samedi 21 août 2010

Bleu - Chanel 2010 : capitaine Spock.

Onze ans après la naissance d'un Allure Homme mûrement réfléchi et qui donna une descendance nombreuse, on pouvait s'attendre à voir naître un nouveau chef de file, une oeuvre de rupture qui ouvrirait une nouvelle voit olfactive. Pourtant, à la découverte de ce Bleu, il ne se passe rien. L'impression qu'il me laisse est la suivante, et c'est un peu comme si l'on était aux commandes de l'Enterprise, vaisseau du capitaine Spock avant de partir à la conquête de la galaxie.
"Nos ventes fléchissent, Allure Homme commence à s'épuiser, et les flankers Allure Homme Sport et Allure Homme Sport Cologne montrent eux aussi leurs premiers signes de faiblesse. Allure Homme Edition blanche a rencontré un succès d'estime, mais met en évidence les limites du nom Allure. Le cycle de ces produits amorce ses premiers fléchissements.
Dans ce contexte, il faut réagir, et à moindre coût. Pour marquer une rupture travaillons sur le nom et son impact plus que sur le jus et son style. Allure, c'est fini. Les études de marché montrant que les hommes aussi veulent rêver, et ce qu'ils demandent est de la sensualité, nous allons travailler à fond l'esthétique autour de la nuit et une couleur ressort de nos études : le bleu. Pas un bleu clair mais un bleu sombre et profond, rassurant et porteur d'un imaginaire suffisamment large pour que beaucoup d'hommes y adhérent (la nuit, New York, la séduction, le blues). Pour le parfum, comme nous visons des marchés sur lesquels nous souhaitons accroître nos parts, Chine, Russie, Us, Inde, une prise de risque est inutile, contentons nous de faire et d'améliorer ce qui marche. Dans cette mission Jacques, Allure à montré qu'il plaisait et constituait une bonne "plate-forme". Votre rôle est de ne pas chercher à choquer. Il vous faut ainsi rassembler le meilleur de ce qui existe déjà chez nous et nos concurrents, et faire un parfum consensuel."

Sans doute l'âme en peine, car on a du mal à s'imaginer qu'il se soit "éclaté" sur ce coup, Jacques Polge s'exécute et reprend sans vraiment aller chercher plus loin les principaux traits de caractère des deux Allures apprécié des esthètes. Pour son Bleu, c'est donc la tête citronnée légèrement sucrée de Allure Homme Edition blanche qui est reprise, littéralement posée sur la structure de Allure faite de lavande, du fameux dhmol, des bois de vétiver et de cèdre sur un fond vanillé ambré. Le tout étant optimisé de manière à ce que rien ne dépasse et ne fasse de bruit. Bleu rejoint ainsi le cortège des masculins actuels, entre un Boss Night et La Nuit de l'Homme, il se faufile dans la nuit, sans faire de bruit.

Aussi déprimant qu'un blues lors d'une nuit pluvieuse à New York, aussi romantique qu'une balade dans les rues bordées de boutiques mondialisées, ce nouveau lancement montre clairement ses ambitions : conquérir le monde voir la galaxie, sans aucune audace ni prise de risque. C'est désolant, mais ça doit marcher.

La famille Wertheimer, dans le rôle du Capitaine Spock aux commandes de Chanel, doit tenir à peu près ce discours : "dépassez l'Allure du son et, à la vitesse de la lumière, partons conquérir le monde... cap sur la galaxie ! Les perfumistas s'en plaignent ? Ne vous inquiétez pas, bientôt, nous allons étendre les exclusifs dans un format plus accessible. De cette manière, nous touchons tous les publics." Habile non ?

16 commentaires:

Le Gnou a dit…

Habile ? Je demande à voir !

On ne peut pas reprocher à Chanel de vouloir vendre ses parfums et d'en tirer du profit, c'est le jeu ! Mais, même dans cette optique, est-ce la bonne stratégie de proposer un produit comme Bleu ? C'est-à-dire une composition qui est une une énième variation sur les poncifs de la parfumerie masculine mondialisée dont l'initiateur est sans doute Aqua Velva en 1935 (citrus, lavande, menthe, vetiver, cèdre, mousse, ambre)

C'est le même syndrome que Guerlain Homme, lancé 2008 , une fougère fraiche très conventionnelle et calibrée pour le marché international. A la même époque, P. Rabanne sortait 1million, baroque, sucré, mielleux, puissant, avec une imagerie bling-bling quasi caricaturale. On sait aujourd'hui que le lingot de Paco a largement remporté la manche en terme de succès commercial.

DAU a dit…

je le trouve sans intérêt et déjà vu (d'ailleurs en commentaire "aveugle" une personne m'a dit:"celui-là, mon fils l'a déjà porté il y a quelques temps!")
mais j'aurais presque envie que ce soit un succès, juste parce que l'odeur n'est pas désagréable et que je pourrais le supporter beaucoup plus facilement que d'autres...

dire ça en commentaire pour un parfum Chanel, ça démontre bien qu'on est tombé fort bas rue Cambon... Mais je trouve qu'ils n'ont à peu près aucun masculin intéressant et que depuis Coco, il n'y a pas grand chose de terrible pour les filles non plus. (Je n'aime ni Allure, ni Coco Mademoiselle, ni Chance) Ok la revisite d'eau première n'est pas mal, mais l'eau de parfum avait été tellement bof...

Thierry Blondeau a dit…

Je ne pense pas que Chanel serait crédible sur le bling bling. C'est sans doute pour cela que les derniers "produits" restent bien conventionnels, bien sages, bien Chanelisés. Pas forcement à notre goût, mais le succès de ces parfums est indéniable. Pas franchement mauvais, mieux fini que le dernier Boss Night, Bleu vise clairement les "relais de croissance" encore possibles. A ce titre, son succès n'est sans doute pas attendu qu'en Europe. Un produit calibré pour marcher, qui porte un nom qui se vend, alors il marchera sans doute.

Six' a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Six' a dit…

(version sans faute de grammaire ;))

100% d'accord.
Grande déception pour moi que ce parfum lisse, effectivement hyper-calibré pour un maximum d'impact commercial, et parfaitement fade. Ce lancement n'a strictement aucun intérêt, à part celui de jeter sur le marché un nouveau nom sur lequel coller des épithètes dans quelques mois - on l'imagine déjà, hein, la future cohorte de Bleu Sport, Bleu Extrême, Bleu Fresh, etc.
C'est moi, ou il n'y a pas si longtemps, on faisait encore du bon parfum, chez Chanel?

encrenoire75 a dit…

En effet, ce Chanel est assez banal. Cependant, peut-être du fait de cette banalité, il y a quelque chose qui m'attire dans ce lancement : ce serait presque le non-parfum que je pourrais envisager pour les jours où je souhaiterais reposer mon nez. Un parfum aussi classe et fade que le costume bien coupé mais sans excentricités qu'il faut bien porter dans certaines situations professionnelles.

Au fait, Méchant Loup, je suis très intéressé par votre remarque concernant un format plus abordable pour les Exclusifs de Chanel ! Je suis très tenté par Sycomore mais 200 ml, c'est un volume important dans ma collection naissante. Auriez-vous plus de précisions à nous donner (notamment une date) à ce sujet ?

Le Gnou a dit…

Bleu va certainement se vendre, à cause de renom de la marque Chanel, d'une campagne marketing sans doute bien étudiée ; mais pas forcement sur ses qualités intrinsèques qui sont bien minces. C'est ce qui est dommage.

Deux ou trois choses qui m'ont interpellé dans Bleu :

- Je trouve l'attaque citrus/aromatique/fraîche assez datée, avec ses cotés métalliques bien synthétiques ; cela m'a fait pensé à Drakkar Noir (le galbanum fruité synthétique en moins). Les parfumeurs arrivent très bien aujourd'hui à obtenir des rendus beaucoup plus naturel dans ce registre. Le talent et la technique de Jaques Polge n'étant pas à mettre en doute, j'en conclu que cet effet est volontaire. Pour quels raisons : pour rassurer avec quelque chose de connu et de familier, pour séduire les quadras/quinquas avec une fragrance proche de celle qu'ils portaient à 20 ans ? En tout cas c'est curieux !

- Le développement et le fond de Bleu semble hésiter entre deux registres : d'un coté le boisé chypré (ou fougère) avec un effet mousse d'arbre, de l'autre coté le boisé ambré plus doux. Les deux ne sont pas forcément incompatibles, mais là on reste au milieu du gué ! Du coup, Bleu manque de forme, de personnalité, il ne sais pas trop où il en est.

- Et pour finir, Bleu n'est pas très costaud. J'ai l'habitude de conserver les touches d'essai que je fais en parfumerie ; j'ai une mouillette d'Allure Homme qui date d'environ un mois et une mouillette de Bleu qui date d'hier : l'intensité odorante est similaire, avec même un petit plus pour Allure ! Comme l'écrit Six' , il va falloir attendre Bleu Extrême ;-)

Anonyme a dit…

Excellentes revues , vos deux dernières. Heureuse de lire que Lutens est redevenu Lutens,moins que Chanel se noie dans le bleu. On espère un nouvel Exclusif sidéral, si c'est prévu.

HH

Anonyme a dit…

Avez-vous des informations sur la date à laquelle les exclusifs seraient accessibles à un autre format ? Merci.

Thierry Blondeau a dit…

Concernant les exclusifs, c'est pour le moment une rumeur qui émane d'une vendeuse de chez Chanel, mais rien n'est confirmé officiellement. Ce serait avant la fin de l'année, peut être pour Noel ? En tout cas, un format plus abordable est très attendu, et c'est à priori entendu... à suivre !
Le Gnou, cet effet "fougère" qui fait penser à Drakkar et aux années 80, c'est le dhmol, au combien facile quand on veut ne pas se compliquer la vie. Matière qui "teste" bien à priori et qui coute 3 fois rien, alors on en use et en abuse ... dans Allure, il était presque noyé dans les notes ambrées, ici, aux coté des facettes aromatique, citronnée et boisée, c'est du réchauffé !

Anonyme a dit…

Bleu de Chanel,

Absolument minable et indigne d'une telle maison.
Comme décrit il s'agit sans doute de capter des client jeunes au détriment de la qualité.
Quelle horeur !

Emmanuelle●MonBazarUnlimited a dit…

Comme je le craignais, également très déçue par "Bleu".
Je l'ai pourtant testé sans à priori, l'esprit ouvert. Et en effet, il n'est en rien désagréable, mais où est donc la créativité ? J'en ai également assez que les maisons françaises aient choisi de distribuer au grand public de telles inepties, et de réserver leurs plus belles créations dans des éditions difficile d'accès, à la fois géographiquement et financièrement.

Mais le pire dans l'histoire, c'est que dans les trois lieux où je l'ai testé (je sais, je suis un peu bornée, mais je donne sa chance au "produit"), c'est-à-dire deux Marionnaud et un Séphora, les vendeuses ont montré elles aussi un certain agacement quand à cette nouveauté. C'est bien la première fois que je vois ce "lâchage" général, ces grimaces une fois le parfum pschitté sur la peau... Et je n'en reviens toujours pas.
Pas très bon pour nos amis de Chanel...

Corto a dit…

Cher Méchant Loup,

Comme je t'en faisais part il y a quelques jours par courriel, je rejoins (et suis heureux d'être rejoint) nos amis amateurs d'odeurs, quant à l'aberration de cette dernière création. Triste, triste époque pour la parfumerie masculine, à moins d'avoir un compte bancaire bien fourni.

Chez Chanel, je vais être sec, mais je me suis arrêté à Antaeus. Depuis, je n'y ai jamais plus rien trouvé de bon.

J'ai eu, par relations, la chance toute relative de sentir le prochain masculin de chez Bvlgari dit "Man" et j'ai bien peur que l'indignation soit à peu près la même, même si question poncifs il se rapproche du moins pire: Allure édition blanche. Enfin, ça reste lamentable quand même.

Troudujol a dit…

Bof... Mélange de Zen de Shiseido, de Azzaro Twin, avec un passage lorgnant vers Play de Givenchy...

Anonyme a dit…

Salut

la bouteille a tourné au bout de trois semaines...

^^

PeG a dit…

Salut,
Étonnement, et contrairement à ce que certains ont dit, mon Bleu scest conservé for longtemps. De plus l'odeur persiste et reviens assez rapidement quand le lieu dans lequel nous nous trouvons est chaud. Après je rejoindrait ceux qui disent qu'il s'efface sur plusieurs jours (comme on peut au s'aiment le remarquer sur les foulards ou écharpes).
Par contre, chose étonnante, les gens le remarque facilement sans le trouver "vulgaire" (heureusement pour un Chanel et pour le prix) mais agréable.
Je pense qu'il ne vaut peut-être pas d'autres parfums de sa gamme mais qu'il sait être remarqué discrètement tout en apparaissant au bon moment.