vendredi 30 avril 2010

Le muguet fait la femme ?

En ce jour ou le muguet est à l'honneur, c'est une belle occasion pour évoquer ceux qui restent et survivent timidement au milieu de tout. J'ai beau faire le tour de ce qui existe, depuis le regretté Lilia Bella de Guerlain tout de muscs blanc vêtu, il n'en reste que deux : Diorissimo et Lily of the valley de Penhaligon's.

Le premier, incomparablement intemporel a toujours su préserver sa fraîcheur depuis maintenant 54ans. Un incontournable étonnamment hors du temps même aujourd'hui.

Celui de Penhaligon's joue sur un registre plus frais au départ, avec une sensation qui fait presque "crème de jour". Puis, il évolue vers quelque chose de piquant, d'espiègle, qui perdure et s'approche presque du lys. Le brin plus que la fleur ?

Evoquons également comme je le mentionnais dans le précédent article la bougie 1er Mai de Dominique Ropion pour Frédéric Malle, surprenante de naturel.

Caron propose également un muguet, Le muguet du bonheur, que je connais mal car senti il y a fort longtemps. Il me semblait un peu plus daté, légèrement sucré, très vert et légèrement aldéhydé.

Il existe également des évocations plus abstraites comme Vivara Sole 149 et Dalai Lama de Christian Louis, qui seraient plus proches de l'idée du muguet- herbe coupée - jardin que de la fleur seule.

Ces allégories de muguet m'évoquent quelque chose de virginal, qui rend ces soliflores si féminins, si délicats. Y aurait-il dans les molécules qui composent cette fleur et la peau des femmes quelques points communs qui leur permettraient d'entrer en osmose totale, comme si le muguet faisait la femme et comme si la femme était muguet ?

C'est le premier mai, chacun recevra son petit brin et suivra peut être le sillage d'un de ces parfums ? Plein de bonheur à tous et dites moi quelle histoire le muguet vous raconte ?

mardi 27 avril 2010

Le dîner.

La pause fut de courte durée mais que voulez-vous, un beau matin de 1er mai s'annonce, une journée agréable en perspective et l'idée de réunir quelques convives pour un dîner me traverse. La bougie tiendra la chandelle, révélant la préciosité du moment à travers sa flamme.
Bon appétit !

1er Mai : ce sera le thème du dîner, et cette bougie, surprenante de naturel, accompagnera le fond de l'air. Pour l'occasion, en ce jour chômé, chacun portera un brin de muguet à son habit.

- Ouverture -

Cocktail Rosa Rugosa

Champagne au sirop de rose.
Mille-feuilles parfumés à la rose, à la citronnelle et au géranium.

Association de notes communes pour une mise en bouche d'une fraîcheur déconcertante.

- Plat -

Curry de Santal Cardamome

Curry de veau à la cardamome relevé de clou de girofle.

Fraîche et pétillante, la cardamome éveille le palais de ces notes légèrement camphrées et citronnées et s'arrondit sur un santal lacté et crémeux relevé de clou de girofle.

- Dessert et café -

Coffee Society

Petits fours variés à la crème, mignardises au chocolat, amandes.
Champagne, liqueurs.
Café, thé.


Avalanche de plaisirs sucrés et délicats, les langues et les corps se délient, les esprits se relâchent, alanguis. L'atmosphère se réchauffe de sensualité, les convives se détendent, on ne répond plus de rien. Qui sait ce qui peut arriver ?


Plus de trois heures à partager ce moment. La soirée touche à sa fin. Certains sortiront dans le jardin, où les Gardénias, la nuit, exhaleront leur riches parfums, y compris celui au combien précieux de la terre légèrement humide. D'autres préfèreront se réfugier dans leur temple, celui qu'ils connaissent pour se retrouver sur un coin de terre au fond du jardin, près des pierres humides, ou dans une chambre aux meubles lourds et aux parquets cirés, comme pour retrouver le Saint des Saints.
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J'ai aimé : Gardénia la nuit qui reproduit l'opulence naturelle de la fleur jusque dans l'odeur raffinée à l'extrême et addictive de terre mouillée/champignon qu'elle peut avoir la nuit. 1er Mai pour son naturel, sa limpidité et sa simplicité. Enfin, Saint des Saints parce que c'est un patchouli sans compromis, riche, humide, donc presque brut.

Bougies Frédéric Malle, par Dominique Ropion, Carlos Benaïm et Sophia Grojsman, de 60€ à 105€, dans les points de vente de la marque.

Illustration : Coffee Society, Judith Graham.

vendredi 23 avril 2010

Pause !

Petite pause très brève, histoire de se vider un peu la tête et de réfléchir à quelques articles à venir. A très bientôt, ce ne sera pas long.

Une pause comme L'Antimatière d'Isabelle Doyen pour Les Nez : indispensable rien !

Et j'en profite en effet pour faire un petit clin d'oeil et remercier Isabelle Doyen que j'ai rencontrée en fin d'année dernière pour parler de Turtle Vétiver. Actualité chargée et chemin faisant, Turtle Vétiver version 1 est entièrement vendu et je n'ai pas jugé judicieux d'en parler alors.

Cet échange fut aussi l'occasion de livrer nos impressions respectives sur l'Antimatière. A moi de lui dire comment je percevais cette idée, et à Isabelle de décrire ce qu'elle avait voulu traduire. Sans le savoir, nous nous sommes rejoints sur les matières premières qui nous avaient parlées pour donner forme à cette idée forte.

L'Antimatière ne joue ainsi qu'avec des notes de fond, sur une idée de l'ambre gris, avec un trait d'iris que je devine et un soupçon de santal, qui n'apparaît en général que très tardivement dans les parfums. Bien sûr, beaucoup d'evernyl et de mousse de chêne, notes assez proches mais dont l'une appuie l'autre, et surtout, un assemblage de muscs blancs très différents, dont certains sont doux, d'autres plus floraux, et d'autres plus "mouillés", aux effets de lavande veloutée, de peau moite. Il est reconnu que certaines personnes sont anosmiques à une forte dose de certains de ces muscs, ce qui vient appuyer l'idée de vide, de rien. Parfait, les bases y sont, il n'y a plus qu'à se lancer.
L'effet est surprenant : aux dires d'Isabelle, aucune note de tête ou de coeur. On ne le sent donc pas tout de suite ? Il ne peut que se glisser, se lisser et se polir sur la peau, subtilement et discrètement, laissant une empreinte que l'on ne devine que lorsque l'on ne le porte plus.

Et c'est bien là le tour de maître, parfumeur s'entend. Est il là ? Est-il loin ? Si on le porte, on ne le sens pas, si on ne le porte pas, on le sent de suite: "je tenais là mon idée, mon envie" me dit Isabelle !

L'Antimatière résume à lui seul une idée forte qui habite souvent nos esprits : idée que beaucoup éprouvent à propos de leur parfum. "C'est moi, je me sens bien avec, mais je ne le sens pas". Poussée à son paroxysme... l'Antimatière comme indispensable rien ! Comme celui que l'on choisira en somme ?

mardi 20 avril 2010

Une position délicate ?

Pour répondre aux polémiques soulevées par le sujet posté par Ambregris et 1000frangrances, je me posais également les questions suivantes : comment se comporter face à des marques qui vous convoitent, qui ont compris et maitrisent mieux que vous les outils de communication ? Comment dire "non, ce que vous faites ne m'intéresse pas" ? Comment rester objectifs alors que vous vivez pleinement une passion et vous retrouvez parfois dans des situations ou des lieux que vous n'imaginiez pas ? Comment rester intègre face au rouleau compresseur que représente la presse et les marques ? Comment aussi, intégrer les avantages que cela peut avoir sans trahir ses lecteurs ?

Effectivement concerné, je souhaitais clarifier certains points :

- Le parfum fait partie de ma vie depuis très longtemps et me coûte de ce fait une petite fortune chaque année. Le seul moteur, la curiosité et la passion.

- Je ne travaille pas dans le milieu du parfum mais je ne vous cacherais pas que si un jour, une occasion se présente, j'y réfléchirais, c'est clair. Mes connaissances actuelles sont le fruit d'un travail et d'un apprentissage qui dure depuis maintenant dix ans sur mon temps personnel, ce qui m'a permis de découvrir les matières premières, d'approcher la formulation et de lier des contacts. J'ai pris conscience il y a un an et demi que cela pouvait être un atout pour partager cette passion. Ainsi, ce blog est avant tout un loisir guidé par une volonté d'informer, de partager, mais aussi et c'est assez nouveau, d'approcher le milieu du parfum et vivre la passion en son coeur, d'acquérir d'autres connaissances, de prendre du recul par rapport à des à priori que nous pouvons avoir et parler ainsi avec plus de maturité.

- Quand je décide de parler d'un parfum, c'est que j'en ai envie et que quelque chose me plait dans la démarche ou la création, que l'angle d'approche me vient rapidement et j'en profite pour souligner au passage que je ne focalise pas systématiquement sur les nouveautés.

- Avoir un blog, c'est aussi parfois, prendre des risques et avancer à visage découvert sur certains sujets. Ainsi, il m'est arrivé récemment de prendre position sur auparfum contre une marque qui m'avait approché parce que je n'étais pas du tout d'accord avec son discours et son approche et qu'elle ne méritait pas la pub qui en était faite gratuitement. Inversement, vous vous retrouvez parfois à critiquer une marque parce que vous la connaissez mal, parce que son discours n'est pas clair et dans ce cas, le plus intelligent est d'essayer de comprendre pourquoi.

- J'aimerai rappeler à ceux qui pensent que certains articles sont condescendants parce qu'ils louent certains parfums qu'ils m'aiment pas, que défendre sa vision, son point de vue, surtout lorsque l'on sait que ce n'est pas de l'avis de tous, est un pari risqué (voir par exemple mon avis sur le flacon de Only the Brave, sur Ricci Ricci ou mon avis sur La Lune de D&G). Devrais-je taire ces avis sincères, défendus avec mes tripes mais loin de faire l'unanimité ?

Alors, oui, nous sommes convoités et courtisés, mais ce paramètre est nouveau et surtout pas voulu au départ. Il faut donc savoir jongler avec. A ma grande surprise, je ne m'attendais pas à avoir une influence quelconque. Nous aurions donc une image et serions peut être prescripteurs ? Effectivement, le risque, c'est de ne plus être crédible, car un blog est effectivement visible. Certains avis ont souligner les parallèles avec les critiques d'art ou littéraires, et c'est judicieux, car oui, nous sommes bien critiques.

Il me semble alors fondamental que pour être honnête avec ses lecteurs, il faille être honnête avec les marques et leur expliquer que ce n'est pas parce qu'elles vous courtisent que vous parlerez forcement de leur parfum ou d'elles, ce que je m'applique à faire si cela se présente. C'est pour le moment bien accepté.

Autre chose pour conclure : j'ai eu la chance en effet d'être tiré au sort pour la remise du prix du parfum 2010, ou j'ai pourtant croisé d'autres blogueuses francophones. Nous n'étions hélas qu'une goutte d'eau parmi la presse professionnelle. Ce fut un moment éphémère mais plaisant, vécu avec un regard naïf, émerveillé et passionné et dont je n'imaginais pas qu'il pouvait suscité des convoitises ou jalousies que j'ai pu deviner parfois de ci de là, à mon grand regret (la nature humaine sans doute). Echanger avec les professionnels était enrichissant et m'aide à mieux parler du parfum voire à aborder des sujets de fond et de voir comment ils sont ressentis en interne, sans en avoir forcement un retour d'expérience immédiat.

Il me semble alors essentiel de rester transparent, d'expliquer ce que l'on ressent sans langue de bois. Parfois, tellement à fleur de peau, on a juste envie de se calmer, de se poser, mais aussi de hurler quand on est titillé sans avoir rien demandé. Les blogs français sont très loin d'être "commerciaux" comme certains blogs étrangers et je crois que la tendance n'est pas de fausser le discours, bien au contraire.

Je remercie donc au passage Ambregris et Octavian d'avoir ouvert ce débat sur lequel je souhaitais apporter mon point de vue, un peu concerné par la chose quand même. En espérant avoir aussi votre avis et votre retour, c'est important aussi.

Etre visible, aussi relatif cela soit-il, et surtout, s'exprimer ouvertement et librement peut-il et doit-il parfois, vous faire adopter une position délicate ? Sans doute, mais vous ne l'imaginiez pas forcement avant, alors il faut vous roder.

Merci à tous.

Illustrations : Antoine Legrand et Bastien Bucquet - lien vers le site de Bastien Bucquet : cliquer ici

samedi 17 avril 2010

A Scent Eau de parfum florale - Issey Miyake 2010: vous les femmes !

"Vous les femmes, vous le charme, vos sourires nous attirent et nous désarment, vous les anges adorables et nous sommes nous les hommes pauvres diables" !

Vous les femmes, êtes exigeantes : vous ne laissez rien au hasard, et même si les équipes de Firmenich, de BPI et de Issey Miyake sont fières de leur bébé, et il y a pourtant de quoi, la note et la couleur verte du flacon de A Scent vous parle peu. Il ne suffirait donc pas d'originalité pour vous séduire ?

Vous les femmes, aimez être séduites : il faut savoir vous parler et parfois se glisser dans un moule pour être à votre écoute. A Scent a plu, mais surtout à celles qui sont sensibles à la créativité, à celles qui aiment les accords audacieux et les textures innovantes. Malheureusement, ce ne sont pas les plus nombreuses. A Scent a conquis des fidèles, mais reste méconnu du plus grand nombre. Acquérir une aura plus large n'était sans doute pas simple, et Daphné Bugey étant partie pour une aventure passionnante, c'est la non moins talentueuse Annick Ménardo qui s'y attela.

Vous les femmes, aimez être féminines : le choix s'est porté sur l'incorporation à la structure originelle de A Scent de l'accord pêche - rose - fruits - vanille, que certains parfumeurs s'accordent à reconnaitre comme étant indispensable dans un parfum féminin, et qui semble beaucoup, beaucoup, beaucoup plaire. Trop à mon avis !

Vous les femmes, si vous êtes parfumeurs, savez manier les gammes : lisant dans quelques papiers presse que l'objectif de cette eau florale était de donner une nouvelle écriture à A Scent et de le rendre plus accessible, je craignais le pire, car cet accord, magnifié dans des parfums comme Trésors et Paris par exemple n'est aujourd'hui que l'ombre de lui même tellement il s'est corrompu dans des bouquets sans envergure, détruisant ce Trésors sans amour et ce Paris sans élégance. Ici pourtant, nous le retrouvons bien, certes, mais il arrive sur une structure qui tient la route, ce qui lui donne malgré tout le charme de son aîné, avec plus de douceur et effectivement plus de féminité.

Vous les femmes, aimez les notes familières : pour A Scent, j'évoquais la découpe d'un abricot. Pour cette déclinaison, l'abricot devient presque pêche à la peau de velours. A Scent Eau de parfum florale conserve l'effet velouté de A Scent en atténuant le départ crissant et vert du galbanum, pourtant toujours présent, par une note qui rappellera à certaines d'entre vous l'odeur de leur vernis à ongles préféré. Des fleurs blanches et solaires complètent la partition de celles qui veulent être féminines jusqu'au bout.

Vous les femmes, ainsi, pourrez jouer sur deux visages : l'audace maitrisée de l'ainé ou le charme contenu d'un voile de fleurs laissant un sillage doux comme un nuage de son descendant. Vous vous sentez ni tout à fait l'une, ni tout à fait l'autre, le masque se baissera ou se lèvera alors selon les jours. A Scent ou A Scent Eau de parfum florale, vous, quel visage choisirez-vous ?

Et nous : "Pauvres diables, que nous sommes, vulnérables misérables nous les hommes".

Illustration : Kimiko Yashida et Issey Miyake - Lyrics : Julio Iglessias.

mercredi 14 avril 2010

Beaux et pas chers : carré d'As.

Pour vous apporter un peu de réconfort après le débat sur les prix, il existe tout de même des parfums très accessibles dont le style, la forme olfactive et les composants n'ont rien à envier à ceux qui sont vendus le double voire le triple. Voici donc un carré gagnant et pourquoi il me semble qu'ils méritent que l'on s'y intéresse. Un tout petit effort, à tout petit prix.

As de trèfle - Odalisque de Nicolai : un bouquet de fleurs blanches loin d'être ingénues, couvertes de bois précieux. J'y perçois des fleurs comme le jasmin, le gardénia et une pointe de tubéreuse, une note poudrée lui conférant un effet luxueux et irisé, puis de profonds bois sensuels et chauds. Jouant à cache-cache entre passion enjouée et mystère, ce parfum peut être espiègle, suave ou intrigant. Si vous voulez jouer, vu le prix, c'est un must have.

As de coeur - Labdanum de Séville de l'Occitane : que dire de plus sur le coup de coeur qu'il a provoqué chez moi et que ce que j'en ai déjà dit ici. Si vous ne le connaissez pas encore, c'est que je n'en ai pas encore assez parlé, et c'est un parfum à découvrir.

As de pic - Kate Moss de Coty : ce parfum pétillant et piquant me réconcilie avec les fruités floraux et avec Coty, qui ne s'était franchement pas manifesté depuis longtemps avec des jus intéressants. Bien sûr, le prix aide à faire passer la donne mais franchement, à y regarder de plus près, nous avons là un joli floral suave, fruité avec un bel effet peau de pêche très justement et subtilement transcrit, jamais sucré et où le patchouli et une rose apporte une belle touche de finesse. Il y a bien sur un "effet propre" mais il est ici réconfortant, tout comme le prix. Une excellente alternative "petit prix" à ces pairs beaucoup plus chers que peuvent être Narciso For Her, Encre Noire pour elle ou même le dernier Chance Eau tendre qui jouent la même mélodie et encore bien d'autres, toute proportion gardée bien sûr.

As de carreaux - Voile d'Ambre d'Yves Rocher : lorsque j'ai découvert ce parfum, j'ai immédiatement pensé à Shalimar. Bien sûr, les matières nobles et la profondeur se font moins présentes et moins subtiles, mais tout de même, pour le prix, l'effet et bluffant. Je disais dans mon article précédent qu'il pouvait plaire à celles qui portent Shalimar ou Musc Ravageur les jours où elles troquent leur tailleur contre un T-Shirt. Douillet comme un carreau de voile de cachemire et souple comme un pull "doudou" fraîchement lavé, Voile d'Ambre porte très bien son nom. Il serait dommage de passer à coté sous prétexte que la marque n'est pas assez prestigieuse, vraiment.

vendredi 9 avril 2010

Grand Prix du parfum 2010 : résultats et impressions.

Comme le partage avec vous Poivrebleu depuis hier, nous étions ravis de participer au jury qui allait remettre le Prix des spécialistes. Ce fut une expérience vivante, avec quelques discussions parfois intenses et passionnées, mais nous fûmes unanimes lorsqu'il fallu n'en choisir qu'un. Ainsi, je suis ravi et fier de voir que la XIII Heure de Cartier emporte non seulement le Prix des spécialistes, mais aussi celui des parfumeurs. Je revêts mon smoking et monte sur le podium, accompagné d'une élégante en robe du soir, pour vous faire partager les prix remis et ...

... les gagnants sont :

Meilleur parfum féminin : Ricci Ricci de Nina Ricci
J'ai l'impression que les votes se sont portés sur ce qui aurait pu être un flanker de Angel du même parfumeur, avec tout ce que cela sous-entend. Une occasion de relire cet article.

Meilleur parfum masculin : Jamais le Dimanche de Ego Facto.
Belle surprise de l'avis général, mais vous savez quoi ? Je fais aveu de faiblesse, ne l'ayant senti qu'une seule fois à sa sortie, cette élection me redonne envie d'y mettre le nez. Une gamme dont je n'ai pas trop voulu parler au lancement car je trouvais qu'on en parlait déjà beaucoup et sur laquelle je ne suis pas revenu, à tort. Pourtant, avec le recul, j'apprécie la cohérence du concept, la qualité des choix esthétiques et des matières premières, la sympathie réelle et l'humour de son créateur, la motivation et l'implication passionnée des équipes de la marque. Dans la gamme, j'avais remarqué Poopoo Pidoo et Prends Garde à toi et n'aimais pas du tout Me Myself & I. Il faut donc absolument que je ressente Jamais le dimanche. Un beau pari qui porte ses fruits on dirait.

Meilleur parfum sous enseigne propre : So Elixir de Yves Rocher.
Cette récompense me parait justifiée pour Yves Rocher. So Elixir est un chypré floral d'un excellent rapport qualité/prix pour rester pragmatique, fruits des efforts de créativité qui se sentent. Profitez-en pour découvrir aussi Voile d'ambre, que les amatrices d'ambrés comme Shalimar ou Musc Ravageur pourraient adopter pour leur week end t-shirt. J'aurais souhaité voir élu Labdanum de Seville de l'Occitane, pour ces matières premières et son évocation du tabac blond, mais c'est très personnel.

Meilleur flacon féminin : Ricci Ricci de Nina Ricci.
Flaconnage à priori difficile à réaliser techniquement, j'aime la texture du verre, les arêtes polies, le travail sur les dégradés du pourpre et celui sur le ruban qui fait le lien entre l'univers du parfum et de la couture. Ce choix me plait, mais Essence et A Scent auraient mérité leur chance.

Meilleur flacon masculin : Only the Brave de Diesel.
Même chose, même si l'idée est loin de séduire en masse le monde du parfum. Le flacon est une oeuvre, dont j'apprécie tout particulièrement la texture du verre très douce, très "qualitative" avec son bel effet verni. Le bouchon (capot dans le langage "pro") est parfaitement intégré à l'ensemble, et le poing américain qui supporte la marque est une idée novatrice. Coup de coeur également pour le contenu, qui, malgré ses notes ambrées prononcées qui plaisent beaucoup aujourd'hui, se distingue par la douceur de belles notes vanillées en fond, et par l'originalité de l'effet dattes sèches ou alcool de figues que mon nez perçoit.

Meilleure communication : Miss Dior Chérie l'Eau de Dior.
Comme l'a souligné François Demachy, cette campagne colorée jouant à la fois sur les codes 60's et actuels était axée sur la lumière et l'optimisme d'une promesse de bonheur et d'innocence dans un monde très largement morose. Je partage cet avis rafraichissant et j'aime beaucoup l'effet pastel dans le traitement esthétique de la campagne.

Coup de coeur de la rédaction Marie Claire : Eau de Gentiane blanche d' Hermes.
Que dire, si ce n'est que ce parfum aura sans doute droit à un petit article. Promesse d'une eau de cologne sans agrumes, promesse tenue par le maitre aux commandes parfumées de la maison. Mesdames de chez Marie Claire, je vous suis entièrement et si vos bureaux sont aspergés de ce parfum, il doit être agréable de vous rendre visite à la rédaction du magazine.

Coup de foudre des lectrices Marie Claire : Idylle de Guerlain.
Thierry Wasser lui même avoue être surpris que ce parfum plaise à un public jeune ! Idylle est un parfum très fin et très équilibré autour du patchouli, de la rose et des muscs blancs. Comme quoi il est possible de rajeunir sa clientèle en maintenant un certain standing ! Objectif atteint presque sans le vouloir, et clin d'oeil pour le flacon de Ora Ito également.

Prix des spécialistes & Prix des parfumeurs : La XIII Heure de Cartier.
Celui que nous avons élu, parfaitement conscients qu'il s'agissait là d'un parfum d'exception. Il aura droit à son propre article mais je n'ai que deux mots à dire : bravo et merci. Un regret tout de même : que la qualité, aujourd'hui, soit à ce prix et inaccessible hors des boutiques de bijoux. Peut être le prix de l'exception, mais cela mériterait un débat.

Petit clin d'oeil de Méchant Loup : Géranium pour monsieur de Dominique Ropion pour Frédéric Malle. Challenger de la XIII Heure au vote des spécialistes, j'aime sa structure, son audace, sa masculinité et l'originalité de l'accord et du travail. Ce parfum novateur me donne envie de tourner une page dans l'histoire de ma vie parfumée, comme l'attaque d'un nouveau chapitre sous le signe d'une bouffée de fraicheur audacieuse. Les beaux jours arrivent, c'est de circonstance. Ne craignez pas de sentir le dentifrice en le portant, c'est beaucoup plus que cela, très fin et élégant.

Pour réfléchir plus en amont, je vous invite à lire l'article de Poivrebleu. Peut être commencerez vous à préparer vos votes pour l'an prochain, ou peut être souhaitez vous réagir à ces votes ? N'hésitez surtout pas.

Petit coucou et special thanks to : Catherine, Hélène, Nathalie, Denyse, Juliette, Caroline, Thierry, Anne Marie, Julien, Sabine, Marion, Richard, Michael et bien d'autres... à bientôt ! Et bravo à Mathilde !

mardi 6 avril 2010

L'Eau Sento - IUNX 2003 : faire parler le silence.

Depuis de longues années déjà, l'oeuvre d'Olivia Giacobetti s'inspire de la nature pour nous en livrer une vision avant-gardiste et épurée. Construite autour d'accords forts qu'elle décline ensuite en fonction des marques et des exigences de ses clients avec toujours beaucoup de talent et d'adresse, l'on imagine aisément que lorsqu'elle s'investit personnellement dans la création d'une marque, il en sortira le plus beau. C'est en quelques sorte ce que l'on trouvera chez Iunx, dont la boutique réduite par rapport aux toutes premières ambitions ne propose aujourd'hui qu'une partie de l'oeuvre initiale de 2003 dans un espace chaleureux au coeur de la rue du faubourg Saint Honoré, juste à coté le l'Hôtel Coste.

Outre l'Ether, dont vous trouverez une première revue ici par Jeanne de auparfum, c'est l'Eau Sento qui m'a séduit. Ce que j'aime dans cette Eau, c'est qu'elle gomme le principal défaut de Navégar et Préparation Parfumée dont elle s'inspire très largement, à savoir la tenue. En puisant sa force et sa forme au sein de ces deux autres magnifiques parfums, Olivia Giacobetti semble avoir poussé les notes de fond sans dénaturer la structure dans un ensemble d'un équilibre parfait. J'aime l'envolée d'encens, mes narines frémissent aux accents épicés du poivre noir, la peau vibre au son du cèdre blanc et mon esprit se noie dans les notes marines et profondes d'eau de pluie. Aux dires de Ronald, ambassadeur enjoué des créations parfumées d'Olivia à la boutique, l'idée de départ était d'approcher l'évocation des bois flottés portés par la mer et venant s'échouer sur les cotes japonaises. Nous y sommes, en effet, que dire de plus.

L'Eau Sento, c'est un accord nu aux bois flottés jusqu'à l'écume des vagues salées venues les polir, comme un murmure en fondus de gris. N'a t-on jamais dit d'Olivia qu'elle savait faire parler le silence ?

Boutique Iunx et Coste, 24 rue du Faubourg Saint Honoré, 75008 Paris. Bonjour Ronald !

Illustration : Nu au bois flotté de Lucien Clerge.


vendredi 2 avril 2010

Beyond Paradise - Estée Lauder 2004 : sun profusion.

Nous, européens, sommes parfois prisonniers de notre culture, de notre histoire, de nos habitudes. De ce fait, il nous est difficile de concevoir ce qui pour d'autres semble presque évident. Alors, quand une grande marque américaine innove en présentant un parfum qui sent une fleur jamais diffusée à l'échelle mondiale, et que Lucas Turin qualifie ce parfum de chef d'oeuvre, on s'interroge, on ne pense pas que cela soit possible, tant nous ne pouvons concevoir cette idée.
Une fois n'est pas coutume, je suis bien d'accord avec Lucas. Je vous vois déjà venir, vous allez me demander pourquoi... well, let's go !

Pour bien appréhender Beyond Paradise, il faut au moins un prérequis : avoir au moins une fois dans sa vie senti l'odeur du lys blanc et celle d'une fleur de frangipanier fraichement cueillie sur l'arbre. Suaves et envoutantes, ces fleurs ont marqué ma mémoire tellement elles parlent de vacances, de plage et de paysages de paradis. Puis vient le jour où vous découvrez Beyond Paradise. Ce parfum est aussi simple qu'il est beau, un bouquet de ces deux fleurs opulentes, traité en 3D dans toutes les aspérités de leur facettes olfactives, oubliant les codes anciens pour proposer une écriture technologique qui sait préserver subtilement l'aspect naturel des deux fleurs : pour créer cette fleur de frangipanier, on devine une note proche de la tubéreuse, un jasmin blanc, des notes de crème solaire, un peu de rose anisée, de pivoine ainsi qu'une légère inflexion végétale rappelant le lys. Le sillage des fleurs blanches me laisse rarement indifférent, et celui-ci ne fait pas exception. Il me séduit, m'attire et me captive par son magnétisme.
Sans doute issue des recherches les plus récentes et capturée avec les techniques "nature print" les plus poussées, tel un film diffusé en 3D, la fleur est exacerbée mais belle, et surtout, d'un naturel surprenant malgré le traitement. Vous étiez déjà au paradis, vous passez au delà. Plus que sur une description détaillée des composants, qui sont en outre très bien maitrisés et jaugés, je m'attarderais sur la cohérence de l'ensemble et sur le sillage que j'admire. Si vous prenez le temps de vous attarder un tant soit peu sur la production actuelle, entre gardénias, tubéreuses crémeuses et jasmins solaires qui sont l'apanage des marques de niche, aucun parfum grand public ne reproduit aussi fidèlement et aussi subtilement l'odeur de la fleur de frangipanier, et vous emporte ainsi au delà du paradis.

Il manque peut être un peu de "sale" pour plaire à nos narines habituées à plus de corps, mais rien que parce qu'il véhicule merveilleusement cette fleur de paradis de part le monde, et parce qu'il est vendu et diffusé partout avec une signature aussi marquée et unique, Beyond Paradise mérite bien, à mon sens, son rang de chef d'oeuvre. Un chef d'oeuvre made in USA, tel un rayon de soleil à profusion.
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Avec ses notes de melon d'eau, de mangue, de sève végétale et de menthe glacée, la version masculine se situe trop loin de nos goûts français, et c'est sans doute pour cela qu'elle n'est pas importée. Le fond est plus attendu mais tout de même joliment boisé de cèdre autour d'un ambre végétal et des muscs blancs. L'ensemble a le mérite de ne ressembler à aucun parfum connu et fait plutôt bonne figure dans un marché aseptisé. Je l'ai fait découvrir à un ami qui ne portait pas de parfum. Ce fut un premier pas mais depuis, c'est son préféré, comme quoi !

Illustration : Love profusion de Madonna et Estée Lauder.