquaWoman joue avec l'hédione d'Aqua di Gio pour homme et cette note "eau de pluie", agrémentée d'un joli patchouli dans un ensemble très lumineux. Méconnu et même oublié, mais j'aimais bien.

Toujours sans vraiment comprendre pourquoi mais sans doute pour les raisons dont je parlais plus haut, j'ai un gros coup de coeur à la sortie de Aqua Marine de Bulgari. A l'époque où je n'étais pas encore Méchant Loup, j'en écrivais les éloges sur auparfum. En été, j'aime le retrouver car il accompagne à merveille le gel douche idoine ci-dessus.

Un an plus tard, rebelote : il me semble que les gens du marketing ont su flairer la tendance, car nous retrouvons la même trame, assez peu différente au final dans Vivara Varazione Acqua 330. Tiens donc, encore une aqua et du turquoise, et ce n'est pas fini ! Et moi, béatement, j'aime toujours autant ! Stupide non ?

En 2009, Azzaro s'y met aussi, avec une édition limitée nommés Aqua (ça surprend hein?), turquoise (ben voyons!), mais que je trouve intéressante par un vrai effet "glacé" et mentholé sur les notes de tête. Ca m'interpelle car c'est finalement assez bien fait, un peu comme dans Géranium pour Monsieur, mais cela ne dure que quelques minutes car le coeur et le fond dévoilent alors trop de poils. Et oui, des notes boisées, viriles et efficaces, vues, revues et rerevues. Dommage, car ce n'était pas trop mal. A l'époque, j'avais envie de faire un article en faisant un parallèle avec le Yéti. Du froid et des poils, un abominable fond d'homme des neiges en somme !

Est-ce étonnant alors de retrouver cette année cet effet glaçon mais qui a cette fois laissé les poils au vestiaire dans Verdon de l'Occitane ? Une fraîcheur vivifiante garantie et bluffante sur un fond de bois blonds "à la Aqua Marine", des plus doux. Bizarrement, je préfère.

Et enfin, le petit dernier pour la route, qui n'a pas manqué lui non plus de me laisser indifférent. Vous m'en voudrez certainement de l'avoir loué, mais que voulez-vous, je crois que je vais devoir m'y résoudre, les aquas turquoises sont la "petite faiblesse qui me perdra". Acqua du Gioia, je n'ai pas pu y couper, car cette énième aqua turquoise a fait l'objet d'un article sincère au moment où je l'écrivais, mais dont je me rends compte aujourd'hui que j'ai peut être un peu trop exagéré le coté qualitatif du parfum, pas trop mal, mais ça casse quand même pas trois pattes à un canard ! Ma ptite faiblesse vous dis-je !! Et qui plus est, chose très étrange, j'ai découvert que c'était l'article le plus lu sur le blog et celui qui apportait le plus de lecteurs lors d'une recherche... surprenant non ?

Alors, le turquoise est bien une faiblesse, c'est un peu "ma" note de la honte, car elle n'est souvent ni noble, ni qualitative ni révolutionnaire, mais je l'aime à tous les coups... est-ce la part de rêve, parce que j'aime cette couleur ou parce que j'ai besoin de vacances ?

Illustration: Taj Exotica Ressort & Spa, Maldives, ci-contre, le gel douche coupable ! Une bonne douche avant un bain de soleil face à la mer ?