Il aime une femme, en secret mais elle ne le voit pas. Elle aussi l'aime, mais elle ne lui dit pas. Elle se marie avec un autre, et ce n'est que quelques années plus tard qu'elle apprend avoir été abusée. Les deux amants de toujours se retrouvent enfin, elle lui avoue son amour alors qu'il se meurt d'une maladie incurable, et lui dévoile le sien au grand jour. Ils se retrouvent dans une étreinte ultime.
Il aime les femmes mais a choisi de ne vivre qu'avec la sienne. Pour préserver la beauté de celle-ci du regard des hommes, il préfère qu'elle se voile, ce qu'elle fait à la fois par conviction et respect. Cela ne la gène pas tant, car sous le voile, c'est une vraie femme, souriante et très coquette, qui aime aussi les fringues et les parfums.
Il est couturier, entouré de riches clientes pouponnées et habitué à manier de beaux tissus. Son style, imprégné de ses origines, allie les codes de l'Orient, les matières fluides, les couleurs sombres ou dorées et un design européen pour exacerber le corps des femmes.
Ses trois hommes sont unis par un souvenir commun : le portrait d'une femme et le parfum mystérieux de la rose noire.
Pour le premier homme, cette rose noire est une rose anglaise traditionnelle, vivre, fraîche, mais vénéneuse et légèrement menthée, digne de celle que l'on trouve dans les jardins humides. Elle laissait son sillage sous les velours épais de ces toilettes dans les salons feutrés dans lesquels elle évoluait.
Pour le second, cette rose a le parfum du khôl utilisé par tradition par les femmes de son pays, celui de la peau de ces femmes, proche du cumin et des épices propres aux traditions culinaires locales, celui de framboise et de cassis qu'emportent leurs voiles dans le sillage des narguilés.
Pour le troisième, c'est le souvenir poudré d'une légère note de violette du fard et du rouge à lèvres de ses clientes, celui de tissus nobles qu'il travaille sur ses mannequins. Ils sortent des ateliers imprégnés de cette note crayeuse caractéristique et de patchouli.
Un jour, un magicien, aidé d'un parfumeur, choisit de réunir ces trois univers pour imaginer le mystérieux parfum de la rose noire. Décousant un géranium qu'ils avaient créé en commun pour n'en conserver que les points communs que ce parfum pourrait avoir avec la rose, il recousent ensuite les éléments un à un autour de l'odeur imaginaire de cette rose noire qui devra être fluide et stylée.
Ils partent sur l'idée d'une rose traditionnelle dont le parfum vif est par nature assez proche du géranium, y ajoutent quelques notes fruitées de framboise et de cassis ourlées d'une petite touche de violette. Le résultat créé un effet "prune noire" proche des vapeurs d'alcool de prune. La rose est bien sûr toujours en majestée dans le sillage de ces notes mais s'accompagne très vites d'épices, de cumin, de bois ambrés et d'un effet proche du bois de oud comme pour soutenir la structure. Dans le sillage, je remarque qu'autour de cette rose noire ornée de oud se dévoile un effet "tissus" dont le patchouli est sans doute une des clés, comme ce que l'on sent lorsque l'on entre dans une boutique de beaux vêtements, sur un marché aux tissus ou dans un atelier de couture, et que j'avais déjà remarqué dans Dzongkha chez l'Artisan par exemple. Cette rose, c'est un peu comme si un beau tissu d'un noir profond pouvait devenir à la fois voile noble ou robe fourreau de style.
Ce parfum me fait ainsi penser au style d'Azzedine Alaia, qui allie les codes d'une culture orientale et les techniques ultra modernes de la couture française, pour un style qui constitue un compromis des deux cultures avec une vision contemporaine. Il y a différentes manières de conjuguer les codes traditionnels de la parfumerie française de tradition tout en cherchant à y intégrer les repères olfactifs du Moyen-Orient et une certaine modernité. Dominique Ropion et Frédéric Malle ont su jouer la partition très habilement. Portrait of a Lady ne plaira pas vraiment aux américaines trop occupées à savourer Carnal Flower, mais il me semble à sa place sur une européen brune au caractère bien trempé, ou sur ces femmes orientales qui le cacheront comme elles couvrent leur bijoux et leurs vêtements de luxe d'où ne s'échapperont que quelques effluves délicieuses. Le mystère de la rose noire, c'est un portrait entre deux mondes, entre deux cultures, entre deux modes : Portait of a Lady.
Portait of a Lady de Dominique Ropion, sera disponible dans les boutiques Frédéric Malle à partir de lundi prochain, 15 Novembre 2010.
Illustration : modèle de Azzedine Alaia, Frédéric Malle, Rose noire.
12 commentaires:
Très bel article, mais je suis frustrée à chaque fois de remarquer que je n'ai pas su repérer autant de notes dans le parfum !
(et en plus c'est trop drôle, on dirait qu'on a eu la même idée d'article en même temps)
Bonjour Anne bien matinale !
C'est vrai, parfois, nous sommes plusieurs à avoir une idée au même moment. Disons qu'il tombe bien dans un thème rose au moment où le parfum arrive. J'ai pu le sentir chez Frédéric Malle un peu avant son lancement en précisant que je souhaitais faire un thème rose en Novembre, et ils sont vraiment très sympas.
Très beau portrait de cette rose couplée à ces portraits de femmes! Une création maîtrisée, équilibrée qui nous permet à tous de redécouvrir la rose dans une interprétation à la fois nouvelle et classique.
J'aurais pu parler de Rose Couture tellement cette dimension me parait avoir guidé l'idée de Portrait of a Lady, comme un pendant tangible entre le Moyen-Orient et l'Europe et plus particulièrement la France, où parfums et haute couture sont encore des mots qui s'accompagnent de savoirs-faire et d'actes.
Toutes mes excuses Anne, il faut que je rajoute Therebelgardener à la liste des blogs, et ce dès ce soir.
Huuummm... Je l'ai senti deux fois pour ma part (dont une fois qui ne comptait presque pas, c'était le sillage dans une pièce, avec une impression très boisée et patchoulée). Et la deuxième fois c'est grâce à Anne ! Ah Anne, sauveuse de ce monde !
Bizarrement, Carmencanada et toi, vous voyez plus une femme chaleureuse, sensuelle. Je rejoins plus la vision d'Anne : une femme si belle, qu'elle en devient distante, intimidante. Une beauté un peu méchante (un peu comme Maléfique, la méchante dans La Belle au Bois Dormant version Disney ^^).
Par contre, là où je rejoins complétement Méchant Loup, c'est l'aspect totalement couture ! Il tombe sur la peau de manière à sublimer les courbes féminines (très belle image :D !)
Il faut absolument que je le teste sur peau ! (même si en revanche je ne l'acheterai jamais...) !
Vive l'odorat !
Jicky =)
Jicky, tu penses sincèrement que je parle d'une femme chaleureuse et sensuelle quand je dis qu'elle a un caractère bien trempé ? Je la vois plus comme le mannequin sur la photo dont le regard en dit long, non ? Belle, certes, aux courbes aiguisées mais pas facile !
Aaah... C'est vrai qu'elle fait un peu peur la tite dame sur le sofa ^^
Toute mes excuses =)
Mais je connais certaines femmes chaleureuses et sensuelles qui ont un... euh nan. Nan nan, à caractère bien trempé, beauté froide innée !
Je dois dire que j'étais très impatient de sentir ce parfum et spécialement depuis que j'ai lu l'article dans le NY Times. J'ai finalement eu cette occasion aujourd'hui et je dois dire que je suis deçu. Comme je l'ai dis dans un précédent post, je n'ai pas un odorat très developpé mais pour moi ça sent le parfum pour personne de genre 70 ans. Les notes de tête ne sont pas désagréables mais par contre, les notes de fond alors là ...
Cyph3r, en effet les notes de fond peuvent nous déplaire car elles ne jouent pas sur les repères olfactifs auxquels nous sommes habitués par nature en Europe. Je crois que cela est volontaire et en revanche, l'ensemble est très équilibré.
Découvert samedi et aussitôt adopté. Porté le soir même et le moins qu'on puisse dire c'est que Portrait of the lady ne passe pas inaperçu: beaucoup de commentaires (positifs) de mes amis (qui n'ont pas 70 ans mais la trentaine...) Merci de m'avoir donné envie d'aller le sentir! Continuez à nous régaler avec de belles créations!!
C'est un excellent choix pour une soirée où l'on veut faire de l'effet !
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