vendredi 21 octobre 2016

Vivre la critique et s'expliquer.

En lisant certains avis sur beauté-test concernant mes parfums, certains n'hésitent pas à dire "je n'aime pas les parfums de Thierry, même s'ils sont intellectuellement intéressants". En tant que blogueur, j'ai moi même poussé des coups de gueule et critiquer parfois. Alors, même si elle n'est pas très agréable à lire, je prends la critique avec gratitude car elle a au moins une vertu : elle permet de s'expliquer.

Une chose avant tout : lorsque je travaille un parfum, ma raison d'être est d'éviter un maximum de reproduire des schémas olfactifs établis ou déjà explorés, et je n'ai pas d'autre motivation. Ainsi, je prends des risques, et croyez moi, l'exercice est périlleux. 

Quelques exemples pour illustrer le propos: 


Conquérante est conceptuel, certes. C'est un "exercice de style" sur l'idée bien précise d'une combattante qui part à la guerre au moyen age. Il n'y a eu aucun compromis pour chercher à plaire, mais seulement celui d'être fidèle à la dureté des combats. Pour mieux comprendre comment vous pouvez le porter, car après tout c'est aussi un parfum, je vous invite à regarder les films de guerre au moyen age. Gladiateur ou guerrière, qui sait qui vous serez, mais c'est à ce prix qu'il s'appréhende. 


Cuir Extrême est "extrême" et sans compromis, ça c'est sûr. Mais qui ose aujourd'hui faire une note fumée très affirmée en évitant qu'elle soit trop lourde ? C'est le plus chamanique de mes parfums, et celui qui plait le plus. 

Aléa Jacta Est n'est pas "facile", c'est le moins que l'on puisse dire. Mais qui peut, dans la parfumerie actuelle, hormis Serge Lutens et Tubéreuse Criminelle, revendiquer une fleur vénéneuse, dangereuse et narcotique qui n'en ait pas que le nom ?  

Par contre, je ne vois aucun avis ni partage sur Mystique : étrange et mystérieux, cela m'intrigue, il doit être trop timide ?

En tant que parfumeur autodidacte et indépendant, j'ai conscience du fait que les premiers exemplaires de mes parfums n'étaient pas parfaits techniquement, mais je me suis lancé, au moins, et avec le temps j'évolue, je progresse, et finalement, je trouve les clés, les solutions techniques tout seul. Ce qui me semblait impossible au départ se débloque, j'y arrive. Ainsi, j'espère vous faire partager de belles surprises à l'avenir, car, malgré les partis pris olfactifs, développer une sensation plus tactile, un sillage plus enveloppant, une texture plus "parfum" m'a toujours accompagné. Ces évolutions tout en nuances font partie de la vie de mes parfums (et pas que des miens), et je vous invite donc à les suivre régulièrement.  

Rome ne s'est pas construite en un jour, alors je continue, et ceux qui apprécient comprendront certainement, enfin, j'espère  !!! On avance, b-testeuses, b-testeurs, on en reparle bientôt, mais surtout, ne restez pas sur ce que vous avez senti il y a plus d'un an, continuez à mettre vos nez dedans, ils sont faits pour ça ! Je vous dis à très bientôt. 

Illustrations : Charlie Brown : "je pense que j'ai peur d'être heureux, car quand je sens le bonheur, il se passe toujours quelque chose de mal". Maison de parfums Berry, Thierry Blondeau parfums. 

9 commentaires:

Isabelle (gabichou) a dit…

Bonjour Thierry,
mais si, on l'aime, ta Conquérante ! Nétallique et verte, j'avoue que c'est un alliage qui me séduit. Mais effectivement, c'est loin d'être un parfum "facile".

La Mystique, je n'en ai pas encore parlé (mais ce n'est pas le seul de la série sur lequel je n'ai rien dit), car j'ai plus de mal à l'appréhender et surtout à le décrire (ce qui est un peu l'exercice sur BT : on cherche à communiquer ses impressions aux autres). Ce n'est pas parce que je le trouve timide, au contraire, je le ressens comme très chargé en muscs et j'ai un peu de mal à y trouver mes repères. Et du coup, comme avec certains parfums d'Anatole, je préfère attendre de le resentir et ne pas en parler de suite plutôt que d'en parler en étant à coté de la plaque.

Anonyme a dit…

You're barking at the wrong tree! J'ai du mal à comprendre - "looking for validation", j'imagine mal Serge Lutens aller sur un sit comme Beauté Test (the bottom of the barrel( pour pleurer ensuite.
Envoyez vos parfums à une bloggeuse nettement plus intelligente comme Kafkaesque!




Thierry Blondeau a dit…

Ouuh lala !

Si je donne l'impression de pleurer, c'est que vraiment que je "brake at the wrong tree" comme vous dites. Je réagissais juste sur le fait d'accepter d'être critiqué quand on créé. Cela ne fait pas plaisir, mais cela permet d'expliquer ce que l'on fait, ce que je voulais faire avec cet article.

Quant à "looking for validation" à la bonne personne, premièrement, ce ne sera pas tout de suite car comme je l'écris, je progresse pour améliorer mes parfums, et deuxièmement, les b-testeurs et b-testeuses sont des personnes, vraies, qui existent et ont parfaitement le droit de s'exprimer.

Bref, pas de rancune, il me semble reconnaître derrière ce ton très "sympathique" la pâte d'une vieille connaissance lutécienne qui nous amuse beaucoup !

Chabichou, merci pour ce commentaire qui m'encourage.

Tioom a dit…

Bonjour Thierry

Merci beaucoup pour ton article et pour ta capacité à accepter la critique, fut-elle difficile.

J'applaudis l'intention dans tes parfums : cette volonté si manifeste de proposer quelque chose de différent, de complexe et hors normes. Pour moi, au delà de l'esthétisme (qui n'est qu'une question de goût et donc toujours discutable), c'est cela qui rend si intéressante une certaine partie de la parfumerie de niche. Et j'admire également ton travail "technique": ce côté ciselé, cette complexité présente dans tes créations.

Je regrette de ne pas avoir aimés davantage tes parfums au premier test : mais cela ne veut pas dire que je m'avoue vaincue! Pour certains, notamment Alea Jacta Es ou Cuir Extrême, ma limite très personnelle de ce qui est portable ou non n'est pas pourtant pas loin. Cuir Extrême par exemple : dans les premières notes, j'ai eu l'impression de sentir le bitume, le caoutchouc brûlé, avant que cela ne se transforme en un mélange de cuir et de bois fumé que j'ai beaucoup aimé pendant quelques instants. Mais c'est ensuite devenu quelque chose de trop proche d'une odeur de barbecue pour que j'aie envie de le porter. Je trouve Narcisse Emoi beaucoup plus accessible et tout à fait à mon goût par contre. Pour la Conquérante des parfums Berry, ton travail est admirable : c'est saisissant de realisme! Mais ce l'est trop pour moi: au delà du côté métallique, j'y ai aussi senti le goût du sang... En peinture, j'ai toujours préféré l'impressionnisme au réalisme et c'est pareil pour les parfums : j'ai besoin que la réalité soit magnifiée, que l'on y reconnaisse globalement l'image, les couleur soit, mais qu'elles soient embellies. Je n'aurais pas aimé un parfum reproduisant très fidèlement l'odeur d'une église par exemple...

Après, il faut dire que l'exercice du test en boutique, en quelques courtes minutes, d'un parfum parmi tant d'autres est toujours très limité: on a vite tendance à ne retenir que ce qui nous plaît immédiatement. Or parfois, on peut passer à côté de vraies pépites, qui ne se révèlent qu'après plusieurs tests, après une période "d'apprivoisement". A ce titre, j'aime par exemple beaucoup les parfums Humiecki and Graef (de vrais "OPNIs", Objets Parfumés Non Identifiés): mais si je ne les avais pas achetés en décants à l'aveugle et eu le temps de les tester à plusieurs reprises, je n'aurais certainement jamais eu l'occasion de les apprivoiser - et il ne me serait jamais venu à l'idée d'en acheter un flacon... et quel dommage!

Tout cela pour dire, que je ne m'arrêterai pas à ces premières impressions, que ce soit pour tes parfums présents ou à venir, et que je compte bien m'en procurer des échantillons pour tenter de les apprivoiser.

Voilà, j'espère que le grand gentil loup n'est pas trop fâché contre le méchant petit chaperon rose? :p

Tioom

Thierry Blondeau a dit…

Merci Tioom,

Méchant Loup n'a été touché que parce qu'il se sent encore vulnérable sur ses parfums. Il les retravaille par petites touches, jusqu'à ce qu'ils atteignent une maturité conforme à ses attentes et il est sur le bon chemin.

Aucune rancune ni animosité, bien au contraire, la critique permet d'avancer, de s'expliquer, et il faut absolument des personnes qui aient un regard sur ce que l'on fait nous qui créons,c'est indispensable !

Merci pour ce message sincère.
Thierry

Aaricia a dit…

Je suis un peu pareille que tioom, d'ailleurs nos ressentis sont souvent proches, et pas que sur tes parfums.
On est sur des parfums qui sont effectivement radicaux, sans compromis, et c'est un hic pour moi car ça dépasse la limite de ce que j'ai envie de porter, et les envies comme les ressentis sont trop personnels pour être critiquables.

En revanche, cette démarche de radicalité, de recherche d'originalité, t'honore. Faut effectivement oser un Cuir Extrême, et heureusement pour ceux qui l'aiment parce qu'ils en trouveront pas 10 sur le marché. Cette démarche t'honore d'autant plus que je parle bien de parfums et ce n'est pas anodin. Le travail de construction de la fragrance est perceptible, après je ne connais pas la marque depuis suffisamment longtemps pour avoir détecté les évolutions, mais les envisager ouvertement est une excellente chose. Et pas une preuve de vulnérabilité pour moi, mais plutôt d'ouverture d'esprit.

10 ans que tu fais des parfums, donc, c'est le temps qu'il faut à un parfumeur formé pour bien connaitre son métier, selon des pros. Qu'en autodidacte tu juges avoir encore des choses à apprendre, ça me parait complètement normal (d'ailleurs les vrais grands n'arrêtent jamais d'apprendre ni de se poser des questions, en parfumerie ou ailleurs...)

Tu nous ferais pas un lys ou un ylang ? STP STP :D

Thierry Blondeau a dit…

Et oui, 10 ans que je me forme, que je fais mes gammes, mais seulement un an et demi que j'ai lancé les miens.

En revanche, que d'avancées depuis, car je progresse beaucoup plus vite, et j'ai enfin trouvé il y a peu la clé que je cherchais pour les rendre comme je voulais : un accord "technique" qui représente pour moi une vraie victoire, et qui me rend plus confiant. Leur signature originelle ne changera pas, car il garderont tous leur personnalité respective.

J'en dirai un peu plus dans quelques temps, le temps nécessaire à mettre tout cela en place.

A l'avenir, il y aura peut-être un Ylang, un Lys (c'est d'ailleurs déjà le cas avec Mystique créé pour les parfums Berry, qui est un Lys Blanc). J'ai aussi envie de travailler la lavande, le patchouli, le poivre, l'encens et la vanille, sur des facettes originales, mais il va falloir attendre un peu, car il se pourrait bien que les deux prochains soient plutôt sur le Whisky et la Violette, en essayant au maximum de ne pas faire du "déjà vu" et encore moins du trop conventionnel. Je rêve aussi d'un vrai beau floral chypré qui rendrait hommage aux grands classiques !

Pour tout cela, il faut du temps et des sous, donc ne pas aller trop vite.

A suivre donc et merci à vous tous, car franchement, vos messages et réactions me font très plaisir et sont très encourageants. Ca aussi, à vrai dire, on en a besoin.

Thierry Blondeau a dit…

Et comme j'ai lu que Fleur de Nabeul (un "vrai" jasmin-fleur d'oranger) aurait des amateurs/amatrices, je me demande si je ne vais pas le lancer définitivement celui-ci, car il n'y en a pas sur le marché.

Je crains juste que la formule soit hors de prix et/ou non conforme aux réglementations. Je réfléchis sérieusement à tout ça ! On avance, on avance !!!

Tioom a dit…

Merci pour tout Thierry,

Nous suivrons tous et toutes sur BT (à une ou deux exceptions négligeables près) la suite de tes aventures avec passion!
Et en attendant (avec impatience!) tes nouveautés, je vais m'empresser de réviser tes parfums actuels :)

Merci encore pour ces échanges
Tioom