jeudi 10 mai 2012

Violet Blonde - Tom Ford 2011 : faites courir le bruit...

 

Il se murmure que Tom Ford, même si l'on connait ses penchants pour la gente masculine, serait parfois interloqué par le parfum de certaines femmes. En esthète, il observerait, mémoriserait, demanderait parfois ce que ces femmes portent et s'en inspirerait ensuite, pour créer ses parfums. A n'en pas douter, tout en reconnaissant que les inspirations ne sont pas des moindres et que Tom Ford sait ce que beau veut dire et ce qu'il veut, il faut bien admettre que ses créations sont "inspirées". Et c'est exactement ce que je pense de Violet Blonde.
Pourtant, force est de constater que Violet Blonde reprend une trame très classique mais au combien noble de bergamote, de violette, de clou de girofle, d'iris et de jasmin, assez classiquement utilisée dans les années nobles de la parfumerie dans les grandes références de Caron et de Guerlain. Ainsi, à l'aveugle, il pourrait presque prétendre à ces deux marques. Ce qui fait sa particularité, c'est l'accentuation de l'accord "banane/vernis à ongle" caractéristique du jasmin et nécessaire pour en créer un beau, mais qui est ici soutenue par une note verte et assez végétale, un peu comme dans Vanille Galante, qui pourrait être dû à un absolu tiaré de belle facture. Un stade poudré irisé se dévoile ensuite, mais un peu à la manière d'un Bas de Soie, comme une violette grisante qui "électriserait" l'accord. Sur peau, le parfum se fond dans les épices comme le clou de girofle, la cannelle, pour laisser place à un accord de bois de santal lacté, doux, onctueux, à la limite du café "moka". Les potins racontent qu'à ce stade, il y aurait déjà un peu de Samsara ?

Il se murmure pourtant que cette violette électrique serait blonde ? Il faut alors se pencher sur le sillage : celui-ci me frappe car il n'est pas vraiment rétro pour autant, même si l'on peut aisément le qualifier de "vintage". Il est plutôt très solaire, polarisant, jouant entre un ylang-ylang exubérant, et un tiaré à fleur de peau soutenu d'une pointe de vanille fine et légère. Traversé par la violette irisée, poudrée et fusante décrite plus haut, le sillage peut faire penser à du Monoï. Il se murmure aussi que tel ce que pourrait porter une belle blonde à la peau bronzée, il rappellerait vraiment beaucoup le regretté Ylang Vanille de Guerlain, en plus "sec". Il y a pire non ? Pourquoi ne pas alors chuchoter à l'oreille de femmes qui aimaient ce parfum qu'elles peuvent enfin, peut être, se retrouver dans cette blonde habillée de violette, qui n'est est pas vraiment une.

Regarder la couleur des yeux de Blake Lively, n'y a t il pas un peu de Violet dans cette blonde gossip girl en puissance ? Noble, solaire et exubérante, cette blonde ne dira pas son secret, sa peau bronzée et sa chevelure électrise, mais elle cachera ses inspirations et ses références, bien évidemment : ses codes sont de grands classiques !! Gossips, gossips, ou réalité ? Il se pourrait bien que ceci ne ne soit que du potin de Méchant Loup ? Mettez vos nez à l'épreuve, et faites courir le bruit ... 

Illustrations : Blake Lively, Tom Ford,

samedi 5 mai 2012

Black Orchid - Tom Ford 2006 : végétale attraction.

Quand il s'agit d'imaginer ce que pourrait être l'odeur d'une orchidée à la demande d'un directeur artistique de renom, le défi ne doit pas être simple. Par où partir, comment traduire cette fleur qui à priori, ne sent pas grand chose ?
Le choix des parfumeurs fut d'aller disséquer la fleur d'orchidée afin d'en étudier ce qu'il était possible d'en extraire olfactivement. Ainsi, le sentiment d'avoir trituré une orchidée des pétales à la sève, en passant par le pot de terre dans laquelle elle est plantée semble avoir guidé la démarche. L'idée retenue fut donc une orientation très végétale, très sève de tige, verte, grasse mais pourtant assez douce. Heureusement, dans la palettes des parfumeurs, les nouveaux muscs offrent de multiples possibilités pour exploiter cette idée, qui du coup devint exacerbée.

Black Orchid se devait pourtant de rester féminin. Il l'est mais il sait aussi se faire sensuel et attirant. Les notes solaires de l'ylang ylang, celles, sensuelles du jasmin frais, les facettes froides de l'encens, du poivre rose et celles, plus chaudes, du bois de santal, du patchouli, d'une note vanillée et de la cannelle chère aux américains habillent tel un fourreau noir la trame végétale réussie, constituée de muscs, d'une bonne dose de salicylates pour un effet proche de celui ressenti lorsque l'on s'approche de la sève d'une orchidée. La truffe noire est évoquée, est-ce parce qu'un des muscs utilisé présente des notes "végétales" , veloutées, très légèrement vertes et terreuses d'un champignon fraichement coupé ? La rose, sans doute une des fleurs préférée de Tom Ford et traitée ici dans un esprit plutôt classique voire à l'ancienne signe le sillage pour une féminité d'un style très chic et affirmé.

Pour moi, Black Orchid est une création marquante de ces dernières années, original et sans aucun doute déroutant pour les "mouton-nez" habitués aux patchoufruits, mais c'est tout en sa faveur, ce parfum correspond tout à fait à l'idée que l'on peut s'en faire lorsque l'on prend le temps de s'arrêter sur le nom. Traveling sur une orchidée noire imaginaire, un fourreau, une femme, sensuelle et énigmatique, toute les armes d'une séduction un peu distante, toute en finesse... comme dans un film ? A vous d'inventer le scénario...

Illustrations : Jeff Dunas, Tom Ford.

vendredi 27 avril 2012

Beige - Chanel 2009 : Upper East Style !

La maison Chanel est réputée dans le monde entier pour sa mode, son style, son savoir faire. Aux Etats Unis, c'est même une institution, à tel point qu'au fil du temps, la clientèle se fidélise et revient vers cet univers de qualité, de confort, de bon goût à la française, de raffinement, souvent épris de classicisme. Le fameux tailleur s'étant taillé une place de choix, s'il est un quartier où l'on est certain d'en trouver un dans tout dressing digne de ce nom, c'est bien Upper East Side, quartiers des grands de ce monde du coté Est de Central Park.

Il ne fait pas de doute que Chanel, en bonne maison de réputation mondiale, y jouit d'une aura que beaucoup de marques lui envient. Une aura, à laquelle un certain type de clientèle ne souhaite pas échapper, mais sans avoir à se mêler à la foule de Macy's ou de 7th Avenue : très bourgeoise, un brin conservatrice, très bien éduquée, bénéficiant d'appartements somptueux, de voitures de luxe, et surtout de revenus confortables, elle ne regarde pas vraiment à la dépense, mais on l'imagine assez loin de s'aventurer sur les territoires sombres et pompeux de By Kilian ou sur celui, plus créatif et plus "bobo" de l'Artisan Parfumeur. Une clientèle qui en outre, ne souhaite pas porter le même parfum, fut-il un Chanel, que la working girl qui se fournit chez Sephora.  

Il me semble que cette clientèle, ce constat, ne pouvait échapper à Jacques Polge quand il s'en inspira pour créer Beige. Le beige résonne comme une couleur que l'on retrouve sur les tentures des vastes penthouses, sur le cuir des grosses Cadillac, sur les escarpins de madame, sur le tout dernier sac en croco qu'elle s'est faite offrir. Le beige fait ainsi partie de l'univers d'Upper East Side, naturellement. Pour ne pas bousculer ces dames mondaines ou ces jeunes filles blondes aux bonnes manières, pour accompagner le total look "tailleur et collier de perle" cher à Mademoiselle, c'est en floral classique que naîtra le parfum qui porte ce nom. 

Faisant écho aux grands floraux de la marque comme le N°5, Allure ou Chance, bien sûr, on y retrouve les plus belles fleurs de la parfumerie comme la rose, le jasmin, la fleur d'oranger, l'ylang ylang, d'autres plus chantantes comme le muguet, le lilas, le tout porté par un accord légèrement miellé oscillant entre le tilleul, le mimosa et la tubéreuse, pour faire un peu "New York", et qui rappelle un peu Chance. Les premières notes sont fraîches mais de manière très fugace, les aldéhydes, chers à la marque, signent le sillage de leur "lumière" et accentuent le coté poudrée, irissé, "cotonneux" dans le style signé qu'affectionne Jacques Polge ces derniers temps. L'évolution sur peau se fait discrète, le style est contenu, Beige se voulant posé, de bon ton, très poli, comme s'il ne fallait pas faire de vagues.

Un hommage à la grande dame ? Je ne pense pas, mais en bon élève, digne représentant du style bourgeois conservateur d'Upper East Side et plus largement d'un certain type de clientèle d'Amérique ou d'ailleurs, comme s'il avait été volontairement bridé, non "libéré", il s'en émane pourtant une certaine tristesse, quelque chose de figé, de froid, peut être comme le carcan du protocole dans lequel vit sa clientèle ? Une clientèle dont Chanel ne pouvait, de toute évidence pas se passer.

Illustrations : Cindy Sherman, Chanel.


lundi 16 avril 2012

Bijou Romantique - Etat Libre d'Orange 2012 : l'arme fatale !

Cette nana là est une bombe ! A ne pas laisser entre toutes les mains, surtout pas celles des hommes, qui pourraient la briser. Dans le discours de la marque, nous pouvons lire " j'ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j'ai aimé", propos d'Alfred de Musset dans On ne badine pas avec l'amour. N'aurait-elle pas pu dire cette phrase, elle, iconique, plantureuse, sensuelle et séductrice dans la série Mad Men ?

Elle porte en elle la séduction, l'arme fatale, mais ne trouve jamais vraiment idéale chaussure à son pied, comme si la mélancolie faisait partie de son destin... et la mélancolie, n'est elle pas propre au courant romantique ?

Même si l'on pourrait penser, vu ses attributs généreux, que Noël au Balcon lui eut été plus approprié, c'est avec Bijou Romantique que je l'imagine, car ce parfum porte en lui les mêmes armes : séduction fatale, bombe explosive en mouvement toutefois épris d'une belle mélancolie. Ses gènes , il les puise dans plusieurs influences, et pas des moindres. Toutes, sont des références en terme de séduction féminine, et peuvent être qualifiées de "bombes", me faisant presque penser qu'il existe une recette pour séduire la gente masculine à tout prix, car ils ont tous en commun une même trame, malgré un traitement très différent.

Si l'on fait abstraction des notes de tête vertes de jacinthe fusante, le tout premier parfum que m'évoque Bijou Romantique dans sa signature, est Dior Addict, car la vanille y est tout aussi sucrée, la guimauve siliconée et son musc aussi charpenté. La trame bergamote, iris, notes aromatiques de sauge et de lavande, la fève tonka, s'inscrit, elle, dans la lignée de Shalimar. L'on oublie trop souvent de dire en effet que ce dernier a reçu en héritage un l'accord "fougère" lavande -coumarine venu tout droit de Jicky. Quelques notes épicées se dévoilent dans le sillage de ce petit bijou fraichement arrivé, tout comme elles explosent dans un autre parfum assassin : Musc Ravageur. Le patchouli ambré, qui se révèle en fond avec l'appui de la vanille caramélisée et de la rondeur douce du benjoin et du bois fumé, est tout aussi captivant que dans Coromandel.
Sa singularité et sa modernité, il la doit à un cocktail de salicylates harmonieusement dosés pour jouer avec les notes vanillées et rappeler à notre souvenir une note de "poupon" toute douce, un peu à la manière de Cuir Beluga, mais en moins "collant". La noblesse de la cire de bois puis un soupçon de rose couronnent le tout, comme s'il avait fallut que la plus belle fleur et les plus beaux atours s'invitent au romantisme.

Nostalgique de ses ainés, romantique par son âme mais vrai bijou de parfumerie et arme de séduction en puissance, vous imaginez bien qu'avec de telles références et une muse que j'imagine aussi séduisante que Christina Hendricks, ce parfum pourrait presque représenter ce que j'ai envie d'appeler "l'accord parfait". Equilibre et modernité rarement égalé, caractère animal sans excès, cuir charnel et sensuel, courbes rudement bien balancées. Vrai bijou de la parfumerie, mais aussi arme fatale de destruction massive. Qui assumera les conséquences d'un tel bijou ?

Illustrations : Christina Hendricks, posture romantique, posture conquérante et bijoux Vivienne Westwood. Parfum Bijou Romantique d'Etat Libre d'Orange.

vendredi 13 avril 2012

"Sport" : degré zéro de la créativité, 100% pur marketing...mais !

Postulat de base : l'homme moderne et citadin est actif, ne veut pas "cocotter", commence à choisir lui même son parfum, n'y connait pas grand chose, et surtout, ne veut pas forcement un parfum statutaire, mais plutôt un "lifestyle", dans lequel il se sent bien, avec des mots strictement issus de tests consommateurs en tête : ce parfum est "citronné, jeune, frais" et il sent bon.

Alors que les pionniers du genre, qui ont sans doute en interne les moyens de recruter des visionnaires, en sont à revenir aux sources pour proposer une variante "sport" plus signée et en droite ligne avec leur ainé originel, d'autres peut être moins fins limiers, se contentent de suivre. Mais, comme si le ridicule ne faisait peur à personne, c'est tous au même moment qu'ils s'y mettent. A oui, bien sûr, booster par les pionniers qui décèlent les tendances, les chiffres de vente de la parfumerie masculine explosent et suscitent les convoitises. Mais pourquoi se compliquer la vie quand on peut faire comme les copains ? Comme la recette est évidente, on l'applique sans recul. A quelques rares exceptions, prenez le mot "sport", écrivez le en rouge sur un flacon de forme connue, soutenez le tout d'une idée de transparence par un effet lumineux ou givré, surlignez de noir pour insister que l'on est bien "chez les mecs" et voilà, vous avez votre nouveauté. Pour le jus, une envolée d'agrumes pétillants, soutenus plus ou moins par des notes aromatiques et "mentholés", quelques fois greffés de facettes marines, ozoniques, ou vertes. Ajoutez un effet boisé pour le coté viril, quelques muscs blancs pour soutenir la structure et surtout "que ça tienne", et le tour est joué. Et voilà alors ce que cela donne :

Bien loin des ELO ou d'un Andy Tauer qui veulent raconter une histoire avec de vraies créations, des Thierry Mugler qui résistent à la tentation en apportant une vraie proposition design à leur variante fraîche, on oublie l'originalité et les réelles qualités créatives d'un Boss Bottled, d'un Kenzo Homme, d'un The One Gentleman pour nous déverser une avalanche de "sport" et envahir le marché.

Personnellement, je m'ennuie à sentir tout cela, mais je ne peux cependant m'empêcher de nuancer mon propos. En effet, les progrès effectués dans le traitement des agrumes, des notes aromatiques ou boisées, qui parfois dévoilent une transparence inattendue par un traitement C02 par exemple, permettent de faire en sorte que ces accords, bien que peu originaux, soient souvent très bien faits, d'un équilibre assez juste, d'une finesse relativement "naturelle" et finalement pas si mal que ça par rapport à certains parfums dits "sportifs" sortis il y a 10 ans ou plus, qui jouaient beaucoup plus dans le grosse brute bien camphrée.

Malgré le marketing qui prime sur le créatif, constatant que même l'Artisan Parfumeur, avec un N°9 finalement assez proche d'un Allure Homme Sport Cologne fait peu d'efforts, j'en déduis que ces parfums, en dévoilant parfois aussi des notes de thé vert, de gingembre ou de figue, dans une parfumerie commerciale qui finalement l'a toujours été, contribuent factuellement à l'amélioration du qualitatif. On ne peut pas leur reprocher de sentir mauvais ou d'être trop clivants. Un constat, peut être pas si déplorable que ça au final, mais qui pour ma part, m'ennuie beaucoup.

Pas moins de 9 nouveaux "Sport" depuis Janvier 2012 : Boss Bottled Sport, The One Sport, Kenzo Homme Sport, Issey Miyake pour Homme Sport, Allure Homme Sport Extrème, Dior Homme Sport 2, Instinct Homme Sport, Porsche Design Sport, Play Sport.

Les "Sport" qui existaient déjà : Polo Sport, Armani Code Sport, Allure Homme Sport & Sport Cologne, Dior Homme Sport 1, Gucci by Gucci Homme Sport, Lanvin Homme Sport, Habit Rouge Sport.


Illustrations : Rosemary Taylor Studio, site internet ici. Hugo Boss, Givenchy, Dolce et Gabbana, Kenzo
, Porsche Design.

mardi 10 avril 2012

A Men, le goût du parfum sublimé de piment rouge - Thierry Mugler 2011 : voyage gustatif en forêt noire ?

Fin 2011, j'étais passé relativement rapidement sur ce parfum qui fait partie de la collection de variations sur le thème de A Men. Ceux-ci, qu'il soient Pure Coffee, Pure Malt, Pure Havane, sont tous, je le remarque à mon détriment car je les ai laisser passer, voués à devenir collectors. Collectors, de par leur flacon, mais aussi par leur fragrance, qui, à chaque fois, étonne, surprend en envoyant valser les tonalités chaudes de A Men vers des territoires que l'on imagine pas à priori. Ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre, A Men se métamorphose.

Pour les variations sur le thème du goût du parfum, la marque Thierry Mugler enrichit l'accord de base d'un extrait de piment rouge. Et le résultat est surprenant : très présent, le café se dévoile immédiatement en duo avec cet extrait de piment, mais ce qui me surprend aujourd'hui, c'est le résultat de cet accord. Les notes de tête, finalement, me font plutôt penser à des notes de cerise noire et donc, pas extension à la fameuse Swarzwald Kirschtorte, succulente forêt noire.

Poussé par le café, relevé par le piment, le chocolat originel de A Men devient plus intense, plus corsé, la vanille se révèle presque réglissée et safranée, dans un accord au final assez sombre, qui serait d'une couleur entre le noir et le pourpre. Gustatif en diable, l'évolution sur peau se fait boisée, le cèdre et le patchouli réchauffent le tout, et curieusement, se mêlent au chocolat noir pour réveiller un accord qui rappelle subtilement et sans excès, la noix, accord que l'on trouvera également dans le fond d'un autre beau parfum : Chypre Rouge de Serge Lutens.

Jamais aussi sucré que son ainé, plutôt sombre, corsé, intense, la griotte/chocolat de A Men le goût du parfum est une très belle innovation, un excellent travail sur le gustatif appliqué au parfum, tout en subtilité. C'est une série limitée, et, comme pour les autres variations, c'est dommage, mais c'est aussi le jeux.

Illustrations : Schwarzwald Torte (forêt noire), Thierry Mugler.

dimanche 1 avril 2012

Le nouveau visage de deux figures : le sportswear.

En cette année 2012, deux parfums masculins ayant rencontré un certain succès sur le marché depuis leur lancement effectuent un virage à 360° de la direction olfactive de leur forme originelle. L'un, au départ très vif et frais, fusant même, développe son coté cocoon et doux en accentuant une facette ambrée vanillée assez proche de la peau, l'autre, ambré, gourmand, chaud et enveloppant à la base, choisit de partir sur le territoire de la fraîcheur.

Deux parfums différents, deux figures emblématiques de la parfumerie masculine à succès, qui se tournent vers leur opposé au même moment, je trouve cela intéressant, comme s'il n'y avait pas de hasard pour trouver le ton juste au bon moment.

Le premier, c'est Allure Homme Sport, né en 2004 soit 5 années après Allure Homme sur l'idée d'en faire une interprétation plus sportive, plus vive et plus "orangée" d'Allure Homme, qui choisit en 2012 de renforcer sa concentration par une version extrême.

Le second, c'est A-Men, né en 1996, et qui, 16 ans après ce lancement et après plusieurs tentatives relativement infructueuses, trouve enfin une voie équilibrée et crédible sur le territoire de la fraîcheur, avec A-Men Pure Shot.

Pour Allure Homme Sport Extrême, Jacques Polge s'est appliqué à arrondir les angles un peu trop vifs que l'on pouvait reprocher à Allure Homme Sport. En effet, ce dernier, avec des notes parfois agressives et percutantes, pouvait parfois déplaire car, même s'il était fortement signé, il "criait" un peu trop. Ce qui change dans la version extrême, c'est la maturité atteinte par l'accord de départ.

Déjà présente dans le "basique", l'accord ambré vanillé est ici sublimé, développant une facette miellée beaucoup plus douce et très à fleur de peau. La facette "cuir" de l'original est également renforcée (sans doute par un ajout de sudéral), donnant vraiment l'impression d'un cuir pleine fleur, épais et de qualité. Allure Homme Sport Extrême est beaucoup plus "à fleur de peau" qu'Allure Homme Sport, mais aussi qu'Allure, car il réussit à gommer les défauts que pouvaient avoir l'un et l'autre à savoir une dose de Dihydromyrcenol un peu trop envahissante. Oui, il s'agit d'un parfum commercial, efficace et facile à vivre, mais comme il réunit le meilleur de deux versions qui ont fait leur preuve, il est difficile de lui reprocher cette orientation.

Pour A Men Pure Shot, l'idée était de s'aventurer sur le territoire de la pureté et de la fraîcheur en partant d'un accord café-chocolat plutôt gourmand et rond de A-Men. Je dois avouer que pour une fois, ce qui n'était pas le cas avec Ice-Men et A-Men Summer Flash, le résultat n'est pas dissonant et ne tombe pas dans la vulgarité d'un accord "qui sent le poil" dans lequel se vautraient les deux autres. Là, la justesse de l'accord semble avoir été trouvée en allant regarder du coté de Play de Givenchy, car la rhubarbe apporte ce qu'il faut de lumière aux cotés de l'orange, du basilic et de la menthe pour rafraichir l'artillerie de notes gourmandes comme le café, le chocolat, le caramel, les bois blonds et le cèdre. Un accord muscs blancs - salicylates arrondit le tout ans en faire trop dans le "facile". La trame aromatique lavandée de A-Men demeure, et l'on à l'impression qu'il reprend quelques traits du défunt B-Men, mais l'évolution sur peau est très maitrisée, presque "solaire" et il est alors possible d'envisager de porter A-Men Pure Shot même par temps chaud, sans envahir, tout en douceur et ça, c'est vraiment nouveau.

Les flacons, très cohérents avec leur contenus, accentuent ces directions opposées, l'un choisissant d'assombrir sa teinte comme pour dire "je suis plus intense que celui d'à coté", l'autre de se parer d'un blanc "céramique" faisant écho à l'univers épuré et technologique d'un Apple Store ou des voitures électriques dernier cri par exemple.

Masculins, il ont tous deux en commun de réussir à renforcer l'aspect sensuels de leur ainé, et si le parfum n'est plus du luxe aujourd'hui, ces deux là l'envoie dans l'univers du sportswear urbain avec une longueur d'avance sur ceux qui n'en sont encore qu'à sortir leur variante "sport" pour l'un, et avec le recul qu'il fallait pour qu'il trouve enfin son pendant "frais" pour l'autre.

Illustrations : David Beckham Sportswear 2011, Chanel, Thierry Mugler.