samedi 16 avril 2011

New York : chaos olfactif ?

Le plus gros avantage de New York sur Paris, c'est que la grosse pomme ne sent pas le gasoil, car il est très peu diffusé ici et les vents balayent la ville de la pollution en cette saison ! Le problème, c'est que l'absence de senteur de carburant dans l'air fait ressortir toutes les autres et pas des moindre : New York sent à tous les coins de rues ...

Poussé par la friture de certains restaurants, happé par la viande grillée proposée dans d'autres, bousculé par les relents de hot-dogs partout, heurté par les dédales de poubelles à même le trottoir les jours de ramassage, agressé par les produits ménagers et dépoussiérants utilisés dans les halls d'entrées, les hôtels, les boutiques pour rendre leur univers un peu propre, l'être humain se retrouve à New York dans une cacophonie de bouffe, de produits chimiques et d'odeurs de saleté. C'est encore pire les jours de pluie quand les trottoirs renvoient leur remugles de pierre sale mouillée à nos narines sensibles. Le métro n'est pas en reste : il ne sent pas l'urine comme à Paris, mais l'asphalte, le ballast, le goudron.

Pour nous rassurer, il n'y a pas que des odeurs d'enfer : certaines boutiques jouent habilement de l'olfaction pour habiller leurs rayons et chahuter nos narines de chocolat chaud, de bonbons et de fleurs artificielles. Les vendeurs de chouchous si appétissants y vont aussi de leurs concerts. Le district fait des efforts pour planter des fleurs parfumées comme la jacinthe dans les jardins et dans de gros pots de fleurs le long des trottoirs fréquentés comme Broadway. Ainsi parfois, ces douces fleurs bleues qui peuvent faire penser à du muguet apaisent le tumulte ambiant.

Et le parfum dans tout ça me direz vous ? Ce n'est malheureusement pas le paradis : à la sortie des théâtres et des cinés le samedi soir, Time Square, c'est la foire au shampoing ! Ont été identifiés : la rose fluo de Very Irresistible de Givenchy (vive la France !), la pomme fleurie de Daisy de Marc Jacobs, la pomme verte shampouineuse de Be Delicious de Donna Karan (omniprésent), quelques accords muguets-thé vert de-ci-delà, quelques fougères masculines très banales et l'interminable flot tutti-fruiti. Hormis cela, rien de particulier ! Comme si ce n'était pas assez, s'ajoute à cela une distribution hasardeuse et chaotique, où il est quasiment plus facile de trouver une contrefaçon qu'un parfum original si l'on s'éloigne des grands magasins, le harcèlement quand vous traversez le rayon parfums de Macy's, de Saks ou de Bloomingdale's, le peu de références dans la grande enseigne française qu'est Sephora, où même Ck One n'a plus trop la cote, et l'on comprends que les new yorkais ne soient pas enclins à se laisser aller facilement aux plaisirs du parfum. En effet, par peur, par frustration, par dégout ou lassitude, ils se parfument peu dans leur globalité. Certains se risquent timidement aux parfums propres et purs, mais cela ne se remarque pas. Ainsi, Cartier de Lune, l'Eau de Lutens, Pure DKNY s'invitent, mais ne percent pas !

Alors imaginez le plaisir de suivre le sillage poudré et métallique d'un N°5 croisé tout à fait par hasard sur Fifth Avenue sur laquelle il est très approprié, où celui, devenu rare d'une tubéreuse chaude et sucrée du coté de Madison Square ! Imaginez le luxe d'un dépaysement au détour des boutiques Frédéric Malle ou Creed sur Madison Avenue, ou chez Aedes De Venustas au tout début de Christopher Street, un Ovni dans cette ville aseptisée.

Il semble bien terminé le temps des Knowing, des Pleasures, des Gold, des Aromatic Elixir, car même si ces parfums continuent à se vendre outre Atlantique, on a tout de même le sentiment que New York est passé à autre chose : les parfums cools, propres, discrets et faciles, et surtout plus du tout luxueux et couteux semblent prendre le relai. Ces parfums "easy to wear", qui vous accompagnent sans se remarquer semblent avoir les faveurs du commun des mortels. En revanche, l'avalanche de "frui-frui girly pouff" associée à la jupe hyper mini, au maquillage funky et aux gros seins, continuent d'inonder le monde, ici plus qu'ailleurs (this is the world we live in !)

Alors non, New York n'est définitivement pas la ville du parfum et des belles odeurs, mais je l'aime bien cette grosse pomme un peu cracra, malgré tout, et j'y retournerai volontiers dès que possible !

Illustration : Hedda Sterne - New York VIII, Moma - Be Delicious de Donna Karan.

12 commentaires:

Unknown a dit…

Plus personne se parfume aux Etats-Unis et les irreductibles ne le font que pour des occasions speciales. Je dois bien etre la seule a New York qui se parfume pour un oui ou pour un non.
Il y a vingt ans les femmes se parfumaient encore dans les bureaux, aujourd'hui c'est de l'histoire ancienne.
Finalement si on veut sentir des parfums forts et pas toujours rafines il faut aller dans des boites latino / black de Brooklyn ou de quartiers nords de Manhattan comme Washington Heights / Inwood, le Bronx...d'ailleurs Mechant Loup si tu retournes a New York ne manque d'aller dans une boite de jazz a Harlem qui s'appelle St Nicks, de meme rends toi chez Sephora du Manhattan Mall situe a un block plus bas que Macy's (et pas le Sephora de la 34eme), la clientele est tres ethnique, du coup c'est le seul point de vente Sephora ou on trouve des bizzareries ancrees tres annees 80 comme Paloma Picasso. Du cote de chez moi, le Sephora de Forest Hills ils viennent tout juste de supprimer la gamme des parfums Hermes et pour Guerlain il ne reste que deux Acqua Allegoria. Les parfums francais qui marchent le mieux en amerique sont Angel, Coco Melle et J'adore. Tu as du remarquer l'engouement des americains pour les marques italiennes, que ce soit la mode ou la parfumerie; la putasserie, la vulgarite et le bling bling bien clinquant ca vend!

Thierry a dit…

Méchant Loup, il faudra qu'on parle plus longuement de ton séjour...

Aedes constitue probablement une exception, dans le style "grand dame de la déco" :-) certes, mais j'aimerais bien qu'il y ait une boutique à Paris aussi riche en références...
Et Le Labo, c'est quand même mieux que le stand Colette parisien, non ?

Bon je ne vais pas sortir mon drapeau tricolore, ce n'est pas vraiment le genre de la maison :-), mais quand je constate que dans mon environnement au travail, je peux sentir autour de la machine à café Mitsouko, L'Heure bleue, Une Rose, le N°22, Vétiver Extraordinaire (mon collègue que tu as croisé s'y est enfin converti)... je me dis en confrontant mon expérience quotidienne à celle d'Emma qu'on a quand même de la chance... même si bien sûr dans le métro - que je prends heureusement très rarement - cela ressemble peut-être à Times Square, olfactivement parlant...

Poivrebleu a dit…

Le tableau que tu dépeins me semble bien tristounet! En tout cas, si New York m'attire, ça ne sera pas pour les parfums sûrement!
Je rejoins Thierry par rapport à l'expérience quotidienne que l'on fait des parfums en France (où à Paris en tout cas), j'en discutais récemment avec Jicky, mais je suis parfois étonnée de la quantité de parfums "de niche" que je croise parfois dans la rue... J'espère que ce goût du parfum et des belles odeurs ne se perdra pas avec les années. En tout cas, je me battrai pour que ça n'arrive pas!

Et sinon, contente de te voir de retour!

Jicky et Phoebus a dit…

Tous ici, en tant que que combattant de l'Olfactif Power, je pense ne pas me tromper que si la prochaine que tu vas à NY et que tu as besoin de Goshtbusters du parfums, bah perso, je veux bien t'accompagner ^^

Cela dit, le métro parisien, j'aime bien... Du moins, l'intérieur des rames. Parce que là où on attend, c'est tellement horrible !!!

Je vais parler racines familiales, mais le Québec n'est pas clinquant olfactivement. Les gens ne se parfument pas ou se parfument bien. J'ai quand même rencontré Opium vintage, A Scent bouteille verte, Poison, Shalimar (et en extrait :O !), Alien, Pi, Boucheron, ec...

Vive l'odorat !

Jicky

Thierry Blondeau a dit…

Les américains n'ont peut être pas le goût ni la culture parfum des français, mais ils ont d'autres qualités; heureusement. Autre peuple, autre histoire, autres moeurs, on a juste un peu le sentiment qu'à ce jour, ils ont un peu oublié la notion de se faire plaisir. Le peuvent-ils seulement ? Mais c'est un autre débat.

T. Cazaubon a dit…

Je peux vous assurer qu'il y a bien des américaines qui prennent plaisir à se parfumer, et correctement! Je porte en ce moment Divine de chez Divine. Bon, j'admets que je suis à peu près la seule dans mon bureau à porter du parfum, mais les gens autour de moi apprécient, j'ai des compliments presque quotidiens. À mon avis c'est le manque presque total de parfums de qualité disponible dans ma ville (San Diego en Californie) qui est responsable du desert olfactif. Vu les choix chez Sephora, Macys et Nordstrom, je serais tentée de laisser tomber moi aussi. Heureusement je peux commander des parfums du monde entier chez Luckyscent.com à Los Angeles, l'équivalent d'Aedes sur la côte ouest.

Unknown a dit…

Cazaubon, il y aura toujours une elite d'inities qui se parfume et apprecie les grands parfums aux Etats-Unis et dans le reste du monde (d'ailleurs l'edition limitee 2011 Le Muguet de Guerlain a 600 dollars le flacon est sur le point d'etre epuisee a la vente a New York) mais noyee dans la masse, on se croit bien seule. Dans mon entourage de personnes qui se situent entre 25 et 45 ans, je suis la seule qui se parfume et quand je porte Le Temps d'Une Fete on me dit que ca sent la vieille, si je porte Idylle, Nuit de Cellophane et Cartier de Lune, je passe pour une francaise qui se la joue parisienne elegante. Avez-vous lu les avis de jeunes americaines sur makeupalley a propos d'Idylle? Certaines trouvent qu'il est trop "sophistique". Nous sommes des perfumistas, on ne represente pas du tout les gouts du Middle America ;-)

zab63 a dit…

Et qu'en est-il de la marque Bond n°9? Un parfum pour chaque quartier de New York ... Quelqu'un a-t-il essayé l'un d'entre eux ?

Philippe M. a dit…

Bonjour, avez-vous déjà eu l'occasion de renifler "Carbone" de Balmain, et si oui, qu'en avez-vous pensé ?

Unknown a dit…

zab, Bond No.9 c'est rien d'autre qu'une supercherie marketing, des parfums chers et generalement tres moyens. Un parfum pour chaque quartier de New York...en tout cas ils sont pas venus dans mon quartier, leur conception tres "touriste de base" des quartiers new-yorkais c'est un peu comme si on reduisait Paris a la Tour Eiffel, Saint-Germain-des-Pres et la place de la Concorde. Maintenant je suis sure qu'il y a plein de gogos qu'aiment ca, avoir un joli flacon qui s'appelle Chinatown ou Wall Street...

Thierry Blondeau a dit…

Je suis du même avis qu'Emma concernant la marque Bond : ces parfums donnent l'impression d'être des essais proposés pour le mainstream mais qui ont été refusés. Soit ils sont dissonants, soit ils n'apportent rien par rapport à de beaux parfums grand public. Pourtant, ça fonctionne tant la marge est élevée, ça minimise le risque et il y a toujours quelques gogos à qui ça plait.

Pour Carbone de Balmain, je le trouve original et équilibré mais l'accord n'est pas marquant. En revanche, il plaira aux amateurs de bois blancs épicés.

zab63 a dit…

Merci beaucoup, Emma et Méchant Loup : vos avis me feront gagner du temps!