jeudi 18 février 2010

L'Eau du Navigateur - l'Artisan Parfumeur 1979 : étonnamment contemporain.

Il est des parfums que l'on n'aime pas spontanément, parce que les notes ne nous plaisent pas immédiatement et parce que l'évocation raconte une histoire que nous ne saisissons pas. Pourtant, ils nous intriguent, attisent notre curiosité jusqu'à ce qu'un jour, il se passe un déclic et tout devienne plus évident. Il aura fallu attendre 2010 pour que je comprenne ma rencontre avec l'Eau du Navigateur et ce que j'aime dans ce parfum.

D'une part, parce qu'il semblerait que j'aie envie de redécouvrir le travail de Jean Claude Ellena en ce début de décennie, et d'autre part, parce que nous sommes encore chez l'Artisan Parfumeur.
Les toutes premières notes résineuses de cèdre français et de jacinthe accompagnées d'autres bois me font penser à de la colle à bateau. C'est explosif et viril, mais je redeviens pourtant le gamin de 10 ans qui joue avec ses maquettes. Succède à cela un accord fougère de lavande et de géranium assez classique de l'époque, qui associé à ces notes de résine me renvoie immanquablement à de grands succès des années 80 comme Montana Homme et Globe de Rochas aujourd'hui oubliés, ou même à Derby.
Autant vous dire qu'à l'époque, ces parfums n'étaient pas ma tasse de thé, mais sans doute que l'age aidant, je les appréhenderais aujourd'hui avec un autre regard. L'Eau du Navigateur évolue ensuite sur un cortège de notes poivrées de poivre noir, de clou de girofle et d'un trait de patchouli, relevé d'un peu de café : un café pas forcement comme on le sent lorsqu'on ouvre un paquet, mais un café plutôt vert, âpre, comme s'il sortait du sac avant d'être torréfié. A ce moment, la personnalité de ce parfum est troublante et annonce déjà ce qui se passera ensuite, qui n'a pas grand chose à voir avec les fonds parfois trop présents des parfums cités plus haut. Sur peau en effet reste une note patinée de cuir fumé et d'épices à laquelle s'ajoute la myrrhe qui apporte un peu de chaleur dans un ensemble jamais brutal, qui se fond à la peau tout dans une douceur que je qualifierais de virile. Parfois même, cet univers masculin peut faire écho aux notes froides, sèche, âpres de certains cigares.
Ce parfum est paradoxal par essence. Viril, mais doux, très marqué 80's, il se veut aussi étonnamment contemporain. En effet, pour comprendre l'Eau du Navigateur, j'ai du le sortir des 80's et me suis projeté aujourd'hui dans un contexte de luxe marin épuré de bois et de métal qui lui correspond à mon avis assez bien. Ainsi, si vous le comparez à Poivre Samarcande du même auteur, on ne peut plus épuré mais créé en 2004, vous vous apercevez qu'en 1979 avec l'Eau du Navigateur, Jean Claude Ellena avait déjà travaillé cette idée d'une ligne claire, simple, limpide et lisible, dans un paysage débarrassé de fioriture. Tout comme Poivre Samarcande, je le trouve très "design" mais j'ai envie de dire qu'il sent aussi l'argent, le luxe, le pouvoir, la puissance car sans pouvoir expliquer cela par un quelconque schéma mental, il provoque la sensation d'être fort et sûr de soi, et comme de coutume chez l'Artisan, il se montre très attachant.

Aujourd'hui, l'Eau du Navigateur me semble étonnamment contemporain pour qui se donnera la peine de le redécouvrir et une excellente alternative à des parfums comme Guerlain homme, Terre d'Hermes, Tom Ford for men, Egoiste Platinum ou For Him, sans les fioritures. Pourvu qu'il ne leur vienne pas en tête de le discontinuer !

Illustration : Wavepierecer de Yachts Nouvelle-Zélande, pour navigateurs fortunés.

1 commentaire:

dries a dit…

et que diriez-vous de son sillage, de sa tenue cher Loup?