mercredi 12 octobre 2011

Coromandel de Chanel vs Patchouli Impérial de Dior : alléger le patchouli.

Alléger le patchouli est à la fois un défi technique, mais il nait aussi d'une volonté forte de mettre un peu de légèreté dans cette matière, de manière à la débarrasser de ses à-priori. Le patchouli, de par son histoire au coeur du monde hippie des années 70 et parce qu'il parfumait les cocottes dans les années 20 est souvent lié à une image lascive, de meurs dégradés et de vulgarité affirmée. Faire fi de cela, c'est savoir qu'historiquement, cette plante avait pour vertu de préserver les tissus importés des colonies lointaines. Il est donc plus facile alors, de comprendre pourquoi cette matière semble avoir une affinité naturelle avec les beaux tissus comme la laine, le velours, la soie, et les accompagne à merveille.

Il y a deux ans, lors de la visite autour du palais impérial de Tokyo, je remarquais que le patchouli était omniprésent aux abords de ce palais. Ses effluves étaient amplifiées par le feuillage des arbres et la terre humide. Un patchouli impérial par nature ... et un très beau souvenir olfactif mélange de notes vertes, subtiles, légères, fraîches et terreuses à la fois.

Avant Coromandel, les "soliflores patchouli" étaient plutôt lourds et sirupeux. Non dénués d'intéret pour autant, il étaient de forts partis pris mais essentiellement axés sur la matière première en tant que telle, accentuée de facettes épicés et ambrées. Patchouli Patch amorce un tournant avec ses notes anisées, et ouvre un chemin vers une certaine forme de nouveauté, Bornéo 1834 le remet au goût du jour.

Coromandel ouvre véritablement un nouvel horizon : un peu comme si l'on mettait un gros homard gonflable au beau milieu d'un décors hyper classique et très classieux, un peu comme si Jacques Polge avait fait en sorte d'ouvrir une porte pour apporter une bouffée d'air frais, Coromandel joue avec de nouvelles techniques d'extraction. Le patchouli et la vanille, plus clairs et plus purs s'allègent comme un nuage, soulève les notes lourdes tout en contribuant à "dorer" le parfum, qui devient ainsi plus lumineux. Les facettes lourdes comme des tentures disparaissent derrière cette structure légère et moderne et sur peau, le patchouli s'adoucit, se caramélise, se gonfle pour s'arrondir. Un parti pris réussi puisque Coromandel rencontre un véritable engouement parmi les aficionados du parfums.

Dior n'est sans doute pas rester insensible à la démarche amorcée par son ennemi. Par l'intermédiaire de sa collection couturier parfumeur, très créative au départ avec des parfums comme Bois d'Argent et Cologne Noire initiée par Hédi Slimane et plutôt axée aujourd'hui sur un travail autour d'une matière bien précise ou d'un style affirmé, François Demachy s'attache à renouveler les genres plus qu'à innover. Il veille en revanche au soucis du détail et de la perfection; en effet, dans cette collection, il est difficile de dire que les parfums présentent des défauts car tout est à sa place et très bien balancé. Patchouli Impérial n'échappe pas à cette règle. Ce nouveau parfum suit la forme de Coromandel dans le sens ou c'est également un patchouli allégé de ces aspects terreux, mais il accentue peut être un peu plus le propos du patchouli ambré en fignolant le trait avec de toutes petites nuances. Un contraste intéressant me surprend : l'utilisation très subtile d'une note iodée-salée qui sur peau, fait des merveilles (c'est le cas sur la mienne). Coromandel parait plus boisé et "rosée", mais les différences demeurent relativement faibles.

Amateurs, amatrices, sans doute ne serez vous pas déçus ! En revanche, si vous attendiez un patchouli révolutionnaire ou si comme moi, vous cherchiez une alternative plus complexe (un peu comme Héritage), il se peut que, abstraction faite de ses qualités intrinsèques, ce Patchouli Impérial vous déçoive légèrement ... ce serait être bien exigeant.

Illustration : Jeff Koons, Des Filles à la vanille, Chanel, Dior.

15 commentaires:

Jicky et Phoebus a dit…

Exigeance ou pas, la démarche manque tellement de spontanéité que JAMAIS on pourra crier au génie avec tant de copié collé !

Dior est devenue la pire des marques parfums en 2011. Perso, ça me déprime de voir des bijoux défigurés, recalés, transformés, oubliés pour des daubes comme MDC... Cette collection ne sert à rien, n'innove en rien (à part peut être le Leather Oud, mais bon, c'est tellement cliché comme truc), et la démarche créative derrirèe est tellement faible que malgré les plus belles matières premières qu'ils auront foutues dedans, et tant que la création de Dior ne se bougera pas un petit peu les fesses, on ne pourra jamais crier au génie !

Coromandel, pour finir dans le positif, est juste excellent <3 ! En matirèe de patchouli, il fait parti de mes préférés, mais je crois que je préfère tout de même le trio Bornéo - Angel - L'Heure Défendue... Et pourtant je ne suis pas un fan du chocolat ^^

Vive l'odorat !
J.

Thierry Blondeau a dit…

Je voulais un peu susciter ce que tu dis et redonner sa place à Coromandel. Je ne peux qu'être d'accord avec toi, mis à part Bois d'Argent, Mitzah et Cologne Noire, rien de franchement brillant à l'horizon. Tout est beau, parfaitement à sa place, bien posé, mais c'est un peu comme si l'on visitait la même rue commerçante dans des pays différents, avec son lot de H&M, Mango, Zara et Séphora : Vétiver, Ambre, Tubéreuse et maintenant patchouli, seul l'emplacement donne le cachet au lieu, et finalement on a pas vraiment envie d'y aller...
Une particularité : Leather Oud, franchement très cliché tellement il signe la différence culturelle...

Jicky et Phoebus a dit…

Mais attend, y'avait la Cologne Blanche, L'Eau Noire, et ya la Cologne Noire maintenant ??? Put**n la créativité des noms quoi ^^

Mais tu vois, ces deux là ils étaient là avant !

Pis Mitzah, bon, je vous aime bien, mais bon... il est pas hyper original quoi... (Sixtine, je t'aime tu sais...) enfin bon...

Nan, vraiment Dior, je peux pas

Thierry Blondeau a dit…

C'est moi qui suis perdu dans les noms. Il s'agit bien de la Cologne Eau Noire... son nom d'origine.

Pour Mitzah, je ne suis pas d'accord avec toi, il y a peu d'ambre "clair" et floral sur le marché, et celui-ci ce distingue par cette particularité, et par le fait qu'il fait écho à Egoiste par son coté "dermophil indien" ! Il y a bien celui de l'Artisan, floral aussi, mais il joue sur un registre beaucoup plus chaud.

Je te rejoins sur un point : nous, passionnés "connaisseurs", avons nous vraiment besoin de ces parfums ? Je ne crois pas vraiment. Mais pour le grand public, l'approche d'une matière, d'un style pas ce biais n'est peut être pas sans intéret, je me pose juste la question.

Diane a dit…

Oh la la, quel snobisme je lis dans vos commentaires, messieurs, pardonnez-moi ! les parfums "exclusifs"de Dior, bien que peut-être pas vraiment révolutionnaires, sont de très bons parfums, ils tiennent longtemps (par pour tous c'est vrai), et franchement autant j'ai peur de rentrer dans une boutique chanel pour un exclusif (qui ne tiennent pas très bien, et sont des edt), autant les stands dior sont superbes, et les vendeuses très accueillantes. J'ai leather oud, et il n'est absolument pas cliché! sur moi, c'est du miel fumé, délicieux par temps chaud. Avec ces parfums, on paye, mais la qualité est là...Bonne soirée.

Thierry Blondeau a dit…

Certes, comme je le souligne dans l'article, il est difficile de trouver des défauts à ces parfums (sillage, tenue, qualité de matières. Nous attendons sans doute un peu de l'esprit de départ, un peu de créativité, une direction artistique plus audacieuse, comme c'était le cas du temps d'Hédi Slimane.
Je souligne en outre que si la démarche trouve un sens dans le grand public, pour les passionnés que nous sommes, c'est trop peu.
Par conséquent, si c'est en cela que nous sommes snobs, vous avez raison.

Jicky et Phoebus a dit…

Diane, snobisme ou pas, ces parfums puent le manque de spontanéité, l'avidité commerciale et la recherche perpétuelle de "l'esprit Chanel". Et c'est pas avec une tubéreuse, un vétiver, et un oud que le contraire sera démontré...

J.

Diane a dit…

Ai-je le seulement le droit de me dire "passionnée" comme vous ?;-)(alors que je n'ai pas le certificat...vous savez, celui dont il est question dans le Maître et Marguerite de Boulgakov !)et qu'en plus, j'aime Dior j'adore...
Bonne nuit(et merci pour vos critiques, que je lis toujours...)

Thierry Blondeau a dit…

Mais heureusement que chacun est encore libre d'exprimer ses critiques et son point de vue, et merci à vous d'être fidèle lectrice.
Loin de moi l'idée d'avoir un quelconque monopole de ce qu'il faut penser.
J'aime parfois aussi ce que fait Dior alors que globalement, c'est assez mal perçu, mais sur cette gamme plus exclusive en revanche, j'ai envie d'être snob et exigeant Le vrai reproche que je fais concerne un manque de créativité qui pour ma part, est indispensable à une parfumerie de niche : là, on suit un peu le mouvement, pour faire plaisir et coller à des attentes. Mais ça marche ...

Anonyme a dit…

Diane, ces messieurs Jicky et Phoebus ont raison, les exclusifs Dior ne sont rien d'autre que de la daube commerciale, ils n'existeraient pas si ce n'etait pas pour le concept de Serge Lutens qui est a l'origine de cette parfumerie et qui a ete repris par tout le monde, de Guerlain, a Dior en passant par Chanel.
Quant aux parfums qui "tiennent", sachez qu'etant donne que les parfums sont plus que jamais composes d'elements synthetiques, plus ca tient plus c'est compose de phatalates, un fixatif synthetique hautement toxique ;-))

Top 3 du moment:

Sublime de Jean Patou (pre-reformulation)
Samsara de Guerlain (extrait de parfum pre-reformulation avec ses 30-40% de santal de Mysore naturel)
Encens et Lavande de Serge Lutens
Vamp a NY d'Honore des Pres - 100% naturel


Emma

garde a dit…

* phtalates - les quantites annoncees par les parfumeurs sont soit-disant sans risque mais c'est l'effet accumulatif (cocktail shampooing + cosmetiques + maquillage au quotidien) qui est le vrai probleme:

http://www.liberation.fr/sciences/0101419859-parfum-de-polemiques-autour-des-phtalates

Diane a dit…

Merci pour vos conseils, j'irai sentir le Lutens dont vous parlez, et le Vamp à NY. (et j'aimerais trouver un Samsara un peu ancien avec ce précieux Santal de Mysore...)
J'ai entendu dire que les parfums Montale contenaient beaucoup d'ingrédients naturels, confirmeriez-vous cela ?

Anonyme a dit…

On peut encore trouver Samsara en extrait de parfum pre-reformulation sur ebay.com, mais a cause de l'accord passe entre LVMH et ebay, les personnes residentes en France n'ont pas acces aux listings de Guerlain, par contre vous pouvez essayer sur jecollectionne.com

Les parfums Montale sont composes d'ingredients de haute qualite mais il faut aimer ce genre de parfumerie orientaliste un peu lourde. Personnellement je ne suis pas fan de Montale, et dans le genre je recommande plutot les parfums Amouage, les orientaux de Serge Lutens ou encore Portrait of a Lady de Frederic Malle.


Emma

Ludivine a dit…

Bonsoir!
Tout d'abord, merci pour ce magnifique blog, très bien écrit et que je viens de découvrir.
Etant une "folle" de parfum, mais ne sachant en porter qu'un seul, je me contente de les découvrir sur les autres...Je porte le Patchouli de Réminiscence depuis mes 19 ans et je vais en avoir ..33. J'ai tenté maintes fois de changer mais impossible. Je ne me tourne que vers des marques niches car je ne trouve vraiment pas mon bonheur dans le Coco Mademoiselle ou autre Dior J'adore... Je pensais que peut-être, Coromandel pourrait être un coup de foudre? ou ce nouveau Dior? Le seul vrai coup de foudre que j'ai eu depuis quelques temps est le très beau "L'air de rien" de Miller Harris. Un chypre comme je les aime...Vous auriez des conseils? merci, Ludivine, de Bruxelles

Thierry Blondeau a dit…

Je ne saurais que vous conseiller Coromandel, qu'il faut absolument que vous connaissiez en tant qu'amatrice de patchouli.
Si vous êtes sur Paris, pourquoi ne pas explorer du coté de Patchouli Noir d'Histoire de Parfum ou tenter le tout dernier Psychedelic de Jovoy, très bien fait et à prix plus accessible pour variez les plaisirs ?