samedi 8 octobre 2011

Roses barbares !

Le thème de la rose est très largement utilisé en parfumerie, mais il se présentait jusqu'à une époque plutôt récente par une représentation assez timide de l'odeur de la fleur dans ses coloris les plus classiques : rose doux ou intense, blanc, rouge. Depuis le milieu des années 2000, une facettes plus sombre de la rose est explorée autour des couleurs pourpre, carmin et noire. Le travail consiste souvent à partir d'un accord rose et de l'accentuer par une facette patchouli et par l'ajout de bois se conjuguant à un accord plus sombre constitué de cashmeran ou de oud. Le résultat apporte des roses sombres, ou plutôt en clair obscur, fraîches, mais énigmatiques, fleuries, mais piquantes. On peut ainsi, dans les parfums en question, quasiment deviner ce que sent la tige avec ses épines. La voie fut ouverte par Perles de Lalique, et quelques autres ont emprunté le chemin depuis.

Rose Barbare de Guerlain 2005 :
Une rose aux épines apparentes, tel semble avoir été le propos de la création de ce parfum. Utilisant un thème rose-patchouli enroulé de muscs exploré dans Narciso Rodriguez For Her et repris plus tard dans Lumière Noire dans sa propre maison, Francis Kurkdjian conjugue ici la rose rouge bien foncée à un accord de miel ambré et de patchouli, qui apporte une facette très sombre, presque terreuse à la rose. Je crois deviner une petite dose de cashmeran pour rendre cet effet, sans en être vraiment certain. Elle devient donc barbare, parce qu'elle sait refuser tous les codes classiques de la fleur et ne cède pas à la facilité et à la mièvrerie. Cette rose crie, crisse, grince même parfois comme le son d'une bonne guitare électrique ou le cri d'un barbare mais c'est en cela qu'elle est stylée. Elle assomme sans mesure, à en tomber, mais elle assume.

Bloom de David Yurman 2008:
ce parfum reprend quasiment le même thème mais la nuance s'agrémente d'une facette plus jasminée-tilleul, ce qui lui apporte des effets "dorés". La texture des bois ambrés est plus épaisse également. Un "effet oud", également présent dans Rose Barbare lui donne encore plus de corps que dans ce dernier. La rose deviendrait ainsi presque carmin-orangée avec des reflets mordorés. Pied de nez, coup de tonnerre, elle grondera mieux sous le soleil du désert que dans les rues de Paris, mais quelle audace, quelle panache ! Bloom (est ce vraiment son nom ?) est un beau parti pris pour un flacon qui mérite lui aussi le détour, à prix presque cadeau qui plus est !

For Her In Color de Narciso Rodrigez 2011 :
reprenant à son compte pour cette édition limitée le thème de la rose sombre et barbare, For Her revient à ses origines. Accentué par quelques notes épicées, l'envolée du parfum est plus sombre, plus énigmatique. Le coeur se fait plus vanillé et amandé, avec un effet "prunol" (confiture cuite) auquel un osmanthus ne serait pas étranger si j'en crois mes narines. Bien sûr, les muscs aussi sont de la partie, comme jamais. Le sillage est encore plus dense et la texture elle aussi s'épaissit et couvre la peau d'un beau velours cramoisi.

Figurez vous que les hommes ne sont pas en reste, car la rose barbare peut aussi être considérée comme thème central dans des parfums comme Boucheron pour Homme et Gentleman de Givenchy, intemporels et à redécouvrir. J'ai également exploré ce thème dans Jessy's Rose (encore disponible sur demande), autour d'une rose fraîche qui aurait déjanté "à la Nina Hagen" par un départ crissant et citronné de verveine, pour se fondre ensuite dans le patchouli, le santal et les muscs. Celles qui l'on adopté en parleraient sans doute mieux que moi.

Roses sang, roses guerrières, roses "Mylèniennes", sombres et émouvantes dont voici un premier aperçu. Elles n'ont pas envie d'être gentilles ! Je pourrais également ajouter Portrait of a Lady, mais il a déjà eu son propre article. Et vous, aimez vous ce thème, ce style de parfums ? Laquelle de ces roses barbares serait votre préférée ? Laquelle mériterait ce titre également selon vous ?

Illustrations : Uma Thurman par David Lachapelle, Guerlain, David Yurman, Narciso Rodriguez.

2 commentaires:

Maowel a dit…

Article passionnant autour de cette fleur que j'ai longtemps détestée en parfumerie car elle n'évoquait pour moi qu'une chose : l'odeur du pot-pourri !

Heureusement, cela a changé, et aujourd'hui c'est sans doute l'ingrédient dont je trouve les variations nombreuses qui en sont faites toutes plus intéressantes les unes que les autres. Mes préférées sont Rose de Nuit de Lutens, que je trouve vraiment sombre et profonde, en plus d'être "chic" ; Givenchy III, d'une école plus classique évidemment, mais à laquelle je trouve une structure vraiment forte ; et Une Rose de Frédéric Malle, la plus belle jusqu'à maintenant... (enfin, selon moi ! ;) Il me tarde de découvrir Portrait of a Lady

Thierry Blondeau a dit…

Maowel, les roses que vous citez sont de beaux exemples, mais elles sont plus "soliflores" que "barbares". Je suis ravi de constater que la rose revient sur la scène avec moins de connotations négatives, car c'est aussi ma fleur préférée (voir article sur Jessy's Rose en Nov 2010).
Portrait of a Lady est une oeuvre à découvrir si vous aimez l'idée de la rose noire opulente.