dimanche 15 septembre 2013

Straight to Heaven, Déliria : paradis artificiels !

 
Eyes wide shut ; littéralement "les yeux grand fermés". Il y a dans cette expression comme une idée d'obstination, d'abandon, de volonté de ne pas vouloir voir où l'on s'embarque, de ne pas sentir le goût du danger, en se lançant comme un défi dans une aventure obscure ; un état d'esprit propice à l'abandon des corps, à la sensation de chairs qui se touchent, de lèvres qui se frôlent, de souffles qui se rapprochent, de chaleur qui monte. Cette idée, déjà explorée chez Jean Paul Gaultier dans Gaultier 2, atteint aujourd'hui son paroxysme avec deux parfums, Straight To Heaven et Déliria, qui, dans leur histoire et leur genèse, revendiquent cet abandon de la chair aux plaisirs charnels et à l'excès qui guette ceux qui succombent aux tentations de la nuit. 

Straight to Heaven est fait de bois secs comme le patchouli et le cèdre, de vapeurs de rhum et d'épices, d'un bois lacté comme le santal, de notes de bois de gaïac on ne peut plus charnelles et de vapeurs d'alcools forts. Ce parfum, créé sur l'idée de ce que pourrait sentir la poudre "White Crystal" (entre la craie, la farine, la fraise et la noix de coco) se révèle troublant, énigmatique, attirant. J'ai pu en attester en le portant, car en s'approchant de moi, deux personnes m'ont dit que ce parfum les étonnait (je dirais plutôt les troublait) dans un sens très positif. De là à penser que son pouvoir d'attraction serait capable de troubler les sens, il n'y a qu'un pas. Il ne m'accompagne pas tous les jours, mais à certains moments, et plus particulièrement en automne, quand les couleurs et la lumière me parle de chaleur réconfortante, et quand il m'arrive de mettre les crocs de coté pour avoir le sentiment de porter un parfum de séduction. Ses bois lactés m'enveloppent, je dirais même qu'ils me transportent. Mon flacon est d'ailleurs bientôt vide, il va falloir que je me penche sur la question de racheter la recharge !!! A moins que je ne fonde pour un autre... tout nouveau ? Déliria.

Déliria serait un peu le fruit défendu : pomme d'amour accordée autour d'un ananas bien juteux, alcools forts ici également, fondant au sens propre dans un accord de miel et de bois lactés, pour se lover enfin sur un lit de caramel au beurre salé. Une pincée d'aldéhydes vient troubler l'équilibre, pour enrichir l'idée de péchés capitaux, de tentations folles, d'appel de la peau qui ne se fait plus attendre. Déliria crie sa folie ! Original en diable, jamais senti auparavant, il ouvre une nouvelle voie, et cela fait le plus grand bien. Contrairement à ces deux acolytes qui l'accompagnent dans ces explosions d'émotions, où Skin on Skin revisite Traversée du Bosphore avec un soupçon de musc de peau et de cuir souple "à la Botega Venetta", et où Amour Nocturne joue le bois sec déjà testé dans un des Numéros de l'Artisan (le 7 je crois), Déliria ose, innove et surprend. La volonté était de troubler les sens, et c'est on ne peut plus réussi. "Tout s'embrouille, les équilibres sont boulversés" peut on lire ici ou là, et c'est vrai. Il n'est ni floral, ni gourmand, ni épicé, ni boisé, il est un peu de tout cela, il glisse, il crisse, il étonne et il détonne mais surtout, il titille les sens. On aime, on déteste, pour ma part, j'adore ! Le pari me semblait risqué pour la marque, pourtant, avec Déliria (mais uniquement avec celui-ci), le virage s'amorce dans un sens qui lui sied bien. 
 
Deux parfums de peau originaux, pas forcement adaptés à un usage quotidien, mais "to use with caution" dans le vrai sens du terme, car, troublants les sens, pourraient être un de vos paradis artificiels si vous avez les" yeux grand fermés" !

Illustrations : photo issue de Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick, By Kilian, L'Artisan parfumeur.

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