dimanche 9 mai 2010

Barbares utiles.


Le soleil inspirant sans doute, voici ce matin quelques matières aux noms étranges de plus en plus souvent employés en parfumerie, dans la presse et sur les blogs. Leurs noms barbares recouvrent une odeur souvent magique et surtout indispensable car tous les grands parfums actuels ne seraient rien sans eux. Faisons donc un petit tour d'horizon de ces quelques mots barbares mais utiles pour comprendre ces matières que les parfumeurs utilisent pour composer la magie que vous trouverez dans vos parfums préférés.

Chacune de ces matières sera illustrée par les parfums les plus emblématiques de leurs notes.

Dihydromircenol : essayez de le prononcer, vous aller y arriver j'en suis sûr ! Senti seul, le dh-mol comme on le nomme est une odeur douce entre le propre et la lavande. Acidulé et frais, légèrement piquant, il n'est est pas moins doux et boisé. Il est utilisé essentiellement dans les parfums de la famille que l'on nomme "nouvelle fraîcheur" car il traduit bien cette idée de fraîcheur moderne. Pourtant, autant je l'aime bien en tant que matière première, autant je trouve son effet dans les parfums qui en contienne beaucoup un peu "cheap", voir même agressif. Le dh-mol est pourtant un incontournable de l'histoire de la parfumerie pour homme, dont le chef de fil fût longtemps le célèbre Drakkar Noir de Guy Laroche.
Parfums emblématiques : Allure Homme-Chanel, Cool Water-Davidoff, Ck One-Calvin Klein, 1Million-P.Rabanne.

Hédione : l'hédione est une molécule à laquelle la parfumerie moderne doit beaucoup. A ma connaissance, Edmond Roudnitska était le premier parfumeur à la mettre en avant dans Eau Sauvage et Diorella, mais si dans ces parfums elle contribue largement à la transparence et au sillage "doré", on ne la sent pas de manière évidente. L'hédione et une molécule dont on dit qu'elle sent le jasmin, un jasmin clair et transparent. Pour moi, c'est plutôt une matière à effet, qui permettra grâce à ses tonalités florales "dorées" (jasmin) et fruitées "agrumes" (bergamote) de faire le lien entre ces deux facettes dans un parfum en apportant un peu de brillance. En revanche, si vous la doser trop, elle étouffe le sillage et l'envolée d'une création. Aujourd'hui, quasiment utilisée dans tous les parfums à des dosages différents, l'hédione, propriété de Firmenich est devenue un incontournable.
Parfums emblématiques : Light Blue-D&G, Nina-N.Ricci, l'Eau Mixte-Nicolai, Eau de Jade-Armani Privé.

Méthylionone : les ionones sont les molécules que l'on trouve dans la violette, le cèdre et l'iris. La plus emblématique d'entre elles est la méthylionone car c'est un peu celle qui sentirait le plus la violette. Son odeur entre bonbon à la violette et le sirop de grenadine est caractéristique. Indispensable dans un soliflore violette ou iris, elle se marie très bien également avec le bois de cèdre et la fève tonka, le clou de girofle et les notes cuir. Un trésor, très largement exploité par Caron à sa belle époque, la méthylionone se retrouve aujourd'hui quasiment dans tous les parfums auxquels elle apportera une tonalité florale de par sa facilité à se fondre dans beaucoup d'autres facettes. La note violette, elle, semble retrouver une seconde jeunesse.
Parfums emblématiques : Après l'Ondée-Guerlain, Insolence-Guerlain, Fahrenheit-Dior, Un bois violette-S.Lutens-, Balenciaga Paris.

Salicylates : on en parle de plus en plus car les marques ne s'en cachent plus. Les salicylates , dont les plus emblématiques sont le salicylate de benzyle et le salicylate d'amyle, sont des notes assez transparentes qui ont la particularité d'agir comme un voile, apportant du sillage et une impression vaporeuse dans un parfum. Très utilisés dans les crèmes solaires, fortement présents dans les fleurs tropicales et envoûtantes comme le jasmin, le tiaré et la tubéreuse, on les qualifie le plus souvent de notes "solaires" ou l'on parle d'un effet "peau salée après la plage", ou de trèfle. Pour ma part, j'aime beaucoup le salicylate de benzyle, dont l'odeur quasiment neutre apporte vraiment de la transparence dans un parfum. Et même si une étude a démontré que beaucoup de personnes pouvaient être anosmiques à certains d'entre eux, des parfums comme l'Air du temps n'auraient jamais pu avoir leur forme sans eux. Aujourd'hui, les salicylates sont très présents pour évoquer les envies de vacances et de fleurs solaires entre autre.
Parfums emblématiques : l'Instant-Guerlain, Vanille Galante-Hermes, Cuiron-Helmut Lang, Songes-A.Goutal, Dans tes bras-F.Malle, Pleasures for men-E.Lauder.

Calone, Hélional et Conolline : ces trois notes sont les principales notes dites marines ou iodées. Sentie seule, la calone est caractéristique de l'iode ou de l'odeur des huîtres fraîches, ce qui n'est pas forcement désagréable. Elle a pris son envol dans les années 90 avec des parfums comme l'Eau d'Issey, New West, et Kenzo pour homme. Elle se marie très bien avec le citron, les agrumes en général et les notes florale qu'elle appuiera des accents marins que l'on peut retrouver dans certaines fleurs comme le lys, l'orchidée ou la rose. Très présente aujourd'hui et mieux maîtrisée, elle sait se faire discrète et agir par petite touche grâce au talent des parfumeurs.
L'hélional et la conolline sont d'autres notes marines un peu plus fines et légères que la calone. Elles agissent de manière plus subtile, arrivent plus tard dans une composition mais durent aussi plus longtemps sur peau. Elles se marient bien avec des notes ambrées et boisées et donne un effet plus moderne peut être que la calone. Utilisées aujourd'hui aussi pour créer des effets iodés et salins, elles apportent un souffle d'air marin et de plage dans les parfums.
Parfums emblématiques de la calone : l'Eau d'Issey-I.Miyake, Kenzo pour Homme, Escape-Calvin klein, Rem-Réminiscence, Happy for men-Clinique.
Parfums emblématiques de l'hélional ou de la conolline : Dior Homme Sport, Jamais le dimanche-Ego Facto, Womanity-T.Mugler.

Aldéhydes : aldéhyde est un terme qui regroupe plusieurs familles de notes, dont la vanilline et la note de pêche font partie. Pourtant, on retiendra le plus souvent ce terme pour parler de ceux qui sentent "l'effet propre" ou le fer chaud. Ce dont des notes à effet, dont l'odeur âcre et agressive s'ils sont sentis seuls n'est pas franchement des plus agréable et ne rappelle pas grand chose. Ces aldéhydes sont surtout utilisés pour apporter un effet scintillant, un peu comme s'ils agissaient comme une parure scintillante de bijoux au cou d'une femme. Ils ont joué un grand rôle pour apporter un effet luxe et moderne dans des parfums de facture très classique et créent ainsi un choc dans les années 30. C'est pourtant surtout dans les années 70 qu'ils prennent leur essor, où, mariés essentiellement aux notes poudrées de violette et d'iris, ils agissent comme pour faire écho aux boules à facettes qui fleurissent dans les discothèques. Aujourd'hui, on les utilise pour un effet minimaliste épuré, propre, pur, métallique et "gris". Parfois, on évoque un univers très conceptuel tellement leur note est abstraite.
Parfums emblématiques : N°5-Chanel, Rive Gauche-YSL, Calandre-P.Rabanne, Essence-N.Rodrigez, Iris Poudre-F.Malle.

Voici donc un dimanche matin bien inspiré. Je n'imaginais pas que cet article allait me prendre autant de temps à écrire mais j'espère qu'il vous aidera à mieux comprendre ce dont les magazines, les blogs et les marques vous parlent tous les jours. Et s'il y a d'autres notes qui vous intriguent, n'hésitez pas à en parler, car je n'ai pas pu tout répertorier aujourd'hui. J'insiste sur un point : barbares certes, mais tous vos parfums, oui, je dis bien tous vos grands parfums ne seraient pas ce qu'ils sont sans eux.

9 commentaires:

soph a dit…

merci pr cet article très intéressant! on apprend vraiment quelque chose :)

Six' a dit…

EXCELLENT, et d'utilité publique!

Ca me fait d'autant regretter de ne pas avoir encore pu sentir beaucoup de ces matières individuellement, du coup il faut les identifier par déduction et c'est loin d'être facile pour des molécules "à effet".

Luca Turin décrivait l'hélional comme l'odeur d'une "cuiller en argent qu'on vient de sucer", qu'en penses-tu?

Sinon, je suis récemment tombée amoureuse des matières type "bois qui pique", soit les ambraketal / karanal / trimofix, mais j'ai encore du mal à les distinguer... si tu peux éclairer cette lanterne-là aussi? ;)

En tout cas, encore merci pour ce fantastique panorama!

Kristina a dit…

Merci pour ce super article!

La Bonne Vivante a dit…

merci pour cet article, c'est tres utile pour moi. J'aime bien son blog tous les jours (excuser ma francais penible)

carmencanada /Grain de Musc a dit…

Si plus aucun parfum au monde ne contenait de dihydromyrcénol ou de calone, je respirerais plus librement: on en fait un abus épouvantable sous prétexte de fraîcheur, alors qu'elles sont envahissantes au dernier degré... elles me semblent en effet bien barbares. Et comptent certainement parmi les matériaux que je déteste sans réserve. Ça se voit?

Thierry Blondeau a dit…

Sixtine, effectivement, l'hélional présente quelques inflexions métalliques, ce qui peut expliquer cette comparaison, avec laquelle je ne suis pas tout a fait d'accord.
Pour ce qui est du Karamber & co, ce n'est pas trop le style de bois que j'affectionne le plus. Armani Code pour Homme en est un exemple des plus flagrants pour ceux qui aimeraient savoir ce qu'ils sentent.
Denyse, es tu sûre de détester tous les parfums qui contiennent du dh-mol ou de la calone ? Une chose est sûre, je crois que tu t'es très largement exprimée sur le sujet en effet.

Thierry Blondeau a dit…

Ah, j'oubliais, pour les reconnaitre, j'ai essayé de prendre des exemples flagrants. Ainsi, en sentant 2 ou 3 des parfums pour 1 matière, il ne devrait pas être trop difficile de retrouver celle-ci pour s'en faire une idée plus précise.

Anatole Lebreton a dit…

Article vraiment très intéressant! je ne suis pas fan de notes salées non plus mais j'aime beaucoup l'hedione et son effet. Pour pouvoir distinguer les notes j'ai investi dans quelques matières barbares et mon admiration pour les parfumeurs n'en est que plus grande; après avoir reçu un paquet ou le cinnamaldéhyde s'était renversé et avoir par la suite renversé du cashmeran sur une table (deux que je ne supporte définitivement plus): c'est vraiment un art de doser et mélanger ces trucs là!
La méthode de sentir les matières dans 2 ou trois parfums est sans doute moins dangereuse.

Thierry Blondeau a dit…

J'imagine le mélange de cinnamaldéhyde et de cashmeran... ça doit être assez envahissant. C'est effectivement passionnant de jouer avec tout ça, mais certaines gardent leur mystère ! Par contre, il n'y a pas de danger.