mercredi 22 mai 2019

Fun, Shine & Fun - les splashes Azzaro 2019 : la "Cologne" se renouvelle encore !

Cette année, la Cologne revient sur le devant de la scène avec une exposition "La fabuleuse histoire de l'eau de Cologne" qui lui sera consacrée à partir du 20 Juin 2019 au Musée International de la parfumerie de Grasse, qui me redonne envie de plonger le nez dans l'Originale de Roger & Gallet ou de l'Eau d'Hermes, an passant par la Colonia etc. Cette année également,  Mugler accompagne sa Cologne de quatre nouvelles déclinaisons créatives, et Azzaro se colle à l'exercice de la fraîcheur véhiculée par cette forme olfactive légère et facile à porter. Deux termes "leitmotiv" de ces trois nouveaux splashes qui mériteraient à mon sens de figurer à la fin du livre accompagnant l'exposition sous la thématique "et aujourd'hui ?" 
L'exercice d'interpréter une fraîcheur contemporaine, facile à porter et plus tenace que les Colognes habituelles comme le désire la majorité des amateurs de parfums n'était vraiment pas facile. Tout en s'inspirant habilement de ce qui existe, Azzaro lance là quelque chose de très intéressant à mon sens. 

Fun est peut-être le plus facile à appréhender : la fraîcheur de l'orange sanguine et de la mandarine très évidente au départ se prolonge sur un fond de bois blonds et ambrés dans une forme un peu similaire à celle de l'Eau de Mandarine Ambrée d'Hermes. Les muscs blancs lient le tout, et ce sera un point commun des trois compères. Moi, j'aime ! 

Shine est ma préférée car elle me rappelle une combinaison de salicylates que j'ai travaillée en 2012 dans un parfum nommé Lueur de Victoire et qui était construit sur cette idée de fraîcheur renouvelée. Ici, c'est la bergamote qui ouvre le bal, accompagnée de l'amertume du pamplemousse, et le tout glisse sur un accord boisé et moussu qui tient plutôt bien. Le lien se fait sur cette "ligne" de salicylates qui évoque le sable chaud, le soleil et les vacances. Une sorte d'Aqua Universalis du pauvre adoptée immédiatement ! 

Sea et peut-être celui qui m'a le moins séduit au premier nez car il semble plus décousu que les deux autres. Cependant, son envolée de citron et de pamplemousse, vive et soutenue par un patchouli "light" très transparent, est assez séduisante. Le fond, moussu lui aussi et aquatique, rappelle également le sable mouillé et les vagues. Dans son évolution, il me fait un peu penser à l'Original d'Andrée Putman, il y a pire sillage et pire référence. 

Chics, bien faits et intelligemment peu chers comparés à ce qui se trouve sur le marché, ces splashes d'un nouveau genre sont les Colognes d'aujourd'hui ...pardon, de demain ! Tous à Cannes ?

Illustrations : David Lachapelle, et Azzaro ! Livre : la fabuleuse histoire de l'Eau de Cologne. 


vendredi 3 mai 2019

Eau de Minthé - Diptyque 2019 : fougère fuse.

Qui se souvient des accords "fougères" des années 80 ? Sans doute plus grand monde ... sauf nous, qui aimons les parfums et savons parfaitement ce qui attirait le chaland dans ces années là ! Du coup, alors qu'aujourd'hui, la parfumerie de niche tord le cou aux genres en tentant de ne pas sexuer les parfums, pour nous, ces "fougères" restent associées à des poils, à des torses gonflés, à la virilité exacerbée et au propre. Mais ne faisons-nous pas fausse route ? 

En voulant apporter de la nouveauté dans cette famille, Fabrice Pellegrin pousse des facettes mentholées sur un accord qui ressemble à s'y méprendre à Drakkar Noir. C'est se rappeler qu'en son temps, ce parfum était un chef de file, et qu'il reste encore aujourd'hui une référence par ses notes de lavande fraîche, de menthe, de géranium, de "propre"et de bois secs. Pour l'avoir redécouvert il y a peu à l'aveugle, ce parfum attire toujours autant, et fascine. Ce choix de parfumeur n'est donc sans doute pas un hasard. 

L'Eau de Minthé est une sorte de "fougère fuse", à la fois cristalline et vivifiante, peut-être pas si novatrice qu'elle le revendique, mais qui a le mérite de remettre un accord qui accroche à la portée de tous, hommes et femmes, au bon vouloir de qui l'aimera ! C'est peut-être ça du coup, qui est innovant ? 

Illustrations : Diptyque - Camille Hilaire. 

dimanche 31 mars 2019

Bana Banana - L'Artisan Parfumeur 2019 : crème créative !

L'Artisan Parfumeur voulait rendre hommage au tout premier parfum imaginé par Jean François Laporte avant même de créer Mûre et Musc au succès indéniable. Ce parfum aurait l'odeur de la banane, en écho aux fantaisies des années où l'exotisme arrivait à Paris. Qui ne connait pas ce fameux costume de Joséphine Backer et de son déhanché nappé de bananes ? Challenge pas facile. Pourtant, la note banane est utilisée plus souvent qu'on ne le pense en parfumerie, et souvent associée naturellement par adéquation moléculaire, au jasmin. 


C'est en partant de cette structure, mais aussi d'un travail de recherches personnelles et de tests culinaires que Céline Ellena a créé Bana Banana. Associer la banane "ludique", la banane verte, la banane douce et la banane confite, voilà l'idée. 

Immédiatement, le parfum démarre sur la fameuse note banane des crocodiles Haribo, associée au jasmin pour rapidement dévoiler une texture plus onctueuse de banane douce. On devine la feuille de violette, l'iris. Le parfum se pose alors, atténuant son sillage pour laisser sur peau ses notes lactées de santal, de fève tonka, et de noix de muscade qui lui donne un aspect banane confite. Tantôt feutré, tantôt épicé, tantôt légèrement sucré, c'est ce fond qui fait que l'on s'y attache et que l'on y revient. 


Est-ce un hasard ? Peut être pas, car entre la folie excentrique d'un Rumba et la volupté d'un Vol de Nuit, qui ont tous les deux la même structure de base, la banane de Bana Banana, qui se situerait un peu entre ses deux références, prouve que l'on peut renouveler le genre de ses grands classiques avec un peu d'humour et surtout, beaucoup de talent. Quand on sait le goût d'un mille feuille à la banane, la douceur d'un cocktail moelleux à base de banane, on savoure avec délice, sur peau, Bana Banana

D'après la marque, c'est la première fois qu'un de ses parfums suscite un tel intérêt ! Alors, un grand bravo à Céline et une longue vie à Bana Banana ! 


Illustrations : Great British chefs, l'Artisan Parfumeur.

dimanche 24 mars 2019

Dans les vestiaires des mecs !


Il y a quelques années, on voyait fleurir dans les rayons de nos parfumeries grand public des tas de modes "sport". Couleur jaune et liseret rouge pour un effet de mode sans doute vite passé, car on ne peut pas dire que cette tendance ait vraiment prise. C'est un autre courant qui s'est imposé dans les vestiaires des mecs, autour d'une couleur qui connote systématiquement ce qu'il y a dans le flacon : le bleu sombre. 


Les deux chefs de file de ce courant se sont rapidement imposés, de par la renommée de leur marque, de par la publicité dont ils font l'objet, mais aussi, il faut bien le reconnaître, parce qu'ils ont trouvé leur public. Bleu de Chanel, inspiré d'Allure Homme pour sa trame dhm-lavande- notes vanillées ambrées, s'est fait remarqué par ses notes boisées profondes et chaudes et par un sillage bien présent. Son rival de toujours, chez Dior, Sauvage, revendique une certaine brutalité, un coté sauvage dominé par un duo de poivre et de basilic twisté de lavande, de menthe, une trame boisée disons très "efficace", et un sillage lui aussi affirmé. Dans la foulée de ces deux là, Boss Bottled Unlimited, Aqui Di Gio Absolu, Azzaro Wanted suivent avec quelques nuances de bleu, sans vraiment se démarquer les uns des autres. 



Partant de ce succès, deux nouveaux venus viennent nuancer le propos cette année. Invictus Legend reprend la trame boisée de l'original mais s'habille d'une note vanillée ambrée qui vient adoucir la virilité assez marquée de son aîné, qui plait beaucoup, mais peut paraître banale pour certains. Alien Man Fusion reprend la signature cuir-tabac de Alien Man et rafraîchit le tout d'une trame boisée-mandarine plutôt bien assortie, sans perdre de son originalité. Il se glisse dans le moule bleu plutôt en nuance, oscillant entre la personnalité forte d'Alien Man, un coté viril très mec dont cet article se fait l'écho, et une douceur salicylée qui me rappelle Dune Homme. Flacons bleu électrique d'un bel effet de rigueur des deux cotés.  


Et oui, les vestiaires des mecs, ça sent la sueur, les chaussettes, les poils, mais aussi le déodorant et quelques parfums qui reviennent souvent. Voilà, maintenant, vous savez ! 

Illustrations : Yagg, Paco Rabanne, Mugler. 

dimanche 3 mars 2019

Herba Fresca - Guerlain 1999 : l'ami du petit déjeuner !


N'avez vous jamais rêvé de vous réveiller un bon matin de printemps, avec de beaux rayons de soleil et la rosée du matin qui arrose l'herbe fraîche ? Agréable sensation n'est-ce pas ? C'est ce que cherche à évoquer depuis vingts années maintenant une des deux seules Aqua Allegoria qui a traversé le temps : Herba Fresca.  


Herbe coupée pour la sensation verte, menthe et chlorophylle pour la sensation de fraîcheur immédiate ponctuée par le citron vivifiant, thé vert et muguet fonctionnent ensemble pour la suavité, sans doute un petit soupçon de pomme granny smith vient-il mettre son brin de croquant, peut-être un peu de basilic et de jasmin donnent-ils du piquant et de la rondeur ? 

Herba Fresca, c'est une bouffée d'air frais à l'état pur, un vent d'oxygène qui passe, un accord qui traverse le temps sans prendre une ride. On aime cet ami du petit matin, qui invite à l'odeur des croissants, du café et du beurre frais sur une terrasse, entouré d'amis, au vent de l'herbe fraîche et mouillée ! Il fait beau, il fait bon, on est bien. 

Illustrations : Guerlain et herbe fraîche.

mercredi 27 février 2019

Music For a While - Frédéric Malle 2017 : cocktail décalé.

Il y a des parfums que l'on pourrait qualifier de troublants, mais c'est peut-être parce qu'ils sont inspirés par quelque chose de troublant. Par troublant, je veux dire peu habituel, peu conventionnel, qui n'obéit pas aux habitudes, au diktats. La musique Baroque a ses codes, mais un morceau chanté en haute-contre est déroutant : Music For a While, le parfum inspiré du chant éponyme écrit par Purcell, y puise sans doute son énergie très en rupture. 


Pour apprivoiser ce parfum, il faut d'abord être libre de tout jugement hâtif sur ce que l'on connait déjà. Il use et abuse de la lavande, mais d'une lavande naturelle en surdose, qui pique, qui grince, et qui apporte une chaleur et une épaisseur inhérente à sa structure. Ensuite, Carlos Benaim semble avoir cousu autour des facettes riches de cette lavande en poussant l'envolée par une mandarine juteuse, en tirant les bois vers un patchouli sombre, un cèdre corsé, en appuyant les aromates par du thym ou de la myrte, en adoucissant de notes d'érable, de cannelle et de vanille, pour ensuite tout casser et recouvrir d'un fruit exotique tonitruant, entre la mangue et l'ananas, qui vient tout bousculer avant de rétablir l'équilibre. Un univers s'offre à vous : vous fumez un cigare autour d'un rhum dans une vieille bibliothèque, dans un fauteuil en cuir. Vous pourriez être aussi dans un cabinet de curiosités, et vous explorer les fioles de formol, le bois jauni, le vernis, l'encaustique ! 

Voilà, on y est ! Music For a While, un parfum fou, créatif, cohérent par son inspiration, et que je verrais bien sur des artistes un peu fous, à la coupe défaite et aux cheveux hirsutes, penchés sur leurs feuillets chiffonnés, pantalons de velours ou robes de lin aux motifs 70's. Ou pourquoi pas, sur ces excentriques new-yorkais (es) aux couleurs aussi chatoyantes qu'un perroquet des îles. Qu'en pensez vous ?


Exubérant, troublant et décalé, mais cocktail attachant ! 

Illustrations : Domenico Remps, Frédéric Malle. 



samedi 16 février 2019

Un Jardin sur la Lagune - Hermes 2019 : brumes de Venise.

L'année 2019 semble plutôt bien se présenter, les surprises se succèdent, et le prochain jardin d'Hermes ne fait pas exception. En revanche, ce qui est rare, ce sont les parfums qui entrent naturellement dans votre quotidien car ils vous procurent une émotion, des sensations dès le premier instant. 

Quand j'ai senti Un Jardin sur la Lagune pour la première fois, j'ai su qu'il allait accompagner un tournant, une étape de ma vie que je franchis actuellement. Il arrive au bon moment, comme une sorte de talisman. 

Ce que j'aime avant tout, c'est la surdose de notes jasminées rapidement perceptible, puis le travail sur l'idée de la brume. En peinture, il y a des techniques pour effectuer ce rendu, mais comment cela pouvait-il se matérialiser en parfum ? Par toute la palette des notes "mouillées" et moussues ? C'est sans doute autour de cette idée que Christine Nagel a voulu travailler.

Imaginez : vous êtes a Venise, de préférence en couple, puis vous vous réveillez tôt. La ville est encore endormie, une légère brume se lève sur la lagune et filtre les rayons du soleil qui commence à poindre. Vous marchez tranquillement, et tout en passant devant un mur aux couleurs terre de Sienne et ocre, des effluves de jasmin, de thé vert, de magnolias légèrement abricotés, d'herbes mouillées, d'humidité vous accompagnent. Une sensation de moiteur commence à se sentir faisant remonter l'odeur des briques, du sol, de la terre et de la mousse. Au loin les bateaux de touristes se mettent tout juste en marche, il fait bon, vous vous sentez serein. Vous portez Osmanthe Yunnan ou Santal Massoia, et le cuir de votre veste, lui aussi, s'exprime dans la brume. 

Un Jardin sur la Lagune est duveteux, soyeux, caressant, son sillage intrigue, et quand je le porte, on me demande ce que c'est, ce qui est assez rare pour être souligné. C'est beau, c'est émouvant, très contemporain, presque "niche", comme la peinture qui illustre cet article. 

Illustration : Hermès, Les Brumes de Venise de Vianney. 
Vianney est actuellement exposé à la galerie Trois Cerises sur une Etagère, au 48 rue Mazarine à Paris.